Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités locales, sur le bilan et les perspectives de l'intercommunalité, Deauville le 13 octobre 2006.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les élus,
Je souhaite, tout d'abord, remercier le président de votre association, Marc CENSI, de m'avoir invité à m'exprimer devant vous. Je le remercie d'autant plus qu'il a tout de suite accepté de bouleverser quelque peu le programme des interventions puisque, vous le savez sans doute, j'étais hier et avant hier à l'Assemblée pour défendre le projet de loi qui réforme et modernise la fonction publique territoriale.
Permettez-moi, ensuite, de rendre un hommage particulier au travail dynamique de votre association, reconnue comme une véritable force de propositions. Par ses réflexions et les travaux qu'elle initie, l'ADCF offre une grille de lecture originale pour mieux appréhender l'intercommunalité. La diversité de vos Forums et Ateliers témoigne même de la volonté d'aller de l'avant et de rechercher ensemble des solutions de perfectionnement du dispositif.
L'année précédente était placée sous le signe du constat, du bilan. L'année 2006 est celle de la concertation. L'année 2007 devra logiquement être celle de l'action.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur le bilan contrasté des quinze premières années de l'intercommunalité, avant de dresser avec vous plusieurs perspectives d'avenir. Des perspectives pour lesquelles nos débats d'aujourd'hui ne portent aucunement sur le bien-fondé de l'intercommunalité, mais bien sur son fonctionnement et son développement.
I- Je crois que pour qualifier au mieux le bilan des quinze années d'intercommunalité, nous pouvons parler de crise de croissance.
A. L'intercommunalité est, tout d'abord, un incontestable succès quantitatif.
L'intercommunalité est désormais très fortement installée dans le paysage local.
1) Quelques chiffres donnent la mesure et l'amplitude du phénomène.
a) L'intercommunalité est un succès auprès des Français.
Les résultats du sondage grand public de l'ADCF commandé à l'IFOP en témoignent clairement. Pour la 2ème année consécutive, vous nous livrez ces informations très instructives.
Elles révèlent une grande stabilité de l'image de l'intercommunalité dans l'opinion, puisque l'intercommunalité est perçue comme une bonne chose par 88 % des sondés, contre 87 % l'an dernier.
J'ai parcouru l'ensemble du questionnaire et ai été frappé de voir combien les Français sont en phase avec nous sur cette question, ce qui valide nombre de nos pistes d'investigation. Par exemple, ils placent l'intercommunalité en tête des échelons institutionnels qu'il faudrait renforcer à l'avenir. Nous sommes là au coeur du sujet!
b) L'intercommunalité est aussi un succès auprès des élus.
L'intercommunalité a pris son véritable essor avec la loi ATR à partir de 1992, puis surtout avec la loi Chevènement de 1999.
En moins de 15 ans, l'intercommunalité à fiscalité propre s'est ancrée durablement dans le paysage institutionnel local.
Au 1er janvier 2006, l'intercommunalité touche très exactement 32.902 communes (soit 90 % d'entre elles) et 53,3 millions d'habitants (soit 85 % de la population française). Certains départements, comme dans l'Eure où je me suis rendu la semaine dernière, sont couverts à 98 %.
On compte 2.572 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dont 2.388 communautés de communes, 164 communautés d'agglomération et 14 communautés urbaines.
L'extension de la taxe professionnelle unique (TPU) se poursuit, et plus de 40 millions de français habitent aujourd'hui au sein d'un groupement à TPU.
2) Au-delà des seuls chiffres, l'intercommunalité est aussi un succès car elle est un outil d'égalité des territoires.
Le mille-feuilles se double d'une mosaïque que constituent près de 36.800 communes, dont certaines de 10 habitants où, parfois, le maire tient le conseil municipal dans sa cuisine.
Chacun s'accorde donc à dire que l'intercommunalité est une bonne réponse à l'émiettement communal tout en correspondant au besoin de proximité de nos concitoyens. Elle permet de rééquilibrer localement les richesses entre communes riches et moins riches et de promouvoir une réelle égalité de nos territoires. Dans de nombreux bassins de vie, elle facilite les projets de développement et permet de mutualiser les coûts de fonctionnement sur des compétences structurantes (ordures ménagères, adduction d'eau, assainissement, transports).
B. Le bilan qualitatif est, en revanche, plus contrasté.
Le succès ne doit pas masquer de réelles faiblesses en profondeur.
1) Aujourd'hui, l'intercommunalité est un mouvement inachevé.
a) Vous le savez tous, l'année 2005 a été émaillée de rapports sur l'intercommunalité, souvent critiques, de la Cour des comptes, du Parlement, et du Conseil Economique et Social. La Cour des comptes a souligné le caractère "parfois inachevé" de la construction de l'intercommunalité et a appelé à une nouvelle étape, plus qualitative et encore plus ambitieuse. D'autres rapports à charge sont venus alimenter le débat sur une intercommunalité finalement victime de son succès.
b) Elle souffre de plusieurs grands maux.
Beaucoup de ces critiques sont fondées car le succès quantitatif a longtemps occulté les faiblesses du dispositif.
Quels ont été les principaux reproches adressés à l'intercommunalité ? Tour à tour, ont été dénoncés l'absence de pertinence des périmètres, la difficulté de définir l'intérêt communautaire, le partage des compétences ainsi que les surcoûts. S'y sont ajoutés le manque de souplesse des règles institutionnelles et le déficit démocratique. Trop souvent, les EPCI se sont érigés en structures de gestion alors que leur raison d'être, c'est le projet.
Peu à peu, l'intercommunalité est apparue comme le maillon faible de l'édifice actuel. Or, ma conviction profonde est précisément que l'intercommunalité constitue l'élément structurant de la France de demain.
2) C'est pourquoi avec Nicolas SARKOZY, nous avons décidé de réagir au plus vite afin de relancer l'intercommunalité.
La circulaire du 23 novembre 2005, que j'ai co-signée avec le Ministre d'Etat, avait pour ambition d'engager une vaste concertation avec les élus afin de répondre aux critiques.
a) Aux différents maux, nous avons prescrit trois grands remèdes :
- la rationalisation des périmètres ;
- le partage des compétences et l'intérêt communautaire ;
- la clarification des relations financières entre les groupements et les communes membres.
b) Dans ce cadre précis, j'ai chargé les préfets d'élaborer un schéma d'orientation de l'intercommunalité dans chaque département, en étroite concertation avec les élus et la Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI).
A cet égard, j'ai été attentif à votre relative insatisfaction sur les modalités de concertation, sentiment corroboré par le questionnaire destiné aux présidents d'EPCI (40 % insatisfaits, 34 % satisfaits). La configuration actuelle de la CDCI vous pénalise, et les EPCI sont, à l'évidence, sous-représentés. C'est bien ce type d'anomalie que je souhaite corriger à l'avenir.
c) La définition de l'intérêt communautaire, qui était bien requise pour le 18 août, constituait une étape importante pour mieux positionner les rôles respectifs des communes et des EPCI.
Les élus doivent être conscients des risques juridiques que leur font courir une définition incomplète, voire une non-définition de l'intérêt communautaire. Un bilan est en cours. J'ai demandé aux préfets d'exercer un contrôle de légalité rigoureux pour s'assurer de la clarification des compétences qui découle de la mise en oeuvre de l'intérêt communautaire.
3) Quelles leçons tirer de la concertation?
a) D'ores et déjà, un bilan très positif.
Sur le fond, le résultat est globalement de grande qualité. Les objectifs qui en étaient attendus me paraissent globalement atteints.
Ce travail a eu le mérite de produire une "photographie" fidèle de l'intercommunalité en 2006, à la fois sur les plans quantitatif et qualitatif.
Ce travail a validé, de manière argumentée, les constats qui avaient été faits par les observateurs du fait intercommunal que sont notamment la Cour des comptes et le Conseil économique et social.
b) La quasi-totalité des schémas a reçu un avis favorable de la CDCI (seulement 4 défavorables), le plus souvent assorti de remarques et de propositions d'améliorations du périmètre.
Les préfets avaient jusqu'au 30 juin 2006 pour me transmettre leur schéma, la date ayant été repoussée au 31 décembre pour les départements de la région Ile-de-France et les DOM TOM. Sur 97 schémas élaborés, la moitié d'entre eux a formulé des voeux d'évolution législative.
A court terme, la réflexion autour du schéma a permis dans certains cas de faire "mûrir" des situations, s'agissant de communes isolées ou de syndicats obsolètes.
J'ai demandé aux préfets de continuer d'avancer, car dans cette matière comme dans l'autre, le mouvement crée sa propre dynamique. L'exemple d'une commune adhérant à un EPCI peut conduire d'autres récalcitrants à franchir le pas. La disparition de certains syndicats, spécialement de SIVOM ayant perdu une partie de leur raison d'être, doit rester un objectif.
A moyen terme, et quand je dis à moyen terme je pense bien sûr à l'après-échéances électorales locales, les perspectives de fusions dégagées sont une étape importante de la rationalisation des périmètres. Il faut continuer de les préparer, car ce sont des opérations délicates, à la fois sur le plan politique bien sûr mais aussi sur le plan technique.
La rationalisation des périmètres reste donc l'une des priorités absolues. Questionnés, les présidents d'EPCI ne disent pas autre chose puisqu'ils sont 61 % à considérer que le périmètre de leur communauté doit être amélioré.
Quelles sont les suites immédiates à donner ?
Cette démarche ouvre un chantier important qui va se poursuivre dans les mois et les années à venir. De lui dépendra en partie l'efficacité de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui la gouvernance locale.
Hormis les cas nécessitant une évolution du cadre juridique, les préfets ont toute latitude pour rechercher les solutions qui privilégient le consensus et rendre les projets opérationnels. Nous ne souhaitons pas forcer le destin des territoires mais il faut anticiper les mutations.
II. Quelles perspectives ? Quels défis pour l'avenir ?
Les budgets intercommunaux dépassent, aujourd'hui, de 40 % le montant des budgets régionaux et atteignent 50 % des budgets départementaux. En 2006, la TPU représente les ¾ du produit de TP du secteur communal. C'est dire la réalité que représente l'intercommunalité.
Ces évolutions peuvent être regroupées autour de trois volets. L'un ayant trait au fonctionnement de l'intercommunalité, le second aux questions financières et fiscales, et le dernier à la légitimité des EPCI et plus globalement à leur statut.
A. Le premier défi a trait au fonctionnement de l'intercommunalité.
Le bon fonctionnement des intercommunalités est conditionné par la pertinence des périmètres et par les conditions d'exercice des compétences. Il faut donc travailler à optimiser ces deux points.
a) Poursuivre la rationalisation des périmètres.
La non pertinence des périmètres voire leur incohérence est l'une des critiques fortes faites à l'intercommunalité telle qu'elle s'est construite en France. A cet égard, les objectifs doivent être de renforcer la pertinence des périmètres des EPCI à fiscalité propre.
- Le premier doit consister à faciliter les regroupements des EPCI déjà existants.
La loi liberté et responsabilités locales de 2004 a prévu un dispositif de fusion des EPCI qui doit jouer pleinement.
J'ai relevé que deux sur trois des présidents d'EPCI consultés par questionnaire envisagent une fusion pour la période après 2008/2010, et j'y encourage tous les élus.
- Le deuxième objectif vise à réduire le nombre de syndicats. Sur les 18.000 existants, seuls 2.000 ont été supprimés depuis 1999. La réduction du nombre de ces syndicats doit être recherchée plus activement.
- Le troisième objectif est celui de compléter la carte de l'intercommunalité à fiscalité propre. Je pense à la disparition de certaines enclaves et, peut-être, conviendrait-il d'envisager un pouvoir plus contraignant donné au préfet, à défaut d'action des élus. Il serait temporaire et encadré.
On peut également ouvrir une réflexion sur la pertinence des seuils, notamment pour la création de nouvelles communautés de communes, notamment en milieu rural.
La contrepartie de ce volontarisme dans la réduction des enclaves serait une ouverture des procédures de retrait, sous condition d'adhésion à un autre EPCI à fiscalité propre. En cas de blocage institutionnel, il paraît indispensable de prévoir des "plages de divorce", c'est-à-dire de retrait d'une commune d'un EPCI, sous certaines conditions de délai, au regard notamment des échéances municipales. Là encore, le dispositif pourrait être transitoire, comme l'avait été celui instauré par la loi libertés et responsabilités locales pour les communautés d'agglomération.
En parallèle, nous devons réfléchir également à une modification de la composition de la CDCI.
Ses compétences pourraient être accrues, avec une meilleure représentation des intercommunalités.
b) Veiller à l'exercice effectif des compétences.
Effectivité, approfondissement, élargissement : tel doit être notre triptyque.
L'effectivité
L'exercice imparfait des compétences transférées est l'une des critiques majeures faites à l'intercommunalité à fiscalité propre, comme source de surcoût et de doublons. Les EPCI doivent se saisir des compétences inscrites dans les statuts et les mettre en oeuvre.
L'effectivité du transfert et de l'exercice des compétences doit être contrôlé par les préfets. Or, la Cour des Comptes évoque le chiffre de 50 % des cas dans lesquels ce transfert de moyens n'est pas réalisé correctement. Ceci explique, en partie, l'inflation, en particulier en termes de personnels, qui a accompagné la généralisation de l'intercommunalité, et dont on ne peut se satisfaire. Je n'exclus pas d'accroître les moyens de contrôle des préfets en ce domaine.
L'approfondissement et l'élargissement des compétences
Si l'on souhaite optimiser le rôle des EPCI à fiscalité propre, l'un des leviers pourrait être de revoir le contenu de leurs compétences, soit par un approfondissement ou un élargissement. L'approfondissement passerait par une définition étendue du contenu de chacune des définitions légales des compétences.
Actuellement, dans le cadre du contenu légal de la définition des compétences, le partage entre le champ d'intervention des EPCI et des communes se fait principalement par le biais de l'intérêt communautaire.
Toutefois, le travail mené pour faire face à l'échéance du 18 août 2006 a révélé que certaines compétences se prêtaient mal au découpage "géométrique" qui sous-tend la logique de l'intérêt communautaire. C'est le cas des compétences "transversales" où les interventions croisées sont la règle : habitat, politique de la ville... Pour celles-ci, le recours au concept de chef de file introduit dans la Constitution en 2003, éventuellement à titre expérimental dans un premier temps, et sur un mode négocié, me semble une piste intéressante. Les EPCI peuvent légitimement prétendre à ce rôle pour certaines compétences. Je pense au PLH dans le cas de la compétence habitat.
D'autres compétences se heurtent à des problèmes sur le terrain, je pense aux compétences voirie, assainissement ou éclairage public.
Ainsi, le 4 octobre dernier, la Commission des affaires économiques a adopté un amendement du sénateur Ladislas PONIATOWSKI visant à opérer une distinction entre l'investissement et le fonctionnement en matière d'éclairage public. Une réflexion approfondie doit porter sur toutes ces compétences.
Pour ce qui est des pouvoirs de police, la loi libertés et responsabilités locales a prévu la possibilité de transférer à l'EPCI certains pouvoirs de police spéciale attachés à l'exercice de ses compétences. Cependant, cette avancée a été limitée à 5 domaines, et strictement encadrée sur le plan procédural, ce qui en amoindrit l'impact concret. Les modalités d'amélioration du dispositif sont en cours d'étude, de même que celles de la création d'une véritable police intercommunale.
B. Le deuxième défi porte sur les finances intercommunales.
Premier message : le Gouvernement a respecté ses engagements.
La Conférence nationale des finances publiques du 11 janvier dernier a manifesté la ferme volonté du Gouvernement de réduire la dette publique abyssale de notre pays qui, alors qu'elle était de 92 Mdseuros en 1980, a atteint 1.117 Mdseuros fin 2005. Il a été décidé, par conséquent, que le poids de la sphère publique n'aurait désormais plus le droit d'augmenter.
Néanmoins, et à titre exceptionnel, le Gouvernement a décidé de ne pas vous appliquer le sacrifice qu'il s'est imposé à lui-même et est même allé au-delà et ce, en reconduisant en 2007, comme cela avait déjà été le cas en 2006, le contrat de croissance et de solidarité, assurant ainsi à l'enveloppe des concours financiers de l'Etat une progression alignée sur l'inflation et 1/3 de la croissance du PIB, soit 2,22 %.
Cette reconduction sans condition correspond donc à une progression de 985 Meuros.
Second message : Le changement de dimension budgétaire de l'intercommunalité nécessite d'engager une nouvelle réflexion sur les trois chantiers majeurs des finances intercommunales: la DGF intercommunale (a), la fiscalité des EPCI (b) et enfin, la maîtrise de la dépense publique locale (c).
a) En premier lieu, la DGF des EPCI
La DGF intercommunale atteignait 500 Meuros en 1993. En 2006, elle dépasse les 2,1 Mds euros (hors dotation de compensation). Ce quadruplement résulte essentiellement du développement de l'intercommunalité.
Trois efforts méritent d'être plus particulièrement soulignés :
- Tout d'abord, le gouvernement a eu le souci de maintenir le pouvoir d'achat de la DGF intercommunale. A titre d'exemple, je rappellerai que la dotation moyenne par habitant a augmenté de 4 % pour les communautés de communes en 2005 puis 2006.
- Ensuite le gouvernement a veillé, lors de la réforme de 2005, à rééquilibrer l'intercommunalité en faveur du milieu rural. La loi de 1999 avait fortement mis l'accent sur l'intercommunalité en milieu urbain. Aujourd'hui encore, la DGF des communautés de communes connaît une plus forte progression et varie en moyenne, selon les choix fiscaux effectués, de 18 à 30 euros alors que celle des communautés d'agglomération est de 42 euros.
- Enfin, la loi de finances a également veillé à renforcer la prévisibilité de la DGF intercommunale en simplifiant le calcul du coefficient d'intégration fiscale, en augmentant le poids de la dotation de base, moins instable que la dotation de péréquation, et en aménageant les règles de calcul des garanties.
Je dirai aussi un mot des villes-centres et des charges de centralité car cette question est sensible. Les solutions qui concilient mieux les charges de centralité et l'intérêt communautaire à travers les leviers existants, l'attribution de compensation et la dotation de solidarité communautaire, semblent préférables à la création d'une enveloppe particulière au sein de la DGF.
b) En deuxième lieu, la fiscalité
- Permettez-moi de vous adresser les messages suivants sur la réforme de la taxe professionnelle.
Le Gouvernement a démontré sa volonté de prendre en compte vos préoccupations. Comment ?
Conscient et sensible aux difficultés financières que cette réforme peut occasionner pour des collectivités dont la proportion de bases faisant l'objet du plafonnement est élevée, le Gouvernement a accepté l'adoption de plusieurs amendements parlementaires permettant de diminuer le coût des dégrèvements mis à la charge des collectivités.
Dans un premier temps, ces dispositions permettent de réduire de 20 % le montant demandé à la collectivité lorsque celle-ci se trouve désavantagée par une forte proportion de bases plafonnées et un poids du « ticket modérateur » important au regard de ses ressources fiscales.
En outre, la réfaction du « ticket modérateur » peut être portée jusqu'à 50 % pour les collectivités qui seraient défavorisées au regard de la taxe professionnelle par une richesse fiscale par habitant inférieure à la moyenne nationale.
Enfin, pour les EPCI à taxe professionnelle unique dont la très grande majorité des recettes fiscales sont dépendantes de la taxe professionnelle, un mécanisme particulier et plus favorable a été mis en place qui prévoit que le « ticket modérateur » est automatiquement réduit de 20 % lorsque la part de bases plafonnées est supérieure à 50 % des bases totales. Concrètement, les simulations réalisées par le ministère délégué au Budget permettraient d'estimer qu'environ 110 EPCI à TPU (sur les 2.500 EPCI dont 1.100 à TPU) disposent de bases plafonnées à plus de 70 % parmi ceux-ci, il n'est pas encore possible de savoir quels seront ceux dont les bases connaîtront une dynamique faible.
Vous le savez, en tant qu'élu, je suis particulièrement attentif à ce sujet qui touche plusieurs EPCI de la région Auvergne. Il s'agit de répondre efficacement à vos interrogations et d'apaiser concrètement vos inquiétudes.
Un guide pratique de cette réforme élaborée conjointement par les services du MINEFI et du MIAT sera bientôt disponible. J'ai également demandé à la Direction Générale des Collectivités Locales de suivre attentivement l'application générale de la réforme afin de me signaler chaque cas particulier.
Au vu des enjeux de cette réforme pour les sociétés, et des nombreux aménagements déjà réalisés, Jean-François Copé, qui a réuni avant-hier plusieurs représentants d'associations d'élus, a précisé qu'aucun report n'était possible et que tout report ne ferait qu'accroître le coût éventuel du ticket modérateur.
Il faut donc maintenant laisser le temps à cette réforme d'être mise en oeuvre et de produire ses premiers effets avant d'en dresser un bilan provisoire à la fin de l'année 2007 et d'en tirer les conséquences législatives qui s'imposent, le cas échéant.
En revanche, et je vous l'annonce aujourd'hui, j'ai été sensible aux arguments que votre Président a pu avancer lors de nos différentes rencontres. Je ne suis donc pas hostile à l'ouverture du débat quant à un aménagement supplémentaire au bénéfice d'EPCI à TPU qui seraient victimes de ce que vous appelez la "double peine" lorsque que le coût du ticket modérateur s'accompagne d'une baisse des bases imposables.
Sachez aussi que l'application de cette réforme n'empêchera nullement que nous continuions ensemble, avec vous, à préparer la fiscalité locale de demain.
Cette problématique rejoint la question plus globale de la fiscalité locale.
- La fiscalité locale est, à l'évidence, un sujet de réflexion qui a de l'avenir.
Tout le monde est d'accord sur le diagnostic, mais à chaque fois que le dossier a été ouvert, on s'est empressé de le refermer...
Notre fiscalité locale est à bout de souffle. Les bases sont désuètes et les calculs sont extrêmement complexes : sur la fiche d'imposition de tous les contribuables, il n'y a pas moins de cinq opérations avant d'arriver au montant de la taxe foncière!
Au-delà des "rustines", il nous faudra bien envisager un jour une réforme plus globale de la fiscalité locale. L'AMF et l'ADF ont souhaité travailler le sujet avec le Conseil Economique et Social.
La spécialisation des impôts locaux est l'une des pistes à explorer. On peut également s'inspirer de pays proches, qui ne connaissent parfois qu'un seul impôt local réparti entre les différentes strates de collectivités.
- Le besoin de lisibilité et de simplification est aussi, à l'évidence, une nécessité pour l'action publique locale au risque de décourager définitivement ceux qui s'y engagent. Notamment dans les petites communes pour qui l'intercommunalité peut être un apport considérable.
Au total, le paysage de l'action locale n'a sans doute jamais été aussi complexe. Je n'ai pas besoin de multiplier les exemples : qui parmi nous est capable de recalculer le montant de la DGF de sa commune ou de son EPCI ?
c) En troisième lieu, la maîtrise des dépenses publiques locales
La question de la maîtrise de la dépense publique est cruciale. Elle l'est d'autant plus pour le secteur communal et intercommunal que la superposition de ces deux niveaux de gestion rend opaque, pour les citoyens et les décideurs locaux, les dépenses locales et donc des prélèvements effectués sur le contribuable local. Et que dire des doublons?
Dois-je rappeler que les charges de personnel des groupements à fiscalité propre (calculées sur seuls budgets principaux) sont passées de 1,6 milliards d'euros en 2000 à 3,6 milliards en 2005, soit une multiplication par 2,25 ?
Plus préoccupant encore, cet accroissement s'accompagne d'une augmentation des charges de personnels de l'ensemble des communes qui passent, elles, de 23,3 Mdeuros à 27,9 milliards, soit une progression de 19,6 %.
L'ensemble communes + groupements passe ainsi d'une charge totale de 24,9 Mdeuros à 31,5 milliards, soit une augmentation de 26 %.
Les effectifs se sont, eux aussi, nettement accrus dans les communes passant de 1.045.000 agents en 1999 à 1.086.000 fin 2004, cependant que celui des EPCI (y compris SIVOM et SIVU) passait de 124.500 agents à 190.700 fin 2004.
Il est devenu urgent de mettre en place des outils de pilotage pour permettre la lisibilité et l'évaluation de l'efficacité de l'action intercommunale. Nos concitoyens perçoivent nettement que l'on peut dépenser mieux, et vos sondages, une fois encore, en témoignent.
C. Le troisième et dernier défi concerne le statut de l'intercommunalité et sa légitimité.
La définition de périmètres pertinents, l'exercice effectif des compétences voire leur renforcement, sont deux orientations nécessaires pour que l'intercommunalité de projet apporte tous les bénéfices qui en sont attendus. Un tel repositionnement des EPCI implique, cependant, une consolidation de leur statut et une vraie légitimité.
a) Consolider le statut de l'intercommunalité.
Cette question peut être abordée de différentes manières, en appuyant les EPCI sur les communes, donc en renforçant leurs liens, mais aussi en oeuvrant à leur faire gagner une autonomie accrue, ce qui conduirait, à terme, à se poser la question du statut des EPCI.
Très rapidement, quelques pistes de réflexion :
- Le renforcement des relations communes / EPCI pourrait être accentué car le fonctionnement de ce binôme n'est pas toujours satisfaisant ;
- Ou à l'inverse, nous pourrions aller vers plus d'autonomie des EPCI à fiscalité propre vis-à-vis des communes ;
- De même, nous pourrions aussi affirmer la place des EPCI à fiscalité propre comme acteur clé des territoires et de la politique de contractualisation ;
- Enfin, pourquoi ne pas introduire une dimension dite de "l'intercommunalité de service" dans l'intercommunalité?
Mais, vous vous en doutez, ce renforcement du rôle des EPCI rendra encore plus sensible la question de leur légitimité démocratique.
b) Renforcer sa légitimité.
Le dernier questionnement, et non des moindres, est celui de la légitimité démocratique.
La question de la légitimité démocratique des EPCI à fiscalité propre, au regard de leurs compétences et de leur pouvoir fiscal, est posée depuis plusieurs années.
Je sais qu'elle apparaît comme prématurée aux yeux de nombreux élus. Ne devrait-elle pas, néanmoins, être envisagée progressivement comme un préalable nécessaire à une évolution de l'intercommunalité ou peut-être même comme son couronnement?
La réponse technique, elle, doit sans doute s'inspirer du dispositif PLM. Celui-ci permet d'imaginer des solutions pour l'élection des conseillers communautaires. S'agissant du président, son élection directe poserait des difficultés en termes de gouvernance locale. Le risque serait celui d'une forme de "cohabitation".
Ces questions sont centrales, et j'invite toutes les associations d'élus à y réfléchir afin que chacun apporte sa contribution et imagine des solutions.
Vous le voyez, les chantiers sont nombreux. Soyez certains, en tout cas, que le souhait du Gouvernement est de donner à l'intercommunalité toute la force qu'elle mérite. Mais sachez aussi qu'il est de son devoir de veiller à ce que l'intérêt général soit toujours celui qui prime, et que le grand gagnant reste toujours le citoyen-contribuable-usager. Dans ce combat, je sais pouvoir compter sur vous.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 17 octobre 2006