Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur le rôle des sociétés d'économie mixte dans l'avenir des villes notamment la revitalisation économique des quartiers, l'amélioration du cadre de vie et l'intégration sociale des habitants, Reims le 5 octobre 2000.

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Circonstance : Congrès national des sociétés d'économie mixte à Reims le 5 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les présidents
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs
Permettez moi pour commencer de vous adresser quelques remerciements.
D'abord d'avoir renouvelé votre invitation à partager vos réflexions lors de ce congrès que vous avez chaque année, et auquel je n'avais pu me rendre il y a un an.
Ensuite, Monsieur le président, pour les propos que vous venez de tenir. Ils sont simples, ils sont concrets, ils sont directs. Le décor est bien planté, si je peux me permettre cette expression.
Oui, nous allons parler du rôle des sociétés d'économie mixte dans l'avenir des villes. Et si je suis parmi vous aujourd'hui, c'est bien parce que j'y crois. Et je vais tenter de vous expliquer à quelles conditions.
Prenons quand même un moment, pour nous rappeler de quelles villes nous parlons. Si la question du modèle de développement urbain, est mon ambition, l'urgence sociale m'invite d'abord à me préoccuper des villes qui vont mal : des quartiers confrontés à la crise des banlieues, comme on le dit couramment.
C'est à la reconquête de ces villes que je me suis attelé.
Vous connaissez ces territoires de la politique de la ville. En effet, bon nombre de sociétés d'économie mixte d'aménagement, ont défini et réalisé ces quartiers. Elles en portent d'une certaine manière, avec l'Etat et les collectivités locales, la responsabilité. Aujourd'hui elles continuent d'y intervenir pour remédier aux difficultés de ces quartiers.
Un mot sur ces difficultés, car l'analyse que nous en faisons aujourd'hui est sensiblement différente de celle qui a pu en être faite par le passé.
La crise urbaine se concentre dans des quartiers récents d'habitat social dense et d'une architecture très marquée : des tours, des barres, des aménagements sur dalle.
Cette visibilité a conduit nos prédécesseurs à se préoccuper principalement de rénovation de logements, d'aménagement et de desserte des territoires. Et c'est d'ailleurs sur ces activités là que les SEM ont été les plus impliquées.
Mais la pérennité de cette crise, voire son durcissement, nous a conduit à affiner l'analyse.
Nous reconnaissons aujourd'hui que le poids du chômage, la paupérisation qui en a suivi, et le développement de l'inactivité, sont des éléments déterminants de la crise urbaine.
La violence, le rejet de toute forme d'autorité, à commencer par celle des institutions, ne sont que l'expression de l'abandon, d'abord ressenti par les jeunes, puis par toutes les générations des quartiers.
Elle risque de consacrer une rupture, déjà à l'uvre, au sein même de notre société, contre laquelle nous devons nous ériger. Car à en tolérer la lente installation, c'est aux principes mêmes qui fondent notre République, que nous renoncerions.
Or c'est à une ville de citadins pleinement citoyens que je veux oeuvrer.
Il s'agit d'une nouvelle ambition pour la politique de la ville, soutenue par le Premier Ministre et l'ensemble du gouvernement, et avec des moyens exceptionnels.
Depuis 1998, le budget spécifique du Ministère de la ville a triplé, passant de 755 MF à 2500 MF. En 2001, le projet de loi de finances a prévu encore d'y consacrer une augmentation de 8 %.
Mais plus important et plus révélateur encore d'une volonté collective, c'est l'effort public global pour la ville qui a lui aussi été considérablement augmenté, passant de 21 milliards de francs en 1998 à près de 35 milliards de francs en 2000, soit le budget attendu par JP Sueur dans son rapport sur la ville en 1998.
Dans la durée, cet effort exceptionnel sera maintenu : nos crédits sont inscrits dans les contrats de ville, qui garantissent un engagement de l'Etat sur une durée de 7 ans. Avec 8 milliards de francs en crédits spécifiques du seul ministère de la ville, les contrats de ville mobilisent pour la nouvelle génération de contrats, deux fois plus de moyens que par le passé.
Je ne souhaite pas vous assommer de chiffres et je m'en arrêterai là. Oui la politique de la ville a les moyens de ses ambitions.
Pour conduire cette ambition, un changement d'échelle est nécessaire. Pour traiter les quartiers, il faut aussi savoir en sortir ou plutôt les sortir et les replacer au sein de l'agglomération toute entière. C'est une politique de reconstruction de toute la ville que nous voulons engager.
A cet effet plus de deux cents contrats de ville, le plus souvent intercommunaux, seront signés d'ici la fin de l'automne.
Mais certains sites nécessitent une intervention plus structurante encore ; c'est pourquoi j'ai lancé le programme des grands projets de ville. 50 sites sont concernés. Ils vont faire l'objet d'une attention toute particulière, notamment en terme d'investissements publics.
Souffrant d'équipements publics vétustes ou insuffisants, de centres commerciaux désormais obsolètes en tous cas inadaptés aux nouvelles habitudes de consommation, encore mal desservis par les transports communs, ces quartiers vont bénéficier de travaux importants sur le moyen terme.
Ces grands projets de villes doivent permettre aux habitants de mieux vivre ensemble.
Il ne s'agit pas, en effet comme cela a été le cas avec les grands projets urbains, d'oublier les objectifs que nous poursuivons : l'amélioration de la vie quotidienne des habitants. Or ces grands travaux sont souvent mal expliqués aux gens, qui n'en vivent au début que les nuisances. Il faut qu'à l'avenir, j'en ai fait un point essentiel de mon action, les habitants soient mieux associés aux projets d'aménagement qui les concernent.
Il faut ainsi inscrire dès le début de ces opérations de renouvellement urbain, des actions visibles, qui transforment à court terme, même à petite échelle, la réalité des gens. J'aime ainsi employer cette expression " des gens ", car ils ont paradoxalement été longtemps tenus à l'écart des projets urbains. Et c'est sans doute là aussi un facteur explicatif du malaise urbain.
Quelle est donc la place des sociétés d'économie mixte dans ce nouvel environnement ?
Elle peut être essentielle pour plusieurs raisons :
- d'abord parce que vous êtes à l'articulation du secteur public et du secteur privé. Vous pouvez être des facilitateurs entre ces deux mondes qui parfois s'ignorent.
- parce que la plupart des chantiers que nous allons ouvrir concernent votre cur de métier (aménagement, logement, services).
- Parce que la question du renouvellement urbain et notamment de la revitalisation économique est au centre de mon projet pour les villes. Je veux donner ou redonner aux quartiers, aujourd'hui les plus exclus, une véritable valeur marchande. Je veux qu'ils soient de nouveau agréables à vivre, je l'ai dit, mais aussi attractifs pour des investisseurs. Des outils avaient été prévus à cet effet , que j'ai concrétisé. C'est le cas de l'EPARECA, à qui j'ai donné les moyens de travailler. D'ores et déjà je sais que plusieurs SEM sont engagées dans des opérations avec l'EPARECA.
De nouveaux outils vont suivre, inscrits dans le projet de loi solidarité et renouvellement urbains. Qu'il s'agisse de la création des sociétés d'investissement régional, avec l'aide de la Caisse des dépôts et consignations. Ou encore du fonds de revitalisation économique, doté de 500MF, pour à la fois encourager les investissements, aider la création d'entreprises ou soutenir le tissu économique existant.
Les sociétés d'économie mixte ont vocation à s'emparer de l'ensemble de ces outils.
J'ai noté avec satisfaction l'intérêt que vous portiez au projet de loi SRU et j'ai apprécié la qualité de vos propositions. Votre président l'a souligné, vous avez été largement écouté pendant le débat parlementaire. Vous avez même contribué à le faire avancer.
De nombreux sujets vous concernaient très directement. J'en retiens un en particulier, celui des logements sociaux. Comme moi, vous déplorez le niveau insuffisant de construction de logements sociaux. Le projet de loi SRU offre de nouveaux outils pour y répondre. Le taux minimum de 20 % de logements sociaux doit y concourir.
Il en va de même des décisions prises par le CIV du 14 décembre 1999, qui a défini les principes et les modalités d'un programme national de renouvellement urbain. Les nouvelles aides publiques définies dans ce cadre avec le ministère du logement et la Caisse des dépôts et consignations, offrent désormais des possibilités d'actions puissantes pour les bailleurs sociaux et les collectivités locales, que ce soit en terme de reconstruction ou de rénovation.
Enfin, un tabou est tombé: nous osons parler de démolition, puisque nous affirmons dans le même élan, reconstruction. Or nous le savons bien, oui il faut dans certains cas reconstruire la ville, recréer l'échange et la mixité des hommes et des activités, pour redonner de la vie à nos villes.
A cet effet le cadre rénové de l'intervention des sociétés d'économie mixte doit vous permettre d'agir aux côtés des associations, et des services de l'Etat, pour faire face à ces nouveaux projets de villes.
La mise en uvre de la nouvelle génération des contrats de ville et des grands projets de ville fait appel à des partenariats multiples, parfois complexes à gérer en l'absence de dispositifs adaptés.
C'est pourquoi j'ai souhaité faire évoluer le statut des groupements d'intérêt public en matière de développement social des quartiers. Je veux parler du GIP DSU. Il offre aujourd'hui une structure juridique unique, à la fois souple et transparente, qui permet d'affirmer le pilotage des contrats de ville et de simplifier la gestion des partenariats en mutualisant les apports des différents partenaires.
Il ne concurrence pas les sociétés d'économie mixte. Il ne se substitue pas non plus aux structures intercommunales existantes.
Le Gip DSU est plus particulièrement destiné à mettre en oeuvre des crédits de fonctionnement. Il peut certes lui être confié la maîtrise d'ouvrage d'études et de prestations intellectuelles, qui vont de l'assistance au pilotage. En revanche il n'a pas vocation à assurer la fonction de maîtrise d'ouvrage d'opération d'investissement. Je voulais vous rassurer sur ce point.
La loi Solidarité et renouvellement urbains prend en compte d'autres aspects de changement, en reconnaissant par exemple votre capacité en matière d'actions d'aménagements, complémentairement à la réalisation d'opérations.
Je sais votre volonté d'adaptation constante de vos structures aux besoins de la société, et je vous encourage à poursuivre vos efforts pour rapprocher les métiers de la construction, de l'aménagement et des services, car l'investissement ne saurait se détacher du fonctionnement.
Nos quartiers ne peuvent se passer d'une gestion urbaine de proximité de qualité, à égalité avec les autres quartiers de la ville.
L'impact de votre intervention dans ce programme de renouvellement urbain pourra également s'exercer à l'occasion de la dévolution de marché de travaux et de gestion, dans la mise en place d'éléments facilitant l'accès à l'emploi des habitants des quartiers auxquels ces investissements sont dédiés.
Je ne veux pas ici limiter mon propos à la question de la clause dite du mieux disant social. J'ai d'ailleurs demandé sur ce sujet à un professeur de droit, une expertise approfondie, qui devrait m'être remise à la fin de l'année.
Je crois que d'autres voies existent, plus naturelles, dans un contexte de reprise d'emploi. Il existe dans les quartiers, une main d'uvre qualifiée qui ne demande qu'à travailler, et se heurte trop souvent à des pratiques discriminatoires que nous devons tous dénoncer.
Il y a aussi des gens sans qualification ou sans expérience professionnelle, qui ont besoin de votre soutien pour accéder au monde de l'emploi.
Les opérations d'aménagement doivent dès les premières actions intégrer cette attente , en développant des actions d'insertion professionnelle, de qualification, mais aussi de soutien à l'économie locale.
Monsieur le Président, je crois que cette rencontre doit nous permettre, et vous l'avez souhaité, de consolider nos liens autour d'objectifs concrets, clairement identifiés.
Je vous propose, en relation avec la délégation interministérielle à la ville, que votre fédération puisse engager une évaluation de vos actions et de leur impact sur l'amélioration du cadre de vie. Je vous invite également à réfléchir aux moyens d'améliorer l'emploi et le développement économique dans nos quartiers. Par delà votre engagement au côté du programme des emplois jeunes, et que je salue, d'autres pistes doivent être explorées.
La politique de la ville ne peut se réduire à des discours, ou des grandes incantations. Elle veut des engagements précis et concrets.
J'ai le souci comme vous, de l'opérationnel.
Je crois l'avoir montré. Depuis mon arrivée au gouvernement, nous avons obtenu des moyens budgétaires sans précédents, nous avons redessiné des perspectives, créé de nouveaux outils. Nous nous sommes dotés d'un nouveau cadre d'actions avec la future loi de solidarité et de renouvellement urbains.
Nous disposons d'un environnement économique porteur et d'un climat social plutôt confiant. Nous devons réussir.
Quand la crise économique nous condamnait à piétiner ou à intervenir dans l'urgence, quand l'ensemble de la société pliait sous les efforts à consentir, le malaise des banlieues pouvait être sous estimé. C'est toute une société qui souffrait.
Aujourd'hui où la société va mieux, nous ne pouvons admettre que certains de ses membres soient exclus de la reprise. Ils ne l'admettent d'ailleurs pas. Et les écarts entre ceux qui gagnent et ceux qui perdent, s'ils devaient se creuser, seraient une menace radicale pour notre société démocratique.
Mais telle n'est pas la perspective qui doit nous animer. Tout au contraire, je crois sincèrement que tout est réuni autour de nous pour gagner le pari de la ville du XXIème siècle. Une ville à l'européenne avec sa diversité culturelle, patrimoniale, de paysages, d'activités économiques, mais aussi sa cohésion sociale et l'idée forte d'une communauté de destin.
Grâce à notre rencontre aujourd'hui, mais surtout aux perspectives qu'elle ouvre, je sais que nous sommes plusieurs à partager cette vision et à souhaiter nous engager résolument et positivement à son plein succès.
Merci de votre dynamisme et de votre engagement. Merci de mettre vos compétences et votre professionnalisme au service de la ville de demain, d'une ville plus moderne et plus fraternelle.
(source http://www.fnsem.asso.fr, le 15 février 2001)