Déclaration de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, sur les moyens pour résoudre le malentendu installé entre les élus locaux et l'Etat concernant les dépenses de l'Etat en faveur des collectivités locales, Paris le 23 novembre 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès des maires de France : Table ronde « relations financières entre l'Etat et les collectivités locales » à Paris le 23 novembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les maires de France,
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui et de saisir l'occasion de répondre aux questions qui me sont posées par le Président Pélissard. En tant que ministre délégué au budget, il est très important pour moi de rester en liaison avec les élus de terrain et d'écouter leurs préoccupations quotidiennes pour y répondre au mieux.
Je sais que vous remplissez une fonction essentielle pour la cohésion sociale de notre pays et que vous l'exercez parfois dans des conditions difficiles.
Si je veux résumer les questions qui me sont posées, elles tournent autour d'un mot : celui de la confiance. Comment rétablir la confiance entre l'Etat et les collectivités locales ?
Je vous le dis avec ma part d'expérience, ma part de vérité : pour rétablir cette confiance, il faut sortir du malentendu qui s'est installé entre les élus locaux et l'Etat.
Car, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on est aujourd'hui face à un paradoxe :
- d'un côté, Etat et collectivités locales ont accompli ensemble des avancées considérables au cours des dernières années : modification de la constitution pour indiquer que la République était décentralisée, acte II de la décentralisation, adoption d'une loi organique sur l'autonomie financière, la péréquation... ;
- d'un autre côté, un dialogue de sourds s'est instauré entre l'Etat et les collectivités : on se parle, mais on ne se comprend pas.
Et la meilleure illustration de cela, c'est :
* Un Etat qui, en toute bonne foi, fait des efforts financiers importants en faveur des collectivités locales
* Car l'Etat est de bonne foi , n'en doutez pas, lorsqu'il pense qu'il fait des efforts financiers considérables au profit des collectivités :
Le PLF 2007 en fournit cette année encore clairement l'illustration : le total de dépenses supplémentaires de l'Etat en faveur des collectivités locales est de 2,8 Mdseuros, soit une progression de 4,3% par rapport à 2006.
Cette progression comprend :
- la reconduction de l'indexation du contrat de croissance et de solidarité : +1 milliard d'euros, ce qui est considérable !
- l'augmentation du FCTVA depuis 2006 : +700 Meuros
- le financement supplémentaire au titre du RMI par un abondement du fonds départemental de mobilisation pour l'insertion : + 400 Meuros en 2007
- l'évolution du coût des dégrèvements des impôts locaux et des compensations d'exonérations de fiscalité locale : + 700 Meuros.
Soit, au total, une augmentation de 4,3 % de l'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales. Evolution qui peut, au passage, être comparée à l'évolution des dépenses de l'Etat qui augmentent de leur côté de + 0,8 % en 2007.
Dans le même temps, il y a des élus inquiets :
- car certaines de vos dépenses ne cessent d'augmenter et vous vous demandez comment vous allez les financer ; a fortiori, je le dis sans langue de bois, lorsque ces dépenses supplémentaires découlent de normes ou de décisions auxquelles vous n'avez pas été suffisamment associés !
- car la fiscalité locale n'est plus forcément adaptée aux réalités locales de 2006 ;
- car l'intercommunalité crée des bouleversements dans l'exercice des compétences locales ;
- car certaines zones rurales se désertifient, que l'activité économique s'en va ailleurs et les hommes et les femmes quittent vos terroirs. Alors que dans le même temps, les zones urbaines ont à faire face à de nouveaux défis, notamment avec les quartiers sensibles.
La vérité, c'est que les deux ont raison :
- l'Etat, car il constate que le poids de ses engagements financiers au titre des concours financiers locaux augmente désormais plus rapidement que ses propres dépenses ;
- les collectivités locales, car elles voudraient se sentir pleinement responsables de l'évolution de leurs dépenses locales mais elles ont le sentiment que l'Etat ne joue pas totalement le jeu de la décentralisation.
Alors, comment mettre fin à ce malentendu ?
- En mettant tout sur la table ! Pour cela le gouvernement a créé la conférence nationale et le conseil d'orientation des finances publiques pour réunir tous les acteurs de la dépense publique : Etat, collectivités locales, organismes sociaux.
Cette démarche partenariale vise à relever un défi simple : développer une co-responsabilité en matière d'évolution des finances publiques.
Elle est née d'une conviction personnelle forte : il n'y a pas d'un côté l'Etat vertueux et de l'autre les collectivités locales dispendieuses : il n'y a que des élus responsables qui doivent travailler ensemble pour que chacun à notre niveau, on regarde comment on peut améliorer les choses ;
Chaque collectivité locale est unique, chacune a son histoire : une commune enclavée n'a pas les mêmes problèmes qu'une commune plus favorisée par la géographie, une commune endettée n'a pas à faire face aux mêmes contraintes qu'une commune riche !
C'est toute la question de l'identité qui est ainsi posée. Qu'est-ce qu'être français aujourd'hui ? On ne peut répondre à cette question centrale qu'en tenant compte des spécificités de chacun.
L'Etat n'a pas de leçon à donner aux collectivités locales car l'Etat présente encore un déficit budgétaire important, même s'il se réduit, quand les collectivités votent leur budget en équilibre.
Mais il a le droit d'indiquer sa part de vérité : n'oublions pas qu'il est aux côtés des élus à travers notamment ses Préfets, ses sous-préfets, ses comptables publics : l'Etat est un véritable partenaire des collectivités.
- Cette démarche de co-responsabilité que nous voulons mettre en place, à quoi doit - elle s'appliquer ? :
Un mot d'abord sur les dépenses :
Je comprends que les collectivités locales soient exaspérées par les charges supplémentaires que lui impose parfois l'Etat. Nous devons donner davantage de place à la concertation sur ces sujets. Dans cet esprit, le Président de la République a souhaité, lors de son allocution devant vous mardi, que « les négociations sur la pouvoir d'achat des fonctionnaires territoriaux (...) se fassent en liaison étroite avec les représentants des collectivités ».
Cela répond à une attente forte que élus expriment depuis longtemps.
Dans le même esprit, j'ai lancé un audit sur les conséquences de la décentralisation sur l'organisation et les activités des administrations centrales de l'Etat : je compte bien « balayer devant ma porte » et m'assurer que les administrations centrales ont bien tiré toutes les conséquences de la décentralisation en arrêtant d'intervenir dans les champs de compétences décentralisées.
Par ailleurs, avec Brice Hortefeux , j'ai confié une mission à Pierre Richard , pour qu'il établisse un rapport sur le pilotage et la maîtrise des dépenses locales, en s'inspirant notamment des expériences étrangères. Il est toujours instructif d'aller voir comment font nos voisins européens qui ont souvent à faire face aux mêmes problèmes que nous !
Pierre Richard rendra ses conclusions mi-décembre et je ne doute pas que les propositions qu'il fera pourront utilement nourrir les travaux que nous avons à mener ensemble pour mettre fin à ce malentendu dont je parle.
Enfin, je souhaite qu'un très grand nombre de collectivités s'engage dans une démarche de mise en oeuvre des principes de la LOLF au niveau local . Cette démarche que l'Etat s'applique pour mieux mesurer l'utilité de sa propre dépense doit inspirer tous les acteurs de la dépense publique. C'est une modernisation gigantesque qui fait passer d'une logique de moyens à un système par objectifs
Certains d'entre vous ont déjà commencé à expérimenter ces modes d'évaluation de leurs politiques publiques et ils en sont satisfaits.
Parlons ensuite des recettes
1) Nous avons de ce point de vue en 2007 un premier rendez-vous important à travers la mise en oeuvre de la réforme de la taxe professionnelle
Si nous avons fait la réforme de la taxe professionnelle, c'est pour protéger nos entreprises, pour éviter les sur-impositions qui sont souvent la cause de délocalisations.
Mais dans le même temps, j'ai été très attentif aux conditions de mise en oeuvre concrète de cette réforme pour les communes et leurs groupements.
Les résultats des simulations le confirment : pour 90% des communes et EPCI, le manque à gagner de recettes sera nul ou inférieur à 1 000 euros. Autant dire, pour ces collectivités qui ont des politiques de taux extrêmement modérées, un impact totalement marginal.
De plus, des mécanismes correcteurs ont été prévus par la loi pour les collectivités pour lesquelles la réforme risquait de produire certains effets pervers. Par exemple, pour tous les EPCI à TPU ayant plus de 50 % de leurs bases plafonnées, leur ticket modérateur sera diminué automatiquement de 20 %.
Je veux insister sur un point important : toutes les dispositions ont été prises pour que les élus bénéficient d'un accompagnement personnalisé à chaque étape de l'élaboration de leurs budgets 2007.
2) Autre chantier important à mes yeux : améliorer l'information de tous sur les dégrèvements et exonérations de fiscalité locale
Car il ne faut pas oublier que l'Etat est le premier contribuable local puisqu'il prend en charge près de 11 milliards d'euros de dégrèvements d'impôts locaux ; là encore, rien de tel qu'un audit pour tout mettre sur la table.
3) Mais il faudra aussi ouvrir le grand chantier de la réforme de la fiscalité locale.
C'est un des axes de travail de l'associationdes maires de France et d' autres associations d'élus. Vous avez demandé au Conseil économique et social un rapport sur ce thème.
Moi, je voudrais vous dire quelle est ma conviction profonde :
Ma conviction c'est qu'on ne peut pas réduire cette réflexion à la recherche de l'assiette idéale ou du contribuable modèle ;
Cette réflexion doit être globale : quel est le meilleur mode de financement ? Et pour quelle dépense publique locale ? Vous le savez très bien, vous les maires et les présidents d'intercommunalité qui devaient faire face par exemple au financement du service de collecte et d'enlèvement des ordures ménagères : il y a plusieurs moyens de financer la dépense : par l'impôt c'est la TEOM , par la redevance, c'est la REOM qui reflète plus fidèlement que la TEOM le prix du service rendu !
A travers cet exemple, je veux dire que si nous voulons vraiment innover la bonne méthode, c'est plutôt, politique publique locale par politique publique locale, de savoir précisément : quelle doit être la place du prélèvement obligatoire ? Quelle doit être la place de la redevance ? Quelle doit être la place de la participation financière de l'usager ? Quelle doit être la place laissé au « prix » ?
La question ne peut plus être uniquement de trouver des ressources supplémentaires pour financer des dépenses supplémentaires. Par contre, il est impératif de choisir le mode de financement qui créera les bonnes « incitations », de façon à maîtriser la dynamique de la dépense publique elle-même.
En définitive, il est souhaitable de s'engager dans une vraie démarche d'évaluation de nos décisions en matière de financement de l'action publique. Et c'est aussi valable pour l'Etat !
Les quatre années qui viennent de s'écouler ont permis de faire bouger les lignes. Etat et collectivités ont travaillé ensemble et je souhaite que ce travail commun continue. Il faut dialoguer et mettre toutes les choses sur la table. Je suis confiant dans l'avenir et dans notre capacité à refonder ensemble les relations financières entre l'Etat et les collectivités dans le respect et l'écoute mutuels.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 24 novembre 2006