Déclaration de M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, sur la lutte contre les discriminations touchant les malades du SIDA, Paris le 25 novembre 2006.

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Circonstance : 11èmes États généraux d'Élus locaux contre le SIDA (ELCS), au Sénat le 25 novembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président de l'Association des Elus Locaux contre le SIDA,
Monsieur le Représentant du Président du Sénat,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver une nouvelle fois parmi vous à l'occasion de ces 11èmes États Généraux de l'Association des Élus Locaux contre le SIDA.
Pardon, par avance de ne pouvoir rester pour entendre tous les intervenants. Il me faut rejoindre rapidement ma circonscription. Mais je ne voulais pas manquer cette rencontre tant je crois qu'elle est nécessaire. L'habitude, le réflexe ne doivent pas en ce domaine être la règle. Face à la maladie, à toutes les maladies, il ne faut jamais se lasser, renoncer. Il convient, hier, aujourd'hui, demain de demeurer mobilisés.
À cet égard, le travail accompli par l'Association des Elus locaux contre le Sida depuis plus de dix ans auprès des collectivités est significatif : il a permis de bousculer les mentalités et de réveiller les consciences.
Ces résultats, nous les devons en grande partie à son Président Jean-Luc ROMERO ainsi qu'à toute l'équipe qui l'entoure, et je voudrais leur rendre hommage parce qu'ils n'ont jamais cédé à la tentation du renoncement.
Vous avez souhaité, Monsieur le Président, placer la réunion d'aujourd'hui sous le signe de la lutte contre les discriminations.
Les malades du SIDA, comme les personnes séropositives, sont l'objet de discriminations, nous le savons bien. D'après certaines enquêtes, 6 personnes sur 10 se disent victimes de discriminations dans leur vie sociale ou privée du fait de leur séropositivité et ces discriminations sont d'autant plus mal ressenties par celles et ceux qui les subissent, que la maladie les fragilise.
Ces discriminations sont multiples.
- Discrimination par rapport à l'emploi, qu'il s'agisse de l'embauche lorsque le candidat porte les stigmates trop visibles de la maladie ou de la progression des carrières pour celles et ceux obligés de s'arrêter souvent ou contraints de solliciter une adaptation de leur temps de travail.
- Discrimination à l'égard du logement, surtout lorsque pour tout revenu on ne peut justifier que de l'AAH.
- Discrimination à l'accès aux prêts, qu'il s'agisse d'un simple prêt à la consommation ou plus encore de l'acquisition d'un bien immobilier.
- Mise à l'écart, vécue souvent comme une discrimination, pour le don de sang. C'est une question extrêmement délicate, sur laquelle travaille le ministre de la santé avec des associations. Chaque partie doit être écoutée, doit faire un effort de compréhension aussi. La réponse, j'en conviens, sera difficile à trouver.
- Discrimination dans la liberté d'aller et venir quand certains pays interdisent l'accès à leurs territoires aux malades du SIDA.
Mais la plus inadmissible des discriminations reste d'abord celle de l'accès aux soins et aux traitements. N'oublions pas que 95 % des malades habitent des pays en voie de développement et que seules 700 000 personnes ont accès aux antirétroviraux, alors que l'on estime à 7 millions au moins le nombre de séropositifs qui en auraient besoin.
Face à ces discriminations qui ne sont pas propres à notre pays, un certain nombre de réponses ont été apportées, même si celles-ci peuvent paraître insuffisantes.
Pour l'accès aux traitements, la solidarité internationale est indispensable vis-à-vis des pays les plus pauvres et de ceux qui sont les plus durement touchés.
C'est bien cette réalité qui a conduit le Président de la République à lancer le projet UNITAID, afin que l'accès aux médicaments pour les millions d'habitants de la planète touchés par le virus du SIDA devienne une réalité.
La France, et l'impulsion du Président de la République a été décisive, a été un précurseur en ce domaine et tout le monde s'accorde à saluer cette initiative prise avec le Président du Brésil Lula da Silva.
Depuis, de nombreux pays nous ont rejoints et soutiennent cette action, mais il est important de rappeler que la France a été la première à montrer la voie en décidant l'instauration d'une taxe sur les billets d'avions destinée à financer les traitements, notamment contre le SIDA.
En ce qui concerne le travail et les aspects de la vie quotidienne, la création de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité en novembre 2004 est un outil majeur au service de tous, sur lequel malades et séropositifs peuvent désormais s'appuyer.
Bien sûr, il est difficile d'isoler dans le premier bilan annuel de cette autorité indépendante ce qui relève de la problématique qui est la vôtre puisque son champ recouvre en partie les discriminations liées à l'orientation sexuelle et celles liées à la santé et le handicap, qui, confondues, représentent au total près de 17 % des plaintes reçues.
En quelques mois, la HALDE a obtenu des résultats réels, mais que certains jugent peut-être encore insuffisants.
Dès sa première année d'activité, elle a montré le problème que posait notre droit en matière d'assurance, et notamment en matière de couverture du risque décès qui induit une inégalité de traitement en fonction de l'état de santé de la personne.
Certes, la convention dite Belorgey vise à résoudre le problème mais dans bien des cas, elle s'avère insuffisante. C'est pour cela qu'un projet de loi a été présenté au Conseil des ministres du 22 novembre 2006, afin de permettre aux personnes présentant un risque aggravé de santé de pouvoir accéder au crédit.
Ce premier bilan de la HALDE doit inciter celles et ceux qui pourraient penser que la situation des malades et des séropositifs n'est pas suffisamment prise en compte, non pas à s'enfermer et à s'exclure mais au contraire à dénoncer plus fortement qu'aujourd'hui les faits dont ils s'estiment victimes.
La lutte contre les discriminations, d'où qu'elles viennent, qu'elles qu'en soient les victimes, doit continuer à nous mobiliser car elles mettent en cause les bases même de notre société fondée sur la cohésion, l'égalité réelle des chances tout au long de la vie, le respect des droits et de la dignité de toutes les personnes en toutes circonstances.
La République, et je veux le rappeler, ne peut supporter aucune discrimination, de quelque nature qu'elle soit ; elle repose sur l'Égalité et tout ce qui y porte atteinte doit être combattu.
Mais permettez-moi de formuler à l'occasion de cette journée deux souhaits.
Le premier, c'est que l'on poursuive une action résolue, une action acharnée, déterminée, en faveur de l'éducation et de la prévention.
Aujourd'hui, dans un pays comme le nôtre, il n'est pas supportable de constater une progression de l'épidémie de SIDA chez les jeunes et les moins jeunes. Chaque année en France ce sont encore 6.000 personnes qui sont contaminées. Il faut poursuivre les campagnes de prévention, il faut permettre l'accès au préservatif, même et peut-être surtout dans les établissements scolaires, à des prix qui soient compatibles avec les moyens par définition limités des plus jeunes. Je sais que des initiatives dans ce domaine sont sur le point d'être annoncées et je m'en félicite.
Il faut combattre les idées fausses qui se propagent. Il faut exhorter ceux qui en font un art de vivre à abandonner les comportements à risque, les convaincre qu'ils n'ont pas le droit de mettre en danger autrui et de se mettre en danger.
Mon deuxième souhait concerne les débats qui nous réunissent aujourd'hui, au delà de nos différences partisanes, autour d'une même volonté.
Vous le disiez il y a quelques années, Monsieur le Président, le SIDA n'est ni de droite, ni de gauche. Souhaitons qu'à l'approche des échéances électorales qui marqueront l'année 2007, l'ensemble des élus continue à se mobiliser, sans considération partisane, contre le SIDA.
Source www.elcs.fr, le 5 janvier 2007