Déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur les moyens engagés pour lutter contre la délinquance et le rôle des préfets en matière de sécurité, sur l'accès à la citoyenneté et la réforme de l'Etat, Paris le 15 février 1999.

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Circonstance : Réunion des préfets à Paris le 15 février 1999

Texte intégral

Mesdames, messieurs les préfets, jaborderai ce matin trois importants sujets :
la sécurité, laccès à la citoyenneté, la réforme de lEtat.
I.LA SECURITE
La sécurité est désormais, après lemploi, la deuxième priorité du gouvernement. Le sujet a fait lobjet, au début de cette année, dune campagne politique de grande ampleur. Le sujet est assez grave pour quon évite den faire laliment de surenchères électorales. Les données relatives à la délinquance doivent être considérées avec objectivité mais aussi avec gravité par tous. Le gouvernement, de son côté, a pris des mesures énergiques pour renforcer la présence de la police et de la gendarmerie sur le terrain, pour apporter une réponse immédiate à la commission dactes de délinquance qui rendent la vie insupportable à beaucoup, et enfin pour soustraire lécole à la violence.
En matière de sécurité, vous avez, en tant que préfets, une responsabilité essentielle.
1 - Bilan de la délinquance pour lannée 1998
En 1998, les services de la police et de la gendarmerie ont enregistré 3 565 525 crimes et délits, ce qui représente une augmentation de 2,06% par rapport à 1997. Il ny a pas lieu de se satisfaire de ces chiffres. Il ny a pas lieu non plus den donner une présentation excessivement dramatisée. Cest le deuxième moins mauvais, sinon meilleur résultat depuis le début des années 90 avec celui de 1996. Il est, en outre, de très peu supérieur à celui enregistré pour lannée 1990.
Certains motifs de satisfaction sont à mettre à lactif des services de police et de gendarmerie : notamment la baisse du nombre des cambriolages (- 2,82%), des vols à main armée (-2,35%), des vols dautomobiles (- 5,92%) et des vols par ruse, qui touchent surtout les personnes âgées (- 3,69%).
Les violences urbaines et la délinquance des mineurs sont en revanche gravement préoccupantes. Les deux phénomènes ne sont pas nouveaux ; ils ne cessent de croître fortement depuis six ou sept ans. Les mineurs représentent pour leur part 21,77% des mis en cause en matière de délinquance générale et 35,96% pour les délits de voie publique. Un vol avec violences sur deux et un cambriolage sur trois leurs sont imputables.
Il vous faut donc suivre personnellement lactivité des services placés sous votre autorité et améliorer leur efficacité, dans le domaine de la délinquance de voie publique et des mineurs.
Je vous adresserai prochainement deux circulaires à cet effet :
· La première, relative à la lutte contre les violences urbaines, prolongera le texte que je vous ai adressé le 11 mars 1998. Les graves incidents qui se sont produits au cours du dernier trimestre de lannée 1998 dans certaines agglomérations attestent que des progrès restent à accomplir pour maintenir la tranquillité publique. Il semble bien que de tels phénomènes, avec leur intensité et leur fréquence, soient largement propres à la France. Jai dailleurs demandé à lIHESI détablir quelques comparaisons avec les autres pays dEurope. Il y a des domaines où la norme est préférable à lexception. Nous devons faire effort pour comprendre les raisons de cette situation particulière pour en réduire les causes et en traiter les effets.
Je vous demande de constituer, partout où cest nécessaire, des cellules de veille pour suivre en permanence la situation dans les quartiers les plus sensibles ; de vous assurer de la coopération franche et régulière des services (gendarmerie, sécurité publique, renseignements généraux, police judiciaire, police aux frontières) et de rassembler, danalyser et de faire exploiter les informations recueillies par des bureaux de coordination ; enfin, de vous rapprocher personnellement des procureurs de la République pour assurer le suivi judiciaire des infractions commises en cas de violences urbaines.
· Une seconde circulaire traitera des modalités demploi des compagnies républicaines de sécurité dans le cadre des missions de prévention des troubles à lordre public, afin de renforcer leur complémentarité avec les services de la sécurité publique.
Il faut élaborer des plans dintervention dans chaque quartier sensible, et employer les unités de CRS au maximum de leurs capacités, sans craindre dinnover, dans des dispositifs ouverts et dynamiques, tirant tout le parti possible de leurs sections de protection et dintervention (SPI), pour procéder à des interpellations.

2 La police de proximité.
Il sagit là dune des trois priorités retenues par le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999.
Quest-ce que la police de proximité ? Le concept na de sens que par rapport au contexte actuel de linsécurité dans les villes et des formes quelle revêt. La priorité est moins aujourdhui à une police dordre et davantage à une police destinée à prévenir les incendies, plus quà les éteindre. Cest une police :
· qui connaît parfaitement son terrain daction et qui est formée pour cela ; une police à la fois plus territorialisée et responsabilisée par rapport à ses secteurs dintervention ;
· qui est à lécoute attentive et permanente de la population, et surtout des personnes fragiles, des victimes ou des plaignants ;
· qui est sensible et ouverte aux préoccupations de nos concitoyens ; qui est à limage de la population et qui recrute donc aussi des jeunes issus de limmigration ;
· qui se sent responsable vis-à-vis de son quartier et apporte des réponses aux attentes spécifiques de la population de son secteur ;
· qui organise une coopération permanente avec les élus, les bailleurs, les sociétés de transports publics, les commerçants, les établissements scolaires, les associations, afin que chacun comprenne que la sécurité est un bien commun ;
· qui sait communiquer, extérioriser et rendre lisible son action.
Bref, cest une police qui privilégie la présence dissuasive, différente en cela dune police dordre essentiellement réactive, certes toujours nécessaire, mais insuffisante pour prévenir autant que possible la délinquance et notamment les violences urbaines.
Le Conseil de sécurité intérieure a fait sienne ma proposition dexpérimenter le concept de police de proximité dans cinq circonscriptions puis dans une trentaine dautres sites au sein des départements les plus sensibles. On ne saurait réduire la police de proximité au seul îlotage. Il sagit de transformer lorganisation des commissariats de police pour privilégier la police danticipation par rapport aux unités spécialisées qui restent indispensables, et de responsabiliser chaque agent, chaque fonctionnaire, du commissaire au gardien de la paix auquel il convient de donner la reconnaissance et le rôle qui lui reviennent. Notre objectif et je nignore pas que dans certains quartiers, cest un objectif lointain -, cest de faire que la police soit, au sein de la population, comme un poisson dans leau. Cest donc une transformation en profondeur des esprits et des méthodes dintervention quil nous faut concevoir et réaliser : non plus, comme cest parfois le cas, des patrouilles en territoire plus ou moins hostile, mais une présence quotidienne, permanente, nourrissant la confiance mutuelle avec la population, et une action répressive, quand elle est nécessaire, qui soit perçue comme un secours, comme une aide attendue. Vous serez bien entendu étroitement associés à ces différentes expériences. Je vous invite à vous immerger dans ces problèmes dordre public qui sont au cur de vos responsabilités.
Jai demandé à la direction générale de la police nationale de préparer une plaquette qui sera largement diffusée, pour expliciter le concept et les méthodes de la police de proximité, ainsi quune note dinstruction à ladresse des cadres de la police nationale chargés de mettre en uvre cette nouvelle forme daction de la police.
A Paris, la réforme de la Préfecture de Police entrera en vigueur en avril prochain avec la mise en place dune direction de la police urbaine de proximité.
La formation des personnels sera largement mise à contribution dans cette mutation vers la police de proximité. Les assises de la formation et de la recherche dans la police nationale, tenues le 1er février dernier, nous ont permis de prendre la mesure des tâches de formation pour préparer les fonctionnaires à leurs nouvelles missions. Cest désormais une direction qui en a la charge. Je saisis cette occasion pour vous présenter Pierre Antonmattei, le nouveau directeur de la formation de la police nationale.
3 - Les redéploiements de la police nationale.
Un exercice délicat mais nécessaire simpose à la police aussi bien quà la gendarmerie : redéployer 7 000 policiers et gendarmes en trois ans dans les 26 départements où la délinquance sévit le plus.
Lobjectif à court terme pour la police nationale est de redéployer 1 200 policiers dans ces départements, dici au 1er décembre prochain. Pour cela, les affectations en sortie décole seront réorientées au bénéfice de ces départements. Il faudra également recentrer les mouvements généraux de mutations, avec affectation prioritaire sur les départements très sensibles et sensibles.
Pour ce qui concerne les charges indues qui grèvent la capacité opérationnelle des services de sécurité publique, il conviendra de réduire encore les gardes statiques (préfectures, palais de justice, etc). Vous vous intéresserez de près au problème de la réduction des effectifs de policiers affectés à la garde des bâtiments préfectoraux, en liaison avec la direction générale de ladministration et la direction générale de la police nationale. Bien entendu, le ministère devra financer certains travaux de sécurisation des préfectures. Jai demandé dautre part que lon dresse précisément la liste des fonctions techniques aujourdhui accomplies par des policiers qui, comme la réparation automobile ou la maintenance informatique pourraient être demain confiées, à moindre coût, à des sociétés de services spécialisées. Ladministration centrale devra aussi apporter son tribut à ce mouvement qui est commandé par le bon sens et lintérêt général. Enfin, les douaniers pourront renforcer les dispositifs de police dans les aéroports.
Dautres mesures sont à létude pour parvenir à ce redéploiement :
· freiner les départs en retraite anticipés par des mesures incitatives,
· concentrer les élèves gardiens de la paix en stage dalternance dans les 26 départements les plus sensibles.
Jen viens au redéploiement géographique de la police et de la gendarmerie.
Comme vous le savez, monsieur Guy FOUGIER avait été chargé, en septembre 1998, dune mission de consultation approfondie sur le projet de redéploiement des effectifs de la police et de la gendarmerie. Beaucoup dentre vous lont rencontré lors de ses déplacements en province. Monsieur FOUGIER a remis son rapport le 31 décembre 1998. Il y a exposé avec minutie toutes les difficultés de lopération envisagée. Contrairement à ce quon a dit ici et là, cette opération nest pas abandonnée. Simplement, la méthode a été amendée. Les opérations de transferts prévues par le Conseil de sécurité intérieure du 27 avril se feront à la suite dun examen au cas par cas des circonscriptions de police, dans la concertation. Lobjectif, dont je vous rappelle quil est inscrit dans la loi dorientation et de programmation de 1995, garde donc toute sa valeur, mais son périmètre et son calendrier seront adaptés aux contraintes du terrain.

4 Les adjoints de sécurité et les contrats locaux de sécurité
Il y a un peu plus dun an, au colloque de Villepinte, nous avons retenu lidée du contrat local de sécurité, comme linstrument privilégié du droit à la sécurité. Tous les participants sont tombés daccord pour affirmer que la réussite dune politique de sécurité est liée à une meilleure cohérence de laction des services de lEtat ainsi quà lexistence dun véritable partenariat avec tous ceux qui ont un rôle à jouer en ce domaine, en particulier avec les élus.
Cette orientation adoptée est entrée dans la réalité. Les résultats quantitatifs sont très encourageants : plus de 180 contrats locaux de sécurité ont été signés, plus de 400 sont en cours délaboration. Mais il convient de corriger un certain nombre de faiblesses qui vous ont déjà été exposées à la suite du rapport des corps dinspection.
Jai demandé au préfet Georges LEFEVRE, qui dirige la cellule interministérielle danimation et de suivi des contrats locaux de sécurité, de réfléchir, avec lIHESI, à lharmonisation des observations statistiques pour lévaluation des politiques locales de sécurité et plus largement à tout ce qui peut permettre « de donner de la vie » aux contrats.
Jinsiste sur la nécessaire hiérarchisation des contrats locaux de sécurité en fonction des zones plus ou moins sensibles dans lesquelles ils ont été conclu.
Parmi dautres initiatives, la cellule danimation est chargée de vous aider à la préparation dateliers déconcentrés danimation des contrats locaux de sécurité, lesquels réuniront dici le mois de juin environ deux mille personnes. Deux notes relatives à la pédagogie de ces ateliers ainsi quà leur calendrier sont à votre disposition. La cellule vous aidera à trouver les personnes compétentes pour animer ces ateliers, ainsi quà diffuser les expériences exemplaires. Enfin, un projet de circulaire est en cours de préparation, qui vous donnera de nouvelle instructions en la matière.
Je terminerai en me répétant sur un point qui me tient à cur. Je vous ai dit quil convenait que la police nationale soit à limage de la population. Je vous demande de faire en sorte que cet objectif devienne immédiatement réalité dans les recrutements des adjoints de sécurité dont la responsabilité vous incombe. Nous avons accueilli 8 250 adjoints de sécurité en 1997 et 1998 au sein de la police nationale. Nous en accueillerons 8 300 en 1999. Sans quil puisse être question de quotas, je vous demande de diversifier les recrutements et de permettre laccueil, au sein des services de police, des jeunes issus de limmigration. Vous me ferez savoir les difficultés éventuelles que vous pourriez rencontrer dans cette action. Mais vous devez comprendre que lefficacité de la police tient beaucoup à la représentation que la population, et notamment la jeunesse des quartiers difficiles se fait delle. Si nous voulons que la police fasse bien son travail, elle doit faire corps avec nos concitoyens de ces quartiers. Si nous voulons quelle y soit reconnue comme un service public, elle doit apparaître aussi proche que possible de cette population.

II) LACCES A LA CITOYENNETE
Les incivilités, la délinquance des mineurs, les violences urbaines, sont aussi, et nous le savons bien, nourries par le ressentiment de ceux qui se sentent exclus du contrat social, rejetés aux franges de la citoyenneté.
On ne peut pas convaincre ces jeunes de la légitimité de leurs devoirs envers la société, sils ne trouvent pas eux-mêmes, dans leur vie quotidienne, lexpression des droits dont ils disposent.
Légal accès à la citoyenneté est la contrepartie nécessaire du droit égal à la sécurité. Ces idées ne sont ni nouvelles, ni révolutionnaires : elles létaient, il y a deux siècles. Leur mise en oeuvre appelle cependant un effort significatif pour faire reculer les préjugés et lutter contre les discriminations, silencieuses mais persistantes, qui touchent les jeunes Français issus de limmigration.
Pour éviter tout malentendu, je souligne quil ne sagit nullement de créer une quelconque discrimination positive, mais de donner seulement une traduction pratique au principe de légalité.
Tel est le but que je vous ai fixé, en vous demandant de créer, dans chacun de vos départements, une commission départementale daccès à la citoyenneté, que mon collaborateur Karim ZERIBI a malicieusement baptisée « CODAC », un sigle que chacun retiendra aisément, mais qui ne doit pas laisser penser que sa mission se réduit à une photographie de la situation existante.
La « CODAC » a pour première mission de détecter et de débusquer les phénomènes de discrimination, et dabord en ce qui concerne les discriminations à lembauche, y compris laccès aux concours de la fonction publique et aux formations qui y préparent.
Une étude de lInstitut national des études démographiques, dont jai pris récemment connaissance, montre que le taux de chômage parmi les jeunes gens nés en France de parents algériens est sensiblement plus élevé que celui quon enregistre chez les jeunes nés de parents espagnols ou portugais et cela, quel que soit le niveau scolaire ou universitaire : dans la tranche dâge de 20 à 29 ans, ce taux est de près de 40% pour les jeunes dorigine algérienne, alors quil ne dépasse guère 20% pour les jeunes dorigine espagnole ou portugaise. Pour ceux qui disposent dun diplôme de lenseignement supérieur, la différence est encore très nette : plus de 30% dans un cas, moins de 20% dans lautre.
Il appartiendra à la « CODAC » de recenser les obstacles et si possible de les lever, sinon dapporter des suggestions quant à la manière de porter remède à ces blocages. Il est temps de donner à la jeunesse des quartiers des modèles didentification positive, en rupture avec le modèle négatif du petit « caïd ».
La « CODAC » doit analyser les manifestations de discrimination et y apporter des rectifications, en attirant lattention de tous ceux qui en sont les fauteurs, souvent inconscients, et des autres, qui laissent faire. Mais elle doit aussi, lorsque des comportements discriminatoires lui sont signalés, témoignant non de lignorance ou de la négligence de leurs auteurs, mais dune volonté délibérée, saisir le parquet des faits dont elle a connaissance. Elle doit enfin inciter les jeunes nés de limmigration à remplir leurs devoirs de citoyen, par exemple en respectant les obligations scolaires et en exerçant leur droit de vote.

Je vous invite à soumettre à lexamen de la commission les modalités les plus appropriées à la situation de votre département pour laccueil des personnes qui acquièrent la nationalité française. La circulaire du 26 février 1993 est toujours en vigueur, mais elle nest pas appliquée partout. Je ne crois ni utile, ni possible, dorganiser par une circulaire les détails de la cérémonie de remise du titre de citoyen français. A vous dimaginer ce qui convient le mieux aux circonstances locales, dans un double souci de solennité et de sobriété qui sont les marques de tout rituel républicain.
Je compte sur vous pour procéder à linstallation de la « CODAC » dans votre département avant la fin de février.

III) LA REFORME DE LETAT
Je vous ai, depuis un an, régulièrement entretenu du travail engagé pour faire progresser la réforme de lEtat. Il faut, dans cette affaire, conduire en même temps de grandes et de petites réformes.
Certaines de ces réformes sont déjà en vigueur :
· Les entretiens de gestion auxquels vous êtes, depuis quelques mois, lun après lautre, conviés, permettent à la direction générale de ladministration de dresser un tableau détaillé des difficultés que vous rencontrez dans la direction de votre préfecture, mais aussi de valoriser et de diffuser vos initiatives et vos réussites.
· Vous appliquez les instructions que je vous ai adressées, en juillet dernier, sur votre mission de communication, si jen crois les revues de presse que vous adressez désormais à la direction générale de ladministration sur votre action et celle de vos collaborateurs.
· Enfin, dès le mois davril, vous devrez établir un rapport trimestriel remodelé, qui me permettra de recueillir une information plus complète sur votre département et qui vous conduira à centrer votre réflexion sur lessentiel.
Lobjectif, cest que vous disposiez dun outil moderne, propre à vous mettre en mesure de piloter vraiment les services de lEtat et de remplir pleinement la mission qui est la vôtre.
Jen viens maintenant aux deux questions qui vont dominer, cette année, la gestion du corps préfectoral et la modernisation des préfectures.
1 - La gestion du corps préfectoral :
Les réflexions conduites par M. Santel ont confirmé « le rôle central confié aux préfets dans limpulsion des coopérations interministérielles et dans la décision ».
Jai demandé au directeur général de ladministration de faire évoluer la gestion du corps préfectoral à partir des orientations suivantes :
· lorganisation plus rationnelle et plus rigoureuse des recrutements,
· une gestion fondée sur la professionnalisation et le développement des compétences,
· lélaboration doutils vous permettant dexercer une réelle direction de lensemble des services de lEtat,
· lévaluation des résultats, des hommes et des politiques.
La situation du corps est loin dêtre satisfaisante : lengorgement du corps des préfets et des classes les plus élevées du corps des sous-préfets va de pair avec une pénurie de candidats pour les postes de début de carrière des sous-préfets. Jai entrepris de rétablir la situation en mettant fin aux détachements des sous-préfets que vous jugez peu adaptés à leur mission et en développant une politique de recrutement plus exigeante.
Il est par ailleurs nécessaire douvrir plus largement le corps des préfets à des recrutements extérieurs : cest la logique même de linterministérialité du corps préfectoral.
a) La gestion personnalisée vise à offrir à chaque sous-préfet une carrière adaptée à ses talents, à sélectionner les meilleurs, à indiquer clairement aux autres les limites de leurs espérances et à les aider éventuellement à se réorienter. Cette pratique sappuiera prochainement sur un nouveau classement des postes, tenant compte davantage de leur difficulté opérationnelle que de la démographie. Ainsi, jenvisage de classer certains postes de sous-préfet à la ville en 1ère catégorie.
Le déroulement de la carrière des sous-préfets devra dorénavant connaître des phases alternées : en administration territoriale, centrale, éventuellement européenne ou internationale, parfois en collectivité territoriale ou en entreprise. La même politique sera appliquée aux préfets dont je souhaite que laccès à la hors classe soit conditionné par lexercice, en cours de carrière, dune fonction autre que territoriale.
Enfin, il faut améliorer le fonctionnement des équipes préfectorales, en permettant aux préfets de mieux utiliser les compétences de leurs sous-préfets ; les sous-préfets darrondissement ne doivent plus être confinés à des attributions strictement géographiques.
b) La professionnalisation :
Inconnue jusquaux débuts des années 90, progressivement mise en place ensuite sur la base du volontariat, la formation professionnelle des préfets a pris depuis quelques mois un caractère obligatoire, lors de la prise de poste et de manière continue : chacun de vous doit dorénavant suivre des stages de gestion de crise, de communication, de gestion des services déconcentrés, dévaluation, dapprentissage des nouvelles technologies, de connaissance des questions européennes.
La pratique des carrières en alternance doit par ailleurs élargir et enrichir lexpérience des membres du corps préfectoral.
c) Plusieurs mesures vont contribuer à renforcer votre capacité de direction :
· le projet territorial de lEtat, actuellement expérimenté dans cinq départements, sera généralisé au cours du deuxième semestre. Il obligera le préfet à définir avec précision ses objectifs mais lui donnera également une plus grande marge de manoeuvre dans la mesure où ses relations avec les différents ministères et leurs services déconcentrés auront ainsi été clairement précisées ;
· les systèmes dinformation territoriaux, en mutualisant linformation de lensemble des services de lEtat, vous donneront une capacité de pilotage plus cohérente et plus rapide. Je vous demande dy consacrer prioritairement les crédits du fonds pour la réforme de lEtat ;
· la délégation interservice, préconisée par le rapport Santel, donnera aux préfets la possibilité de moduler lorganisation des services déconcentrés de lEtat en fonction des contraintes locales ;
· la déconcentration de la gestion des crédits de fonctionnement et leur globalisation permettront une meilleure utilisation des ressources humaines et matérielles.
d) Lautonomie accrue dont vous disposerez, avec lensemble de ces mesures, pour diriger les services mais aussi pour garantir lunité de lEtat, aura naturellement pour contrepartie un véritable contrôle de gestion et des dispositifs dévaluation des actions et des hommes.
Il vous sera en particulier demandé de procéder de façon beaucoup méthodique à lévaluation des sous-préfets et des chefs de service. Vous le ferez à partir de nouvelles grilles dévaluation.
2 - La modernisation des préfectures, de leur organisation et de leurs méthodes de travail, sera de nouveau à lordre du jour en 1999. La réflexion organisée par la direction générale de ladministration lannée dernière a montré la difficulté de lentreprise, accrue par le scepticisme de nombreux agents du cadre national des préfectures, échaudés par trop dannonces de réformes non suivies deffet et sollicités en permanence par des tâches nouvelles.
Il vous faut leur fournir les moyens daccomplir leur tâche dans de meilleures conditions.
Lexpérience montre quil est illusoire de vouloir réformer les structures et les procédures à partir dun plan global, même longuement pensé. La modernisation se fera de manière pragmatique, lorsque vous disposerez des instruments que jévoquais à linstant : projet territorial, systèmes dinformation territoriaux, délégations interservices, déconcentration de la gestion et globalisation des moyens budgétaires.
Dans limmédiat, il est nécessaire que vous fassiez porter vos efforts sur deux points trop longtemps négligés : laccueil et lencadrement.
La fonction daccueil est essentielle. Les citoyens doivent être accueillis dans les préfectures, guidés, assistés, surtout les plus démunis dentre eux.
Mais le fonctionnement de ce service, comme celui de tous les autres, dépend de lexistence dun véritable encadrement des préfectures. Il faut convaincre les directeurs et chefs de bureau quils ne sont pas seulement des techniciens mais quils ont la responsabilité dencadrer les agents de la préfecture. Une formation leur sera apportée à cette fin.
Cest à ce prix que la préfecture pourra apporter une aide indispensable au préfet dans ses diverses fonctions, notamment dans le pilotage des services déconcentrés. Cest aussi un moyen de valoriser laction des agents du cadre national des préfectures.
Dans cet esprit, pour leur offrir de nouveaux débouchés, jai demandé que soit étudiée la possibilité de charger des fonctions de sous-préfet territorial, dans les arrondissements faiblement peuplés, les meilleurs des directeurs de préfecture.
(Source http://www.interieur.gouv.fr)