Texte intégral
Voici venu le moment de vous présenter le bilan à mi-parcours du plan national d'action pour 2006/2007. Ce plan comporte six objectifs, au nombre desquels figurent le renforcement des partenariats et de la lutte contre la non déclaration, la garantie de la régularité du détachement de salariés par des prestataires de services étrangers, la prévention de l'emploi d'étrangers sans titre de travail ou encore le développement de bonnes pratiques en matière de sous-traitance et de recours à des statuts spécifiques comme les stagiaires.
Ce plan se situe dans la continuité du premier plan d'action 2004-2005 contre le travail illégal, que Jean-Louis Borloo et moi-même lancions en juin 2004.
Je m'attacherai, dans ce bilan intermédiaire, à faire le point sur la mobilisation des différents acteurs, puis à tirer les enseignements sur les cinq formes de fraudes que le plan a ciblées.
I - La mobilisation des différents acteurs, tout d'abord.
A - Mobilisation des corps de contrôle
Le premier résultat est la confirmation de la mobilisation de tous les corps de contrôle qui sont impliqués dans la lutte contre le travail illégal : pour les seuls services d'inspection du travail, des URSSAF, des impôts et des douanes, 67.000 contrôles, ont été réalisés en 2006, contre 59 000 en 2005 (soit près de 14 % en plus).
J'ai noté que l'inspection du travail contribuait largement à cette augmentation. Elle répond ainsi aux objectifs fixés par la LOLF qui a fait de la lutte contre le travail illégal une des grandes actions du programme sur l'amélioration de la qualité des relations du travail et de l'emploi. C'est aussi un des premiers effets du plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail qui lui permet de bénéficier de l'animation et de l'assistance technique du réseau « appui, ressources, méthode ». Je m'en félicite et salue cette mobilisation.
Je voudrais saluer la forte mobilisation des autres corps de contrôle notamment les services de la MSA et de l'ACOSS, dont la convention d'objectifs de gestion fait de la lutte contre le travail illégal une priorité. De même, les URSSAF consacrent près de 14 % de l'activité de contrôle à cet objectif. C'était 11 % il y a deux ans.
Je n'oublie pas la Gendarmerie dont l'action contre les diverses formes de travail dissimulé demeure prépondérante en termes de contrôles et de verbalisation grâce à sa forte présence sur tout le territoire. Elle assure la sécurisation de certains contrôles difficiles, ce qui est essentiel pour les autres corps. La Gendarmerie bénéficie de la montée en puissance de l'action de l'OCLTI, dorénavant capable de prendre en charge les enquêtes sur les affaires les plus importantes et les plus complexes. Des moyens humains issus du corps interministériel de l'inspection du travail viendront renforcer ses rangs prochainement.
Je veux saluer l'action des divers services de Police notamment sur le sujet de l'emploi des étrangers sans titre, ainsi que celle de la Douane et des Impôts, dont la coopération avec les autres corps de contrôle est très importante pour la détection des fraudes liées, notamment, aux prestations de service transfrontalières.
Le renforcement de la coopération entre les corps de contrôle, était le premier objectif du plan national d'action. Ce renforcement est la condition impérative de l'efficacité des actions de lutte contre le travail illégal, qu'elles soient de nature préventive ou répressive.
Les résultats obtenus à cet égard depuis janvier 2006 dans le domaine de la coopération interinstitutionnelle sont satisfaisants.
J'observe en premier lieu que les COLTI, qui sont le cadre privilégié d'organisation de la coopération entre corps de contrôle, ont augmenté de 20 % la fréquence de leurs réunions et que la part des contrôles qu'ils ont coordonnés dans les secteurs prioritaires s'est élevée de plus de 3 %.
Je remarque, en second lieu, que la charte de coopération signée entre l'Etat et l'ACOSS a déjà été déclinée au niveau territorial sous la forme de 16 conventions territoriales signées au plan départemental entre les URSSAF et les DDTEFP. Il convient d'assurer cette année la couverture de l'ensemble du territoire.
L'UNEDIC, qui a mis en place une cellule d'action anti-fraude, bénéficiera désormais du contrôle de l'application de ses règles par les URSSAF en vertu de la dernière loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. L'UNEDIC est maintenant associée à cette coopération, notamment dans le cadre des COLTI.
Le programme de travail du Comité national de lutte contre la fraude sociale (CNLF), récemment mis en place par mon collègue Xavier BERTRAND, prévoit de mettre à l'étude diverses propositions pour renforcer la coopération de toutes les institutions concernées, pour mieux lutter contre les fraudes à l'affiliation aux organismes de cotisations sociales.
Une autre coopération inter institutionnelle se développe actuellement dans le cadre du réseau européen d'échanges de bonnes pratiques pour la lutte contre le travail illégal, récemment mis en place par l'Italie et la France avec le soutien de la Commission. Ce réseau nous apporte des éléments de réflexion ou d'échange très utiles : il nous enseigne que, en comparaison avec leurs homologues européens, les administrations de contrôle françaises ont encore peu développé l'échange automatisé d'informations administratives, économiques, sociales et financières sur les entreprises. Or, ce type de système permettrait un ciblage plus efficace des contrôles.
Les raisons exactes de cette situation, qui limite l'efficacité de la coopération interinstitutionnelle, méritent un examen approfondi. L'initiative de la DILTI d'organiser prochainement un séminaire européen permettra de faire progresser la réflexion et des propositions concrètes sur ce sujet, à partir de l'examen comparé des systèmes d'informations croisées, belge, italien et français, destinés à lutter contre le travail illégal. Il y là un chantier important à ouvrir pour la prochaine législature. C'est à mes yeux très important.
B - Partenariat social
Le partenariat social, qui est essentiel, a nettement progressé depuis notre dernière commission nationale.
Deux nouvelles conventions nationales ont été signées dans le secteur du travail temporaire et de la sécurité. Une troisième est en cours de signature dans le secteur du transport léger. Les comités de suivi et d'évaluation des conventions nationales antérieurement signées, je pense au BTP et au déménagement, permettent d'actualiser régulièrement l'analyse des risques, secteur par secteur, et d'ajuster au fur et à mesure les objectifs et les programmes d'action conventionnels.
Ce partenariat doit se décliner de façon très opérationnelle dans tous les départements. Seize d'entre eux les ont fait vivre par de nouvelles initiatives qui engagent fortement les organisations professionnelles locales aux côtés des pouvoirs publics, en particulier dans les secteurs prioritaires comme ceux du BTP, du spectacle et des HCR.
J'ai noté que des progrès restaient à faire pour assurer une réponse plus réactive des services de contrôle aux signalements de situations de travail illégal par les entreprises qui en sont les victimes. Toutefois ces signalements doivent présenter des garanties de crédibilité et d'identification de leurs auteurs pour être prises en comptes et donner lieu à contrôle systématique.
II - Une nouvelle définition des objectifs pleinement justifiée
Au-delà de l'augmentation du nombre de contrôles réalisés, particulièrement marquée depuis 2005, les résultats qualitatifs qu'ils ont permis d'obtenir au regard des objectifs fixés par la dernière Commission nationale du 26 janvier 2006 sont positifs.
Nous avions choisi l'année dernière de privilégier des objectifs thématiques visant les mécanismes de fraudes les plus fréquemment rencontrées dans l'ensemble du marché du travail.
L'idée était de renforcer l'attention des services de contrôle sur la diversité et la complexité croissantes des pratiques frauduleuses qui consistent pour leurs auteurs à tirer parti de nouvelles formes d'organisation de la relation d'emploi pour tenter de contourner leurs obligations sociales.
Je pense évidemment aux pratiques résultant d'un usage détourné de l'externalisation de l'emploi par la sous-traitance en cascade, d'un contournement des règles de détachement dans le cadre du marché intérieur des services ou d'un affaiblissement des frontières juridiques entre les divers statuts d'emploi. Toutes ces nouvelles formes de fraudes n'excluent nullement la persistance de pratiques beaucoup plus classiques de non déclaration.
De ce point de vue, les résultats obtenus sont probants. Le bilan 2006 du plan national d'action dans les principaux secteurs d'activité concernés montre, en effet, que l'augmentation des infractions constatées, est fortement corrélée à la diversification de leur nature (prêt illicite de main d'oeuvre, abus du CDD d'usage ou emploi d'étrangers sans titres de travail, en particulier).
Cette corrélation atteste de la bonne appropriation de ces objectifs par les corps de contrôle, mais aussi un élargissement évident du champ de leurs investigations et de leur action et, par conséquent, une plus grande efficacité du contrôle. Elle atteste aussi du bien fondé de la nouvelle approche de 2006.
Je constate aussi que le taux d'infraction demeure inférieur ou augmente sensiblement moins dans les secteurs prioritaires du plan initial de 2004 qui ont été effectivement les plus contrôlés depuis plusieurs années (le BTP en particulier) que dans les secteurs plus récemment désignés comme prioritaires (confection, déménagement, spectacle vivant).
L'action de lutte contre les cinq formes de fraudes définies comme cibles prioritaires du plan national d'action pour 2006 et 2007 a permis d'atteindre des résultats encourageants.
Je citerai les résultats qui me paraissent les plus significatifs, en indiquant les marges de progrès, à mon sens, qui restent à faire dans certains domaines.
A - Lutter contre le travail non déclaré
Mon objectif était de renforcer l'efficacité de la lutte contre cette catégorie d'infraction « banalisée » et qui induit le préjudice financier le plus élevé pour notre système de protection sociale.
L'action devait être déclinée sur le double front de la prévention et de la promotion des dispositifs de simplification administrative, d'une part, et de l'amélioration du ciblage des contrôles, d'autre part. J'en attendais comme premier résultat une augmentation notable du recouvrement des cotisations sociales.
Le bilan est positif, puisqu'il se traduit par une augmentation du nombre d'adhésion à la plupart des titres emploi simplifiés, comme par exemple le « chèque emploi très petites entreprises » ou « le titre emploi entreprises-occasionnels » (de 15 à 166 % selon les titres, à l'exception du GUSO qui est un dispositif simplifié de déclaration et de paiement des cotisations sociales réservé au domaine du spectacle occasionnel dont le nombre d'adhérents se stabilise à un haut niveau). Par ailleurs, le montant des redressements notifiés par les URSSAF au titre de la lutte contre le travail illégal a plus que doublé, en passant de 17,6 millions d'Euros en 2005 à 40,7 millions d'Euros en 2006. Ce résultat traduit une amélioration du ciblage des contrôles dans la mesure où cette augmentation est beaucoup plus forte que celle du nombre d'entreprises contrôlées.
De même, l'arsenal législatif et réglementaire des sanctions administratives et leur mise en oeuvre effective ont été renforcés. Cela devrait permettre de mieux prévenir toutes les formes de travail illégal. Il reste à mettre en place un dispositif plus opérationnel de circulation de l'information entre les services verbalisateurs et les services gestionnaires des aides ainsi qu'un appareil statistique d'évaluation de leur application.
B - Faire échec aux risques liés à la fausse sous-traitance
Sur ce point, il faut saluer les efforts réalisés par les organisations professionnelles de plusieurs secteurs particulièrement, comme ceux du BTP et du spectacle. Leur implication dans la mise en oeuvre de la charte de bonne conduite qu'ils ont récemment élaborée avec l'aide de la DILTI, est incontestable.
Les inspecteurs du travail ont été attentifs à la détection des infractions de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage qui ont été beaucoup plus constatées et verbalisées en 2006.
Je regrette qu'à ce stade, les statistiques de la verbalisation ne permettent pas de mieux appréhender la réalité. L'outil statistique de la verbalisation doit s'adapter rapidement sur ce point pour mieux évaluer les progrès accomplis. J'y attache d'autant plus d'importance que cet objectif d'assainissement de certaines pratiques de sous-traitance et de responsabilisation de tous les protagonistes de la chaîne de production est directement rattaché à la préoccupation de promouvoir la responsabilité sociale des entreprises dans une perspective de développement durable.
C - Prévenir l'emploi des étrangers sans titre de travail
Cette prévention constituait également un de nos objectifs prioritaires. Je note que cet objectif a été intégré par les inspecteurs du travail dont les constatations d'infractions en ce domaine ont augmenté en 2006 (de 2004 : 8,4 % des infractions constatées, 2005 : 9 %, 2006 : 14,8 %). Les services ont participé aux 343 opérations conjointes de grande envergure qui ont été conduites en liaison avec les autres corps de contrôle.
Cette participation me paraît devoir être d'autant mieux comprise à l'avenir qu'elle a permis de constater de nombreuses autres infractions à la législation sociale, connexes à l'emploi d'étrangers sans titre, notamment la durée du travail et salaire, la santé et la sécurité au travail... La DGT a fait passer des instructions dans ce sens dans le cadre d'une circulaire du 20 décembre 2006 sur le positionnement de l'inspection du travail contre l'emploi d'étrangers sans titre de travail et le travail dissimulé.
D - Faire respecter les conditions légales de recours aux statuts spécifiques (stagiaires, intermittents...)
J'avais en effet assigné aux services de contrôle la mission de mieux veiller au respect des conditions légales du recours aux statuts d'emploi spécifiques. Il s'agissait de lutter contre le détournement abusif de dispositifs qui sont destinés à favoriser l'insertion sociale des jeunes (les stages) ou à soutenir l'emploi artistique (le statut de l'intermittence), et qui ont pu être détournés de leur objectif. Là encore, le bilan du plan d'action illustre une mobilisation des corps de contrôle, surtout de l'inspection du travail dont l'intervention a permis de régulariser de nombreuses situations. Tout statut confondu, l'ensemble des infractions constatées est passé de 1,2 % en 2004 à 4,2 % en 2006).
Concernant plus spécifiquement les stages, la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, les décrets d'application qui ont suivi et la charte des stages en entreprise permettent d'encadrer leur recours pour éviter certains abus constatés.
E - Garantir la régularité du détachement des salariés détachés par des prestataires de services étrangers
J'en viens, enfin, au bilan de l'action qui a été conduite en 2006 en matière de prévention et de contrôle des fraudes liées au détachement en France de salariés des entreprises étrangères, dans le cadre d'une prestation de service. Tout corps de contrôle confondus (douanes, impôts, URSSAF et inspection du travail), le nombre de contrôle des prestataires étrangers de 2004 à 2006 a été multiplié par 5 et dépasse 1000 en 2006.
Chacun le sait, il s'agit là d'un problème sensible qui a pour enjeux aussi bien l'avenir du projet européen que celui de notre système de régulation des rapports sociaux et de protection sociale.
Dans une Europe élargie où le niveau de protection des droits des salariés et le coût du travail restent caractérisés par des distorsions entre les pays, notamment les nouveaux entrants, le risque de « dumping » social existe.
L'Europe s'est dotée d'outils juridiques qui permettent de réguler une concurrence déloyale des entreprises et des travailleurs sur le marché du travail qui serait fondée sur cette distorsion. Le Règlement européen de sécurité sociale, surtout celui qui devra prochainement remplacer le Règlement 1408 actuel, ainsi que la Directive de 1996 sur le détachement ont harmonisé les règles de droit social applicables à tous les salariés qui travaillent dans un même Etat.
Le problème réel est moins un problème de droit, notamment européen, que celui de son application effective. Le taux d'infraction qui caractérise l'emploi des salariés détachés reste important.
Il est vrai qu'à cet égard aucun pays européen, y compris la France, n'a su se doter rapidement d'outils organisationnels internes ou de moyens de coopération avec les autres Etats membres qui leur permettent d'assurer une prévention efficace des pratiques illégales, notamment par une meilleure information des opérateurs économiques et sociaux concernés et un contrôle efficace de l'application des règles de droit.
Le contrôle efficace de l'emploi détaché se heurte à beaucoup d'obstacles pratiques nouveaux qu'il est nécessaire de lever rapidement.
Des moyens de contrôle et de prévention ont été adaptés. Les progrès enregistrés concernent en premier lieu l'adaptation de notre dispositif national juridique et de contrôle. Après avoir complété notre législation de transposition de la Directive de 1996 par la loi du 25 août 2005, il fallait remettre d'urgence à niveau les moyens des services d'inspection afin que leurs contrôles acquièrent l'efficacité requise.
Au niveau méthodologique, la DILTI a diffusé en 2006 un guide méthodologique de contrôle de l'emploi détaché et a multiplié les actions de sensibilisation et de formation continue des agents de contrôle, en liaison avec les services centraux d'animation territoriale des différents ministères concernés.
Par ailleurs j'ai souhaité que des accords bilatéraux de coopération soient signés avec mes homologues des Etats membres, afin d'en élargir le champ et d'intensifier la qualité des échanges entre les Bureaux de liaison, condition indispensable de l'efficacité des contrôles et de la prévention des fraudes.
Des accords bilatéraux ont été ou sont ainsi sur le point d'être signés avec des pays comme les Pays Bas (signé à Berlin le 19 janvier dernier), l'Espagne, la Roumanie et la Bulgarie. Les négociations sont largement engagées avec d'autres pays comme la Pologne, la République Tchèque, le Portugal et le Luxembourg.
Le résultat positif de ces efforts apparaît dans le dernier bilan du bureau de liaison français qui mentionne un taux de réponse des bureaux de liaison des autres Etats membres en forte augmentation quantitative (74 % contre 35 % en 2005) et qualitative, alors que le volume des échanges et des dossiers traités s'est accru.
Il s'inscrit aussi dans le bilan des actions de contrôle qui fait apparaître un doublement du nombre d'entreprises prestataires étrangères contrôlées, même si le taux de contrôle de ces entreprises doit encore augmenter par rapport aux entreprises établies sur notre territoire. Cette situation s'explique notamment parce que l'obligation de déclaration préalable des interventions en France de ces entreprises est encore trop peu respectée, souvent par méconnaissance des entreprises étrangères. C'est pourquoi il faut aussi continuer à multiplier les actions d'information des opérateurs étrangers en coopération avec les autorités concernées des autres Etats membres.
La France a su convaincre ses partenaires européens de préserver le droit d'instituer cette obligation de déclaration préalable lors des débats qui ont précédé l'adoption de la Directive « Services ». Il nous reste maintenant à en obtenir un meilleur respect afin que la construction du marché intérieur des services puisse se poursuivre sans pour autant affaiblir notre modèle social. J'ai du reste pris le 14 février 2007 des initiatives, en liaison avec certains de mes collègues européens, pour relancer le projet de l'Europe sociale.
Voici, Mesdames et Messieurs, l'essentiel du bilan d'étape de notre plan national d'action qui marque les résultats obtenus de la lutte efficace contre le travail illégal. Il reste du chemin à faire, je suis convaincu que l'impulsion est maintenant donnée et que la voie que nous avons tracée pour l'avenir est la bonne.
Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 26 mars 2007
Ce plan se situe dans la continuité du premier plan d'action 2004-2005 contre le travail illégal, que Jean-Louis Borloo et moi-même lancions en juin 2004.
Je m'attacherai, dans ce bilan intermédiaire, à faire le point sur la mobilisation des différents acteurs, puis à tirer les enseignements sur les cinq formes de fraudes que le plan a ciblées.
I - La mobilisation des différents acteurs, tout d'abord.
A - Mobilisation des corps de contrôle
Le premier résultat est la confirmation de la mobilisation de tous les corps de contrôle qui sont impliqués dans la lutte contre le travail illégal : pour les seuls services d'inspection du travail, des URSSAF, des impôts et des douanes, 67.000 contrôles, ont été réalisés en 2006, contre 59 000 en 2005 (soit près de 14 % en plus).
J'ai noté que l'inspection du travail contribuait largement à cette augmentation. Elle répond ainsi aux objectifs fixés par la LOLF qui a fait de la lutte contre le travail illégal une des grandes actions du programme sur l'amélioration de la qualité des relations du travail et de l'emploi. C'est aussi un des premiers effets du plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail qui lui permet de bénéficier de l'animation et de l'assistance technique du réseau « appui, ressources, méthode ». Je m'en félicite et salue cette mobilisation.
Je voudrais saluer la forte mobilisation des autres corps de contrôle notamment les services de la MSA et de l'ACOSS, dont la convention d'objectifs de gestion fait de la lutte contre le travail illégal une priorité. De même, les URSSAF consacrent près de 14 % de l'activité de contrôle à cet objectif. C'était 11 % il y a deux ans.
Je n'oublie pas la Gendarmerie dont l'action contre les diverses formes de travail dissimulé demeure prépondérante en termes de contrôles et de verbalisation grâce à sa forte présence sur tout le territoire. Elle assure la sécurisation de certains contrôles difficiles, ce qui est essentiel pour les autres corps. La Gendarmerie bénéficie de la montée en puissance de l'action de l'OCLTI, dorénavant capable de prendre en charge les enquêtes sur les affaires les plus importantes et les plus complexes. Des moyens humains issus du corps interministériel de l'inspection du travail viendront renforcer ses rangs prochainement.
Je veux saluer l'action des divers services de Police notamment sur le sujet de l'emploi des étrangers sans titre, ainsi que celle de la Douane et des Impôts, dont la coopération avec les autres corps de contrôle est très importante pour la détection des fraudes liées, notamment, aux prestations de service transfrontalières.
Le renforcement de la coopération entre les corps de contrôle, était le premier objectif du plan national d'action. Ce renforcement est la condition impérative de l'efficacité des actions de lutte contre le travail illégal, qu'elles soient de nature préventive ou répressive.
Les résultats obtenus à cet égard depuis janvier 2006 dans le domaine de la coopération interinstitutionnelle sont satisfaisants.
J'observe en premier lieu que les COLTI, qui sont le cadre privilégié d'organisation de la coopération entre corps de contrôle, ont augmenté de 20 % la fréquence de leurs réunions et que la part des contrôles qu'ils ont coordonnés dans les secteurs prioritaires s'est élevée de plus de 3 %.
Je remarque, en second lieu, que la charte de coopération signée entre l'Etat et l'ACOSS a déjà été déclinée au niveau territorial sous la forme de 16 conventions territoriales signées au plan départemental entre les URSSAF et les DDTEFP. Il convient d'assurer cette année la couverture de l'ensemble du territoire.
L'UNEDIC, qui a mis en place une cellule d'action anti-fraude, bénéficiera désormais du contrôle de l'application de ses règles par les URSSAF en vertu de la dernière loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. L'UNEDIC est maintenant associée à cette coopération, notamment dans le cadre des COLTI.
Le programme de travail du Comité national de lutte contre la fraude sociale (CNLF), récemment mis en place par mon collègue Xavier BERTRAND, prévoit de mettre à l'étude diverses propositions pour renforcer la coopération de toutes les institutions concernées, pour mieux lutter contre les fraudes à l'affiliation aux organismes de cotisations sociales.
Une autre coopération inter institutionnelle se développe actuellement dans le cadre du réseau européen d'échanges de bonnes pratiques pour la lutte contre le travail illégal, récemment mis en place par l'Italie et la France avec le soutien de la Commission. Ce réseau nous apporte des éléments de réflexion ou d'échange très utiles : il nous enseigne que, en comparaison avec leurs homologues européens, les administrations de contrôle françaises ont encore peu développé l'échange automatisé d'informations administratives, économiques, sociales et financières sur les entreprises. Or, ce type de système permettrait un ciblage plus efficace des contrôles.
Les raisons exactes de cette situation, qui limite l'efficacité de la coopération interinstitutionnelle, méritent un examen approfondi. L'initiative de la DILTI d'organiser prochainement un séminaire européen permettra de faire progresser la réflexion et des propositions concrètes sur ce sujet, à partir de l'examen comparé des systèmes d'informations croisées, belge, italien et français, destinés à lutter contre le travail illégal. Il y là un chantier important à ouvrir pour la prochaine législature. C'est à mes yeux très important.
B - Partenariat social
Le partenariat social, qui est essentiel, a nettement progressé depuis notre dernière commission nationale.
Deux nouvelles conventions nationales ont été signées dans le secteur du travail temporaire et de la sécurité. Une troisième est en cours de signature dans le secteur du transport léger. Les comités de suivi et d'évaluation des conventions nationales antérieurement signées, je pense au BTP et au déménagement, permettent d'actualiser régulièrement l'analyse des risques, secteur par secteur, et d'ajuster au fur et à mesure les objectifs et les programmes d'action conventionnels.
Ce partenariat doit se décliner de façon très opérationnelle dans tous les départements. Seize d'entre eux les ont fait vivre par de nouvelles initiatives qui engagent fortement les organisations professionnelles locales aux côtés des pouvoirs publics, en particulier dans les secteurs prioritaires comme ceux du BTP, du spectacle et des HCR.
J'ai noté que des progrès restaient à faire pour assurer une réponse plus réactive des services de contrôle aux signalements de situations de travail illégal par les entreprises qui en sont les victimes. Toutefois ces signalements doivent présenter des garanties de crédibilité et d'identification de leurs auteurs pour être prises en comptes et donner lieu à contrôle systématique.
II - Une nouvelle définition des objectifs pleinement justifiée
Au-delà de l'augmentation du nombre de contrôles réalisés, particulièrement marquée depuis 2005, les résultats qualitatifs qu'ils ont permis d'obtenir au regard des objectifs fixés par la dernière Commission nationale du 26 janvier 2006 sont positifs.
Nous avions choisi l'année dernière de privilégier des objectifs thématiques visant les mécanismes de fraudes les plus fréquemment rencontrées dans l'ensemble du marché du travail.
L'idée était de renforcer l'attention des services de contrôle sur la diversité et la complexité croissantes des pratiques frauduleuses qui consistent pour leurs auteurs à tirer parti de nouvelles formes d'organisation de la relation d'emploi pour tenter de contourner leurs obligations sociales.
Je pense évidemment aux pratiques résultant d'un usage détourné de l'externalisation de l'emploi par la sous-traitance en cascade, d'un contournement des règles de détachement dans le cadre du marché intérieur des services ou d'un affaiblissement des frontières juridiques entre les divers statuts d'emploi. Toutes ces nouvelles formes de fraudes n'excluent nullement la persistance de pratiques beaucoup plus classiques de non déclaration.
De ce point de vue, les résultats obtenus sont probants. Le bilan 2006 du plan national d'action dans les principaux secteurs d'activité concernés montre, en effet, que l'augmentation des infractions constatées, est fortement corrélée à la diversification de leur nature (prêt illicite de main d'oeuvre, abus du CDD d'usage ou emploi d'étrangers sans titres de travail, en particulier).
Cette corrélation atteste de la bonne appropriation de ces objectifs par les corps de contrôle, mais aussi un élargissement évident du champ de leurs investigations et de leur action et, par conséquent, une plus grande efficacité du contrôle. Elle atteste aussi du bien fondé de la nouvelle approche de 2006.
Je constate aussi que le taux d'infraction demeure inférieur ou augmente sensiblement moins dans les secteurs prioritaires du plan initial de 2004 qui ont été effectivement les plus contrôlés depuis plusieurs années (le BTP en particulier) que dans les secteurs plus récemment désignés comme prioritaires (confection, déménagement, spectacle vivant).
L'action de lutte contre les cinq formes de fraudes définies comme cibles prioritaires du plan national d'action pour 2006 et 2007 a permis d'atteindre des résultats encourageants.
Je citerai les résultats qui me paraissent les plus significatifs, en indiquant les marges de progrès, à mon sens, qui restent à faire dans certains domaines.
A - Lutter contre le travail non déclaré
Mon objectif était de renforcer l'efficacité de la lutte contre cette catégorie d'infraction « banalisée » et qui induit le préjudice financier le plus élevé pour notre système de protection sociale.
L'action devait être déclinée sur le double front de la prévention et de la promotion des dispositifs de simplification administrative, d'une part, et de l'amélioration du ciblage des contrôles, d'autre part. J'en attendais comme premier résultat une augmentation notable du recouvrement des cotisations sociales.
Le bilan est positif, puisqu'il se traduit par une augmentation du nombre d'adhésion à la plupart des titres emploi simplifiés, comme par exemple le « chèque emploi très petites entreprises » ou « le titre emploi entreprises-occasionnels » (de 15 à 166 % selon les titres, à l'exception du GUSO qui est un dispositif simplifié de déclaration et de paiement des cotisations sociales réservé au domaine du spectacle occasionnel dont le nombre d'adhérents se stabilise à un haut niveau). Par ailleurs, le montant des redressements notifiés par les URSSAF au titre de la lutte contre le travail illégal a plus que doublé, en passant de 17,6 millions d'Euros en 2005 à 40,7 millions d'Euros en 2006. Ce résultat traduit une amélioration du ciblage des contrôles dans la mesure où cette augmentation est beaucoup plus forte que celle du nombre d'entreprises contrôlées.
De même, l'arsenal législatif et réglementaire des sanctions administratives et leur mise en oeuvre effective ont été renforcés. Cela devrait permettre de mieux prévenir toutes les formes de travail illégal. Il reste à mettre en place un dispositif plus opérationnel de circulation de l'information entre les services verbalisateurs et les services gestionnaires des aides ainsi qu'un appareil statistique d'évaluation de leur application.
B - Faire échec aux risques liés à la fausse sous-traitance
Sur ce point, il faut saluer les efforts réalisés par les organisations professionnelles de plusieurs secteurs particulièrement, comme ceux du BTP et du spectacle. Leur implication dans la mise en oeuvre de la charte de bonne conduite qu'ils ont récemment élaborée avec l'aide de la DILTI, est incontestable.
Les inspecteurs du travail ont été attentifs à la détection des infractions de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage qui ont été beaucoup plus constatées et verbalisées en 2006.
Je regrette qu'à ce stade, les statistiques de la verbalisation ne permettent pas de mieux appréhender la réalité. L'outil statistique de la verbalisation doit s'adapter rapidement sur ce point pour mieux évaluer les progrès accomplis. J'y attache d'autant plus d'importance que cet objectif d'assainissement de certaines pratiques de sous-traitance et de responsabilisation de tous les protagonistes de la chaîne de production est directement rattaché à la préoccupation de promouvoir la responsabilité sociale des entreprises dans une perspective de développement durable.
C - Prévenir l'emploi des étrangers sans titre de travail
Cette prévention constituait également un de nos objectifs prioritaires. Je note que cet objectif a été intégré par les inspecteurs du travail dont les constatations d'infractions en ce domaine ont augmenté en 2006 (de 2004 : 8,4 % des infractions constatées, 2005 : 9 %, 2006 : 14,8 %). Les services ont participé aux 343 opérations conjointes de grande envergure qui ont été conduites en liaison avec les autres corps de contrôle.
Cette participation me paraît devoir être d'autant mieux comprise à l'avenir qu'elle a permis de constater de nombreuses autres infractions à la législation sociale, connexes à l'emploi d'étrangers sans titre, notamment la durée du travail et salaire, la santé et la sécurité au travail... La DGT a fait passer des instructions dans ce sens dans le cadre d'une circulaire du 20 décembre 2006 sur le positionnement de l'inspection du travail contre l'emploi d'étrangers sans titre de travail et le travail dissimulé.
D - Faire respecter les conditions légales de recours aux statuts spécifiques (stagiaires, intermittents...)
J'avais en effet assigné aux services de contrôle la mission de mieux veiller au respect des conditions légales du recours aux statuts d'emploi spécifiques. Il s'agissait de lutter contre le détournement abusif de dispositifs qui sont destinés à favoriser l'insertion sociale des jeunes (les stages) ou à soutenir l'emploi artistique (le statut de l'intermittence), et qui ont pu être détournés de leur objectif. Là encore, le bilan du plan d'action illustre une mobilisation des corps de contrôle, surtout de l'inspection du travail dont l'intervention a permis de régulariser de nombreuses situations. Tout statut confondu, l'ensemble des infractions constatées est passé de 1,2 % en 2004 à 4,2 % en 2006).
Concernant plus spécifiquement les stages, la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, les décrets d'application qui ont suivi et la charte des stages en entreprise permettent d'encadrer leur recours pour éviter certains abus constatés.
E - Garantir la régularité du détachement des salariés détachés par des prestataires de services étrangers
J'en viens, enfin, au bilan de l'action qui a été conduite en 2006 en matière de prévention et de contrôle des fraudes liées au détachement en France de salariés des entreprises étrangères, dans le cadre d'une prestation de service. Tout corps de contrôle confondus (douanes, impôts, URSSAF et inspection du travail), le nombre de contrôle des prestataires étrangers de 2004 à 2006 a été multiplié par 5 et dépasse 1000 en 2006.
Chacun le sait, il s'agit là d'un problème sensible qui a pour enjeux aussi bien l'avenir du projet européen que celui de notre système de régulation des rapports sociaux et de protection sociale.
Dans une Europe élargie où le niveau de protection des droits des salariés et le coût du travail restent caractérisés par des distorsions entre les pays, notamment les nouveaux entrants, le risque de « dumping » social existe.
L'Europe s'est dotée d'outils juridiques qui permettent de réguler une concurrence déloyale des entreprises et des travailleurs sur le marché du travail qui serait fondée sur cette distorsion. Le Règlement européen de sécurité sociale, surtout celui qui devra prochainement remplacer le Règlement 1408 actuel, ainsi que la Directive de 1996 sur le détachement ont harmonisé les règles de droit social applicables à tous les salariés qui travaillent dans un même Etat.
Le problème réel est moins un problème de droit, notamment européen, que celui de son application effective. Le taux d'infraction qui caractérise l'emploi des salariés détachés reste important.
Il est vrai qu'à cet égard aucun pays européen, y compris la France, n'a su se doter rapidement d'outils organisationnels internes ou de moyens de coopération avec les autres Etats membres qui leur permettent d'assurer une prévention efficace des pratiques illégales, notamment par une meilleure information des opérateurs économiques et sociaux concernés et un contrôle efficace de l'application des règles de droit.
Le contrôle efficace de l'emploi détaché se heurte à beaucoup d'obstacles pratiques nouveaux qu'il est nécessaire de lever rapidement.
Des moyens de contrôle et de prévention ont été adaptés. Les progrès enregistrés concernent en premier lieu l'adaptation de notre dispositif national juridique et de contrôle. Après avoir complété notre législation de transposition de la Directive de 1996 par la loi du 25 août 2005, il fallait remettre d'urgence à niveau les moyens des services d'inspection afin que leurs contrôles acquièrent l'efficacité requise.
Au niveau méthodologique, la DILTI a diffusé en 2006 un guide méthodologique de contrôle de l'emploi détaché et a multiplié les actions de sensibilisation et de formation continue des agents de contrôle, en liaison avec les services centraux d'animation territoriale des différents ministères concernés.
Par ailleurs j'ai souhaité que des accords bilatéraux de coopération soient signés avec mes homologues des Etats membres, afin d'en élargir le champ et d'intensifier la qualité des échanges entre les Bureaux de liaison, condition indispensable de l'efficacité des contrôles et de la prévention des fraudes.
Des accords bilatéraux ont été ou sont ainsi sur le point d'être signés avec des pays comme les Pays Bas (signé à Berlin le 19 janvier dernier), l'Espagne, la Roumanie et la Bulgarie. Les négociations sont largement engagées avec d'autres pays comme la Pologne, la République Tchèque, le Portugal et le Luxembourg.
Le résultat positif de ces efforts apparaît dans le dernier bilan du bureau de liaison français qui mentionne un taux de réponse des bureaux de liaison des autres Etats membres en forte augmentation quantitative (74 % contre 35 % en 2005) et qualitative, alors que le volume des échanges et des dossiers traités s'est accru.
Il s'inscrit aussi dans le bilan des actions de contrôle qui fait apparaître un doublement du nombre d'entreprises prestataires étrangères contrôlées, même si le taux de contrôle de ces entreprises doit encore augmenter par rapport aux entreprises établies sur notre territoire. Cette situation s'explique notamment parce que l'obligation de déclaration préalable des interventions en France de ces entreprises est encore trop peu respectée, souvent par méconnaissance des entreprises étrangères. C'est pourquoi il faut aussi continuer à multiplier les actions d'information des opérateurs étrangers en coopération avec les autorités concernées des autres Etats membres.
La France a su convaincre ses partenaires européens de préserver le droit d'instituer cette obligation de déclaration préalable lors des débats qui ont précédé l'adoption de la Directive « Services ». Il nous reste maintenant à en obtenir un meilleur respect afin que la construction du marché intérieur des services puisse se poursuivre sans pour autant affaiblir notre modèle social. J'ai du reste pris le 14 février 2007 des initiatives, en liaison avec certains de mes collègues européens, pour relancer le projet de l'Europe sociale.
Voici, Mesdames et Messieurs, l'essentiel du bilan d'étape de notre plan national d'action qui marque les résultats obtenus de la lutte efficace contre le travail illégal. Il reste du chemin à faire, je suis convaincu que l'impulsion est maintenant donnée et que la voie que nous avons tracée pour l'avenir est la bonne.
Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 26 mars 2007