Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le budget 1998 pour l'emploi et la formation professionnelle, à l'Assemblée nationale le 6 novembre.

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Circonstance : Présentation du budget de l'emploi et de la formation professionnelle pour 1998, à l'Assemblée nationale le 6 novembre et au Sénat le 1er décembre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et messieurs les députés,
Le Premier Ministre a indiqué, ici même le 19 juin, lors de sa déclaration de politique générale, que l'emploi constituait la priorité du Gouvernement.
Comment, en effet, pouvons nous aller vers une société plus solidaire, redonner confiance à notre pays et nos concitoyens, si nous ne sommes pas en mesure de faire reculer durablement le chômage, en imaginant un nouveau modèle de développement plus riche en emplois.
Le projet de budget que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans cette ambition.
Je l'ai souvent dit, je le répète une fois encore, nous devons avoir de l'audace, attaquer le chômage par tous les bouts, pour faire de l'emploi notre priorité absolue.
La vraie rupture qui caractérise ce budget n'est pas dans un arbitrage entre telle ou telle mesure ciblée. La vraie rupture est tout simplement d'avoir enfin cherché à encourager la création d'emplois sous toutes ses formes.
D'une part, nous n'oublions pas le soutien de la croissance même si elle ne peut constituer l'unique réponse.
La relance de la consommation est, à cet égard, primordiale.
C'est ce que nous avons fait en redonnant du pouvoir d'achat, particulièrement à ceux qui en ont le plus besoin, par l'augmentation du SMIC de 4 % au 1er juillet, le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, la revalorisation de l'APL, et le basculement des cotisations d'assurance-maladie vers les CSG, qui relève le pouvoir d'achat de plus de 1 % pour tous les salariés, et bénéficie également aux autres.
Certains signaux positifs apparaissent d'ores et déjà du côté de la consommation : d'après les enquêtes de l'INSEE, la confiance des ménages s'est très sensiblement redressée depuis le mois de mai et les achats des ménages se sont un peu raffermis pendant l'été. Cette tendance doit être consolidée et amplifiée.
Soutenir l'activité économique, c'est aussi agir du côté de l'offre et faciliter le développement des petites entreprises, notamment dans le domaine des nouvelles technologies où notre pays souffre d'un retard inquiétant. C'est notamment dans cet esprit que le Gouvernement fera rapidement des propositions de simplifications administratives. Le projet de loi de finances pour 1998 comprend d'ores et déjà plusieurs mesures significatives en faveur du développement des petites entreprises : crédit d'impôt pour l'embauche de nouveaux salariés, aménagement de la fiscalité des entreprises innovantes...
Attaquer le chômage par tous les bouts c'est, au-delà de la croissance, ouvrir de nouvelles pistes, comme nous l'avons fait avec le dispositif pour la création d'activités nouvelles de services en faveur de l'emploi des jeunes, mais aussi en proposant un vrai processus de réduction de la durée du travail.
Le dispositif en faveur des jeunes en constitue une bonne illustration. Il nous permet de sortir de la logique des contrats aidés, trop souvent utilisés depuis quinze ans, pour entrer dans une logique économique en cherchant les nouveaux métiers de demain.
Ce premier grand volet de la politique de l'emploi rompt avec l'approche traditionnelle de ce ministère, dont les actions sont essentiellement centrées sur le traitement social.
Même dans ce second volet, plus classique, de la politique de l'emploi, il faut, pour être efficace, interrompre les trajectoires qui vont vers le chômage et y installent les gens, il faut empêcher que ne se prolongent les phases de rupture entre les périodes d'activité, il faut renforcer les liens entre la formation, la qualification et l'emploi.
En un mot, il faut que la politique de l'emploi devienne plus active qu'elle ne l'a été jusqu'à présent.
Cette approche nouvelle justifie la hausse remarquable du budget de l'emploi, + 3,6 % par rapport aux crédits votés en 1997, pour un montant de 155,8 MdsF.
Il s'agit là du budget de l'emploi entendu au sens large, désormais usuel, qui additionne les crédits de l'emploi et de la formation professionnelle inscrits au « bleu », 112,6 MdsF, en hausse de 4,4 % sur 1997, et les sommes inscrites aux charges communes, 43,2 MdsF, affectées pour l'essentiel à l'allégement du coût du travail.
1. Les deux objectifs porteurs du volet offensif de ce budget, le développement de l'emploi des jeunes et la réduction du temps travail, sont dotés de 13 MdsF de moyens nouveaux.
1.1 je ne reviens pas sur la philosophie du plan emplois-jeune, dont nous avons beaucoup débattu ici et pour lequel nos discussions ont permis de mettre en place un dispositif simple et souple, parfaitement adapté pour faire émerger des activités nouvelles correspondant aux attentes de nos concitoyens.
Je crois néanmoins utile de préciser quelques chiffres.
La loi emplois-jeune se traduit par l'ouverture de 8,35 MdsF, dont 300 millions sont transférés vers le fonds pour l'emploi dans les DOM. Dans l'enveloppe de 8,05 MdsF inscrite au budget de l'emploi, 250 MF viendront financer le montage de projets. En effet, il importe avant tout que les projets répondent à des besoins nouveaux ou non satisfaits, et qu'ils soient susceptibles de pérenniser et de solvabiliser ces emplois dans les prochaines années. Grâce à ces crédits, les préfets pourront aider les porteurs de projets qui répondent à ces conditions.
À raison d'une aide forfaitaire de 92 000 francs par poste, l'enveloppe de 8 MdsF -précédée du décret d'avance de 2 MdsF pour 1997- permet de financer en année pleine des 50 000 emplois créés avant la fin de cette année et de créer 100 000 emplois supplémentaires au cours de l'année 1998.
La loi emplois jeunes crée également un dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles, dont le principe est d'accorder aux jeunes créateurs des avances remboursables (en plus de l'exonération d'un an de charges sociales, qui est maintenue), et un suivi au cours des trois premières années qui sont les plus difficiles. Une ligne nouvelle dotée de 200 MF est ouverte à cet effet. Votre assemblée est attachée à ce volet de la loi emplois-jeune, puisque c'est un amendement de M. BOULARD qui aura permis d'ouvrir aux jeunes des perspectives au-delà du monde salarié.
1.2 la seconde piste de la réduction du temps de travail.
Je l'ai dit d'emblée : favoriser une croissance plus dynamique et plus riche en emplois est la perspective visée par l'action du Gouvernement. Pour autant, même si la croissance atteint ou dépasse 3 % dans les années à venir, elle ne suffira pas à réduire le chômage à brève échéance.
Si elle est bien conduite, la réduction du temps de travail constitue une source importante de création d'emplois.
Le Gouvernement adressera un signe fort aux entreprises et aux salariés, à travers la loi d'orientation et d'incitation annoncée par le Premier ministre lors de la conférence du 10 octobre, qui fixera la durée légale à 35 heures au 1er janvier 2000, pour les entreprises de plus de 10 salariés ou d'un seuil proche à définir par la concertation. La loi lancera un processus souple, négocié, divers, pour offrir un cadre à des négociations équilibrées et avantageuses pour toutes les parties.
La loi mettra en place une initiative constituée par un abattement forfaitaire de cotisations pour les entreprises qui réduiront la durée du travail d'au moins de 10 %, en accroissant leurs effectifs d'au moins 6 % le montant en sera dégressif jusqu'à un « socle » d'aide qui trouvera son propre financement grâce au regain de recettes lié au recul du chômage. Il sera majoré pour les baisses de durée de travail d'au moins 15 % ou pour des projets innovants en matière d'organisation du travail et d'emploi.
Au moment où nous avons préparé le budget pour 1998, il n'était pas évident de prévoir et d'inscrire des crédits pour une mesure annoncée mais pas encore discutée avec les partenaires sociaux.
Toutefois, une provision de 3 MdsF pour financer ces abattements de cotisations est constituée -sans être individualisée- au sein du chapitre 44-75 du budget des charges communes. Il permettra à 1,4 millions de salariés de voir réduire leur durée du travail à 35 heures.
Encore un mot pour indiquer que la mesure initiative à la réduction du temps de travail aura plusieurs avantages sur le dispositif issu de la loi de Robien :
- elle sera forfaitaire et non, comme le dispositif de Robien, proportionnelle aux cotisations sociales, donc aux salaires. De ce fait, elle sera plus favorable aux entreprises ayant des bas salaires.
- elle sera dégressive entre 1998 et 2002, au lieu d'être stable de la 2ème à la 7ème année, ce qui laisse aux entreprises le temps de l'adaptation ;
- et elle ne disparaît pas totalement au terme des cinq ans.
Soyons clairs ! La provision de 3 MdsF s'ajoute, dans le budget 1998, aux 2,139 MdsF affectés à la loi Robien au chapitre 44-78. Cette loi reste en vigueur jusqu'à ce qu'un nouveau dispositif soit mis en place, au début de 1998.
Depuis janvier dernier, plus de 1000 conventions ont été signées. 1400 à 1500 seront signées en 1997. Le montant inscrit, qui est supérieur à 1,3 MdF à la dotation de 1997, assure le financement de ces conventions au niveau qui convient.
Enfin je voudrais évoquer rapidement les mesures destinées à encourager l'adaptation du processus de production et de l'organisation du travail : aides au conseil, intervention de l'agence nationale pour l'aménagement des conditions de travail, appui à la réorganisation du travail par le biais du fonds d'amélioration des conditions de travail, le FACT. Au total, une enveloppe de 12 MF est réservée à ces actions d'accompagnement de la réduction du temps de travail.
Les mesures novatrices sont clairement affirmées, et elles sont financées au niveau nécessaire : c'est le gage de leur réussite. Mais les missions de base de ce ministère ne font pas les frais de ces mesures, au contraire.
2. Tout d'abord, les aides à l'emploi sont maintenues
Je n'ignore pas la nécessité, dont nous avons souvent discuté, d'évaluer la pertinence du dispositif des aides à l'emploi, notamment dans le secteur privé, et bien sûr d'en tirer les conséquences.
Mais si nous abordons de manière offensive le problème de l'emploi en aidant la création d'emplois dans les nouvelles technologies comme dans les nouvelles activités. Il ne faut pas oublier qu'un grand nombre de nos concitoyens ne sont pas à même aujourd'hui de remplir ces emplois classiques. Ils doivent être accompagnés et aidés.
C'est pourquoi j'ai tenu à maintenir ce dispositifs, en particulier ceux qui touchent les personnes les plus en difficulté, en les recentrant d'ailleurs sur les publics les plus menacés.
Permettez-moi de préciser les chiffres significatifs du budget 1998 pour ces différents dispositifs.
2.1 les aides à l'insertion dans le secteur non marchand (CES, CEC, emplois de ville) mobilisent 15,17 MdsF contre 14,76 MdsF en 1997.
Les contrats emploi-solidarité sont maintenus au niveau de 500 000, qui était budgété et sera réalisé en 1997. C'était là pour moi un élément clé de l'équilibre entre le développement de nouveaux emplois et la prise en charge des publics prioritaires.
Même si les emploi-jeunes ne visent pas les publics des contrats emploi-solidarité, il se peut que des jeunes en CES se tournent vers des embauches en emploi-jeunes. Il est encore trop tôt pour dire aujourd'hui qu'il faudra recadrer ce dispositif quantitativement.
Les CEC, contrat emploi-consolidité à l'issue d'un CES, seront ouverts à hauteur de 30 000, c'est-à-dire 10 000 de plus qu'en 1997. Ces contrats sont essentiels pour les adultes qui ont peu de chance de rentrer dans un emploi classique. C'est pourquoi je tenais à les renforcer.
Les emplois de ville, en revanche, ont vocation à être intégrés dans les emplois jeunes. C'est pourquoi, en vertu de l'article 64 du projet de loi que vous avez voté lundi dernier, le dispositif emplois de ville sera clos à compter du 1er janvier 1998. Les contrats en cours pourront, selon les cas, être transféré sur des emplois-jeunes ou se poursuivre en l'état : le budget prévoit les crédits nécessaires pour les financer.
2.2 J'en viens aux CIE
Ce dispositif, emblématique de la politique du gouvernement précédent, avait fait rapidement la preuve de ses effets pervers, et notamment de ses effets d'aubaine inacceptable, au point que les conditions d'accès au CIE ont été réservées pour le recentrer sur les publics prioritaires.
J'ai pris le parti de maintenir le dispositif en vigueur, qui ressemble fortement aux contrats de retour à l'emploi, avec un niveau d'entrée en 1998 proche de suivi de cette année, soit 200 000 entrées nouvelles.
Les crédits prévus dans le budget 1998 pour les CIE se montent à 13,18 MdsF, dont 6 MdsF au titre des exonérations de charges sociales, contre 17,9 MdsF dans le budget voté en 1997. Le niveau des CIE correspond à celui qui sera atteint pour 1997. J'insiste sur le fait que cette marge de manoeuvre est dégagée sans que le dispositif soit retouché.
2.3 Les dispositifs d'aide à l'insertion des publics en difficulté incluent aussi le programme du FNE en faveur des chômeurs de longue durée.
Ce programme est constitué des stages d'insertion connus sous le nom de SIFE, dont la capacité d'accueil en 1998 est porté à 160 000 places, soit 30 000 de plus de ce qui était budgété en 1997.
L'efficacité de ces stages doit être évaluée dans l'examen d'ensemble que j'évoquais tout à l'heure. Reste que ce dispositif, que le gouvernement précédent avait fortement réduit, répond à un besoin : avant de pouvoir réinsérer dans un emploi des personnes en grande difficulté, il faut d'abord les mettre dans un circuit d'activité.
3. Si les aides directes à l'emploi sont maintenues, le dispositif central des allégements de charges sur les bas salaires est, quant à lui, revu dans des conditions que je souhaite expliquer.
3.1 L'allégement du coût du travail est devenu, en quelques années, l'un des premiers postes de la dépense pour l'emploi. Dans la loi de finances 1997, environ 40 milliards de francs ont été inscrits au budget des charges communes pour compenser les exonérations de charges patronales de sécurité sociale consenties aux employeurs sur les salaires inférieurs à 133 % du SMIC.
Il faut bien se rendre à l'évidence que cette politique est loin d'avoir produit tous les effets attendus. On peut avancer plusieurs explications, au premier rang desquelles l'insuffisance de la croissance. Rien ne sert d'abaisser le coût du travail pour inciter à l'embauche, si dans le même temps nous ne sommes pas capables de créer les conditions d'un redémarrage de la consommation dans ce pays. Il devenait urgent d'infléchir la stratégie.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement, sans remettre en cause les mesures existantes, a décidé de marquer une pause en ce qui concerne les exonérations de cotisations patronales.
Aussi, l'enveloppe des crédits consacrés à la « ristourne » bas salaire est maintenue à son niveau de 1997, soit autour de 40 milliards. La dérive de plus de 7 milliards de francs que nous constatons a été neutralisée par différentes mesures techniques.
La principale mesure est une proratisation des montants exonérés pour tenir compte de la durée du travail. Je crois d'ailleurs que personne ne conteste cet ajustement qui met fin à un avantage excessif aux emplois à temps partiels.
La deuxième mesure ramène d'exonération de 1,33 SMIC à 1,30 SMIC. Je souligne toutefois que si le plafond est abaissé en pourcentage du SMIC, il sera tout de même en augmentation en francs courants (8 663 F en 1998, contre 8 521 F au premier semestre 1997, soit +1,7 %), du fait de la revalorisation de 4 % du SMIC.
Le statut quo en 1998 sur les exonérations de charges patronales ne signifie pour autant une interruption du mouvement d'allégement des charges qui pèsent sur les salaires bien au contraire, puisque nous avons décidé dans le même temps le basculement intégral de cotisation salariale maladie sur la CSG.
Le Gouvernement n'entend pas en rester là.
Nous étudierons, en 1998, les voies d'un élargissement de l'assiette des cotisations patronales. Je tiens néanmoins dire dès à présent que la politique d'allégement des charges salariales ne sera poursuivie au cours des prochaines années qu'à deux conditions : d'une part si la démarche validée par une évaluation indiscutable de ses effets positifs et d'autre part si la situation budgétaire le permet.
Nous n'entendons pas rééditer les erreurs de 1995 : l'allégement massif des charges patronales qui a été décidé cette année-là a été financé par une hausse sans précédent des prélèvements, notamment de la TVA, qui a eu pour effet de casser la croissance.
Enfin, nous sommes contraints de mettre fin au plan spécifique des allégements de charges pour le secteur textile-habilement-cuir, c'est-à-dire de laisser jouer le terme du 31 décembre 1997 prévu dans la loi pour ce dispositif que le gouvernement précédent, conscient de son caractère illicite, avait voulu « expérimental ».
Faut-il rappeler que le précédent gouvernement avait mis en oeuvre ce plan au mépris des engagements européens de la France, en dépit des mises en garde de la Commission.
L'impact du plan Borotra n'est pas aisé à évaluer, et notamment à dissocier d'autres facteurs favorables intervenus pendant la période : remontée des monnaies concurrentes, amélioration de la conjoncture du secteur, concomitance avec la mesure générale de ristourne dégressive.
Quoi qu'il en soit, les inquiétudes des professionnels de ce secteur, notamment pour les petites entreprises les plus exposées à la concurrence ont été entendues. Nous travaillons, en concertation avec les professionnels du secteur, à un dispositif compatible avec les restrictions imposées par la réglementation européenne aux aides sectorielles, à juste titre car les surenchères entre Etats sont préjudiciables à l'emploi global.
Ce travail débouche sur un amendement déposé par le gouvernement, et que nous discuterons dans un moment.
3.2 Les mesures d'allégement de charges ne se réduisent pas aux mesures générales portées par les charges communes. Un certain nombre de mesures ciblées figurent dans le budget de l'emploi.
Là encore, il s'agissait d'arbitrer en faveur de la solution la plus efficace.
La continuité a prévalu pour les exonérations à l'embauche du deuxième au cinquantième salarié dans les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine, et celles qui s'appliquent dès le premier salarié dans les zones franches sont maintenues. Je m'en suis expliquée lors de la discussion du budget de la ville. Les crédits ont été ajustés au niveau des besoins que la première année de fonctionnement a permis de mieux cerner.
En revanche, il est proposé de mettre fin, par l'article 66, à l'exonération de 30 % des cotisations d'assurance-maladie au profit des travailleurs indépendants.
Il apparaît à l'analyse que la loi Madelin répondait de manière partielle, et finalement inadéquate, à l'iniquité du financement des prestations d'assurance-maladie des travailleurs non salariés dans leur ensemble. Ce qu'il faut, c'est rééquilibrer l'effort contributif entre les niveaux de revenus. Tel est l'effet du transfert sur la CSG d'une partie de la charge du financement : la cotisation minimale d'assurance-maladie, à laquelle 40 % des travailleurs indépendants sont soumis, va ainsi diminuer de près de la moitié. Le dispositif de la loi 1994 perd donc l'essentiel de sa justification.
Quant aux salariés qui ont été amenés à s'installer en travailleurs indépendants, pour contourner le droit du travail, il est normal de revenir dans le champ normal d'application du droit.
Nous introduisons, en revanche, un dispositif sectoriel au bénéfice des hôtels, cafés et restaurants : il s'agit d'étendre l'assiette de l'exonération de charges aux repas servis aux salariés de ce secteur à titre d'avantage en nature. Cette mesure très attendue fait l'objet d'un amendement du gouvernement, qui identifie clairement les crédits prévus à ce titre, 160 MF. Cette exonération sera cumulable avec la réduction dégressive sur les bas salaires. Pour en limiter le coût, il est prévu une montée en charge progressive dans le temps : la mesure serait, en 1998, limitée à 25 % des cotisations patronales.
4. La politique de formation professionnelle est au coeur de la dynamique de l'emploi que ce budget veut promouvoir.
4.1 sous toutes ses formes, initiale, continue, acquise par l'expérience professionnelle, la formation est la source principale de l'acquisition d'une qualification reconnue et évolutive. La qualification professionnelle est elle-même la garantie d'une mobilité professionnelle réussie dans l'entreprise et sur le marché du travail, ainsi qu'un facteur de sécurité dans un environnement difficile.
L'accès à la qualification, son entretien et son développement sont une priorité du Gouvernement. Elle se traduit par une augmentation des moyens de 1,6 % en 1998.
Le noyau dur du budget de la formation professionnelle, c'est 24 milliards et demi dont la moitié pour les contrats en alternance. 240 000 contrats d'apprentissage seront ouverts en 1998, 20 000 de plus qu'en 1997 ; le nombre des contrats de qualification financés a été ajusté de 130 000 à 100 000, un peu au-dessus des flux constatés.
J'ajoute à ce premier bloc les 5,2 MdsF affectés aux formations qualifiantes dépensées par l'AFPA, dont les moyens sont maintenus et correspondent aux attentes du prochain contrat de progrès. L'ensemble du budget de la formation professionnelle est ainsi porté à 30 MdsF.
J'ai l'intention d'étudier les réformes structurelles dans ce domaine avec l'ensemble des partenaires de la formation.
Ce chantier n'est pas simple, car l'État n'est pas le seul décideur, même si la construction du cadre juridique et financier et le contrôle de la formation lui confèrent un rôle de régulateur de premier plan.
Une variété d'acteurs intervient dans le domaine, avec la tentation de camper sur des logiques d'intérêts partiels, comme l'illustre le conflit entre réseaux de collecte. Il faut donc définir plus précisément les orientations de la politique de formation professionnelle, et mener une réflexion sur la méthode. Je pense à au moins trois thèmes :
- développer significativement les formations alternées sous contrat de travail, ce qui suppose de définir le bon équilibre entre apprentissage et qualification, et pour ce faire de revoir les logiques propres à ces deux filières, d'améliorer leurs complémentarités, mais aussi d'optimiser les fonds de l'alternance ;
- repenser le système de la formation continue, pour qu'elle joue son rôle qui est de construire la qualification des personnes tout au long de la vie. Pour cela, il faut notamment développer des outils de l'épargne-temps de formation et mieux individualiser l'accès à la formation des salariés.
- enfin travailler à la construction d'un système de validation des acquis professionnels plus ouverts, donnant de véritables chances de mobilité professionnelle à nos concitoyens.
5. Le dernier volet de la politique de l'emploi, qu'il faut aussi relier à la fonction de solidarité et d'accompagnement social rassemble les contributions de l'État aux dispositifs de pré-retraite et d'indemnisation du chômage.
Deux idées clés à ce sujet : sur les pré-retraites, mon souci est d'éviter que la collectivité apporte indûment une contribution financière à des plans sociaux et notamment des mesures d'âge dont les entreprises doivent, dans la mesure du possible, assumer la charge. Il s'agit de rendre l'aide de l'État plus sélective. C'est pourquoi le nombre d'entrées en pré-retraite ASFNE est limité à 20 000, contre 30 000 en 1997.
En ce qui concerne, en revanche, les allocations de chômage du régime de solidarité, la dotation de 8,115 MF marque une hausse de 540 MF, qui devrait permettre à la fois de revaloriser le niveau de l'allocation, resté étale depuis 1994, et de financer une majoration de l'ASS pour les personnes ayant validé 40 années de cotisations.
Je ne m'étends pas davantage sur les autres mesures qui préfigurent ou reflètent les mesures de lutte contre les exclusions intégrées dans ce budget. J'ai expliqué lundi la démarche interministérielle et pluriannuelle que le Premier ministre m'a chargée de mettre en oeuvre.
Je rappelle simplement la provision de 225 MF « logées » pour le moment dans le budget des charges communes, la création de 500 places d'ateliers protégés, inscrit sur le budget de l'emploi, et la hausse de la garantie de ressources pour les travailleurs handicapés, qui reflète notamment la création de 2000 places nouvelles de CAT.
6. Mon dernier point sera consacré aux moyens de l'administration de l'emploi, dont les responsabilités ne cessent de s'alourdir.
Comme pour l'administration sanitaire et sociale, j'ai pu obtenir de déroger à la norme de stabilité des effectifs budgétaires. Le budget 1998 voit ainsi la création nette de 170 emplois, ce dont je suis particulièrement satisfaite.
En réalité, 255 emplois sont créés, mais il a fallu en contrepartie renoncer à des emplois de catégorie C vacants.
Les créations répondent à deux motifs :
- résorber l'emploi précaire, en partie dans le cadre général de la loi de décembre 1996, et surtout pour régulariser la situation particulière des coordonnateurs emploi-formation, jusqu'ici maintenus sur des contrats précaires. 185 emplois d'agents contractuels de l'État sont ouverts à ce titre en 1998, et le processus sera complété en 1999 ;
- renforcer l'encadrement des services, par l'ouverture de 15 emplois supplémentaires d'inspecteurs du travail, recrutés selon une procédure particulière qui permettra de répondre dans les meilleurs délais aux sollicitations très fortes auxquelles le plan emploi-jeunes et les mesures à venir sur la réduction du temps de travail vont soumettre les services en 1998.