Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, sur la promotion de l'aide au retour et à la réinsertion des immigrés irréguliers africains dans leur pays d'origine, Paris le 27 septembre 2007.

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Circonstance : Signature de la convention de partenariat entre l'ANAEM (Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations) et l'association Entreprendre et réussir en Afrique (ERA) à Paris le 27 septembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Directeur général de l'ANAEM,
Monsieur le Président d'Entreprendre et Réussir en Afrique (ERA),
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi d'accueillir ce matin Monsieur Basile Boli dans les murs du ministère de l'Immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, pour la signature d'une convention de partenariat avec l'ANAEM. Basile, votre présence ici est à la fois un signe et un symbole : un signe de la confiance que vous portez au Président de la République ; mais aussi un symbole d'intégration parfaitement réussie, une intégration qui véhicule les valeurs que nous souhaitons promouvoir : le travail, le mérite, la volonté.
C'est, d'abord, un plaisir, bien sur, pour le Français qui se souvient, non sans une certaine émotion, des prouesses sportives, des jeux de jambes et légendaires coups de tête du buteur de la finale de la Ligue des champions en 1993. Pour nous tous, Basile est une légende.
La première fois que j'ai rencontré Basile autrement qu'à travers la lucarne, c'était lors d'une réunion publique autour de Nicolas Sarkozy, pour qui, d'ailleurs, vous aviez dirigé une mission sur la diversité lorsqu'il était ministre de l'intérieur. Lors de cette réunion publique, assis au premier rang, j'avais été surpris de constater que pour une fois, les photographes se jetaient sur moi de manière frénétique. Etonné de cette soudaine montée en flèche de mon indice de notoriété, je réalisais vite, et non sans un léger agacement, que la cible des photographes était, en réalité, mon voisin, Basile Boli. J'ai alors compris que la politique était bien peu de choses par rapport à la machine à rêves que constitue le football. Basile, je suis heureux de me retrouver à nouveau, ce matin, à vos côtés, et cette fois-ci, je suis sans illusion sur celui de nous deux que les photographes retiendront !
Mon plaisir vient aussi du fait que nous savons aujourd'hui qu'en plus d'une agilité physique exceptionnelle, d'un gabarit impressionnant, il y a aussi, chez Basile, une énergie, une volonté, un investissement déterminé au service d'un continent, celui dont il est originaire : l'Afrique. Lorsque vous discutez avec Basile, les choses sont simples, il vous dit « la chance que j'ai eue, je veux désormais la transmettre aux jeunes Africains ».
Basile mesure, ainsi, toute la responsabilité qui est la sienne à l'égard de jeunes qui voient en lui un exemple à suivre. Etre une référence, c'est à la fois une immense chance mais c'est aussi une lourde charge.
C'est, encore une fois, un plaisir de recevoir Basile, mais cette fois-ci comme responsable politique. Les actions qu'il a commencé à mener en faveur du développement du continent africain démontrent qu'avec de la volonté, des initiatives privées bien ciblées peuvent trouver un véritable écho auprès des immigrés présents dans notre pays.
Si nous sommes réunis ce matin, c'est pour faire accélérer de telles initiatives et leur donner toutes leurs chances de réussite. C'est tout l'esprit de la convention de partenariat entre, d'une part, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, dont je salue la présence du directeur, le Préfet Godfroid ; et, d'autre part, l'association « Entreprendre et réussir en Afrique », dont Basile Boli est le fondateur.
1. Tout d'abord, en quelques mots, pourquoi avons-nous décidé de travailler avec ERA ?
Basile vous présentera mieux que moi son association mais de peur que sa modestie l'en empêche, permettez-moi de vous en dire quelques mots : il s'agit d'une association qui a pour objet d'aider les immigrés qui veulent s'investir chez eux, dans leur pays d'origine, et faire ainsi profiter à leurs concitoyens de toutes leurs compétences et expériences acquises en France. Il s'agit d'actions à la fois d'information, de dialogue sur le terrain et d'accompagnement.
Concrètement, que cela signifie-t-il ? ERA élabore des supports de communication pour les candidats au retour dans leur pays d'origine. L'association crée un site internet, élabore des fiches, conçoit des brochures, dessine des affiches. Elle rassemble des adresses, suscite des réseaux, organise des rencontres. Par ailleurs, elle accueille les candidats, évalue leurs compétences, identifie avec eux des emplois et les met en rapport avec des entreprises, assurant ainsi un suivi à la fois consciencieux, humain et solide. Travailler avec ERA, c'est donc favoriser les immigrés, leurs familles et leurs terres d'origine.
2. Plus précisément, en quoi consiste la convention signée entre l'ANAEM, agence rattachée à notre ministère, et l'association ERA ?
Cette convention constitue un précieux outil de promotion pour les programmes d'aide au retour volontaire et de réinsertion économique auprès des immigrés du Bénin, du Mali et du Sénégal. Ces actions seront ensuite étendues à l'ensemble des pays d'Afrique subsaharienne sources d'émigration.
L'aide au retour volontaire doit être proposée à tous les étrangers en situation irrégulière ayant été invités à quitter le territoire. Vous le savez, ce dispositif, qui concernait 1.000 personnes en 2005 et 2.000 en 2006, permet aux migrants de se réinstaller dans leur pays d'origine dans des conditions satisfaisantes et d'y développer un projet nouveau.
L'incitation financière est forte : 2000 euros par adulte, 3500 pour un couple, puis 1000 euros par enfant de moins de 18 ans jusqu'au 3ème et 500 euros pour chacun des autres enfants.
Cette aide au retour volontaire n'est, en aucune sorte, comme j'ai pu l'entendre ici et là, un paternalisme néocolonial. C'est même tout le contraire, puisque l'objectif de l'aide au retour volontaire est de profiter de l'expérience acquise par un immigré dans le pays d'accueil pour aider au développement du pays d'origine. Plutôt que de piller les cerveaux et les compétences, nous cherchons à les aider.
Je salue les objectifs ambitieux que Basile a fixé à son association, à savoir d'examiner au moins 700 dossiers de retour de migrants dans leurs pays d'origine, d'instruire 200 dossiers d'appui au démarrage de projets, dont 100 mettant en relation des demandeurs d'emploi avec des entreprises africaines. J'approuve aussi son intention de s'adresser aux migrants de manière appropriée, en ciblant les relais les plus efficaces pour les toucher directement.
3. L'action de Basile Boli s'inscrit pleinement dans le cadre de la politique de codéveloppement, l'un des trois piliers de la mission qui m'a été confiée par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, et le Premier ministre, François Fillon, avec l'immigration choisie et l'intégration réussie.
Désormais, nous le savons, une politique de maîtrise des flux migratoires ne se conçoit plus sans une aide au développement des pays sources d'immigration impliquant les immigrés eux-mêmes.
La présence du codéveloppement dans l'intitulé du nouveau ministère ne relève donc nullement du hasard. Elle est même le signe d'une forte volonté du Président de la République et du Premier Ministre de donner à l'aide au développement une nouvelle orientation et une nouvelle dimension.
L'urgence est connue. Aujourd'hui, le continent africain représente 65% des flux migratoires réguliers vers la France. Lorsque trois étrangers viennent s'installer en France, deux viennent d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne. En réalité, les flux migratoires sont d'autant plus importants que la différence de niveau de vie est forte. Lorsque l'on sait que la moitié des 900 millions d'Africains ont moins de 17 ans et que plus d'un tiers d'entre eux vivent avec moins d'un euro par jour, on comprend à quel point la pression de l'immigration qui s'exerce sur le Nord se nourrit des déséquilibres du Sud.
L'objectif français est donc clair : devenir un exemple en Europe en imaginant et mettant en oeuvre des outils efficaces d'aide au développement des pays du Sud, impliquant les migrants et leur permettant de contribuer au développement de leur pays d'origine. Notre objectif est donc de permettre aux ressortissants des pays d'émigration de mieux vivre chez eux, plutôt que de survivre ailleurs.
Je soutiens tous les projets d'immigrés qui comptent aider au développement de leur pays de départ. Je serai ainsi le ministre des immigrés qui considèrent que leur passage en France est une chance et qui, par conséquent, désirent en faire profiter leurs concitoyens d'origine.
Il convient, pour cela, de mobiliser l'épargne des migrants. Aujourd'hui, 80% des transferts de fonds des migrants en France dans leur pays d'origine - 8 milliards d'euros au total - sont consacrés à la consommation courante. Son utilisation même partielle à des fins d'investissement productif pourrait devenir un levier essentiel du développement des pays sources d'immigration.
A ce titre, j'ai signé, le 11 septembre dernier, une convention avec la Caisse d'épargne pour la mise en place d'un compte épargne codéveloppement, un CED, qui permettra aux étrangers, résidant en France et souhaitant investir dans leur pays d'origine, d'épargner en bénéficiant d'exonérations fiscales.
J'ai aussi soutenu l'amendement, voté à l'unanimité, du député des Hauts-de-Seine, Frédéric Lefebvre, proposant un livret épargne codéveloppement, qui offre la possibilité d'un prêt, et j'espère que des services bancaires viendront bientôt répondre à cet amendement.
Parallèlement, les accords de gestion concertée des flux migratoires doivent comprendre un volet relatif à l'aide au développement. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, avait signé un accord de cette nature avec le Sénégal, le 23 septembre 2006. J'en ai signé un autre avec le Gabon, le 5 juillet dernier. J'ai engagé des discussions avec le Bénin en m'y rendant avant l'été. J'ai également recueilli l'accord de la République du Congo pour préparer un tel accord.
Très concrètement, les accords avec le Bénin et le Congo vont nous permettre de mettre en oeuvre des programmes de réinsertion sur place de médecins et d'autres professionnels de la santé travaillant en France et volontaires pour un tel retour.
Ces deux accords vont aussi prévoir un travail alterné des migrants entre la France et chacun des deux pays concernés, ainsi que le retour volontaire d'étudiants africains titulaires d'une bourse.
Ce sont autant d'actions concrètes que nous allons mettre en oeuvre au service du codéveloppement à travers les accords que nous nous apprêtons à signer.
J'en profite pour vous rappeler que le budget 2008 va nous donner les moyens de notre action en matière de codéveloppement. Au sein de la mission interministérielle « aide publique au développement », j'aurai la responsabilité d'un programme « codéveloppement » de 60 millions d'euros d'autorisation de paiement et de 29 millions de crédits de paiement pour 2008. Il s'agit de sommes importantes : pour la comparaison, ces 29 millions d'euros correspondent à plus du double du cumul des crédits consacrés au codéveloppement sur la période 2003-2006 !
Mes chers amis,
Je me réjouis qu'un nouveau pas soit franchi aujourd'hui dans la politique du codéveloppement, grâce à l'initiative de Basile Boli. En agissant ainsi, Basile a voulu témoigner, auprès de ceux qui ont comme lui des racines africaines, de l'échec des rêves d'Eldorado et, en revanche, de la réussite possible de projets en Afrique.
Je le félicite de son action, lui exprime toute ma confiance, et lui souhaite une grande réussite dans ces projets.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 septembre 2007