Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Ministre, Cher Michel,
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui au Quai d'Orsay. C'est toujours pour moi un très grand honneur de m'exprimer dans le Salon de l'Horloge, en ce lieu habité par les mânes des pères fondateurs de notre Europe qui ne doivent toutefois pas nous paralyser. C'est en effet ici même qua été signé, le 18 avril 1951, le Traité de Paris instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), qui est à l'origine de toute l'aventure dont nous vivons aujourd'hui une étape.
Nous nous retrouvons aujourd'hui pour la présentation de cette campagne d'information autour du Traité d'Amsterdam.
Vous connaissez l'importance que j'attache, après Michel Barnier, à toutes les initiatives susceptibles de permettre à nos concitoyens de mieux connaître l'Union européenne, son fonctionnement et ses réalisations.
Dans cet esprit, j'ai conduit depuis septembre 1997 une série d'actions, en m'efforçant, à chaque fois, de coller au plus près de l'actualité communautaire. Nos concitoyens, en effet, n'attendent plus un discours abstrait sur l'Europe, mais veulent en comprendre les mécanismes et les enjeux. Je le constate à chaque fois au fil de mes contacts aussi nombreux que possible sur le terrain.
Tel est l'objet de la nouvelle initiative qui nous rassemble tous aujourd'hui.
Je souhaite tout d'abord revenir brièvement sur les grandes lignes du traité d'Amsterdam, avant de vous présenter le concept de la campagne et son contenu. Je répondrai ensuite volontiers à vos questions.
Comme vous le savez, la procédure de ratification du Traité d'Amsterdam est en cours. Elle a commencé en juillet dernier, avec l'adoption en Conseil des ministres du projet de loi de révision constitutionnelle, rendu nécessaire, après la décision du Conseil constitutionnel, pour permettre, le moment venu, les transferts de compétence en matière de visas, d'asile et d'immigration, tels que le traité les prévoit.
Cette étape importante - reconnaissons que c'était la plus délicate - a été franchie il y a tout juste dix jours, le 18 janvier, quand le Parlement, réuni en Congrès, a adopté le projet de loi de révision constitutionnelle à une large majorité, bien supérieure aux 3/5 èmes exigés par la Constitution (758 pour, 111 contre ; majorité 3/5 : 522).
Vous comprendrez ma satisfaction devant ce résultat très net qui reflète un attachement dominant à l'Europe, en dépit de différences de sensibilités que je ne mésestime pas et que je respecte, qui auront d'ailleurs l'occasion de s'exprimer prochainement dans un contexte dont je n'ai pas le droit de parler aujourd'hui.
A la lumière de ce scrutin, j'ai toutes les raisons d'aborder avec confiance le débat sur le projet de loi de ratification qui s'ouvrira en mars prochain, d'abord à l'Assemblée nationale puis au Sénat, l'objectif devant être de terminer fin mars. Nous ne serons pas, on le sait, les premiers. Mais nous sommes dans les temps pour la mise en oeuvre du Traité d'Amsterdam.
Loin de nous détendre ou d'inciter au relâchement, ce résultat doit au contraire renforcer notre mobilisation pour bien faire comprendre à nos concitoyens le sens de ces événements, leur montrer que le débat ne leur est pas confisqué, sous prétexte qu'il est un peu trop technique, ce qui a justifié qu'il n'y ait pas un référendum. Même si quelques voix se sont élevées, ici ou là, pour demander ce référendum, je ne puis m'empêcher de relever, au passage, le peu de considération dans lequel certains tiennent le Parlement, lui-même issu du suffrage populaire et dépositaire de la souveraineté nationale (la souveraineté nationale s'exprime - c'est notre Constitution - à travers ses représentants). Je peux témoigner, si besoin était, de la qualité des débats et du sérieux des travaux parlementaires sur ces matières difficiles.
Je souhaite maintenant vous expliquer l'approche que nous avons choisie, résumée à la formule de «l'Europe à l'étape d'Amsterdam ».
Un mot d'abord du calendrier de cette campagne. Vous comprendrez que je n'ai pas voulu et que je nai pas pu la lancer avant que l'acte préalable à la procédure de ratification, la révision constitutionnelle, ne soit adopté. La campagne proprement dite peut maintenant commencer alors même que va prochainement s'engager au Parlement le débat de fond sur le traité.
Je suis parti d'un constat simple : le Traité d'Amsterdam n'est pas en lui-même aisément présentable. N'y voyez pas de quelconque sous-entendu, malaise, ou malice de ma part. Je me suis à plusieurs reprises exprimé sur ce traité qui n'est pas celui du gouvernement actuel mais que nous assumons, comme l'illustre notre position favorable à sa ratification, sans état d'âme aucun.
Cette difficulté de présentation, et donc de communication, a deux origines :
- · tout d'abord, le Traité d'Amsterdam complète et modifie des traités antérieurs, en particulier le Traité de Maastricht. Je vous rappelle en effet que les Etats membres avaient prévu dès sa signature en 1992, qu'une Conférence intergouvernementale (CIG) serait convoquée pour le compléter. Le Traité d'Amsterdam est le fruit des travaux de cette CIG conclue au Conseil européen d'Amsterdam en juin 1997.
Force est de reconnaître que le nouveau traité, procédant par amendements aux traités antérieurs, n'est pas en lui-même facilement intelligible.
- · la seconde raison tient au fait que le Traité d'Amsterdam s'inscrit dans une séquence, « s'engage pour l'avenir », pour reprendre la signature de la campagne. En effet, la plupart des domaines couverts, qu'il s'agisse de ses avancées ou de ses lacunes, doivent être mises en perspective pour être bien comprises. Autrement dit, on ne peut pas penser qu'Amsterdam soit une fin en soi. C'est un moment, une étape qui ne peut être compris que dans la dynamique globale.
Sans entrer dans le détail de son contenu, jillustrerai mes propos par quelques exemples, tirés des matières les plus saillantes du débat.
- · la priorité accordée à l'emploi et aux droits sociaux
- · la constitution d'un espace de sécurité et de liberté
- · le renforcement de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
- · la réforme des institutions dans la perspective de l'élargissement.
- · La priorité accordée à l'emploi et aux droits sociaux.
Vous vous souvenez sans doute que la question avait été au coeur des débats du Conseil européen d'Amsterdam. Grâce aux efforts de la France, l'accent avait été mis sur l'emploi et la politique sociale, par une résolution sur la croissance et l'emploi contrebalançant le Pacte de stabilité, et par l'introduction d'un chapitre entièrement nouveau consacré à l'emploi. Depuis lors, cette dynamique na cessé de se développer, jusqu'au Pacte européen pour l'emploi dont le lancement a été décidé au dernier Conseil européen de Vienne.
Si la volonté politique est évidemment déterminante, ce sont les mécanismes du Traité d'Amsterdam qui offrent la base de telles politiques.
Il comprend ainsi un chapitre social : il s'agit du protocole que nous avions défendu à Maastricht et qui n'avait pu être intégré au traité, à cause du refus du gouvernement britannique d'alors ; grâce à l'accord du gouvernement de Tony Blair, il fait désormais partie intégrante du nouveau traité. D'autres dispositions concernent la lutte contre l'exclusion sociale ou encore l'application du principe d'égalité des chances et d'égalité de traitement.
Je rappellerai également que le traité comporte des dispositions relatives à la santé et à l'environnement, l'affirmation de la spécificité des services publics, ou le renforcement des dispositions relatives aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, le renforcement de la clause de non-discrimination et du principe d'égalité entre hommes et femmes, ainsi que des droits sociaux fondamentaux.
· La construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice.
Le Traité comprend ensuite des avancées importantes dans le domaine de la justice et des
affaires intérieures, ce qu'on appelle, en jargon européen, le 3ème pilier
Le Traité d'Amsterdam prévoit le transfert des politiques liées à la circulation des personnes au sein de l'Union (asile, visas, immigration) dans la sphère de compétence communautaire. Il parait en effet clair que ces questions appellent de plus en plus des réponses non seulement coordonnées, et pas seulement nationales.
Il est pour cela indispensable désormais que l'Union ait une approche globale, qui garantisse l'équilibre entre les mesures destinées à faciliter la liberté de circuler et celles propres à assurer la sécurité des citoyens. Ainsi, pour permettre la mise en place dun espace de liberté, de sécurité et de justice, et parallèlement aux travaux qui seront menés dans les matières liées à la libre circulation, la sécurité sera renforcée, grâce au développement de la coopération policière et judiciaire. L'accent est ainsi mis par le traité sur la lutte contre trois grands fléaux : la criminalité organisée internationale, la drogue et le terrorisme.
· Le renforcement de la PESC
Le Traité d'Amsterdam complète aussi, je lai dit, le Traité de Maastricht dans le domaine de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
L'Union se dote de moyens qui renforceront sa capacité d'agir sur la scène internationale.
Elle aura un visage et une voix, grâce à un Haut représentant - Madame ou Monsieur PESC - qui devra être un véritable responsable politique, qui sera nommé très vraisemblablement à Cologne.
Elle aura les moyens de mieux définir sa politique : je pense à la mise en place d'un instrument nouveau, la stratégie commune. Je pense aussi aux dispositions concernant la sécurité, le maintien de la paix et la défense, dispositions qui, là aussi, doivent s'inscrire dans une dynamique comme la prouvée la démarche franco-britannique à Saint-Malo.
· La lacune de la réforme institutionnelle.
Le Traité comporte toutefois, une lacune majeure, et qu'il faut combler : l'absence de réforme institutionnelle de l'Union européenne. Nous savons que la CIG na pas réussi sur ce point et qu'il n'y a pas dans le Traité de réforme institutionnelle de l'Union européenne. Lacune d'autant plus sévère que c'était tout de même l'objet principal de la CIG. Mais sur ce point, il n'y a eu aucun accord important à Amsterdam.
Aujourd'hui, cette nécessité de réformer les institutions, est devenue une urgence. Nous savons que l'Europe à Quinze fonctionne déjà de façon insatisfaisante. Comment imaginer qu'à Trente, elle ne serait pas paralysée et bloquée si on ne réformait pas les institutions.
Une réforme institutionnelle est donc bien indispensable avant l'élargissement. Lors du Conseil de Vienne, en décembre dernier, un rendez-vous a été pris à Cologne, que la présidence allemande doit faire des propositions là-dessus et que nous devrons ensuite traduire ces engagements dans les faits, à mon avis avant 2001, c'est-à-dire avant le moment où nous allons engager la fin des négociations d'élargissement.
Cette présentation du Traité n'est évidemment pas exhaustive. J'aurais pu également mentionner des avancées ponctuelles qui répondent à des intérêts français ou favoriseront une construction européenne plus démocratique. Je pense par exemple à la consécration de Strasbourg comme siège du Parlement européen, qui constitue une réelle victoire face à ceux qui ne se sont jamais résignés au compromis d'Edimbourg qui reconnaissait déjà la place de Strasbourg. Maintenant, ce compromis est dans le Traité. Je mentionnerai aussi les pouvoirs accrus du Parlement européen dans le fonctionnement de l'Union.
Ce Traité est donc un composite, un patchwork avec des dispositions importantes, d'autres qui le sont moins, des dispositions qui sont tout de suite effectives et d'autres qui vont le devenir si on les renforce et c'est à partir de cette complication qu'il faut penser à l'effort d'explication.
Et j'en viens maintenant à la campagne proprement dite, en commençant par vous en présenter les principes puis le contenu.
Ses principes s'inscrivent en cohérence avec les actions précédentes, sur la base du partenariat :
- · Le partenariat avec les institutions européennes continue d'occuper une place centrale. En effet, ce programme est réalisé, comme la campagne « Vivre l'Europe » de l'année dernière, avec le soutien du Parlement européen et de la Commission, soutien fondamental qui s'inscrit dans le cadre du Programme prioritaire d'information du citoyen européen. Que les représentants, parmi nous, de ces institutions, Bernard Chevallier pour le Parlement européen et Jean-Louis Giraudy pour la Commission, soient particulièrement remerciés, ainsi que le commissaire Oreja, en charge de ces programmes à Bruxelles. Evidemment, les enveloppes sont ce quelles sont et ne sont plus aussi importantes que dans les « belles années », mais pas aussi importantes que dans d'autres ministères. Mais, on essaie de faire avec les moyens du bord. Il faudra que le talent - et nos équipes en ont - compense la modestie des moyens.
- · Partenariat ensuite, avec le monde associatif. Mon expérience ma permis de prendre toute la mesure de leur contribution à une meilleure connaissance de l'Europe, et aux débats qui concernent notre avenir.
Je pense bien sûr à la famille européenne constituée par les associations à vocation européenne mais, au-delà, aux acteurs de la société civile de plus en plus concernés, eux aussi, par lEurope. Je participerai ainsi aux Assises de la société civile, les 20 et 21 février prochains, qui comprendront une table ronde spécifiquement consacrée aux questions européennes et qui seront l'occasion de penser à l'Europe à l'étape d'après-Amsterdam.
Quant au contenu de cette campagne, il reflète mon premier objectif : informer sur le traité, autour du traité. Il s'agit de faire en sorte que le débat de ratification qui s'ouvrira maintenant, et dont vous rendrez certainement compte, soit bien compris par nos concitoyens, pas déformé et c'est-à-dire inscrit dans le processus de construction européenne.
· Une brochure « Amsterdam » illustre cette approche. Spécialement conçue pour cette campagne, elle a l'ambition de remettre en perspective le contenu du traité, sur un mode attrayant, sympathique, dans l'esprit de la brochure précédente « Vivre l'Europe ». Elle sera accompagnée dune série d'illustrations, sous forme de cartes postales. Je vous invite à un usage immodéré de ces cartes et, encore mieux, à utiliser pour les affranchir le timbre, tout récent, où figure le nouvel hémicycle du Parlement européen, à Strasbourg, qui a été terminé ces derniers jours, dont le Parlement européen - et cela a été une rude bataille - a finalement accepté la livraison et dans lequel, je l'espère, se tiendra au moins une des dernières sessions de l'actuel Parlement européen avant que le prochain accepte enfin d'y travailler. Mais ce sera l'occasion, j'en suis sûr, dune superbe inauguration au niveau de l'Etat qui convient. Tirée à 1 million d'exemplaires, la brochure sera notamment diffusée à travers les préfectures, les relais d'information sur l'Europe et lors de mes déplacements en région. Mais il va surtout falloir veiller à une plus large diffusion.
· Une rubrique spécialement consacrée au Traité d'Amsterdam a été créée dans le site Internet de Sources d'Europe - vous pouvez déjà le consultez -, le centre d'information sur l'Europe que nous cofinançons avec la Commission. Il a été conçu de manière pédagogique autour de 3 axes : le Traité proprement dit, le Traité dans le processus de construction européenne, et les perspectives de l'après Amsterdam. Vous pourrez notamment y suivre tout le déroulement de la procédure de ratification.
Des fonctionnalités interactives ont été prévues, avec un forum et un service de messagerie.
Je vous invite, après cette conférence de presse, à suivre les démonstrations ici prévues.
· la publicité pour la brochure et le site Internet sera faite à travers une campagne d'annonces, à la mi-février dans la presse quotidienne nationale et régionale afin de couvrir aussi bien que possible l'ensemble du territoire. L'implication des régions, des collectivités locales est bien sûr tout à fait fondamentale dans l'information sur l'Europe. C'est cette dimension qui est, je crois, essentielle.
· Enfin, je poursuivrai les tournées en région, comme l'année dernière. A chaque fois, je serai attentif à écouter les espoirs et les craintes de nos concitoyens, à dialoguer avec eux autour de réalisations concrètes de l'Union européenne. Une visite à Grenoble est prévue le 1er février. J'irai ensuite à Toulouse, le 23 février, à Aix-en-Provence, le 1er mars, à Lille, le 1er avril, à Clermont-Ferrand le 19 avril et en Haute-Marne, le 22 avril.
Le calendrier de la campagne coïncidera en mars avec celui de la procédure de ratification. Il est évidemment tenu compte des contraintes qui s'imposent à l'approche des élections européennes, comme de toute consultation électorale. Cette campagne a donc, je le précise, un but strictement informatif et d'intérêt général. Son contenu et la façon dont elle se déroulera ont été étudiés pour qu'il ny ait aucun dérapage de nature politique. C'était une difficulté et d'ailleurs on pouvait s'interroger sur cette échéance. Mais on nous aurait beaucoup reproché, n'est-ce pas Michel Barnier, de ne pas informer sur le contenu du Traité. Les échéances sont ce quelles sont, le calendrier de ratification est ce qu'il est, il se trouve que ces deux calendriers s'emboîtent. Il va falloir vivre avec. Le code électoral interdit en effet certaines pratiques, notamment l'utilisation de tout procédé de publicité commerciale à des fins de propagande dans les trois mois précédant le scrutin. Donc, il n'y aura pas recours à ces procédés illégaux.
Depuis janvier 1997, jai pu mesurer l'importance majeure de cette dimension de communication, d'information dans mes fonctions, aux côtés de celles, plus classiques, d'impulsion au sein du gouvernement, ou de négociateur à Bruxelles. Alors que l'Europe imprègne la plupart de nos choix, je suis frappé de constater combien l'effort pédagogique n'est pas à la hauteur des enjeux. Les initiatives et les bonnes volontés ne manquent pas mais nos moyens budgétaires sont limités. Il est temps, me semble-t-il, de réfléchir à des dispositifs dune autre ampleur et pérennes. Les aides européennes ont tendance peut-être à se réduire car elles ne sont pas prévues pour être éternelles. J'y travaille et vous réunirai prochainement pour le lancement d'un réseau de relais d'information « labélisés » sur l'Europe dans les régions.
Car c'est ici et maintenant qu'un effort est nécessaire. Ne nous laissons pas abuser par l'amélioration de la perception de l'Europe que reflètent toutes les études. Si les jugements et attitudes favorables progressent, cette amélioration indéniable masque des contrastes et des points faibles. En simplifiant, je note que les clivages sociaux et politiques de Maastricht persistent. L'identification citoyenne à l'Europe reste encore abstraite, et que les perceptions sont diverses selon les domaines et quil y a un décalage très fort entre les aspirations et les sensations des Français par rapport à un certain nombre de réalités européennes : la sécurité, la défense, par exemple, sont des domaines dans lesquels il y a une aspiration formidable et une déception assez grande et bien compréhensible, il faut dire.
J'ajoute enfin que ce thème d'Amsterdam ne résume évidemment pas les autres enjeux actuels de la construction européenne, comme par exemple les négociations de l'Agenda 2000 ou l'élargissement. Raison de plus pour soutenir cet effort d'information. Soyez assurés que trois principes inspireront toujours mon action : expliquer, expliquer, expliquer.
Je peux maintenant me livrer à vos questions avant une présentation du site lui-même.
Q - Vous avez dit qu'il fallait parvenir à une réforme institutionnelle avant 2001, car c'est à cette date que les premières adhésions entreraient en vigueur. N'êtes-vous pas un peu optimiste sur cette date ?
R - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que je pensais qu'il fallait avoir conclu avant 2001 car c'était le moment où nous pourrions entrer dans la phase décisive des négociations. Si nous ne faisons pas cela avant 2001, c'est comme si nous disions aux pays-candidats que c'est remis aux calendes grecques. Donc, je pense qu'il y a un calage entre le calendrier de l'élargissement lui-même tel qu'il est prévisible, les aspirations des candidats et la nécessité institutionnelle. Donc, terminer avant 2001 pour que les négociations finales puissent se passer bien, qu'il n'y ait pas la sensation dune hypothèque ou dune réserve. La position de la France sur l'élargissement, n'est pas, je le répète, réservée. Elle est volontaire mais en même temps elle refuse toute démagogie, elle veut être exigeante et réaliste. Je précise au passage - sil y avait cet aspect implicite dans votre question - que je ne suis pas favorable à l'affichage dune date pour l'arrivée des premiers candidats.
Si eux disent 2002, c'est très bien pour leurs opinions publiques, pour leurs administrations - il y a un besoin de mobilisation interne - mais je ne crois pas que l'Union européenne ou la France aient à intégrer pour leur part un calendrier aussi contraignant. Les adhésions se feront quand elles seront prêtes, le plus tôt possible, pourquoi pas 2002... mais ne nous laissons pas enfermer dans ce jeu-là. Toutefois, 2001 pour la réforme institutionnelle, honnêtement, on a le temps. On a bien circonscrit les champs. On sait de quoi il s'agit : une Commission plus efficace, plus resserrée, le vote à la majorité qualifiée au Conseil, la pondération des voix, de telle sorte qu'on puisse à la fois décider - c'est la majorité - et ne pas diluer - c'est la pondération des voix, en tenant compte, par exemple, de la démographie. Il faudra d'ailleurs formuler tous ces sujets dans des termes différents qu'à Amsterdam car si on refait la même chose, les mêmes causes produiront les mêmes effets et la même impréparation produira le même échec.
Q - Comment le gouvernement français voit les négociations futures sur cette réforme ? Sous la forme dune nouvelle Conférence intergouvernementale, d'un Groupe de sages qui se réuniraient pour présenter différentes options ? Où vont vos préférences ?
R - Je pense qu'on ne peut pas envisager une Conférence intergouvernementale d'entrée de jeu, faute de quoi, je le répète, on retomberait dans les problèmes finaux que Michel Barnier connaît bien, qui ont amené à l'échec d'Amsterdam sur ce point. Encore une fois cette lacune institutionnelle ne doit pas conduire à rejeter le Traité. Au contraire, c'est un traité utile. Je ne crois donc pas à la Conférence intergouvernementale « sèche ». Il faut donc envisager des modes de préparation efficaces.
Pour cela, on peut envisager plusieurs formules : la formule du Comité des sages, qui a fait ses preuves - citons le dernier exemple qui était le Comité Delors sur l'euro, qui a tout de même été décisif pour envisager Maastricht et il y a d'autres exemples plus lointains comme le Comité Spaak. On peut envisager - c'est une formule à laquelle on peut réfléchir - de confier une sorte de rapport sur létat de lUnion à une personnalité, qui aurait été ou qui serait membre du Conseil européen ou qui aurait ce niveau-là, qui serait elle-même un sage, quite à ce que cette personnalité ou ce comité réfléchisse sur l'avenir de l'Union, fasse ensuite des propositions qui débouchent forcément sur une nouvelle Conférence intergouvernementale qui serait alors soit circonscrite aux problèmes laissés à Amsterdam, ce qu'on appelle les « left-over » dans le jargon anglais communautaire, soit sur des problèmes plus vastes, si on estimait qu'on pouvait aller plus loin, le tout devant être fait, à mon sens, avant 2001.
Je précise tout de suite que ce sont des idées personnelles qui sont aussi des idées de bon sens. Nous avons déjà eu l'occasion de parler avec quelques-uns en France mais c'est la présidence allemande qui doit faire des propositions en ce sens. Je vous rappelle que dans les conclusions du Conseil européen de Vienne, il est dit que la présidence allemande doit faire des propositions de méthode sur la réforme institutionnelle à Cologne. Mais, pour avoir été à Bonn la semaine dernière, j'ai eu la sensation que les solutions n'étaient finalement pas si nombreuses et que les idées commençaient à converger. Encore une fois, je ne veux pas hypothéquer la réflexion de nos amis allemands. On peut leur suggérer des voies, il en feront ce qu'ils veulent et nous trouverons la meilleure solution possible. Nous sommes, en gros, d'accord sur le calendrier et sur le fait de ne pas faire tout de suite une Conférence intergouvernementale. C'est la voie de sagesse.
Q - Comment sera distribuée la brochure de la campagne ? A qui ? Et pourquoi avez-vous privilégié la voie écrite par rapport à la radio ou à la télévision ? A cette occasion, pouvez-vous nous dire quel a été le résultat des spots sur l'euro ?
R - Pour l'euro, il faudra demander au ministère des Finances, car c'est lui qui a l'information à ce sujet. Je note tout de même une chose : le budget de la campagne que je vous présente doit être de
4 667 220 francs alors que le budget de la campagne sur l'euro doit être de 80, 90 millions de francs... Il y a donc une disproportion de moyens extrêmement forte entre la campagne sur l'euro et le reste, que je ne critique pas d'ailleurs. C'est bien sûr l'euro qui est la priorité en ce début d'année mais si l'on veut que l'Europe ne se réduise pas à l'euro, il y a un rééquilibrage nécessaire des efforts d'information, pas au détriment de l'euro mais en faveur de l'Europe évidemment. Mais, je n'ai pas de résultats de cette campagne.
La brochure sera distribuée très largement à un million d'exemplaires, à travers les préfectures, les relais d'information sur l'Europe qui sont connectés eux-mêmes, soit au monde des collectivités locales, soit au monde associatif, ou encore lors de mes déplacements dans les régions. Pourquoi avoir privilégié ce support-là ? Je suis un peu en peine de vous le dire, non pas parce que je ne le comprends mais parce que je vous rappelle que les procédures de sélection des campagnes sont le fait de jurys, et donc qui débattent sur des propositions alternatives et retiennent les meilleures en fonction à la fois d'impératifs de coût qui doivent être respectés, de respect aussi d'un cahier des charges, de créativité et de talent. Donc, il faudrait demander à d'autres. Je précise que le Ministre n'est pas dans le jury de ce genre de choix, même sil y est bien sûr représenté. Il me semble toutefois qu'il y a deux motivations essentielles : la motivation financière, qui est que, dans le cadre budgétaire que je vous ai donné, on ne peut pas s'offrir des spots qui soient efficaces ; deuxièmement, je crois beaucoup à la force de l'écrit. Il permet de ne pas réduire à l'excès le message. Il permet aussi, sur une matière aussi complexe que le Traité d'Amsterdam, de le présenter dune façon très grand public, très accessible. C'est aussi pour cela que dans cette brochure, comme dans la précédente, nous avons privilégié des graphismes qui sont beaux, à mon avis, mais aussi simples, accessibles et attrayants. Voilà, à mon sens, les deux raisons pour lesquelles a été retenu ce support écrit : raison financière et raison d'accessibilité, de pédagogie. L'écrit a encore un grand avenir, même si la radio est un média très chaud et sympathique. A ce moment-là, on pourrait aussi parler de la télévision mais on sort complètement de l'épure budgétaire. Pour faire des spots sur l'euro à la télévision, il faut dix fois plus que ce que nous avons aujourd'hui.
Q - Vous avez insisté sur le caractère apolitique de la brochure ; ceci dit, elle présente une certaine manière de concevoir l'Europe, au-delà du clivage droite-gauche, mais elle ne rend pas compte d'un des débats qui sera celui de la campagne : les interrogations sur la Nation. Donc, on peut quand même y voir une démarche politique.
R - Non. Honnêtement, nous n'avons pas à nous inscrire dune façon ou dune autre dans les débats de la campagne. Cette campagne de communication, pour l'essentielle, est incluse avant la campagne européenne et nous ne prétendons pas refléter le pluralisme des positions sur la ratification. Mais, nous faisons une présentation objective de ce qu'est le Traité, et on essaie, bien sûr, de la rendre attrayante et sympathique, car la position tant de l'Union européenne que du gouvernement, mais aussi je pense de l'immense majorité du Parlement, est que ce traité est un traité utile sous réserve dune lacune. C'est donc cela que nous faisons passer. Lorsque je dis que c'est une campagne qui nest pas politique, je veux dire qu'on ne veut pas expliquer tout le bien qu'on peut penser de telle ou telle position souverainiste etc. Ce n'est pas l'objet. L'objet est d'informer. Mais, il n'y a pas non plus d'information qui soit totalement dépourvue de sens. Sinon, on pourrait envoyer un exemplaire du Traité mais je ne suis pas sûr que le résultat atteint serait à la hauteur de nos espérances, c'est-à-dire de faire comprendre.
Q - Pourquoi affirmez-vous que vous ne pouviez pas démarrer cette campagne avant la modification constitutionnelle, puisque de A à Z la procédure parlementaire a été choisie et puisque le débat même technique sur la révision constitutionnelle a porté sur le fond du Traité. Qu'est-ce qui vous en empêchait ?
R - On pouvait défendre cette thèse-là mais il y avait de toutes façons des impératifs de calendrier de sélection des agences. Je rappelle que c'est quelque chose d'extrêmement rigoureux et qui prend du temps, que lon ne peut pas faire de gré à gré - nous sommes aujourd'hui dans une situation où il y a une attention tout à fait légitime portée aux passations de marchés.
Par ailleurs, c'est un choix que j'ai fait. J'ai estimé qu'on savait le débat sur la révision compliqué. Il ma d'ailleurs surpris par sa simplicité. Je n'attendais pas, très honnêtement, qu'il n'y ait qu'une lecture devant chaque assemblée. On pouvait envisager à peu près tout... (je parle sous le contrôle de Michel Barnier), il pouvait y avoir un blocage, on pouvait ne pas être sur la majorité des 3/5èmes. Il pouvait y avoir des divisions plus grandes dans chaque camp. Il pouvait y avoir des comportements de partis, d'ailleurs symétriques des uns ou des autres par rapport à une Constitution que certains voulaient modifier davantage alors qu'ils avaient eux négocier le Traité et un Traité que nous acceptions de ratifier alors que nous ne lavions pas négocié. Bref, nous étions face à quelque chose d'extrêmement complexe.
J'ai estimé prudent de faire en sorte que la campagne d'information commence sur la base dune révision constitutionnelle qui se soit passée. Et elle s'est bien passée ! Cela donne davantage de force et cela permet de récuser les accusations de partialité. Lorsque 758 parlementaires contre 111 s'engagent dans un sens, c'est qu'il y a aussi, de la part de la représentation nationale, quelque chose qui a du sens.
Q - Quand la campagne s'achève-t-elle ?
R - Fin avril.
Q - Vous devez présenter le projet de loi d'autorisation de ratification au Conseil des ministres du 3 février. Comprend-il un article additionnel réclamé par nombre de parlementaires et prévoyant qu'une réforme institutionnelle aura lieu avant tout élargissement ?
R - Le projet de loi proprement dit présenté au Conseil des ministres, la semaine prochaine, ne comprend pas cet article 2 car nous estimons que la discussion autour de cet article 2 fait partie du dialogue qu'il convient d'avoir avec le Parlement. Je pense que les présidents des délégations pour l'Union européenne pardonneraient mal au gouvernement d'arriver avec quelque chose qui soit tout ficelé, qui paraisse bouclé et sur lequel on ne pourrait pas discuter. Mais il va de soi que dans le cadre de la discussion parlementaire elle-même de la préparation de cela devant les assemblées, des auditions qu'Hubert Védrine et/ou moi-même seront amenés à faire devant les commissions des Affaires étrangères et les délégations pour l'Union européenne des deux assemblées, nous présenterons quelque chose qui sera débattu et qui sera ensuite, je l'espère, voté par le Parlement. C'est à la fois une initiative du gouvernement et quelque chose qui est dans la procédure parlementaire. Voilà pourquoi nous n'avons pas estimé indispensable de figer les choses au Conseil des ministres, la semaine prochaine. Mais rassurez-vous, comme je lai promis, le Parlement aura l'occasion de voter cet article 2. Encore faut-il bien ajuster les positions des uns et des autres pour que cela corresponde très exactement à ce que nous voulons faire, c'est-à-dire marquer notre attachement à la réforme institutionnelle, sans pour autant sembler être une injonction. Il ne faut pas donner l'impression, une fois de plus, qu'on ratifie sans ratifier ou qu'on ratifie à condition. La ratification sous condition, cela n'existe pas, d'où la subtilité qu'il faut apporter à la rédaction de cet article.
Q - (Sur le nombre de commissaires et la politique de défense européenne)
R - Sur la Commission, y a-t-il de nouvelles idées ? Elles sont sur la table depuis un certain temps. Je rappelle, sous contrôle toujours de mon prédécesseur, qu'à Amsterdam et à Noordwijk, le président de la République avait fait des propositions pour une Commission de format réduit. Je pense qu'il avait raison de le faire. Il est clair que dans un environnement communautaire qui est ce qu'il est, une Commission à 8, 10 membres serait plus efficace. Mais on a aussi observé à Amsterdam que cette idée ne passait pas car ceux que lon appelle les « petits Etats » - qui est une terminologie désagréable, qui ne correspond d'ailleurs pas toujours pas à la réalité - souhaitaient avoir leur commissaire. Il faut en tenir compte. On ne peut pas réduire aujourd'hui significativement le volume de la Commission. Nous sommes donc conduit à envisager autre chose : un plafonnement à un commissaire par Etat membre, - cela viendra sans doute -, voire un plafonnement du nombre des commissaires à 20, c'est-à-dire le chiffre actuel.
La question suivante sera alors posée : comment fait-on par la suite ? C'est sur ces idées que nous réfléchissons et également sur un autre mode de structuration de la Commission qui permettrait d'avoir des commissaires dotés de très grands portefeuilles ; on peut penser - mais je n'ai pas à interférer dans cela - qu'il n'est pas forcément légitime d'avoir trois ou quatre commissaires qui sont chargés de la politique extérieure. Et à l'intérieur de cela, des commissaires délégués ou adjoints, comme il en existe dans les gouvernements, qui eux auraient des fonctions plus circonscrites. Voilà des idées que nous émettons depuis un an déjà et qui suscitent l'intérêt. Maintenant, il faut aller plus loin et les mettre en oeuvre.
Pour ce qui concerne la Politique étrangère et de sécurité commune, je pense que le Traité justement offre les moyens daller vite. On sait qu'il va être mis en oeuvre maintenant. C'est une des tâches de la présidence allemande. A partir du moment où les Grecs et nous l'aurons ratifié, il sera le Traité de l'Union européenne. Dans ce contexte-là, nous pouvons tout à fait avancer sur la défense européenne dans le prolongement de Saint-Malo sans bien sûr attendre une nouvelle Conférence intergouvernementale./.
((Source http://www.diplomatie.gouv.fr)