Texte intégral
Madame la présidente de la commission des lois,
Madame la rapporteure,
Mesdames et Messieurs les députés,
Introduction :
Je vous remercie davoir bien voulu me permettre dintervenir devant votre commission pour vous présenter brièvement le projet de loi déposé par le Gouvernement renforçant la présomption dinnocence et les droits des victimes.
Dans sa déclaration de politique générale de juin 1997, Lionel JOSPIN annonçait une réforme dampleur de la justice, déclinants les engagements pris devant les Français pendant la campagne des élections législatives : rendre la justice plus proche des citoyens, plus respectueuse des libertés et plus indépendante.
Jai présenté les orientations de cette réforme au conseil des ministres du 29/10/97. Elles ont été débattues devant le parlement les 15 et 21 janvier 1998. Depuis, tous les textes évoqués ont été présentés au conseil des ministres, puis déposés sur les bureaux des assemblées.
Je souhaite profiter de loccasion qui mest donnée aujourdhui pour vous rappeler les axes de cette réforme.
1/ Une justice plus proche des citoyens :
la loi du 18/12/98 sur laccès au droit va permettre de renforcer la justice de proximité et de rendre ce service public plus adapté aux besoins de nos concitoyens. A ce titre je vous indique que 18 maisons de justice et du droit ont été ouvertes depuis le mois de juin 1997, dont 7 depuis le 01/01/99, et que 41 projets sont en cours dexamen. Je rappelle quavant juin 1997, 16 MJD fonctionnaient.
un décret réformant la procédure civile publié le 28/12/98 permettra, lui aussi, daccélérer la justice civile, celle qui concerne lessentiel des litiges entre particuliers.
le projet de loi sur la simplification de la procédure pénale, adopté par le Sénat en première lecture le 23/06/98, sera examiné par lAssemblée Nationale, le 23 mars prochain. Les mesures essentielles quil contient sont de nature à apporter une réponse de la justice aux infractions de petite et de moyenne délinquance ; celles qui pénalisent ceux de nos concitoyens les plus démunis. Ce texte permettra en outre daccélérer les affaires pénales et facilitera lentraide répressive internationale. Je tiens à remercier son rapporteur Louis MERMAZ, qui a accompli un travail remarquable.
2/ Une justice plus respectueuse des libertés :
la loi sur la délinquance sexuelle du 17 juin 1998, protège mieux les victimes et notamment les mineurs.
Le projet qui nous réuni aujourdhui est au coeur de cette préoccupation.
3/ Une justice plus indépendante :
le projet de loi constitutionnel sur le CSM, adopté en termes conformes depuis le 18/11/98 est toujours en attente du Congrès.
le projet de loi sur les relations parquet/chancellerie sera débattu en première lecture à lAssemblée Nationale, avant lété.
A peine plus dun an et demi après lannonce de la réforme je constate que le parlement est soit saisi des textes, soit les a déjà partiellement ou totalement adoptés. Aucun retard na été constaté. Les deux projets relatifs a la procédure pénale, sur la présomption dinnocence et sur les rapports chancellerie/parquet seront examinés en première lecture, avant lété.
Ainsi rien ne soppose à une convocation du Congrès rapide sur la réforme constitutionnelle. Les lois organiques dapplication seront présentées immédiatement après. Le gouvernement a tenu ses engagements, en terme de calendrier : il convient maintenant de terminer ce qui est largement engagé.
I/ Présentation générale du texte :
1/ Cest un texte déquilibre :
équilibre entre lefficacité de lenquête et les droits des parties au procès. Les droits de la défense sont renforcés, mais dans des conditions qui ne compromettent pas lefficacité des investigations et la nécessité de la répression.
équilibre entre la liberté dexpression et le respect de la présomption dinnocence : sans porter atteinte à la liberté de la presse et au droit de linformation, la protection de toutes les personnes mises en cause est améliorée, quel que soit le stade de la procédure.
Là aussi, léquilibre doit être garanti. Le gouvernement, comme la plusieurs fois rappelé le Premier ministre et notamment lors des voeux à la presse au début de cette année, na pas choisi de proposer des mesures de contraintes fortes, qui pourraient conduire à une limitation de la liberté dexpression. Par exemple la proposition de la commission TRUCHE, dinterdire la publication du nom des personnes mises en cause a été expressément écartée. Le choix est celui du respect de linformation tout en protégeant la présomption dinnocence par plus de publicité et en sanctionnant les comportements les plus graves.
équilibre entre les droits des personnes mises en cause qui sont renforcés, et ceux des victimes, qui ont longtemps été méconnus, dans le procès pénal.
2/ Cest un texte de confiance dans le juge.
Le gouvernement na pas voulu supprimé le juge dinstruction. La mise en place récente des pôles financiers en est le témoignage. Bien au contraire ce texte le renforce en le positionnant clairement comme un arbitre neutre entre les parties. Il doit être celui qui tranche entre des demandes. Sa mission de recherche de la vérité, « à charge et à décharge » sera confortée.
3/ Cest un texte qui ne remet pas en cause la procédure inquisitoire :
Le gouvernement a choisi de ne pas changer la nature de notre procédure pénale. Elle demeure inquisitoire et non accusatoire. La procédure accusatoire nest pas la solution idéale que certains vantent. Elle est profondément injuste et favorise les plus riches, ceux qui peuvent soffrir les conseils davocat de renom. Notre procédure est égalitaire et offre à chacun des moyens de défense. Il mest apparu indispensable dinstaurer des éléments « accusatoires », mais toujours en respectant le régime inquisitoire.
4/ Cest un texte qui réaffirme une conception du procès pénal fondée sur la déclaration des droits de lhomme et la convention européenne :
Notre procédure pénale sinspire déjà des principes essentiels contenus dans la déclaration des droits de lhomme et la convention du conseil de lEurope. Néanmoins, il convient de les rappeler de manière solennelle, comme des axes directeurs forts sur lesquels les juges pourront sappuyer. Cest pourquoi dans un article préliminaire au code de procédure pénale, ces droits fondamentaux seront réaffirmés et énumérés.
II/ Présentation des dispositions du texte :
1. Les dispositions du projet qui permettent de mieux prendre en compte le principe selon lequel toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente.
1-1 : Le projet de loi renforce tout dabord les droits de la défense et le respect de contradictoire :
En premier lieu, il prévoit lintervention de lavocat au cours de la garde à vue dès la première heure de la mesure, sauf dans les cas de criminalité ou de délinquance organisée. Actuellement, moins de 10 % des personnes gardées à vue peuvent sentretenir avec un avocat.
Désormais, toute personne à qui il sera reprochée une infraction de droit commun pourra, avant dêtre interrogée pendant 24 heures, voire 48 heures par la police, recevoir les conseils avisés dun avocat. Cette assistance, cette aide, permettra datténuer la rigueur des règles de la garde à vue, qui sont nécessaires pour lefficacité de la répression, mais qui portent évidemment gravement atteinte à la liberté individuelle et à la présomption dinnocence.
En deuxième lieu, le projet étend les droits des parties au cours de linstruction :
celles-ci pourront demander au juge tous les actes quelles estiment nécessaires, et non plus uniquement certains actes limitativement énumérés ; par ailleurs, leur avocat pourra demander à ce que certains des actes demandés soient effectués en sa présence.
En troisième lieu, le projet améliore la procédure du témoin assisté, qui permet à une personne faisant lobjet dune accusation de bénéficier des droits de la défense sans être mise en examen.
1-2 : Le projet du Gouvernement renforce ensuite les garanties en matière de détention provisoire, afin que cette mesure soit prononcée moins souvent et moins longtemps, et quelle devienne véritablement exceptionnelle.
A cette fin, il confie au juge de la détention provisoire, juge impartial et objectif car extérieur à linstruction, la responsabilité de décider des placements en détention provisoire, des prolongations de détention provisoire et de statuer sur les demandes de mise en liberté.
Cest là une garantie fondamentale, car elle signifie quune détention provisoire ne pourra intervenir que si deux magistrats - le juge dinstruction et le juge de la détention - en sont daccord.
Le projet limite par ailleurs les conditions de placement en détention provisoire en matière correctionnelle, ainsi que la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle et en matière criminelle.
Enfin, le projet améliore lindemnisation des détentions provisoires injustifiées, en prévoyant une réparation intégrale de tous les chefs de préjudice, à la suite dune décision motivée, prise au cours dun débat public.
1-3 : Le projet renforce le droit à être jugé dans un délai raisonnable, en instituant un contrôle de la durée des enquêtes (par le président du tribunal) et des instructions (par la chambre daccusation et son président). Ce contrôle interviendra, à la demande des personnes suspectées ou mises en examen, à la suite dune forme de dialogue avec, selon les cas, le procureur de la République ou le juge dinstruction .
1-4 : Enfin, le projet de loi permet de mieux limiter, prévenir, réparer ou réprimer les atteintes à la réputation dune personne qui résultent de sa mise en cause au cours dune procédure judiciaire. Cest là la dimension la mieux connue du public de la présomption dinnocence, qui ne constitue pas seulement une règle de procédure pénale, mais qui signifie également que la réputation de la personne doit être protégée.
Le projet institue ainsi, au delà de la voie civile, dautres garanties qui renforcent la protection de la présomption dinnocence.
Pour les cas les plus graves, ceux dans lesquelles latteinte à la présomption dinnocence est la plus patente et la plus inadmissible, il crée deux nouveaux délits punis de 100 000 F damende, celui de publication de limage dune personne menottée ou entravée, et celui de réalisation ou diffusion de sondages sur la culpabilité ou la peine dune personne poursuivie.
Il consacre par ailleurs dans le code de procédure pénale la pratique des communiqués du procureur de la République permettant les « mises au point », à condition quelles présentent un caractère objectif.
Dans le même esprit, il institue de nombreuses « fenêtres » par un débat contradictoire et public au cours de la procédure, lors du contrôle de la durée de lenquête, du placement en détention et en cas daudience devant la chambre daccusation, permettant ainsi, à la demande de lintéressé, un débat public sur les charges.
Le projet améliore enfin les dispositions sur le droit de réponse, en allongeant les délais et en rendant possible lintervention du procureur de la République.
2 . Les dispositions du projet améliorent par ailleurs la situation des victimes dinfraction pénale sur de nombreux points.
Dune façon générale, il est rappelé en tête du code de procédure pénale le principe - qui ne figure actuellement dans aucun texte - selon lequel lautorité judiciaire doit veiller à la garantie des droits des victimes tout au long de la procédure.
Le projet consacre dans la loi le rôle joué par les associations daide aux victimes et il procède à diverses modifications permettant déviter aux victimes de se déplacer lors du procès.
Ces différentes réformes, de nature technique, sont très importantes en pratique. Les victimes sont en effet trop souvent les laissées pour compte des « procédures rapides », qui ne leur permettent pas toujours de faire valoir leur droits dans des conditions satisfaisantes.
Enfin, il crée deux nouveaux délits punis de 100 000 F damende, en cas de publication de limage dune victime dans des conditions portant atteinte à sa dignité, ainsi quen cas de publication de lidentité dune victime mineure.
*
* *
Telles sont les principales dispositions de ce projet, qui dénotent un véritable changement de perspective dans lappréhension des principes généraux de la procédure pénale, afin de concilier les exigences defficacité et la protection des libertés individuelles.
Je sais, pour en avoir discuté avec plusieurs dentre vous, que si ces propositions recueillent ladhésion de la plupart des parlementaires, nombreux sont ceux qui souhaitent renforcer ou compléter le projet sur des questions importantes et sensibles.
Le débat devant votre commission, puis en séance publique, sera à cet égard, jen suis persuadée, dune particulière richesse et dun très grand intérêt.
Je me félicite du travail accompli par votre rapporteur, C.LAZERGES, qui apporte au texte des améliorations considérables. Je constate que la plupart des amendements quelle compte déposer recueille mon approbation.
Des accords nombreux ont pu être déjà trouvés : sur la garde à vue (présence de lavocat, contrôle renforcé du parquet, information du gardé à vue), sur la mise en examen (meilleure définition des indices), sur le témoin assisté, sur la durée de la détention provisoire pour les prévenus correctionnels primo-délinquant, sur la nécessité dun débat contradictoire pour toutes les prolongations de détentions correctionnelles, sur les délais daudiencement pour les détenus correctionnels, et aussi, et là il sagit dun apport essentiel du rapporteur, que je tiens à remercier, sur le droit des victimes.
Sans indiquer dès à présent de façon détaillée mon avis sur certaines des modifications envisagées - jaurai loccasion de le faire après vous avoir rendu la parole -, je voudrai simplement rappeler les deux idées forces qui ont prévalu dans lélaboration de ce projet.
Tout dabord, cette réforme a pour objectif de rendre les différents acteurs du procès pénal plus responsables, mais son but nest nullement dinstitutionnaliser une forme de défiance à lencontre de ces acteurs. Je rappelle que le texte repose sur la confiance qui est faite aux juges, et sur leur responsabilisation. Des moyens sont donnés aux parties pour leur permettre de défendre leurs droits à tous les stades de la procédure.
En second lieu, notre procédure pénale doit impérativement concilier de façon équilibrée les libertés individuelles avec les nécessités de la répression.
Je suis dès lors très réservée sur des modifications qui pourraient sanalyser comme une forme de « surenchère » et qui déséquilibreraient notre droit au risque de le rendre inefficace.
En revanche, il est indéniable que notre procédure pénale peut encore être améliorée sur de nombreux points, et je suis ouverte à toute proposition constructive.
Ce sont donc ces deux objectifs - responsabilité et équilibre - qui doivent nous guider dans la discussion de ce texte, et qui permettront ladoption dune réforme ambitieuse et éclairée. Il vise à permettre aux citoyens de retrouver la confiance nécessaire dans leur justice. Une justice plus transparente, plus rapide et plus soucieuse de la protection des personnes quelle a en charge : voilà ce que le gouvernement souhaite.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 12 mars 1999)
Madame la rapporteure,
Mesdames et Messieurs les députés,
Introduction :
Je vous remercie davoir bien voulu me permettre dintervenir devant votre commission pour vous présenter brièvement le projet de loi déposé par le Gouvernement renforçant la présomption dinnocence et les droits des victimes.
Dans sa déclaration de politique générale de juin 1997, Lionel JOSPIN annonçait une réforme dampleur de la justice, déclinants les engagements pris devant les Français pendant la campagne des élections législatives : rendre la justice plus proche des citoyens, plus respectueuse des libertés et plus indépendante.
Jai présenté les orientations de cette réforme au conseil des ministres du 29/10/97. Elles ont été débattues devant le parlement les 15 et 21 janvier 1998. Depuis, tous les textes évoqués ont été présentés au conseil des ministres, puis déposés sur les bureaux des assemblées.
Je souhaite profiter de loccasion qui mest donnée aujourdhui pour vous rappeler les axes de cette réforme.
1/ Une justice plus proche des citoyens :
la loi du 18/12/98 sur laccès au droit va permettre de renforcer la justice de proximité et de rendre ce service public plus adapté aux besoins de nos concitoyens. A ce titre je vous indique que 18 maisons de justice et du droit ont été ouvertes depuis le mois de juin 1997, dont 7 depuis le 01/01/99, et que 41 projets sont en cours dexamen. Je rappelle quavant juin 1997, 16 MJD fonctionnaient.
un décret réformant la procédure civile publié le 28/12/98 permettra, lui aussi, daccélérer la justice civile, celle qui concerne lessentiel des litiges entre particuliers.
le projet de loi sur la simplification de la procédure pénale, adopté par le Sénat en première lecture le 23/06/98, sera examiné par lAssemblée Nationale, le 23 mars prochain. Les mesures essentielles quil contient sont de nature à apporter une réponse de la justice aux infractions de petite et de moyenne délinquance ; celles qui pénalisent ceux de nos concitoyens les plus démunis. Ce texte permettra en outre daccélérer les affaires pénales et facilitera lentraide répressive internationale. Je tiens à remercier son rapporteur Louis MERMAZ, qui a accompli un travail remarquable.
2/ Une justice plus respectueuse des libertés :
la loi sur la délinquance sexuelle du 17 juin 1998, protège mieux les victimes et notamment les mineurs.
Le projet qui nous réuni aujourdhui est au coeur de cette préoccupation.
3/ Une justice plus indépendante :
le projet de loi constitutionnel sur le CSM, adopté en termes conformes depuis le 18/11/98 est toujours en attente du Congrès.
le projet de loi sur les relations parquet/chancellerie sera débattu en première lecture à lAssemblée Nationale, avant lété.
A peine plus dun an et demi après lannonce de la réforme je constate que le parlement est soit saisi des textes, soit les a déjà partiellement ou totalement adoptés. Aucun retard na été constaté. Les deux projets relatifs a la procédure pénale, sur la présomption dinnocence et sur les rapports chancellerie/parquet seront examinés en première lecture, avant lété.
Ainsi rien ne soppose à une convocation du Congrès rapide sur la réforme constitutionnelle. Les lois organiques dapplication seront présentées immédiatement après. Le gouvernement a tenu ses engagements, en terme de calendrier : il convient maintenant de terminer ce qui est largement engagé.
I/ Présentation générale du texte :
1/ Cest un texte déquilibre :
équilibre entre lefficacité de lenquête et les droits des parties au procès. Les droits de la défense sont renforcés, mais dans des conditions qui ne compromettent pas lefficacité des investigations et la nécessité de la répression.
équilibre entre la liberté dexpression et le respect de la présomption dinnocence : sans porter atteinte à la liberté de la presse et au droit de linformation, la protection de toutes les personnes mises en cause est améliorée, quel que soit le stade de la procédure.
Là aussi, léquilibre doit être garanti. Le gouvernement, comme la plusieurs fois rappelé le Premier ministre et notamment lors des voeux à la presse au début de cette année, na pas choisi de proposer des mesures de contraintes fortes, qui pourraient conduire à une limitation de la liberté dexpression. Par exemple la proposition de la commission TRUCHE, dinterdire la publication du nom des personnes mises en cause a été expressément écartée. Le choix est celui du respect de linformation tout en protégeant la présomption dinnocence par plus de publicité et en sanctionnant les comportements les plus graves.
équilibre entre les droits des personnes mises en cause qui sont renforcés, et ceux des victimes, qui ont longtemps été méconnus, dans le procès pénal.
2/ Cest un texte de confiance dans le juge.
Le gouvernement na pas voulu supprimé le juge dinstruction. La mise en place récente des pôles financiers en est le témoignage. Bien au contraire ce texte le renforce en le positionnant clairement comme un arbitre neutre entre les parties. Il doit être celui qui tranche entre des demandes. Sa mission de recherche de la vérité, « à charge et à décharge » sera confortée.
3/ Cest un texte qui ne remet pas en cause la procédure inquisitoire :
Le gouvernement a choisi de ne pas changer la nature de notre procédure pénale. Elle demeure inquisitoire et non accusatoire. La procédure accusatoire nest pas la solution idéale que certains vantent. Elle est profondément injuste et favorise les plus riches, ceux qui peuvent soffrir les conseils davocat de renom. Notre procédure est égalitaire et offre à chacun des moyens de défense. Il mest apparu indispensable dinstaurer des éléments « accusatoires », mais toujours en respectant le régime inquisitoire.
4/ Cest un texte qui réaffirme une conception du procès pénal fondée sur la déclaration des droits de lhomme et la convention européenne :
Notre procédure pénale sinspire déjà des principes essentiels contenus dans la déclaration des droits de lhomme et la convention du conseil de lEurope. Néanmoins, il convient de les rappeler de manière solennelle, comme des axes directeurs forts sur lesquels les juges pourront sappuyer. Cest pourquoi dans un article préliminaire au code de procédure pénale, ces droits fondamentaux seront réaffirmés et énumérés.
II/ Présentation des dispositions du texte :
1. Les dispositions du projet qui permettent de mieux prendre en compte le principe selon lequel toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente.
1-1 : Le projet de loi renforce tout dabord les droits de la défense et le respect de contradictoire :
En premier lieu, il prévoit lintervention de lavocat au cours de la garde à vue dès la première heure de la mesure, sauf dans les cas de criminalité ou de délinquance organisée. Actuellement, moins de 10 % des personnes gardées à vue peuvent sentretenir avec un avocat.
Désormais, toute personne à qui il sera reprochée une infraction de droit commun pourra, avant dêtre interrogée pendant 24 heures, voire 48 heures par la police, recevoir les conseils avisés dun avocat. Cette assistance, cette aide, permettra datténuer la rigueur des règles de la garde à vue, qui sont nécessaires pour lefficacité de la répression, mais qui portent évidemment gravement atteinte à la liberté individuelle et à la présomption dinnocence.
En deuxième lieu, le projet étend les droits des parties au cours de linstruction :
celles-ci pourront demander au juge tous les actes quelles estiment nécessaires, et non plus uniquement certains actes limitativement énumérés ; par ailleurs, leur avocat pourra demander à ce que certains des actes demandés soient effectués en sa présence.
En troisième lieu, le projet améliore la procédure du témoin assisté, qui permet à une personne faisant lobjet dune accusation de bénéficier des droits de la défense sans être mise en examen.
1-2 : Le projet du Gouvernement renforce ensuite les garanties en matière de détention provisoire, afin que cette mesure soit prononcée moins souvent et moins longtemps, et quelle devienne véritablement exceptionnelle.
A cette fin, il confie au juge de la détention provisoire, juge impartial et objectif car extérieur à linstruction, la responsabilité de décider des placements en détention provisoire, des prolongations de détention provisoire et de statuer sur les demandes de mise en liberté.
Cest là une garantie fondamentale, car elle signifie quune détention provisoire ne pourra intervenir que si deux magistrats - le juge dinstruction et le juge de la détention - en sont daccord.
Le projet limite par ailleurs les conditions de placement en détention provisoire en matière correctionnelle, ainsi que la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle et en matière criminelle.
Enfin, le projet améliore lindemnisation des détentions provisoires injustifiées, en prévoyant une réparation intégrale de tous les chefs de préjudice, à la suite dune décision motivée, prise au cours dun débat public.
1-3 : Le projet renforce le droit à être jugé dans un délai raisonnable, en instituant un contrôle de la durée des enquêtes (par le président du tribunal) et des instructions (par la chambre daccusation et son président). Ce contrôle interviendra, à la demande des personnes suspectées ou mises en examen, à la suite dune forme de dialogue avec, selon les cas, le procureur de la République ou le juge dinstruction .
1-4 : Enfin, le projet de loi permet de mieux limiter, prévenir, réparer ou réprimer les atteintes à la réputation dune personne qui résultent de sa mise en cause au cours dune procédure judiciaire. Cest là la dimension la mieux connue du public de la présomption dinnocence, qui ne constitue pas seulement une règle de procédure pénale, mais qui signifie également que la réputation de la personne doit être protégée.
Le projet institue ainsi, au delà de la voie civile, dautres garanties qui renforcent la protection de la présomption dinnocence.
Pour les cas les plus graves, ceux dans lesquelles latteinte à la présomption dinnocence est la plus patente et la plus inadmissible, il crée deux nouveaux délits punis de 100 000 F damende, celui de publication de limage dune personne menottée ou entravée, et celui de réalisation ou diffusion de sondages sur la culpabilité ou la peine dune personne poursuivie.
Il consacre par ailleurs dans le code de procédure pénale la pratique des communiqués du procureur de la République permettant les « mises au point », à condition quelles présentent un caractère objectif.
Dans le même esprit, il institue de nombreuses « fenêtres » par un débat contradictoire et public au cours de la procédure, lors du contrôle de la durée de lenquête, du placement en détention et en cas daudience devant la chambre daccusation, permettant ainsi, à la demande de lintéressé, un débat public sur les charges.
Le projet améliore enfin les dispositions sur le droit de réponse, en allongeant les délais et en rendant possible lintervention du procureur de la République.
2 . Les dispositions du projet améliorent par ailleurs la situation des victimes dinfraction pénale sur de nombreux points.
Dune façon générale, il est rappelé en tête du code de procédure pénale le principe - qui ne figure actuellement dans aucun texte - selon lequel lautorité judiciaire doit veiller à la garantie des droits des victimes tout au long de la procédure.
Le projet consacre dans la loi le rôle joué par les associations daide aux victimes et il procède à diverses modifications permettant déviter aux victimes de se déplacer lors du procès.
Ces différentes réformes, de nature technique, sont très importantes en pratique. Les victimes sont en effet trop souvent les laissées pour compte des « procédures rapides », qui ne leur permettent pas toujours de faire valoir leur droits dans des conditions satisfaisantes.
Enfin, il crée deux nouveaux délits punis de 100 000 F damende, en cas de publication de limage dune victime dans des conditions portant atteinte à sa dignité, ainsi quen cas de publication de lidentité dune victime mineure.
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Telles sont les principales dispositions de ce projet, qui dénotent un véritable changement de perspective dans lappréhension des principes généraux de la procédure pénale, afin de concilier les exigences defficacité et la protection des libertés individuelles.
Je sais, pour en avoir discuté avec plusieurs dentre vous, que si ces propositions recueillent ladhésion de la plupart des parlementaires, nombreux sont ceux qui souhaitent renforcer ou compléter le projet sur des questions importantes et sensibles.
Le débat devant votre commission, puis en séance publique, sera à cet égard, jen suis persuadée, dune particulière richesse et dun très grand intérêt.
Je me félicite du travail accompli par votre rapporteur, C.LAZERGES, qui apporte au texte des améliorations considérables. Je constate que la plupart des amendements quelle compte déposer recueille mon approbation.
Des accords nombreux ont pu être déjà trouvés : sur la garde à vue (présence de lavocat, contrôle renforcé du parquet, information du gardé à vue), sur la mise en examen (meilleure définition des indices), sur le témoin assisté, sur la durée de la détention provisoire pour les prévenus correctionnels primo-délinquant, sur la nécessité dun débat contradictoire pour toutes les prolongations de détentions correctionnelles, sur les délais daudiencement pour les détenus correctionnels, et aussi, et là il sagit dun apport essentiel du rapporteur, que je tiens à remercier, sur le droit des victimes.
Sans indiquer dès à présent de façon détaillée mon avis sur certaines des modifications envisagées - jaurai loccasion de le faire après vous avoir rendu la parole -, je voudrai simplement rappeler les deux idées forces qui ont prévalu dans lélaboration de ce projet.
Tout dabord, cette réforme a pour objectif de rendre les différents acteurs du procès pénal plus responsables, mais son but nest nullement dinstitutionnaliser une forme de défiance à lencontre de ces acteurs. Je rappelle que le texte repose sur la confiance qui est faite aux juges, et sur leur responsabilisation. Des moyens sont donnés aux parties pour leur permettre de défendre leurs droits à tous les stades de la procédure.
En second lieu, notre procédure pénale doit impérativement concilier de façon équilibrée les libertés individuelles avec les nécessités de la répression.
Je suis dès lors très réservée sur des modifications qui pourraient sanalyser comme une forme de « surenchère » et qui déséquilibreraient notre droit au risque de le rendre inefficace.
En revanche, il est indéniable que notre procédure pénale peut encore être améliorée sur de nombreux points, et je suis ouverte à toute proposition constructive.
Ce sont donc ces deux objectifs - responsabilité et équilibre - qui doivent nous guider dans la discussion de ce texte, et qui permettront ladoption dune réforme ambitieuse et éclairée. Il vise à permettre aux citoyens de retrouver la confiance nécessaire dans leur justice. Une justice plus transparente, plus rapide et plus soucieuse de la protection des personnes quelle a en charge : voilà ce que le gouvernement souhaite.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 12 mars 1999)