Déclaration de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur les relations entre l'administration et les citoyens, les droits des citoyens, la simplification administrative et la codification, Paris le 10 mars 1999.

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Circonstance : Présentation du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations au Sénat le 10 mars 1999

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Le projet de loi que vous je propose dadopter est relatif aux « droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ». Cet intitulé indique les intentions du gouvernement en la matière : les élus que vous êtes savent combien chaque citoyen souhaite que pour ses diverses démarches ladministration soit plus simple daccès, plus rapide et plus lisible dans ses réponses, moins opaque dans son fonctionnement, bref, plus respectueuse de ses droits. Cest cette volonté que met en exergue le terme de « citoyen » qui figure dans le titre du projet. Il sagit, en effet, non pas doctroyer des droits à un administré, même sous le nom dusager, mais de respecter ceux que détient le citoyen dans un Etat démocratique.
Des étapes ont déjà été franchies en la matière. Ainsi, au cours des années 70, le souci de conciliation sest concrétisé par la création du Médiateur, celui de transparence, par la loi CADA, celui de clarté des réponses, par la loi sur la motivation des actes administratifs. Des obligations nouvelles ont été imposées aux services de lEtat pour en simplifier laccès aux usagers : le décret du 28/11/83 oblige les services à accuser réception, à retransmettre un demande mal dirigée, à entendre le point de vue de lusager avant une décision défavorable ; la circulaire du Premier ministre du 30/1/85 exige des services de lEtat que les correspondances administratives comportent le nom du fonctionnaire chargé du dossier.
Mon ambition, que je souhaite aujourdhui vous faire partager, cest de franchir encore un pas, un pas qui sinscrit dans la réforme de lEtat voulue par ce gouvernement tel que je lavais annoncé dès le 5 novembre 1997 dans ma communication au Conseil des ministres. Je vous propose de faire ensemble ce pas, tout dabord parce que, pour le citoyen, ladministration cest un ensemble de services publics, le plus souvent gérés par lEtat ou les collectivités locales, mais qui peuvent lêtre également par des organismes de droit privé. Notre système administratif est divers, sa gestion est multiforme, notre pays a besoin de cette souplesse ; mais, trop souvent, selon la nature juridique du gestionnaire du service public concerné, les procédures, les règles applicables, les obligations, ne sont pas les mêmes, ce qui pour le citoyen est facteur de complexité. Jai souhaité unifier tout cela. Aussi le projet désigne-t-il dès son article 1, comme son champ dapplication, lensemble de ce que le langage courant dénomme « administration », sans considération de ses modalités multiples de gestion. Cest dailleurs pourquoi il faut aujourdhui une loi, alors que le décret ou la circulaire suffisait pour les seuls les services de lEtat. Aussi trouverez-vous dans ce projet des règles déjà appliquées par certains services mais pas encore par tous, comme la levée de lanonymat ou la retransmission des demandes.
Je vous propose de faire un pas de plus, aussi, parce quà lusage, il sest révélé que certains des textes existants laissent subsister des lacunes ou que le temps passant, des ajustements sont désormais nécessaires. Aussi est-il question, dans ce projet de loi, dinstitutions déjà bien connues, comme le Médiateur, la CADA, la CNIL.
Un pas de plus, également, parce quon ne doit pas sarrêter dans la simplification de ladministration pour lusager. Des lois des années 70 au décret de 1983, de la circulaire de 1985 au « renouveau du service public » voulu par Michel Rocard en 1989, sans cesse des améliorations notables, réelles, ont été apportées, mais sans cesse les exigences dun pays moderne envers son administration se multiplient, nécessitant de nouvelles procédures. Il faut les gérer sans en faire supporter le poids au public. Prenons un exemple, le respect de la date limite denvoi de sommes ou de documents est calculé, aujourdhui, selon des règles différentes par le fisc et par les URSSAF : désormais le cachet de la Poste fera foi pour tous les services entrant dans le champ dapplication du texte, ceci représente notamment pour les entreprises un progrès considérable.
Le service public joue un rôle intégrateur pour toutes les populations, plus encore envers celles en difficulté. Il faut donc en rendre laccès aisé : le citoyen qui doit parcourir plusieurs guichets pour une même demande, qui ignore le devenir de son dossier jusquau jour de la réponse, ne trouve pas une bonne réponse à son attente. Jai lambition de favoriser, par la création de maisons des services publics, regroupant en un même lieu divers services dusage courant, une plus grande accessibilité des services aux usagers. Grâce aux nouvelles technologies de linformation et de la communication, ces maisons pourront être reliées aux services gestionnaires des dossiers, les usagers y obtiendront des réponses sur leurs droits, sur la situation de leur demande, trouveront laide nécessaire pour sorienter à travers les procédures administratives : où et quand sinscrire, à qui demander, comment obtenir une prestation et elles offriront un service public de proximité commode et performant.
Pour une part, les dispositions de cette loi ne sont pas une découverte pour vous : mon prédécesseur, Dominique Perben, vous avait proposé ladoption de ce qui constitue aujourdhui la dernière partie du projet, et vous laviez adopté. Jai repris ces dispositions dès lors quelles participent de la volonté qui est aussi la mienne daméliorer les relations des administrations et des citoyens. Mais vous remarquerez que le texte a subi certaines modifications et propose des innovations que beaucoup délus mont réclamées.
Ces novations, le gouvernement y est très attaché. Certains dentre vous, lors des débats sur la loi ARAP, avaient regretté que ce projet naille pas plus loin. Cest ce que jai souhaité faire, et je vous demande de souscrire aux innovations que je vous soumets aujourdhui dans un projet revu, complété, et qui toutes vont dans le sens de la réforme de lEtat.
Certaines améliorations sont directement inspirées des débats qui ont eu lieu devant les deux Assemblées, ainsi la direction des maisons des services publics par un fonctionnaire sous statut, demandée en 1997 par M . Mahéas.
Certaines dispositions nouvelles sont le fruit dautres travaux : ainsi cest un rapport du Conseil dEtat qui a fait ressortir la nécessité de mettre en cohérence les trois lois comportant pour les usagers le droit à communication de documents détenus par les administrations : la loi CADA, la loi CNIL et la loi sur les Archives publiques. Parfois les instances chargées de veiller au respect des droits des citoyens ont elles-mêmes proposé des réformes : cest notamment le cas du Médiateur de la République qui a souhaité que lexistence de ses délégués sur le territoire soit établie par la loi, et en tant quélus vous savez à quel point leur présence est utile sur le terrain.
Enfin une série de mesures de ce projet, et notamment celles qui figurent au titre I, traduisent la volonté de ce gouvernement de donner plus de transparence et daccessibilité à ladministration et à ses règles. Ainsi, les administrations devront organiser un accès simple aux normes de droit. Une des principales applications de ce principe vous est proposée à larticle 3, il sagit de la codification. Les élus que vous êtes savent limmense utilité du code général des collectivités territoriales : ce type de mise en ordre des textes en vigueur est devenue indispensable dans un pays comme le nôtre où les normes de droit sont trop complexes et éparses pour que ladage « nul nest censé ignorer la loi » soit facile à respecter. Par larticle 3, le gouvernement et le législateur manifesteront leur attachement à cette simplification du droit pour lusager. Ladoption des codes a certes pris du retard, mais le gouvernement vous proposera des mesures pour y remédier, nous en reparlerons lors du débat sur larticle 3.
Lobligation de faire figurer les noms de lagent chargé du dossier et du signataire de la décision dans les courriers des administrations vise à rendre ladministration moins opaque pour lusager, comme tous nous le réclamons depuis longtemps. Les procédures relatives à la transparence dans lutilisation des fonds publics par les organismes qui en bénéficient, créées par les articles 10 à 13 du projet, répondent à une exigence démocratique de nos concitoyens qui saffirme chaque jour.
Cest donc dun ensemble de réflexions, les vôtres, les nôtres, celles de spécialistes de ces questions, quest né le projet qui vous est aujourdhui soumis et qui a lambition de contribuer à la défense de notre service public, à la modernisation de ladministration française, afin quelle soit à même de répondre toujours mieux aux besoins de la population et aux exigences de notre temps et ainsi de contribuer au rayonnement de notre pays.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 12 mars 1999)