Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à LCI le 25 juin 2008, sur le financement de la télévision publique sans publicité, le débat sur la réforme des institutions et l'arrivée de Christian Estrosi comme secrétaire général adjoint de l'UMP.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Vous rendez aujourd'hui le rapport de votre commission sur
l'audiovisuel public. Le but était simple : prendre l'argent du public
pour renforcer les chaînes du privé et la TNT ?
 
Non, mais ne tombez pas dans tous les panneaux ! La vérité n'est pas
celle là. Elle est très simple : on est en train, après vingt ans, il
faut bien le dire, d'inaction d'imaginer ce que sera une grande télé
publique de demain. Et avec notre commission, pendant quatre mois et
demi, on a répondu et on va travailler à répondre à la commande de N.
Sarkozy : comment on fait une télé publique sans pub. Et le résultat
des courses, on le remet cet après-midi sous forme d'un rapport au
Président. Et on trouve là-dedans, premièrement, qu'il y a largement
suffisamment de ressources à la fois pour compenser la suppression de
la pub et surtout pour financer -parce que c'est cela l'essentiel - le
développement de la télé publique, grâce à l'arrivée d'un nouvel
acteur, les fournisseurs d'accès, les téléphones mobiles qui vont venir
apporter une contribution via une taxe. Mais moi je souhaite que cela
aille plus loin avec, par exemple, participer au financement de la
création. C'est-à-dire qu'aujourd'hui il diffuse de l'image gratuite.
 
Ils seraient producteurs, ils mettraient de l'argent... ?
 
Non pas producteurs, mais l'idée, c'est qu'ils puissent avoir à terme,
et à terme j'espère rapide, des obligations de production comme les
diffuseurs actuels et ainsi participer à la création, parce que quelque
part, ils diffusent aujourd'hui de l'image, de l'image de télé, de plus
en plus dans les téléphones mobiles et dans les écrans d'ordinateur.
 
La partie taxe en revanche, taxe sur les opérateurs de téléphonie, taxe
sur les fournisseurs d'accès à Internet, la Commission de Bruxelles
vous envoie un message clair : ce n'est pas possible, V. Reding l'a
dit, comment éviterez-vous le clash ?
 
No, d'abord, elle ne l'a pas dit comme cela. Ensuite,...
 
Quand elle dit, "on n'est pas favorables", c'est qu'elle va bloquer.
 
Ce n'est pas la même chose. Et deuxièmement, comme vous le savez, la
législation européenne n'est pas une législation qui dans ce domaine
peut interdire. Elle peut, à juste titre, exprimer des réticences si
c'était une taxe gigantesque et à ce moment-là s'y opposer. Mais ce n'
est pas une taxe gigantesque, c'est au contraire une toute petite taxe
qui porte sur le chiffre d'affaires, sur un taux qui est faible, avec
une idée simple, je le répète, c'est qu'aujourd'hui les fournisseurs
d'accès, les téléphones mobiles, sont en train de devenir des acteurs
majeurs de la diffusion de l'image. Je pense que ça, cela veut dire une
réponse au problème chronique de financement insuffisant pour la télé
de demain, télé publique et télé privée. C'est la raison pour laquelle,
sur ces sujets, notre vrai message, c'est de dire demain la télé
publique, elle a toute sa place. Elle va être complètement rénovée,
transformée pour le téléspectateur, avec l'idée qu'il y aura un média
global pour la télé publique sur toutes les chaînes, y compris
Internet. J'ai vu d'ailleurs que LCI et TF1 réfléchissaient à la même
chose, ce qui prouve que cette idée de média global, c'est l'avenir.
 
Enfin, au niveau de France Télévisions, c'est énorme, vous fabriquez un
monstre s'il y a un seul guichet pour après distribuer toutes les
fictions sur X canaux, c'est énorme !
 
C'est la raison pour laquelle, ce ne sera pas un guichet unique,
certainement pas, c'est juste des synergies comme cela se fait d'
ailleurs en Finlande. Nous sommes allés voir ailleurs les télés
publiques qui marchent, je vous dis que ce que nous proposons demain,
c'est un modèle qui est formidable, dans lequel vous allez trouver des
émissions qu'on ne trouve pas ailleurs, et avec, en même temps, un
objectif d'audience. Parce qu'il n'est pas question de faire un truc
confidentiel, mais pour tous les publics, avec des chaînes bien
différenciées sur le service public.
 
Précisément : la télé publique sans pub, c'est quand ? C'est au 1er
septembre 2009, pas de pub après 20 heures et en 2012 pas de pub avant
20 heures, ou c'est dès le 1er janvier 2009 ?
 
Notre idée, c'est dès 2009, la pub s'arrête après 20 heures.
 
Septembre, janvier ?
 
Nous, on a préconisé septembre. Enfin ça, à la limite, cela peut être
tout à fait adaptable, c'est au président de la République, de toute
façon, de nous dire ce qu'il souhaitera faire. Mais ce qui compte, c'
est de retenir qu'en 2009, on supprime la pub après 20 heures, et puis
fin 2011 début 2012, quand tout sera passé au numérique, il n'y aura
plus d'analogique, à ce moment-là, on peut imaginer de faire une
suppression totale. Mais ce qui compte, c'est surtout après 20 heures,
parce que cela veut dire que tous les programmes démarrent plus tôt, ça
veut dire que les programmes démarrent à 20 heures 30, la deuxième
partie de soirée, elle est à 22 heures ou à 22 heures 30. Donc
imaginons demain des grandes émissions d'un genre différent en matière
de science, sur l'Europe, sur la politique, sur la littérature, la
culture, le théâtre... Bref, des choses qu'on ne voit pas ailleurs,
mais qu'il faut savoir faire pour tous les publics. Vous l'avez
compris, il faut de l'audience et ce sera un défi majeur.
 
Et les Français vont devoir mettre la main à la poche quand même. La
redevance va augmenter, indexée sur l'inflation, la redevance sur les
télés dans les résidences secondaires, elle arrive. On dit même que sur
les ordinateurs, ceux qui regardent tout sur Internet, devront payer et
même les postes de radio : ceux qui n'ont que la radio devront payer 25
euros.
 
Je vous interromps tout de suite : rien de tout cela, il faut que ce
soit clair. Nous avons conçu un dispositif dans lequel le contribuable
ménage ne met pas la main à la poche. Pour une raison simple, c'est
qu'il met déjà la main à la poche sur pleins de choses, on a des
combats à mener sur le pouvoir d'achat, donc la redevance, elle n'est
pas augmentée, elle est indexée sur l'inflation. Cela n'a rien à voir.
 
De deux, trois euros par an d'augmentation mécanique...
 
Ça, excusez-moi, c'est juste l'indexation sur l'inflation, parce sinon,
elle régresse.
 
Résidence secondaire ?
 
Absolument pas, il n'y a rien sur les résidences secondaires.
Deuxièmement, sur Internet, ce n'est pas pareil. Vous avez des gens qui
regardent la télé uniquement sur Internet, il est normal qu'ils payent
une redevance sur Internet. Par contre, personne ne paiera deux
redevances, c'est un seul ménage. Et puis, enfin, le troisième point,
je me permets de vous le dire, c'est en ce qui concerne, je le répète,
les fournisseurs d'accès et les téléphones mobiles qui auront une taxe
à payer, je le répète, très faible, ils ne le remporteront pas sur les
factures quoi qu'ils disent, ils peuvent le dire aujourd'hui. Chacun
sait qu'ils sauront trouver les mots pour être ensuite commercial. Et
la réalité, c'est que comme il y a une grande concurrence entre les uns
et les autres, personne n'imagine qu'on augmentera le forfait "triple
play" qui est aujourd'hui à 29,90 euros sur le consommateur, alors qu'
il y a une concurrence forte entre les différentes entreprises.
 
M. Bouygues, V. Bolloré, A. Lagardère, le Président a de nombreux amis
à la tête des médias. Avez-vous travaillé sous pression, comme l'ont
dit certains ?
 
Non seulement on a travaillé sous aucune pression, mais je vais vous
dire une chose : on a fait un travail passionnant, nous étions 33,
après, malheureusement, les socialistes nous ont quitté, donc on était
quatre de moins et je l'ai regretté parce que leurs contributions
étaient précieuses et qu'on avait réussi à largement dépolitiser. Mais
enfin peu importe, c'est la vie ! Mais nous avons pendant les 4 mois et
demi de nos commissions, avec des personnalités super différentes,
auditionné beaucoup de monde, plus de 220 personnes, pour construire,
proposer au président de la République qui nous l'a demandé, un modèle
de télé publique extrêmement ambitieux. Si vous avez un peu de temps
pour le lire en détail, ce rapport, vous verrez qu'il y a là dedans des
propositions fantastiques pour demain.
 
Dans la réforme des institutions qu'il a votée cette nuit, le Sénat a
refusé toute limitation du 49-3. L'Assemblée rétablira-t-elle cette
limitation ?
 
Oui, probablement. Il faut naturellement qu'on en discute, ne serait-ce
que parce que quelque part, il y a une idée derrière tout cela, que le
président de la République assume, c'est de dire : je veux que demain
le Parlement français ait plus de pouvoir qu'hier, tout en restant dans
le cadre de la Vème République. Or, qu'est-ce que nous allons avoir
grâce à cette Constitution réformée, si nous la votons ? Un ordre du
jour partagé alors qu'aujourd'hui on n'a le droit de choisir aucun
texte ; le texte qu'il y a en séance c'est celui qui vient de la
commission parlementaire et pas celui qui vient du Gouvernement. C'est
une avancée majeure. Et en plus, le pouvoir pour l'Assemblée de
contrôler le Gouvernement. Cela, excusez-moi, quand on a une chance
historique comme ça, on ne la laisse pas passer. Et nous allons
convaincre nos amis sénateurs.
 
Le Sénat ne veut plus que les anciens présidents de la République
aillent siéger au Conseil constitutionnel. Approuvez-vous le Sénat ?
 
Non, pas du tout. Là aussi, j'ai été un petit peu choqué par cela,
parce que je pense que dans la vie, il faut savoir faire en sorte que
la République marque sa considération à l'égard de ceux qui ont présidé
les destinées de notre pays. Et je pense que nommer un président de la
République, une fois qu'il a terminé ses fonctions, à la plus haute
instance juridictionnelle, c'est quelque chose qui, à mon sens, fait
partie de l'honneur de la République.
 
Et le Sénat a supprimé le référendum obligatoire en cas de nouvelle
adhésion importante à l'Union européenne.
 
Ça en gros, c'est un gros sujet. Il faut que nous en parlions ensemble.
C'est d'ailleurs certainement le seul point sur lequel nous aurons une
discussion importante avec le Sénat. Pour le reste, je suis persuadé
que nous trouverons un accord. Il faut discuter avec les sénateurs sur
ce sujet, c'est un point difficile. C'est la preuve qu'à ce stade
aucune rédaction n'est vraiment satisfaisante. Il faut retravailler.
 
Est-ce que ce n'est pas la preuve que le Congrès du 21 juillet est
perdu d'avance ?
 
Sûrement pas ! Je vais vous dire une chose. Je suis très confiant, très
pugnace, très déterminé, car je pense qu'une chance comme celle d'avoir
ainsi les compétences renforcées pour le Parlement, cela ne se
représentera jamais. Cela veut dire, derrière cela - et c'est le
président du groupe de la majorité qui vous le dit - la perspective
pour des députés de voir leur mission se transformer, avoir plus de
considération pour nos compatriotes, avoir un métier et une fonction
plus utile au sein de l'Assemblée. Sachez-le, dans ce domaine, notre
détermination elle est totale.
 
Vous débattez dans le Figaro ce matin avec F. Chérèque, le leader de la
CFDT. Tentez-vous de réparer les pots du dialogue social cassés par X.
Bertrand dans l'affaire des 35 heures ?
 
D'abord, ce que je veux dire sur ce sujet, le dialogue social, c'est
une mission de tous les jours. Et on sait que dans ce domaine, on n'est
jamais assez nombreux pour essayer les uns et les autres de veiller à
ce que d'abord chacun s'écoute, se parle, se respecte. Mon rôle en tant
que président du groupe, avec mes amis députés, c'est que nous
contribuions à cela - c'est ce que j'appelle la coproduction sociale -
et qu'on n'arrive pas en bout de chaîne. Et de ce point de vue, le
débat avec F. Chérèque était très intéressant, parce que cela m'a
permis moi de dire notre engagement, de respecter la représentativité,
puisque les partenaires sociaux l'ont signé ensemble, mais aussi d'être
solidaire du Gouvernement, totalement, sur le temps de travail. Et
puis, de faire une proposition pour l'avenir : c'est que la
coproduction sociale entre les députés et les partenaires sociaux, avec
naturellement un lien étroit avec le Gouvernement soit sur un des
sujets concrets. Il y en a un : la pénibilité. C'est un sujet énorme...
 
Bloqué, cet exemple.
 
Voilà des années qu'on en parle. Eh bien, dans ce domaine, nous les
députés, et je pense en particulier à des gens comme P. Méhaignerie,
comme J.-F. Poisson, [qui] m'ont dit combien ils étaient enthousiastes
à l'idée, parce qu'ils y ont beaucoup travaillé, de réfléchir avec les
partenaires sociaux sur ce sujet difficile.
 
Soutenez-vous J.-P. Raffarin qui critique violement l'arrivée de C.
Estrosi comme secrétaire général adjoint de l'UMP. C. Estrosi qui aura
pour mission, dit-on, de surveiller le groupe parlementaire que vous
dirigez.
 
D'abord, je ne pense pas que surveiller le groupe, comme vous dites,
soit la vision qui est la sienne, et qu'en tout état de cause, même si
cela devait l'être, ce ne serait pas un job à plein temps, parce que
Dieu sait si dans ce domaine, nous avons les uns et les autres beaucoup
de travail à faire et donc notre mission elle n'est pas de se
surveiller, elle est d'essayer de faire les choses le plus
positivement. J'en ai parlé avec les uns et les autres, y compris d'
ailleurs avec C. Estrosi à qui j'adresse tout mes voeux parce que les
responsabilités au sein de l'UMP c'est difficile. La seule chose que je
peux vous dire, c'est que dans ces domaines, je n'ai qu'une idée en
tête : travailler ensemble. C'est une cordée, la politique. Quand on
n'est pas en cordée, quand il y en a un qui se met de côté, cela ne
marche jamais. Et donc c'est pour cela qu'instruit par l'expérience de
mes aînés, je me dis aujourd'hui on a une chance fantastique, un
programme de réformes conduit par N. Sarkozy super ambitieux. Les
Français d'ailleurs y adhèrent, je le vois bien, de plus en plus. Donc,
il n'est pas question de lâcher cette cordée. On y va ensemble et le
rôle du parti UMP et du groupe UMP à l'Assemblée, c'est un rôle la main
dans la main.
 
Fallait-il dépenser plus de 4 millions d'euros pour un spot
gouvernemental sur les réformes et le pouvoir d'achat ?
 
Vous voulez que je vous le dise ? Je trouve cette polémique ridicule.
 
4 millions d'euros ce n'est pas ridicule !
 
Oui non mais d'accord. Enfin, d'abord je rappelle que ce sont des
tarifs de campagne comme ceux qu'avaient pu faire M. Aubry quand elle
faisait la campagne sur les 35 heures. Deuxièmement, il est quand même
normal qu'un Gouvernement fasse de la communication institutionnelle et
explique dans le détail ce à quoi les Français ont droit et quels sont
aussi leurs devoirs dans les mesures que nous prenons. Tout cela c'est
encore de la politique moderne et je trouve que ces polémiques sont d'
un autre temps. D'ailleurs, je note qu'elles sont instruites par les
socialistes, ce qui montre une nouvelle fois qu'ils n'ont pas d'idées
nouvelles.
 
J.-F. Copé, merci et bonne journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 juin 2008