Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui réforme en profondeur l'une des deux lois du 30 juin 1975, celle relative aux institutions sociales et médico-sociales.
C'est je le sais, un texte très attendu, l'aboutissement de cinq années de réflexions et de travaux, alimentés par une concertation suivie et approfondie avec l'ensemble des partenaires du secteur social et médico-social.
Le Premier Ministre, lui-même, avait annoncé cette révision de la loi lors de la réunion désormais historique du CNCPH du 25 janvier 2000.
Ce jour là, entouré de 7 ministres du Gouvernement, il a donné une nouvelle impulsion à la politique à mener en direction de ceux de nos concitoyens qui pour des raisons d'âge, de santé, de constitution, d'accident, ont des besoins spécifiques, vivent en situation de handicap ou de vulnérabilité.
Un an après, presque jour pour jour, l'engagement a été tenu et j'en suis fière au nom du Gouvernement.
En 1975, la loi sur les institutions sociales et médico-sociales a représenté une étape décisive et un progrès considérable dans l'histoire de l'action sociale de notre pays.
Combinée à la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées, cette loi a permis le développement d'établissements et de services dédiés à l'enfance en danger, à la protection de la famille, aux enfants et adultes handicapés, aux personnes âgées ainsi qu'aux personnes en situation de grande précarité et d'exclusion.
Plus d'un million de personnes résident ou sont soignées dans 24500 établissements ou services dans lesquels travaillent plus de 400000 salariés. Cela nous donne la mesure de l'attente de nos travaux.
Ces établissements et services correspondent à des financements publics conséquents : environ 86 milliards de francs, soit 9 milliards émargeant sur le budget de l'État, 33 milliards tarifés par les départements et 44 milliards correspondant à des financements de l'assurance maladie.
Chacun en convient : vingt-cinq ans après son adoption, la rénovation de cette loi essentielle est devenue une nécessité.
Certes, elle a été plusieurs fois modifiée, notamment en 1983 et 1986 afin de prendre en compte les effets des lois de décentralisation.
Mais, depuis 25 ans, l'aspiration à une meilleure intégration des personnes vulnérables, handicapées, ou en situation d'exclusion, a formidablement progressé ; les modalités d'accompagnement, de soutien, d'insertion ont été profondément redéfinies ; la volonté de se prendre soi-même en charge, de devenir responsable de son destin, s'est affirmée. Ces évolutions nous imposent de rénover la loi.
Désormais, l'usager peut et doit être placé au centre du dispositif social et médico-social qui a été créé pour répondre à ses besoins. C'est d'abord lui la priorité.
Nous n'oublions pas, pour autant, la mission essentielle des personnels. Vous venez d'ailleurs d'en améliorer la protection lorsqu'ils dénoncent des faits de maltraitance, par une disposition inscrite dans la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations.
De récents évènements, particulièrement dramatiques, sont venus nous rappeler l'exigence d'une vigilance de tous les instants en la matière, la pertinence de la démarche de qualité dans laquelle, les établissements et les services sont engagés, la nécessité de l'évaluation et l'impératif des contrôles.
En 1975, la volonté d'expérimenter des structures nouvelles avait été clairement affichée par les rédacteurs de la loi et par les parlementaires ; nous constatons qu'elle n'a pas été suffisamment concrétisée.
De la même façon, la loi n'a pas été dotée des outils suffisamment performants pour satisfaire l'offre sociale, médico-sociale et médico-éducative nécessaire pour réduire les disparités d'équipement entre régions ou départements.
En 1975, la loi a privilégié une approche en termes d'établissements. La volonté d'une vie plus autonome et plus indépendante, plus proche de la vie ordinaire, mieux associée aux parents et aux amis, nous encourage à développer aussi des réponses en terme de services.
Ce point a été parfaitement mis en lumière par le rapport de l'IGAS de décembre 1995 relatif au bilan de l'application de cette législation et par le rapport d'information de mars 2000 présenté par Pascal TERRASSE au nom de votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Un rapport qui avait été précédé de nombreuses auditions et d'un colloque très suivi, où les principales attentes de tous les acteurs concernés avaient été clairement exprimées par leurs représentants.
Trois défaillances y sont nettement mises en lumière :
un partenariat insuffisant entre les conseils généraux et les services de l'État, alors même qu'il existe de très larges champs de compétences partagées, notamment pour ce qui concerne les personnes âgées dépendantes, les personnes handicapées adultes, l'enfance ;
des schémas sociaux et médico-sociaux trop disparates, même inexistants et ne jouant pas le rôle de régulation ni de planification attendu ;
d'importantes disparités sur le territoire en matière de taux d'équipements d'établissements et de services, voire de qualité des réponses ; disparités liées à l'histoire et à l'implantation des organismes promoteurs et gestionnaires.
Ces insuffisances, la loi que je vous propose, entend y remédier.
La rénovation de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales répond à de véritables attentes. J'irai même plus loin : c'est en la rénovant profondément que, un quart de siècle après son adoption, nous restons fidèles à son esprit, en cernant mieux et en servant mieux les attentes nouvelles, avec le souci de satisfaire aux obligations de solidarité nationale en direction des plus vulnérables.
Deux grands principes président à cette rénovation :
offrir et garantir une plus grande liberté et une plus grande souplesse du dispositif, grâce à l'affirmation et au développement des droits des usagers et à la promotion de l'innovation sociale et médico-sociale.
instaurer une véritable transparence dans l'organisation du secteur, grâce à des procédures de pilotage du dispositif plus lisibles, plus rigoureuses,et impliquant un vrai partenariat.
A partir de ces deux principes, la loi se développe autour de quatre orientations :
La première encourage l'affirmation et la promotion des droits des bénéficiaires et de leur entourage
Il s'agit de définir les droits fondamentaux des personnes et de préciser les modalités d'exercice de ces droits : charte de la personne accueillie, règlement intérieur, contrat ou document individualisé garantissant l'adaptation de la prise en charge, recours possible à un médiateur, projet d'établissement fondé sur un projet de vie, d'animation et de socialisation, participation à des " conseils de la vie sociale " rénovés.
Pour le Gouvernement, la dignité et la citoyenneté de chaque personne, dans toutes les circonstances où elles risquent d'être remises en cause, doivent être protégées et garanties.
C'est ce qui a été fait pour les personnes en situation ou en voie d'exclusion par la loi de lutte contre les exclusions et l'instauration de la CMU.
C'est ce qui va être fait, dans le cadre de la prochaine loi de modernisation du système de santé pour renforcer les droits des malades et, plus largement pour garantir aux usagers des relations de confiance et de respect.
C'est dans le même esprit que nous souhaitons, par l'adoption de cette loi, offrir aux usagers du secteur social et médico-social un choix de vie respectueux de leurs attentes et garantir leur intégrité physique et morale
La seconde orientation se donne pour but d'élargir les missions de l'action sociale et médico-sociale et de diversifier les interventions des établissements et services concernés
· Il faut prendre en compte les actions de prévention, de conseil et d'orientation, mais aussi les actions d'adaptation, de réadaptation, d'insertion, d'assistance, d'accompagnement et de développement social. Et tout cela, aussi bien dans un cadre institutionnel qu'à domicile et en milieu ouvert ;
· Il faut diversifier les prises en charge, avec ou sans hébergement, à titre permanent ou temporaire, en internat, semi-internat, externat, à domicile, en accueil familial. Il faut donner une base légale aux structures nouvelles de lutte contre l'exclusion, aux services d'aide à domicile notamment pour les personnes handicapées adultes ainsi qu'aux lieux de vie et aux centres de ressources prodiguant soutien, appui et conseils aux familles comme aux professionnels.
La troisième orientation vise à améliorer les procédures techniques de pilotage du dispositif :
· en mettant en place une évaluation des besoins et une planification médico-sociale plus efficace par l'instauration de véritables schémas sociaux et médico-sociaux pluriannuels (cinq ans) et révisables ;
· en rénovant le régime des autorisations par une procédure plus responsable liant autorisation et financement ;
· en adaptant les règles de tarification afin qu'elles permettent une diversification des modalités de prises en charge tout en favorisant les évolutions souhaitables;
La quatrième orientation concerne la coordination des décideurs et organise de façon plus transparente leurs relations :
· En améliorant les procédures de concertation et de partenariat au niveau du comité national et des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale ; leurs missions seront étendues au repérage des grands problèmes sociaux et médico-sociaux que nous devons prendre en compte au niveau national, régional et départemental ;
· En instaurant un convention entre le préfet et le président du conseil général, afin de définir les objectifs, les procédures et les moyens du partenariat à instaurer dans chaque département;
· En mettant en place un système d'information cohérent commun à l'État, aux départements et aux organismes d'assurance maladie.
· En instaurant avec les établissements des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, afin de favoriser la réalisation des orientations des schémas sociaux et médico-sociaux, mais aussi la mise en uvre des projets d'établissement et le soutien aux innovations.
· En stimulant les actions de coopération entre établissements et services pour développer des complémentarités utiles et efficaces, pour garantir la continuité des prises en charge lors d'un transfert d'un établissement à un autre, pour promouvoir des réseaux sociaux et médico-sociaux coordonnés et pour décloisonner le secteur sanitaire et le secteur social afin d'offrir le meilleur service à l'usager.
Il s'agit d'un texte très technique qui met en jeu des procédures réglementaires et tarifaires complexes et nous voulons le rendre plus lisible et plus simple à utiliser. Le Gouvernement est à la disposition de la représentation nationale pour apporter toutes les précisions nécessaires à la compréhension des diverses mesures que je viens d'évoquer, sans les détailler pour l'instant.
***
Avant de conclure, je veux rappeler que la refondation de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales prend toute sa place dans la politique générale conduite par le Gouvernement. Politique qui vise à lutter contre toutes les formes d'exclusion, de discrimination ou de marginalisation.
Cette réforme concerne tous les acteurs de l'action sociale, médico-sociale et éducative. Même s'ils sont très nombreux, rien ne se fera sans leur coopération, sans leur adhésion.
Cette réforme concerne toutes les populations en difficulté sociale ou en situation de fragilité : personnes âgées dépendantes, personnes handicapées, jeunes en difficulté, personnes en situation d'exclusion.
En cela, elle prolonge la volonté exercée par le Gouvernement, depuis maintenant près de quatre ans en direction de nos concitoyens en difficultés, en situation d'exclusion sociale et économique, que ce soit avec la loi portant création des emplois-jeunes, la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, les textes luttant contre les discriminations au travail, dans la représentation élective ou dans tout acte de la vie en société
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, place d'ailleurs dans son article premier les institutions sociales et médico-sociales à côté de l'État, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, afin de faciliter l'accès effectif de chacun aux droits fondamentaux de tous sur l'ensemble du territoire.
Plus récemment, la loi du 9 juin 1999 sur les soins palliatifs reconnaît, dans son article 7, le rôle des établissements médico-sociaux et celui des établissements de santé, dans la prise en charge de la douleur des personnes qu'ils accueillent et des soins palliatifs que leur état requiert.
La réforme que présente aujourd'hui le Gouvernement prend place également dans un contexte de rénovation en profondeur de la considération des besoins et de l'aide aux personnes âgées dépendantes résidant à domicile comme en établissement.
Sur ce point, vous allez très prochainement examiner le projet de loi préparé par Elisabeth GUIGOU pour instaurer une aide personnalisée à l'autonomie qui s'adressera à l'ensemble des personnes âgées dépendantes.
Cette prestation s'inscrira dans le cadre d'un droit fondé sur la solidarité nationale, droit qui sera garanti par l'État au moyen de tarifs et de barèmes fixés nationalement.
Cette nouvelle prestation, se substituant à la prestation spécifique dépendance, touchera un nombre beaucoup plus conséquent de personnes âgées dépendantes.
Cette loi facilitera également la réforme de la tarification des établissements accueillant ces personnes, établissements qui relèvent de la législation que nous réformons aujourd'hui et qui bénéficieront sur la période 2001-2005 d'un effort de médicalisation sans précédent par l'injection de 6 milliards de francs de crédits de l'assurance maladie, dont vous avez voté le financement d'une première tranche dans l'ONDAM 2001.
Je vous annonce également que le Gouvernement, conscient de la nécessité de mener le chantier dans son entier, a décidé d'ouvrir celui la réforme de l'autre loi du 30 juin 1975, celle dite d'orientation en faveur des personnes handicapées : cette législation a également besoin d'une actualisation pour la rendre plus opérationnelle, en appui du plan triennal décidé il y a un an par le Premier ministre et qui consacre 2,5 milliards de francs de mesures nouvelles pour améliorer la situation des personnes handicapées en accueil protégé, en intégration, à domicile, en milieu ordinaire de vie.
Cette dernière réforme que j'ai annoncée au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, le 25 janvier dernier devra faire l'objet, comme pour le texte que je soutiens aujourd'hui devant vous, d'une concertation exemplaire avec tous les partenaires concernés.
C'est pourquoi je ne souhaite pas que le travail qui nous réunit aujourd'hui anticipe, par le jeu d'amendements certes pertinents mais forcément partiels, cette autre réforme elle aussi très attendue et qui nécessite une réflexion globale et une mise en cohérence des mesures qu'elle comportera.
En conclusion, je veux redire ma conviction que le présent projet de loi apporte une réelle modernisation des outils qui régissent le secteur social et médico-social.
Il répond d'ailleurs à une très forte implication de tous les acteurs de ce secteur. A cet égard, même si certains d'entre vous et certains de nos partenaires souhaitaient rallonger la concertation en vue d'une plus grande interministérialité, je tiens à souligner la qualité des échanges que nous avons eu dans la préparation de cette loi. Et je tiens à exprimer ma gratitude aux associations qui ont largement contribué à l'élaboration de ce texte et qui ont unanimement souligné la qualité des concertations menées.
L'enjeu de cette réforme est important puisqu'elle va permettre à notre dispositif social et médico-social d'être plus efficace au service de nos concitoyens qui ont besoin de cette protection, de ce soutien, de cette attention particulière qui fait la cohésion sociale tout en valorisant les opérateurs et les acteurs exerçant dans ce champ.
Je crois, enfin, que la nouvelle loi qui résultera de nos débats permettra à notre pays de mieux garantir les droits de tous nos concitoyens, quels que soient leurs difficultés, leur vulnérabilité, leur état de dépendance ou de handicap.
Je formule donc le vu, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que, dépassant nos clivages traditionnels, nous construisions ensemble et dans la sérénité une législation réellement adaptée et utile pour répondre aux besoins de toutes ces personnes en situation de grande fragilité, et que nous participions ensemble à l'évolution du regard que porte notre société sur la différence quelles qu'en soient son origine, sa nature et son importance.
(source http://www.social.gouv.fr, le 2 février 2001)
Mesdames et Messieurs les députés,
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui réforme en profondeur l'une des deux lois du 30 juin 1975, celle relative aux institutions sociales et médico-sociales.
C'est je le sais, un texte très attendu, l'aboutissement de cinq années de réflexions et de travaux, alimentés par une concertation suivie et approfondie avec l'ensemble des partenaires du secteur social et médico-social.
Le Premier Ministre, lui-même, avait annoncé cette révision de la loi lors de la réunion désormais historique du CNCPH du 25 janvier 2000.
Ce jour là, entouré de 7 ministres du Gouvernement, il a donné une nouvelle impulsion à la politique à mener en direction de ceux de nos concitoyens qui pour des raisons d'âge, de santé, de constitution, d'accident, ont des besoins spécifiques, vivent en situation de handicap ou de vulnérabilité.
Un an après, presque jour pour jour, l'engagement a été tenu et j'en suis fière au nom du Gouvernement.
En 1975, la loi sur les institutions sociales et médico-sociales a représenté une étape décisive et un progrès considérable dans l'histoire de l'action sociale de notre pays.
Combinée à la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées, cette loi a permis le développement d'établissements et de services dédiés à l'enfance en danger, à la protection de la famille, aux enfants et adultes handicapés, aux personnes âgées ainsi qu'aux personnes en situation de grande précarité et d'exclusion.
Plus d'un million de personnes résident ou sont soignées dans 24500 établissements ou services dans lesquels travaillent plus de 400000 salariés. Cela nous donne la mesure de l'attente de nos travaux.
Ces établissements et services correspondent à des financements publics conséquents : environ 86 milliards de francs, soit 9 milliards émargeant sur le budget de l'État, 33 milliards tarifés par les départements et 44 milliards correspondant à des financements de l'assurance maladie.
Chacun en convient : vingt-cinq ans après son adoption, la rénovation de cette loi essentielle est devenue une nécessité.
Certes, elle a été plusieurs fois modifiée, notamment en 1983 et 1986 afin de prendre en compte les effets des lois de décentralisation.
Mais, depuis 25 ans, l'aspiration à une meilleure intégration des personnes vulnérables, handicapées, ou en situation d'exclusion, a formidablement progressé ; les modalités d'accompagnement, de soutien, d'insertion ont été profondément redéfinies ; la volonté de se prendre soi-même en charge, de devenir responsable de son destin, s'est affirmée. Ces évolutions nous imposent de rénover la loi.
Désormais, l'usager peut et doit être placé au centre du dispositif social et médico-social qui a été créé pour répondre à ses besoins. C'est d'abord lui la priorité.
Nous n'oublions pas, pour autant, la mission essentielle des personnels. Vous venez d'ailleurs d'en améliorer la protection lorsqu'ils dénoncent des faits de maltraitance, par une disposition inscrite dans la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations.
De récents évènements, particulièrement dramatiques, sont venus nous rappeler l'exigence d'une vigilance de tous les instants en la matière, la pertinence de la démarche de qualité dans laquelle, les établissements et les services sont engagés, la nécessité de l'évaluation et l'impératif des contrôles.
En 1975, la volonté d'expérimenter des structures nouvelles avait été clairement affichée par les rédacteurs de la loi et par les parlementaires ; nous constatons qu'elle n'a pas été suffisamment concrétisée.
De la même façon, la loi n'a pas été dotée des outils suffisamment performants pour satisfaire l'offre sociale, médico-sociale et médico-éducative nécessaire pour réduire les disparités d'équipement entre régions ou départements.
En 1975, la loi a privilégié une approche en termes d'établissements. La volonté d'une vie plus autonome et plus indépendante, plus proche de la vie ordinaire, mieux associée aux parents et aux amis, nous encourage à développer aussi des réponses en terme de services.
Ce point a été parfaitement mis en lumière par le rapport de l'IGAS de décembre 1995 relatif au bilan de l'application de cette législation et par le rapport d'information de mars 2000 présenté par Pascal TERRASSE au nom de votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Un rapport qui avait été précédé de nombreuses auditions et d'un colloque très suivi, où les principales attentes de tous les acteurs concernés avaient été clairement exprimées par leurs représentants.
Trois défaillances y sont nettement mises en lumière :
un partenariat insuffisant entre les conseils généraux et les services de l'État, alors même qu'il existe de très larges champs de compétences partagées, notamment pour ce qui concerne les personnes âgées dépendantes, les personnes handicapées adultes, l'enfance ;
des schémas sociaux et médico-sociaux trop disparates, même inexistants et ne jouant pas le rôle de régulation ni de planification attendu ;
d'importantes disparités sur le territoire en matière de taux d'équipements d'établissements et de services, voire de qualité des réponses ; disparités liées à l'histoire et à l'implantation des organismes promoteurs et gestionnaires.
Ces insuffisances, la loi que je vous propose, entend y remédier.
La rénovation de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales répond à de véritables attentes. J'irai même plus loin : c'est en la rénovant profondément que, un quart de siècle après son adoption, nous restons fidèles à son esprit, en cernant mieux et en servant mieux les attentes nouvelles, avec le souci de satisfaire aux obligations de solidarité nationale en direction des plus vulnérables.
Deux grands principes président à cette rénovation :
offrir et garantir une plus grande liberté et une plus grande souplesse du dispositif, grâce à l'affirmation et au développement des droits des usagers et à la promotion de l'innovation sociale et médico-sociale.
instaurer une véritable transparence dans l'organisation du secteur, grâce à des procédures de pilotage du dispositif plus lisibles, plus rigoureuses,et impliquant un vrai partenariat.
A partir de ces deux principes, la loi se développe autour de quatre orientations :
La première encourage l'affirmation et la promotion des droits des bénéficiaires et de leur entourage
Il s'agit de définir les droits fondamentaux des personnes et de préciser les modalités d'exercice de ces droits : charte de la personne accueillie, règlement intérieur, contrat ou document individualisé garantissant l'adaptation de la prise en charge, recours possible à un médiateur, projet d'établissement fondé sur un projet de vie, d'animation et de socialisation, participation à des " conseils de la vie sociale " rénovés.
Pour le Gouvernement, la dignité et la citoyenneté de chaque personne, dans toutes les circonstances où elles risquent d'être remises en cause, doivent être protégées et garanties.
C'est ce qui a été fait pour les personnes en situation ou en voie d'exclusion par la loi de lutte contre les exclusions et l'instauration de la CMU.
C'est ce qui va être fait, dans le cadre de la prochaine loi de modernisation du système de santé pour renforcer les droits des malades et, plus largement pour garantir aux usagers des relations de confiance et de respect.
C'est dans le même esprit que nous souhaitons, par l'adoption de cette loi, offrir aux usagers du secteur social et médico-social un choix de vie respectueux de leurs attentes et garantir leur intégrité physique et morale
La seconde orientation se donne pour but d'élargir les missions de l'action sociale et médico-sociale et de diversifier les interventions des établissements et services concernés
· Il faut prendre en compte les actions de prévention, de conseil et d'orientation, mais aussi les actions d'adaptation, de réadaptation, d'insertion, d'assistance, d'accompagnement et de développement social. Et tout cela, aussi bien dans un cadre institutionnel qu'à domicile et en milieu ouvert ;
· Il faut diversifier les prises en charge, avec ou sans hébergement, à titre permanent ou temporaire, en internat, semi-internat, externat, à domicile, en accueil familial. Il faut donner une base légale aux structures nouvelles de lutte contre l'exclusion, aux services d'aide à domicile notamment pour les personnes handicapées adultes ainsi qu'aux lieux de vie et aux centres de ressources prodiguant soutien, appui et conseils aux familles comme aux professionnels.
La troisième orientation vise à améliorer les procédures techniques de pilotage du dispositif :
· en mettant en place une évaluation des besoins et une planification médico-sociale plus efficace par l'instauration de véritables schémas sociaux et médico-sociaux pluriannuels (cinq ans) et révisables ;
· en rénovant le régime des autorisations par une procédure plus responsable liant autorisation et financement ;
· en adaptant les règles de tarification afin qu'elles permettent une diversification des modalités de prises en charge tout en favorisant les évolutions souhaitables;
La quatrième orientation concerne la coordination des décideurs et organise de façon plus transparente leurs relations :
· En améliorant les procédures de concertation et de partenariat au niveau du comité national et des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale ; leurs missions seront étendues au repérage des grands problèmes sociaux et médico-sociaux que nous devons prendre en compte au niveau national, régional et départemental ;
· En instaurant un convention entre le préfet et le président du conseil général, afin de définir les objectifs, les procédures et les moyens du partenariat à instaurer dans chaque département;
· En mettant en place un système d'information cohérent commun à l'État, aux départements et aux organismes d'assurance maladie.
· En instaurant avec les établissements des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, afin de favoriser la réalisation des orientations des schémas sociaux et médico-sociaux, mais aussi la mise en uvre des projets d'établissement et le soutien aux innovations.
· En stimulant les actions de coopération entre établissements et services pour développer des complémentarités utiles et efficaces, pour garantir la continuité des prises en charge lors d'un transfert d'un établissement à un autre, pour promouvoir des réseaux sociaux et médico-sociaux coordonnés et pour décloisonner le secteur sanitaire et le secteur social afin d'offrir le meilleur service à l'usager.
Il s'agit d'un texte très technique qui met en jeu des procédures réglementaires et tarifaires complexes et nous voulons le rendre plus lisible et plus simple à utiliser. Le Gouvernement est à la disposition de la représentation nationale pour apporter toutes les précisions nécessaires à la compréhension des diverses mesures que je viens d'évoquer, sans les détailler pour l'instant.
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Avant de conclure, je veux rappeler que la refondation de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales prend toute sa place dans la politique générale conduite par le Gouvernement. Politique qui vise à lutter contre toutes les formes d'exclusion, de discrimination ou de marginalisation.
Cette réforme concerne tous les acteurs de l'action sociale, médico-sociale et éducative. Même s'ils sont très nombreux, rien ne se fera sans leur coopération, sans leur adhésion.
Cette réforme concerne toutes les populations en difficulté sociale ou en situation de fragilité : personnes âgées dépendantes, personnes handicapées, jeunes en difficulté, personnes en situation d'exclusion.
En cela, elle prolonge la volonté exercée par le Gouvernement, depuis maintenant près de quatre ans en direction de nos concitoyens en difficultés, en situation d'exclusion sociale et économique, que ce soit avec la loi portant création des emplois-jeunes, la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, les textes luttant contre les discriminations au travail, dans la représentation élective ou dans tout acte de la vie en société
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, place d'ailleurs dans son article premier les institutions sociales et médico-sociales à côté de l'État, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, afin de faciliter l'accès effectif de chacun aux droits fondamentaux de tous sur l'ensemble du territoire.
Plus récemment, la loi du 9 juin 1999 sur les soins palliatifs reconnaît, dans son article 7, le rôle des établissements médico-sociaux et celui des établissements de santé, dans la prise en charge de la douleur des personnes qu'ils accueillent et des soins palliatifs que leur état requiert.
La réforme que présente aujourd'hui le Gouvernement prend place également dans un contexte de rénovation en profondeur de la considération des besoins et de l'aide aux personnes âgées dépendantes résidant à domicile comme en établissement.
Sur ce point, vous allez très prochainement examiner le projet de loi préparé par Elisabeth GUIGOU pour instaurer une aide personnalisée à l'autonomie qui s'adressera à l'ensemble des personnes âgées dépendantes.
Cette prestation s'inscrira dans le cadre d'un droit fondé sur la solidarité nationale, droit qui sera garanti par l'État au moyen de tarifs et de barèmes fixés nationalement.
Cette nouvelle prestation, se substituant à la prestation spécifique dépendance, touchera un nombre beaucoup plus conséquent de personnes âgées dépendantes.
Cette loi facilitera également la réforme de la tarification des établissements accueillant ces personnes, établissements qui relèvent de la législation que nous réformons aujourd'hui et qui bénéficieront sur la période 2001-2005 d'un effort de médicalisation sans précédent par l'injection de 6 milliards de francs de crédits de l'assurance maladie, dont vous avez voté le financement d'une première tranche dans l'ONDAM 2001.
Je vous annonce également que le Gouvernement, conscient de la nécessité de mener le chantier dans son entier, a décidé d'ouvrir celui la réforme de l'autre loi du 30 juin 1975, celle dite d'orientation en faveur des personnes handicapées : cette législation a également besoin d'une actualisation pour la rendre plus opérationnelle, en appui du plan triennal décidé il y a un an par le Premier ministre et qui consacre 2,5 milliards de francs de mesures nouvelles pour améliorer la situation des personnes handicapées en accueil protégé, en intégration, à domicile, en milieu ordinaire de vie.
Cette dernière réforme que j'ai annoncée au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, le 25 janvier dernier devra faire l'objet, comme pour le texte que je soutiens aujourd'hui devant vous, d'une concertation exemplaire avec tous les partenaires concernés.
C'est pourquoi je ne souhaite pas que le travail qui nous réunit aujourd'hui anticipe, par le jeu d'amendements certes pertinents mais forcément partiels, cette autre réforme elle aussi très attendue et qui nécessite une réflexion globale et une mise en cohérence des mesures qu'elle comportera.
En conclusion, je veux redire ma conviction que le présent projet de loi apporte une réelle modernisation des outils qui régissent le secteur social et médico-social.
Il répond d'ailleurs à une très forte implication de tous les acteurs de ce secteur. A cet égard, même si certains d'entre vous et certains de nos partenaires souhaitaient rallonger la concertation en vue d'une plus grande interministérialité, je tiens à souligner la qualité des échanges que nous avons eu dans la préparation de cette loi. Et je tiens à exprimer ma gratitude aux associations qui ont largement contribué à l'élaboration de ce texte et qui ont unanimement souligné la qualité des concertations menées.
L'enjeu de cette réforme est important puisqu'elle va permettre à notre dispositif social et médico-social d'être plus efficace au service de nos concitoyens qui ont besoin de cette protection, de ce soutien, de cette attention particulière qui fait la cohésion sociale tout en valorisant les opérateurs et les acteurs exerçant dans ce champ.
Je crois, enfin, que la nouvelle loi qui résultera de nos débats permettra à notre pays de mieux garantir les droits de tous nos concitoyens, quels que soient leurs difficultés, leur vulnérabilité, leur état de dépendance ou de handicap.
Je formule donc le vu, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que, dépassant nos clivages traditionnels, nous construisions ensemble et dans la sérénité une législation réellement adaptée et utile pour répondre aux besoins de toutes ces personnes en situation de grande fragilité, et que nous participions ensemble à l'évolution du regard que porte notre société sur la différence quelles qu'en soient son origine, sa nature et son importance.
(source http://www.social.gouv.fr, le 2 février 2001)