Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur le contenu du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, au Sénat le 14 octobre 2008

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation du projet de loi de mobilisation pour le logement let la lutte contre l'exclusion au Sénat le 14 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
J'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
C'est une loi opérationnelle qui a pour objectif de faciliter l'accès au logement des classes moyennes et modestes et de lutter contre le mal logement.
C'est dans un esprit de réforme que j'ai élaboré ce projet, sans à priori, sans tabou, avec la seule volonté de trouver des solutions qui répondent à la diversité des situations et des exigences de part et d'autre du territoire national.
A tout moment, j'ai gardé à l'esprit qu'au-delà des enjeux que le logement représente pour l'économie de notre pays et pour la cohésion de notre société, la légitimité de mon action résidait d'abord dans l'attention apportée à l'Homme, à chacune des femmes et des hommes pris individuellement avec leurs besoins, leurs aspirations, leurs souffrances aussi.
Je me réjouis que votre Haute Assemblée se soit saisi de ce projet dès le début de votre session. Car il y a urgence, et urgence plus que jamais aujourd'hui. Nous n'avons plus seulement à faire à une crise du logement, mais à une crise de confiance sans précédent qui ébranle l'économie mondiale et déjà en France, le secteur de l'immobilier.
Comment résoudre la crise du logement qui s'aggravera si l'ensemble des forces vives de ce pays, au delà des clivages politiques, économiques, sociaux, ne se mobilisent pas, pour faire du logement une priorité, pas seulement nationale, mais effective dans chacune de nos communes ? C'est une question de solidarité nationale.
Permettez-moi de développer les grands traits de cette crise du logement qui perdure et de cette crise de l'immobilier qui se profile depuis plusieurs mois et se confirme avec brutalité depuis quelques semaines.
Le logement est-il en crise ?
Le logement est un des besoins fondamentaux de tout homme. Ne pas y répondre collectivement, c'est compromettre la dignité humaine, c'est favoriser l'exclusion, c'est remettre en cause les fondements même de notre pacte social. Nous n'avons pas assez construit pendant toute une décennie. Ce n'est qu'au cours de ces dernières années que la construction a fortement augmenté, passant ainsi de 308 000 logements en 2002 à 435 000 l'année dernière, record historique jamais égalé depuis 30 ans. Ce résultat a été obtenu parce que les organismes de logement social se sont remarquablement mobilisés et parce que grâce aux aides nouvelles de l'Etat, davantage de particuliers ont investi dans un logement soit pour l'occuper, soit pour le mettre en location.
Toutefois, nous subissons depuis le mois de juin un ralentissement sérieux qui nous laisse à penser que nous terminerons l'année aux alentours de 360 000 mises en chantier, c'est-à-dire au même niveau qu'en 2004 et donc bien au-dessus des chiffres atteints depuis 25 ans. Quelles sont les causes de cette chute brutale sur une année, de moins 70 000 logements ?
La crise nouvelle a une origine financière. Nous avons commencé à la percevoir au milieu du deuxième trimestre de cette année. Si nous ne faisions rien, cela aurait des conséquences graves sur la construction : moins de réponses de logement pour nos concitoyens, moins d'activité et d'emploi dans le secteur du bâtiment, mais aussi moins de recettes fiscales. Dois-je rappeler que la production de 10 000 logements, c'est 20 000 chômeurs en plus et 370 millions d'euros de recettes fiscales en moins ?
Pour les particuliers, l'accès au logement et à la propriété devient de plus en plus difficile, du fait non seulement de la contraction du crédit, mais aussi de la hausse des taux d'intérêt et de la diminution d'une offre déjà insuffisante pour répondre aux besoins.
Et que dire des restrictions de prêts que l'on constate aussi du côté des professionnels ?
Pour élaborer cette loi incontournable, j'ai décidé d'agir de façon pragmatique, non idéologique pour atteindre le maximum d'efficacité. Vous le savez, le domaine du logement est un secteur technique qu'il faut bouger avec doigté au risque d'effets pervers non désirés. J'ai espéré ne pas avoir besoin de dispositions législatives. Malheureusement ou heureusement nous sommes dans un état de droit écrit et certains verrous nécessitent la loi. Un certain nombre de demandes sont d'ordre réglementaire, c'est la raison pour laquelle vous ne les trouverez pas dans ce texte.
L'élaboration du texte soumis à discussion a été présenté au dernier Conseil des ministres de juillet 2008. La tourmente financière n'était pas encore là. Le Président de la République, le 8 octobre dernier, a confirmé les orientations de ce texte de loi en augmentant les moyens qui avaient été arbitrés avant la crise et les annonces faites hier à la sortie du Conseil des ministres exceptionnel doivent permettre le déblocage des prêts indispensables à la relance.
J'ai voulu confronter les orientations de ce texte avec les Français. Je me suis donc déplacée en province et ai rencontré tous ceux qui de près ou de loin ont un intérêt pour le logement (propriétaires, locataires, agences immobilières, 1%, bailleurs sociaux, banques, etc). Ces personnes étaient invitées par voie de presse et m'ont rencontrée pour m'exposer leurs difficultés. Je remercie les élus de droite comme de gauche qui ont accepté de participer à cette démarche libre. Les conclusions de ces rencontres m'amènent à vous dire que ce texte législatif répond à leurs préoccupations. Toutefois je n'ai pas hésité à l'enrichir des réponses aux problèmes qui m'ont été exposés à l'occasion de ces rencontres, par des amendements.
Avant de vous présenter les grandes lignes de ce texte, permettez moi de souligner tout d'abord le remarquable travail accompli par les différentes commissions, notamment par M. Dominique Braye, rapporteur saisi sur le fond, ainsi que Mme Brigitte Bout et M. Philippe Dallier, rapporteurs pour avis.
M. Braye, je retiens tout particulièrement votre volonté d'associer encore plus étroitement l'ensemble des acteurs majeurs de la politique du logement, notamment en confortant la place des collectivités locales dans les politiques de l'habitat, afin de répondre au mieux à la nécessité de construire plus pour répondre aux besoins en logement des Français.
Mme Bout, je salue votre souci permanent visant à prévenir une application trop générale des dispositions prévues dans le projet de loi qui puisse être préjudiciable aux plus fragiles de nos concitoyens. Nous partageons cet objectif.
M. Dallier, j'ai bien noté votre volonté d'accompagner les ambitions du projet de loi en y apportant, le cas échéant, des solutions simples et concrètes.
Ces trois approches différentes, mais très complémentaires,
. conforter la place des acteurs majeurs que sont notamment les collectivités locales dans la politique de l'habitat ;
. être attentif aux attentes des plus fragiles ;
. mettre en oeuvre les solutions les plus simples et les plus efficaces ;
sont fidèles à la méthode et l'état d'esprit qui ont prévalu tout au long de l'élaboration de ce projet de loi.
Le plan d'action que je propose dans le cadre de ce projet de loi de mobilisation poursuit trois objectifs majeurs : soutenir l'activité de construction pour la location et l'accession populaire à la propriété (I) ; permettre aux classes moyennes d'accéder au logement (II) , lutter contre le mal-logement (III).
I. D'abord soutenir l'activité de construction :
1) C'est, en premier lieu, sur la mobilisation des grands acteurs du logement que sont les organismes d'HLM et le 1% logement, qu'il faut s'appuyer dans le cadre d'une stratégie pluriannuelle.
Les bailleurs sociaux ont fait un remarquable travail pour plus que doubler leur production en quelques années. Nous savons pouvoir compter sur ces organismes.
Plusieurs dispositions du projet de loi leur offrent des outils supplémentaires.
Ainsi, les conventions d'utilité sociale qui devront être signées avec chaque bailleur d'ici fin 2010 permettront de définir des objectifs partagés avec l'Etat et les collectivités territoriales, notamment en production de logements.
La mise en oeuvre d'une véritable solidarité financière entre les organismes sous forme d'une péréquation permettra d'aider ceux qui ont une volonté de développer fortement leur activité de construction, mais qui n'ont pas de ressources suffisantes. Je vous proposerai d'amender le texte sur ce point pour limiter l'effet rétroactif de la mesure.
La vente en état futur d'achèvement (VEFA) de programmes de logements à des bailleurs sociaux est facilitée.
Cette mesure, sur laquelle je suis prête à accepter des amendements pour rendre la procédure encore plus souple, contribue à la mise en oeuvre du plan d'achat de 30 000 logements, annoncée par le Président de la République, qui doit permettre à des opérateurs d'acheter des programmes qui n'ont pu être lancés à ce jour par les promoteurs privés faute d'une précommercialisation suffisante.
Les partenaires du 1% logement sont d'autres acteurs irremplaçables de la politique du logement. Mais il est temps de rénover profondément sa gouvernance, de limiter les coûts de gestion et de réorienter l'utilisation des ressources vers les priorités de la politique du logement.
Les discussions avec les partenaires sociaux ont permis jeudi dernier de converger sur quatre grands objectifs pour les trois prochaines années. Lors de la discussion sur l'article 3, je reviendrai plus précisément sur les résultats de ces discussions qui ont donné lieu à un texte commun.
Mais d'ores et déjà je voudrais dire que l'un des objectifs partagés est de produire plus de logements économiquement accessibles aux ménages. Cet objectif se traduit par une orientation des emplois du 1% logement qui prend en compte notamment les propositions du protocole national professionnel que les partenaires sociaux ont récemment signé.
2) Pour construire plus, il faut aussi soutenir la demande des particuliers.
Pour favoriser l'accession populaire à la propriété, le projet de loi prévoit l'extension du « PASS FONCIER », qui ne s'applique pour l'instant qu'au logement individuel, au logement collectif. L'objectif qui vient d'être fixé par le Président de la République est de réaliser quelques 30 000 logements grâce à ce dispositif, en particulier en zone urbaine, là où le logement individuel est moins adapté aux besoins.
Il est également important, pour conserver la confiance des investisseurs privés, de maintenir les dispositifs d'investissement locatif « Robien » et « Borloo » mais en les recentrant sur les zones dans lesquelles existe une véritable tension du marché locatif.
3) Pour construire plus, il faut enfin aider les maires à favoriser la construction dans leurs communes.
J'ai souhaité inclure dans le décompte des logements sociaux au titre de l'article 55 de la loi SRU les logements construits dans le cadre du PASS FONCIER et du PSLA.
Je sais que cette disposition suscite le débat pour ne pas dire la passion. Et pourtant 88% des Français selon une étude du CREDOC se déclarent favorables à cette disposition. Je vous rappelle que les logements destinés à l'accession populaire à la propriété ont les mêmes caractéristiques que les logements locatifs sociaux : mêmes aides publiques avec la TVA à 5,5%, même plafonds de ressources des personnes et 5 ans pour les comptabiliser dans le quota des 20%.
C'est un outil supplémentaire offert aux élus qui souhaitent construire dans leurs communes et encourager les parcours résidentiels diversifiés. Je souhaite que nous ayons un débat serein, digne de notre démocratie, sur ce sujet.
D'autre part, j'ai souhaité également favoriser l'agrandissement de bâtiments à usage d'habitation en permettant le dépassement des normes d'urbanisme jusqu'à 20%.
Enfin, le caractère opérationnel des programmes locaux de l'habitat est renforcé. C'est la condition pour que les plans locaux d'urbanisme deviennent des vrais outils au service de la construction partout où il y a un besoin de logements.
II. Mon deuxième objectif, à côté du soutien à la construction, c'est de permettre à tous, aux classes moyennes comme aux ménages à revenus modestes d'accéder à un logement de qualité :
1) Il faut d'abord redonner sa vocation première au parc HLM. Je vous rappelle l'article L 441 du code de la construction issu de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions : « L'attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en oeuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées. » Ce même article ajoute que cette « attribution doit favoriser l'égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ». Tout est dit !
C'est pourquoi, le projet de loi propose d'abaisser les plafonds de ressources pour l'accès au logement social de 10% pour annuler la forte progression de ces plafonds constatée ces dernières années, en raison d'un effet mécanique lié au passage aux 35 heures. Lorsque 60% de la population peut avoir juridiquement accès à un logement HLM, au lieu de 70% actuellement, nous permettons aux personnes de ressources modestes et aux personnes défavorisés d'avoir plus facilement accès au logement sans pourtant remettre en cause la mixité sociale.
Le projet de loi vise aussi, dans le même esprit, à accroître la mobilité dans le parc de logements sociaux.
En effet, le taux de mobilité dans le parc HLM est aujourd'hui très faible, de l'ordre de 9% sur le plan national et 7,4% en Ile de France. Les différentes mesures prévues par le projet de loi ont pour ambition d'améliorer la mobilité dans ce parc en libérant les logements sous-occupés ou en incitant les ménages qui disposent de revenus très élevés leur permettant de se loger sans problème dans le parc privé à quitter le parc social. C'est un moyen de permettre à des ménages à revenus modestes qui sont dans les files d'attente de trouver un logement adapté à leurs besoins.
2) Il faut aussi donner à tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas accéder à un logement HLM la possibilité de disposer d'un logement abordable.
C'est le sens des dispositions qui ont déjà été prises au début de cette année en indexant les loyers sur un nouvel indice de référence fondée sur les prix à la consommation ou en réduisant le dépôt de garantie de deux à un mois de loyer.
Le projet de loi prévoit une mesure complémentaire interdisant le cumul d'une caution et d'une assurance pour impayés de loyers. Cette disposition prendra tout son sens dès qu'un dispositif de garantie mutualisée des risques locatifs géré par les partenaires sociaux sera effectif. J'ai manifesté le souhait, jeudi dernier, auprès des partenaires sociaux gestionnaires du 1% logement que ce soit le cas d'ici la fin de l'année.
3) Enfin, je rappellerai le désir des Français qui pour près de la moitié souhaitent devenir propriétaires. Il faut donc plus d'accession populaire à la propriété. Le Pass-foncier doit y contribuer fortement.
III. Lutter contre le mal logement :
Troisième objectif, la lutte contre le mal-logement. C'est un impératif qui s'impose à nous tous. Il est indissociable du droit opposable au logement.
1) Le texte prévoit des dispositions permettant de renforcer la prise en compte des populations en difficultés, afin de leur donner les moyens d'accéder plus facilement à des solutions d'hébergement ou de logement.
Dans ce domaine, le projet de loi s'attache à mobiliser à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l'Etat.
La notion d'hébergement d'urgence est remplacée par celle d'hébergement en ce qui concerne l'obligation faite aux communes de disposer d'une capacité minimum de places d'hébergement, au titre de l'article 2 de la loi DALO. En outre, la procédure de prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n'atteignent pas leur objectif est précisée. Ces mesures ont pour ambition d'inciter les communes à augmenter leurs capacités d'hébergement et atteindre ainsi l'objectif d'une place d'hébergement par tranche de 2 000 habitants.
En Ile-de-France, l'attribution d'un logement à un bénéficiaire du DALO pourra se faire sur un territoire situé dans d'autres départements de la région que celui dans lequel la commission de médiation aura donné un avis favorable. C'est donc une solidarité interdépartementale que je propose.
Par ailleurs la loi devrait permettre aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé afin de les sous-louer à des ménages hébergés dans des hôtels ou des centres d'hébergement. Cette mesure attendue participera au développement d'une offre d'hébergement moins onéreuse et surtout plus humaine que l'hébergement dans des hôtels.
2) L'habitat indigne est une des plaies de notre société. Pour mieux lutter contre ce fléau, il faut d'abord mieux l'identifier juridiquement c'est l'objet d'une des dispositions qui le définit
Mais je suis persuadée qu'au-delà de ces mesures il faut aller plus loin par une action coordonnée dans nos villes. C'est pourquoi j'ai souhaité l'engagement d'un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés qui participera à la lutte contre l'habitat indigne, à la remise sur le marché des logements vacants, à la transformation des logements sociaux de fait en logements sociaux de droit.
Voici dans les grandes lignes les orientations de ce texte : soutenir l'activité de constructions pour répondre aux besoins de logements de nos concitoyens et soutenir l'emploi. Permettre aux classes moyennes comme aux revenus modestes d'accéder à la propriété.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, une politique du logement c'est nécessairement une politique complexe. Elle a des dimensions humaine, économique, financière, technique et repose sur de nombreux outils qui doivent s'adapter à une grande diversité de situations locales ou d'exigences personnelles.
Elle est également une chaîne de solidarité entre tous les citoyens de notre pays.
C'est pourquoi mon projet de loi contient des dispositions sur la plupart des aspects de la politique du logement : l'exclusion, l'habitat indigne, la construction de logements sociaux, le développement de l'accession populaire à la propriété, l'investissement locatif et la réforme du 1% Logement, qui est un acteur clé de cette politique.
C'est également la raison pour laquelle ce texte complète plusieurs lois importantes qui, au cours des dernières années, ont profondément modifié le paysage dans le domaine du logement, en particulier la loi relative au droit opposable au logement dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur à l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi a pour objectif de réformer ce qui doit l'être, d'ouvrir de nouvelles possibilités. Il appartiendra à chaque acteur du logement, si vous votez ce texte enrichi de vos amendements, de se saisir de ses dispositions. C'est sur le terrain et au quotidien que se fait la politique du logement. Encore faut-il proposer à tous ses acteurs les instruments législatifs qui permettent la souplesse.
Dans cette période de turbulences qui préoccupe les Français, il est plus que jamais nécessaire de renforcer notre cohésion nationale, notre solidarité sociale, j'oserais dire, cette générosité personnelle qui nous permettra de faire de notre pays un territoire où chacun dispose d'un logement de qualité où il se sente bien.
Je vous remercie.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 16 octobre 2008