Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur les compétences et le fonctionnement des comités économiques et sociaux régionaux et sur la décentralisation dans le cadre du développement de la démocratie de proximité, à Paris le 31 mai 2001.

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Circonstance : Assemblée des présidents des conseils économiques et sociaux régionaux à Paris le 31 mai 2001

Texte intégral

Monsieur le président de l'Assemblée des conseils économiques et sociaux régionaux,
Mesdames et messieurs,
Le président Jean-Louis CHAUZY a eu l'amabilité de me convier à vous rencontrer ce matin dans le cadre de vos travaux pour une séance un peu exceptionnelle qui va me permettre de vous présenter les grandes lignes du projet de loi relatif à la démocratie de proximité que doit prochainement examiner l'Assemblée nationale.
Mais je voudrais, avant si je puis dire de rentrer dans le vif du sujet, vous dire l'intérêt tout particulier que, comme Ministre de l'intérieur mais aussi à titre personnel, je porte aux conseils économiques et sociaux régionaux et à leurs travaux.
En effet ayant été moi-même membre du conseil économique et social de la région Ile-de-France, je pense connaître d'autant mieux à la fois vos missions et les conditions dans lesquelles vous les exercez.
C'est à double titre que je peux affirmer que les conseils que vous présidez ont su au fil des années remplir de manière exemplaire les missions de plus en plus nombreuses qui leur ont été assignées.
Vous avez su par la qualité de vos travaux, leur originalité et parfois leur audace, imposer votre fonction consultative dans la vie des régions.
Vous êtes parfaitement parvenus à jouer ce rôle distinct mais complémentaire des assemblées élues du suffrage universel que sont les conseils régionaux. Représentants de l'ensemble des forces économiques, sociales, associatives et culturelles, vous constituez un espace privilégié de dialogue et d'écoute, de proposition et de réflexion. Comment s'étonner alors, même si je sais que vous trouvez parfois la charge devenir bien lourde, que l'Etat comme les conseils régionaux vous sollicitent pour intervenir dans le processus d'élaboration des politiques publiques régionales.
Je sais d'ailleurs que les préfets de région, qui sont vos interlocuteurs permanents au nom de l'Etat, apprécient beaucoup la qualité des contributions qui sont apportées par les conseils que vous présidez.
Je veux à cet égard saluer tout spécialement la qualité des travaux menés par l'ensemble de vos conseils dans le cadre de la consultation régionale sur les schémas des services collectifs. Venant après votre apport à la préparation des contrats de plan Etat-régions, ces contributions sont précieuses car elles reflètent les aspirations profondes des acteurs de la vie des régions, tout en s'étant exprimées hors de toute confrontation politique.
Vous avez ainsi à nouveau contribué au bon fonctionnement de notre démocratie en l'enrichissant de vos expériences, de vos expertises et de vos débats dans la concertation et la transparence.
Votre participation ne s'arrête pas là car, présents au sein des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire comme dans les instances de programmation des fonds structurels européens, vous jouez un rôle important dans la définition et la mise en uvre des politiques territoriales au sein de vos régions.
Permettez-moi d'ailleurs à ce stade d'esquisser une suggestion. Je crois que parmi les questions majeures sur lesquelles vos conseils se penchent à juste titre, pourrait tout à fait utilement figurer celle de la sécurité, de ses causes et des actions qui doivent permettre à la société de mieux y concourir.
Il s'agit vous le savez d'un enjeu fondamental pour notre société, car ce qui est en jeu , c'est la cohésion sociale et la solidité de notre pacte républicain. Quand, dans leur vie quotidienne, nos concitoyens ont l'impression que leur sécurité, celle de leurs proches, ou celle de leurs biens, est menacée, quand ils subissent des atteintes, quand ils éprouvent le sentiment que la société dans son ensemble peine à trouver des réponses, c'est notre modèle républicain lui-même qui peut se trouver affaibli.
C'est pourquoi la sécurité est l'affaire de toute la société, et pas seulement de l'Etat même si elle en est un devoir essentiel.
La co-production de sécurité doit donc désormais être au centre de nos réflexions, et je n'hésite pas à le dire de vos réflexions, et notamment en ce qui concerne le causes de la violence, ou des violences auxquelles notre société est confrontée.
Je suis certain que les conseils économiques et sociaux régionaux, de par leur mission de réflexion et de proposition au sein de la société et au cur de la démocratie participative, pourront aussi très utilement y contribuer.
C'est une orientation que, j'en suis sûr, vous accueillerez favorablement et nous pourrons réfléchir ensemble, cher président Jean-Louis CHAUZY, à la manière de la mettre en uvre.
Votre action depuis décembre 1998 à la tête de cette assemblée va d'ailleurs dans ce sens de la plus grande ouverture à l'ensemble des nouveaux champs de l'action publique en lien avec le devenir du territoire régional.
Ce fut d'ailleurs aussi ce qui anima votre prédécesseur Pierre TROUSSET durant près de 10 ans et que je salue d'autant plus particulièrement que je sais qu'il quittera votre compagnie à la fin de cette année ayant choisi de ne pas solliciter à nouveau la présidence du conseil économique et social de la région Centre.
Vous êtes également pleinement concernés par la politique que conduit le Gouvernement en matière de décentralisation. Je vous ai indiqué en commençant mon intervention que le projet de loi relatif à la démocratie de proximité allait être examiné par l'Assemblée nationale dans les prochains jours.
Ce projet constitue la première traduction législative de la nouvelle étape de décentralisation, annoncée par le Premier ministre le 27 octobre dernier à Lille. Il s'inspire notablement des conclusions pour l'avenir de la décentralisation présidée par Pierre MAUROY. Son contenu et ses orientations ont été précisées notamment lors du débat d'orientation générale sur la décentralisation le 17 janvier dernier à l'Assemblée nationale. Ce projet de loi a pour objectif premier, dans le souci d'une décentralisation plus légitime, plus efficace et plus solidaire, en un mot plus citoyenne, le nécessaire approfondissement de la démocratie locale.
L'exigence de proximité, de plus en plus forte aujourd'hui, témoigne en effet du souhait des Français de participer à la réflexion et à la définition des projets et actions publiques qui les concernent au quotidien.
Le projet de loi vise ainsi :
- à favoriser l'expression de la citoyenneté au niveau local,
- à renforcer les droits des minorités dans les assemblées élues,
- à démocratiser l'exercice des mandats locaux,
- à mieux assurer la participation du public à l'élaboration des grands projets d'aménagement et d'équipement.
Des dispositions concernent également l'amélioration du fonctionnement des services d'incendie et de secours.
Je vais revenir devant vous quelques instants sur ces grands thèmes.
Ce projet de loi organise, tout d'abord, la participation des habitants à l'action et au débat publics en s'appuyant sur la création obligatoire de conseils de quartiers, dans les communes de 20000 habitants et plus, pour chacun des quartiers qui les constituent.
Ces instances consultatives permettront d'associer aux côtés des élus, des représentants d'habitants et d'associations pour traiter de toute question intéressant le quartier.
Complémentaires et non concurrents du Conseil Municipal, ces conseils de quartier seront dotés des moyens de fonctionnement nécessaires et seront associés aux débats préalables au choix des orientations budgétaires qui les concernent.
Je crois que les règles de constitution et les missions dévolues aux conseils de quartiers permettront leur institution dans près de la moitié des communes de plus de 20 000 habitants qui ne se sont pas, à ce jour, engagées dans une telle démarche participative.
Leur souplesse permettra de ne pas revenir sur les expériences réussies dans certaines communes et de mettre en uvre le dispositif le plus adapté aux spécificités locales.
Il ne s'agit pas de contester la légitimité née de l'élection au suffrage universel du Conseil municipal, mais bien de faire émerger les forces vives des quartiers et de s'appuyer sur cette participation des habitants en complément de l'action publique municipale.
Le projet de loi rend également obligatoire, pour les communes de plus de 100 000 habitants, la création dans les quartiers d'annexes de la mairie offrant aux habitants des services publics de proximité. Il permet de créer des postes d'adjoints chargés des quartiers, et accroît considérablement le rôle et les compétences des commissions des services publics locaux. Là encore, il s'agit bien de proposer aux citoyens des lieux de débats, de réflexion et d'initiatives.
En second lieu, les droits des minorités dans les assemblées élues seront renforcés afin de contribuer à l'expression du pluralisme des opinions et à l'information générale des habitants. C'est ainsi que des séances spécifiques seront consacrées à l'examen des projets de délibération de l'opposition, que les procès-verbaux des délibérations des conseils municipaux des petites communes seront complétés, qu'une place sera réservée à l'opposition dans les documents d'information générale ou que des missions d'information et d'évaluation d'un projet ou du fonctionnement du service public pourront être constituées à la demande d'une minorité du conseil municipal dans les collectivités locales les plus importantes.
Une deuxième série de mesures vise à démocratiser l'accès de tous aux fonctions électives locales, afin que la composition des assemblées locales soit , plus encore qu'aujourd'hui, un reflet de la diversité de la société Française.
Ces dispositions améliorent les conditions d'exercice des fonctions électives locales, de la candidature jusqu'à la fin du mandat, en facilitant l'accès aux élections, en articulant mieux le mandat local avec l'activité professionnelle, en renforçant la formation, en revoyant les indemnités de fonctions et en assurant une meilleure protection sociale. Elles accompagneront ainsi l'institution récente de la parité dans les conseils municipaux.
Ce projet comporte également, et je sais que vous y êtes légitimement attentifs, des dispositions relatives aux conditions d'exercice de vos missions. Permettez-moi tout d'abord à cet égard de faire un peu d'histoire.
La loi d'orientation relative à l'administration territoriale de la République du 6 février 1992 consacra votre existence et votre rôle en vous établissant comme "conseil" et plus seulement comme "comité" économique et social. Auparavant la loi du 6 janvier 1986 avait déjà largement consacré les missions et les conditions de fonctionnement des conseils économiques et sociaux régionaux, en leur conférant une véritable stature régionale. A l'occasion des manifestations ayant marqué le 25ème anniversaire des conseils économiques et sociaux, tant le Premier ministre que le ministre de l'intérieur avaient manifesté une attention particulière aux conditions d'exercice de vos fonctions, et ce n'était que justice puisque comme moi ce matin ils avaient alors reconnu la qualité et l'importance des travaux de vos conseils et tout spécialement le rôle de leurs présidents.

Le projet de loi comporte donc des dispositions qui reconnaissent les besoins les plus manifestes à cet égard :
- la prise en compte de l'ensemble des missions de représentation et d'exercice des fonctions avec notamment l'instauration d'un crédit d'heures pour les salariés,
- l'harmonisation, sous forme de barème, des taux des indemnités journalières des membres des conseils, qui souffrent aujourd'hui de disparités manifestement inéquitables.

Comme il se devait, la concertation entreprise avec vous sur l'avant-projet de loi, comme avec l'ensemble des associations d'élus locaux, a mis en évidence une attente plus grande de votre part. Elle ne m'a pas surpris ni, choqué.
Le travail de conviction accompli par votre président a donc permis de faire progresser le contenu du projet de loi. Je suis favorable à ce que par amendement au projet de loi soit proposé à l'Assemblée nationale des dispositions complémentaires qui permettent notamment d'assurer le maintien de la couverture sociale des conseillers dans le cadre de leur activité, mais aussi d'instaurer un régime de formation pour les conseillers pour tenir compte de la grande diversité des missions qui leur sont confiées.
Il convient naturellement que ces dispositions recueillent l'accord des conseils régionaux et, vous le savez, des discussions ont lieu actuellement avec l'association des régions de France à ce sujet car il est naturellement souhaitable qu'une telle réforme ait un caractère consensuel.
Par ailleurs, ainsi que le président CHAUZY l'a évoqué, je ne suis pas opposé à ce que les règles d'indemnisation des fonctions soient désormais calculées en fonction du régime indemnitaire des conseillers régionaux, et leur fixation à hauteur d'environ la moitié de l'indemnité correspondante semblerait un objectif raisonnable.
Il ne s'agit pas, j'y insiste, de rechercher l'égalité avec les dispositions relatives à l'exercice des fonctions électives. Ce serait, j'en suis convaincu, une erreur que d'y prétendre, parce que comme je l'ai rappelé votre rôle, vos missions et votre légitimité sont distinctes même si elles sont complémentaires.
Mais il est normal que votre contribution à la démocratie participative et votre action d'appui aux élus dans la préparation des décisions soient reconnues.
Je suis aussi très attentif à ce que ces mesures accroissent encore la diversité des origines professionnelles et sociales de vos membres, et notamment la présence de salariés du secteur privé ou public qui sont un apport essentiel à la qualité de vos travaux.
Il est une autre réforme importante que j'ai voulu entreprendre cette année qui verra, dans quelques mois, le renouvellement complet de vos conseils.
Il s'agit de la déconcentration de la procédure de désignation des membres : il y a en effet quelque paradoxe à ce que la liste détaillée de toutes les composantes d'assemblées consultatives régionales soit établie conseil par conseil par décret au niveau central.
J'ai donc proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, d'appliquer le principe de déconcentration à cette procédure et de confier aux préfets de région la responsabilité de désigner les membres des conseils sur la base de règles générales qui resteront fixées bien sûr par décret.
Ce sera en particulier le cas pour le nombre total des membres de chaque conseil et de chaque collège, ainsi que les principes essentiels régissant la composition de chaque collège.
Une augmentation d'un peu plus de 10 % du nombre total des membres est également prévue, qui ne portera pas atteinte au bon fonctionnement de vos assemblées mais permettra de tenir compte au mieux de l'évolution des acteurs de la vie économique, social et culturelle dans les régions, notamment au élargissant la place faite, en cette année du centenaire de la loi de 1901, au monde associatif.
J'espère également qu'à cette occasion un nombre plus important de femmes feront leur entrée dans les conseils.
Ce renouvellement général est évidemment un événement très important pour les conseils économiques et sociaux régionaux. Le projet de décret est désormais prêt de sorte que le calendrier prévu pourra être respecté.
Voilà ce que je souhaitais vous dire ce matin sur ce point.
Je terminerai en rappelant, comme je pense l'écho a du vous en parvenir, que ce projet de loi sera certainement enrichi au cours du débat parlementaire, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, en particulier et comme je l'ai annoncé le 17 mai dernier à l'Assemblée nationale, par l'introduction de quelques dispositions simples et consensuelles, inspirées du projet de loi relatif à la Corse ainsi que du rapport de la commission Mauroy et ayant pour objet de transférer de nouvelles compétences vers les régions.
Il ne constitue pas, toutefois, loin s'en faut, le terme de la réflexion du Gouvernement en matière de décentralisation et en particulier sur la modernisation des finances locales.
A ce sujet, mes services élaborent, en collaboration avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, un premier rapport sur les voies et moyens d'une réforme des finances locales, afin de remédier aux défauts de la fiscalité locale actuelle, injuste et obsolète, comme à ceux des dotations de l'Etat aux collectivités locales ,peu lisibles et insuffisamment péréquatrices. La concertation avec les élus locaux sera lancée cet été et le rapport remis d'ici la fin de l'année.
Je suis certain que vous-mêmes et les conseils que vous présidez seront largement partie prenante de ce grand mouvement de réforme qu'a engagé le gouvernement de Lionel JOSPIN. Je suis pour ma part fier d'être comme ministre de l'intérieur directement en charge de cette politique. Elle nécessitera encore de grands efforts mais ils sont indispensables pour moderniser et démocratiser notre pays afin de rapprocher et faire participer toujours plus les citoyens aux décisions qui les concernent.
Je vous remercie.

(source http://www.interieur.gouv.fr, le 7 juin 2001)