Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le bilan d'action de la Confédération Paysanne, l'aide aux petites exploitations, la protection du consommateur et la réorientation de la PAC, Castres le 28 juin 2001.

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Circonstance : Congrès de la Confédération paysanne à Castres le 28 juin 2001

Texte intégral

Monsieur les Portes - parole,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'accueillir à votre congrès. Je suis déjà venu, je reviens donc. Ce n'est pas la première fois. J'en profite pour répondre à ceux qui s'interrogent sur ma présence à tel ou tel congrès d'organisation syndicale. Je viens toujours à trois conditions : la première c'est que l'on m'invite, la deuxième que cela serve à quelque chose et la troisième que l'on respecte dans une démocratie les règles du débat et de la courtoisie.
Merci, aussi pour le caractère constructif et pour la qualité de vos interrogations sur l'avenir de l'agriculture.
Quelques mois après les élections aux chambres d'agriculture, je souhaite tout d'abord aborder la question du pluralisme syndical en agriculture.
Je répondrai ensuite à vos propositions sur le soutien aux petites exploitations avant d'aborder plusieurs sujets d'actualité notamment ceux concernant la gestion des risques sanitaires.
Je terminerai par les questions posées par votre rapport d'orientation sur la nécessaire réorientation de la politique agricole commune et les perspectives des négociations à l'OMC.
1 - Le pluralisme syndical
La reconnaissance du pluralisme syndical en agriculture, inscrite dans la loi d'orientation agricole de juillet 1999 est maintenant entrée dans les faits. C'est un changement très significatif, tant au niveau national que départemental. Il était nécessaire pour faire progresser le débat démocratique en agriculture.
Cette ouverture aux différentes sensibilités de la profession agricole, c'est aussi l'ouverture aux différents modèles de développement. Elle permet d'assurer une plus juste représentation de la diversité de l'agriculture dans les très nombreuses instances où s'élabore la politique agricole entre l'administration et les organisations agricoles.
Vous êtes représentés au CSO, dans les CDOA et dans les conseils d'administration de tous les Offices par produit, du CNASEA et des ADASEA (Associations départementales d'aménagement des structures des exploitations agricoles). Vous êtes également représentés dans les commissions départementales d'aménagement foncier et dans les comités techniques des SAFER (Sociétés d'aménagement foncier et d'équipement rural).
Vous êtes présents à l'ANDA (Association Nationale de Développement Agricole), ce qui vous ouvre, au même titre que les autres syndicats, la porte des conseils d'administration de l'ensemble des instituts et centres techniques. Puisque vous m'avez interrogé sur l'issue de la réforme de l'ANDA, ma réponse est claire : j'irai au bout de la réforme, c'est une question de principe, puisque c'est une question de transparence, d'équité et de démocratie. Une autre réforme est en cours pour vous associer à la gestion du FAFEA (Fonds d'action de formation des exploitants agricoles).
J'ai pris contact avec le Ministre de l'Intérieur Daniel VAILLANT pour que vous soyez représentés dans les CESR (Conseils économiques et sociaux), au même titre que les autres organisations syndicales agricoles représentatives.
Pour vous soutenir financièrement dans votre action et assurer la formation de vos dirigeants dans ces tâches de représentation, vous recevez désormais des crédits correspondant à votre représentativité, celle d'une grande organisation syndicale.
Votre dotation, au titre des crédits de la promotion collective agricole sera cette année portée à hauteur de 5 millions de francs, soit 28 % de l'enveloppe consacrée par mon ministère aux syndicats d'exploitations agricoles.
Le soutien que vous recevez de l'ANDA pour financer les actions de développement conduites par votre organisation, qui s'élevait en 2000 à 5 millions de francs sera porté à 17 millions de francs dés cette année 2001. Cette forte augmentation est une des conséquences de la réforme du développement agricole et du renforcement de votre représentativité syndicale.
Concernant les élections aux chambres d'agriculture, tout le monde s'accorde sur le déroulement satisfaisant du scrutin de janvier 2001. Je relève l'excellent taux de participation qui témoigne du bon fonctionnement de la démocratie professionnelle. Ce taux de participation (42 % en moyenne des collèges) a été plus élevé que celui de 1995, il atteint 61,5 % des électeurs dans le collège des chefs d'exploitation.
Nous allons à présent réaliser le bilan du déroulement des élections, en faisant notamment le point sur le vote par correspondance et le regroupement des bureaux de vote. J'ai pour cela confié une mission à un inspecteur général, monsieur Bernard VIAL, à qui j'ai également demandé de me faire des propositions sur la simplification du dispositif électoral et sur les moyens d'assurer une meilleure représentation du pluralisme dans les différentes instances des chambres départementales et régionales et à l'APCA.
Les Chambres d'agriculture sont des établissements publics et je veillerai à ce qu'elles prennent mieux en compte que par le passé la diversité des opinions pour être au service de l'ensemble de l'agriculture française. Il s'agit de faire vivre pleinement le pluralisme, dans le respect du " fait majoritaire " et du " fait minoritaire ", et des règles démocratiques indispensables au bon fonctionnement de toutes les institutions.
La reconnaissance de votre représentativité et le soutien public à votre organisation sont la concrétisation d'une volonté politique qui appelle à la responsabilité dans l'action syndicale, c'est une condition du bon fonctionnement de la démocratie.
2 - Le soutien aux petites exploitations
Notre agriculture est plurielle. C'est une réalité et une richesse de la France qu'il nous faut valoriser. Elle est à l'image de la variété des productions, végétales et animales, de la variété des territoires de l'espace national, et de la diversité des structures et des projets des agriculteurs.
Notre agriculture est composée d'exploitations très différentes par leurs dimensions économiques et certains ont pu dire que les écarts de revenu y étaient aussi importants que dans l'ensemble de la société. Cette diversité a longtemps été le moteur de la modernisation et de la restructuration de l'agriculture.
Au début des années 60, quand il y avait encore plus de 2 millions d'exploitations, il fut décidé, dans les lois d'orientation de 1960 et 1962, d'accompagner les petites exploitations vers la cessation d'activité pour permettre l'agrandissement des exploitations de taille moyenne, exploitations qu'il fallait aider pour leur permettre de s'adapter au marché et accroître leur revenu. Cette démarche faisant l'objet d'un consensus pour assurer un revenu de parité aux agriculteurs. Elle était cohérente avec les objectifs de la politique agricole d'alors qui était de produire plus pour nourrir l'Europe et au moindre coût.
Aujourd'hui, ce processus n'est plus adapté aux nouvelles attentes de la société et à la nécessité de valoriser la multifonctionalité de l'agriculture. La loi d'orientation de juillet 1999 marque je le crois un changement fondamental dans les priorités de la politique agricole.
Je récuse l'idée d'un modèle unique d'agriculture à dimension essentiellement industrielle et dégagé de toute préoccupation d'aménagement du territoire et d'emploi. Je réaffirme avec force que toutes les exploitations agricoles, et notamment les petites exploitations jouent un rôle essentiel pour notre pays, pour son économie, pour ses paysages, pour son environnement et ses emplois. Elles méritent donc toutes d'être soutenues de façon équitable pour la promotion d'une agriculture française durable et diverse. Quand je dis " équitable " cela veux dire " aider plus celles qui en ont le plus besoin ".
Dans ce contexte, et pour répondre précisément à votre demande déjà formulée lors de votre congrès d'Argentan, je suis favorable à une démarche constructive qui vise à faire l'inventaire de toutes les actions qui peuvent être renforcées ou instaurées en faveur des " petites exploitations ". Je tiens à préciser que ma priorité est bien de traiter les plus petites exploitations, que je chiffre à environ 50 000 exploitations professionnelles, et qui sont actuellement exclues de la majorité des dispositifs d'accompagnement en crédits publics.
Ces mesures sont de trois types, celles leur ouvrant la possibilité d'accès à des aides dont elles étaient exclues du fait de leur petite taille, celles concernant la gestion des droits à produire et celles accordées dans le cadre d'un contrat valorisant leur contribution spécifique à la multifonctionnalité de l'agriculture.
L'ouverture des aides aux petites exploitations
Souvent, les aides aux investissements octroyées par les offices agricoles ne sont accordées qu'au delà de certaines tailles minimum d'ateliers ou qu'à la condition que l'exploitant s'engage à agrandir. Ces mesures répondent à une logique économique qui visait à ne pas pérenniser des ateliers qui ne permettent pas de dégager un revenu suffisant ; comme je l'ai déjà souligné, cette logique doit être revue au regard des nouvelles orientations de notre politique agricole.
Dans cette approche, les seuils fixés ne garantissent pas forcément une bonne adéquation entre le travail disponible et la taille économique de l'exploitation considérée. J'ai donc demandé, en ce qui concerne les crédits d'orientations des offices agricoles (en particulier OFIVAL, ONIFHLOR, l'ONIVINS), que l'on examine avec attention les dispositions qui peuvent avoir un caractère discriminant vis-à-vis des " petites exploitations ".
De façon à introduire plus d'équité dans la définition de ces planchers et à respecter les logiques alternatives à la spécialisation, je suis favorable, lorsque cela est facilement calculable et contrôlable, à ce que les seuils des aides des offices actuellement exprimés par exploitation, soient convertis en seuils par unité de travail (UTH). Ce critère prenant en compte l'emploi peut favoriser également les exploitations diversifiées, symbolisant le caractère multifonctionnel de l'agriculture que le gouvernement cherche à promouvoir.
De plus, lorsque les actions économiques des offices sont articulées avec un contrat territorial d'exploitation, j'ai demandé à ce que ces seuils minimaux d'éligibilité les actions économiques de filière puisent être levés. En effet, l'approche globale du CTE permet d'évaluer la viabilité économique d'une exploitation en considérant l'ensemble des ateliers de production. Une exploitation diversifiée peut par exemple être viable économiquement sans que chacun des ateliers pris individuellement ne le soit.
La gestion des droits à produire
En ce qui concerne les droits à produire ou les droits à prime (référence laitière, PMTVA, PCO), il y a aussi des améliorations à apporter au regard de la problématique " petite exploitation ".
Il convient tout d'abord de souligner en la matière la force de l'approche française. En effet, contrairement aux autres État-membres, la gestion des droits à produire et des droits à primes s'appuie dans notre pays essentiellement sur une conception non-marchande. L'absence d'un "marché des quotas laitiers" a été au total bénéfique aux petites exploitations qui ne possèdent pas une surface financière importante. Dans les instructions données aux préfets, les exploitations agricoles détenant une référence laitière inférieure à 80 000 litres sont signalées comme prioritaires dans l'attribution des droits supplémentaires
On peut cependant aller plus loin. Pour que la répartition des références laitières, gérée au niveau départemental, tout comme celle des allocations provisoires de droits, je demande qu'un groupe de travail se constitue au sein de la commission " production " de l'ONILAIT pour examiner les éventuels blocages et identifier des solutions. Ce groupe devra dans les six prochains mois formuler des propositions précises notamment au sujet du rôle de chacun des échelons géographiques (départemental, régional, national) dans la gestion de droits en réserve.
Par ailleurs, après l'avis favorable à l'unanimité du conseil de direction de l'ONILAIT, je viens de prendre la décision, pour cette campagne laitière 2001, de relever de 80 000 à 100 000 litres de lait le seuil en dessous duquel les petits producteurs peuvent bénéficier d'un dépassement de 12 000 litres sans pénalités.
Dans le même esprit, dans le cadre de la modification du décret de 1993 relatifs aux droits à prime, je m'engage à ce que la priorité en faveur des petites exploitations soient clairement renforcées en particulier en ce qui concerne la PMTVA. Ce travail d'évolution réglementaire devra se conduire dans la plus large concertation.
CTE pour les petites exploitations
C'est dans le cadre des CTE que les petites exploitations peuvent pleinement jouer leur rôle dans le paysage économique de l'agriculture française. J'ai clairement défini cette priorité dans la circulaire du 19 octobre 1999 de mise en uvre des CTE. Le dispositif actuel offre de réelles possibilités pour les petites exploitations, comme le montrent les premiers contrats signés, un contrat sur six concernant actuellement des exploitations de moins de 25 hectares.
Je tiens à rappeler ici qu'il est possible pour les petites exploitations de monter des CTE et de bénéficier d'un soutien significatif sans obligation d'investissement et sans référence à un seuil de revenu minimum à atteindre. Dans le domaine de l'élevage le cadre national " CTE - élevage herbager " en est une illustration. De nombreuses autres initiatives vont dans ce sens.
Mais, il faut reconnaître que dans de certains départements, le dispositif actuel des CTE ne mobilise pas suffisamment les petites exploitations. Cette situation ne correspond pas aux priorités de la loi et je m'engage à ce qu'elle soit corrigée. J'envisage pour cela, d'une part de faciliter l'accès des petits exploitants au dispositif CTE, d'autre part de mettre en place une mesure spécifique pour leur accorder une meilleure rémunération.
Pour l'accès au CTE des petites et moyennes exploitations, la démarche collective sur un territoire me semble être la formule à privilégier. Elle permet de définir un cadre adapté, et offre la possibilité d'une animation et d'un accompagnement particulier, notamment avec l'organisation de formations collectives dont peuvent profiter ces exploitants.
Le CTE installation progressive doit aussi conforter les plus petites exploitations. Il a été mis en place, notamment en s'appuyant sur vos propositions, pour les jeunes agriculteurs qui s'installent sur des exploitations dont la taille ne permet pas l'accès aux aides à l'installation. Ce dispositif est maintenant opérationnel, utilisez le au mieux des attentes de vos adhérents.
J'ai demandé aux services déconcentrés de mon ministère, qui ont en charge la gestion des crédits d'animation destinés aux porteurs de projets collectifs, de veiller à ce que l'affectation de ces crédits soit destinée prioritairement vers les projets favorisant l'accès aux petites exploitations. Dans ce sens, j'engage les réseaux de développement qui partagent vos préoccupations à se mobiliser en contribuant à l'émergence et à la construction de tels projets collectifs. Et j'ai décidé d'encourager et de soutenir ce regroupement entre sept organisations, dénommé INPACT (Initiative pour une agriculture citoyenne et territoriale), qui ont décidé de présenter à l'ANDA un programme pluriannuel de développement agricole.
Dans le dispositif de financement des CTE, des mécanismes ont été institués pour donner clairement la priorité aux plus petites exploitations : le plafonnement des aides à l'investissement (100 000 F par exploitation) et la dégressivité des aides agro-environnementales en fonction de la surface. Pour éviter qu'ils ne soient détournés au profit des plus grandes exploitations ces mécanismes de plafonnement et de dégressivité des aides CTE devront être précisés et renforcés.
Le cadre actuel des CTE, quand les surfaces sont limitées, se révèle souvent dans l'impossibilité de bien valoriser les projets des agriculteurs. C'est pourquoi, j'ai décidé de mettre en place une mesure spécifique de soutien en faveur des plus petites exploitations.
Elle sera mise en uvre pour soutenir l'emploi, rémunérer les services non marchands qu'elles apportent au maintien du tissu social en zone rurale, et valorisera la multifonctionalité de ces petites exploitations. Quand les autres mesures disponibles dans la " boite à outil " CTE se révéleront insuffisantes pour assurer un soutien minimum, cette mesure constituera une discrimination positive en faveur des plus petites exploitations (celles qui ont moins de 300000 F de chiffre d'affaires et moins de 80000 F d'aide de la PAC).
Cette mesure, qui répond aux objectifs du deuxième pilier de la PAC, devra trouver sa place dans le dispositif communautaire du développement rural. Il sera alors possible de la généraliser sur l'ensemble de notre territoire. Mais sans attendre sa généralisation, qui implique sa validation par la Commission européenne en 2002, j'ai décidé de lancer dès maintenant une préfiguration de cette mesure pour un millier d'exploitations.
Cette expérimentation doit trouver sa place au sein de projets collectifs de territoires, existants ou nouveaux. Elle vise à définir plus précisément les contours de la mesure, la façon de l'introduire dans un contrat CTE et préciser son montant, qui pourra aller jusqu'à 15000 F par exploitation et par an. Elle permettra aussi de vérifier si les seuils de définition des petites exploitations sont pertinents et s'il faut éventuellement les faire évoluer.
Une quinzaine de projets collectifs seront sélectionnés sur des territoires diversifiés afin d'en tirer les meilleurs enseignements pour la construction finale de cette mesure. Pour conduire cette action, j'ai demandé qu'une dotation de 50 MF soit réservée sur les crédits du FFCTE (Fonds de financement des CTE ).
La qualité des partenariats mis en place à l'occasion de ces projets collectifs est quelque chose d'essentiel. Je compte, là encore sur votre réseau, pour participer à la promotion de synergies entre les CTE et les initiatives de développement local de nos territoires.
3 - Les questions d'actualité
ESB / Abattage sélectif du troupeau
La protection du consommateur est mon souci prioritaire et ma ligne de conduite dans la prise de décision. En moins d'un an, des progrès déterminants ont été réalisés pour améliorer la sécurité des aliments avec l'interdiction des farines de viande et d'os dans l'alimentation animale et avec le retrait en abattoir de tous les matériaux à risque spécifié.
Cette maladie, l'ESB est encore très mal connue. Le gouvernement a saisi l'AFSSA (Agence française de sécurité des aliments) qui vient de rendre un avis. Cet avis n'est pas aussi simple que certains veulent bien le dire. Nous prendrons notre décision après l'avoir étudié de manière approfondie en concertation avec les ministères concernés, mais aussi les professionnels et bien entendu les consommateurs. Notre décision ne saurait en tout état de cause se traduire par une diminution du niveau de protection de la santé publique. Elle doit à mon avis être simple, compréhensible par tous et facile à contrôler sur le terrain.
Je connais votre engagement pour l'abattage sélectif. Je le connais bien puisqu'il est ancien : vous avez été les premiers à plaider en ce sens et vous n'avez pas changé d'avis. Je veux vous dire ma volonté d'aller dans ce sens, dès que possible. L'avis de l'AFSSA représente reconnaissons le une sorte de contre temps. Je vous assure que nous n'en prendrons pas prétexte pour retarder inutilement une décision.
Le Gaucho
Que les choses soient claires, à chaque fois que j'aurais la preuve qu'une substance est dangereuse pour la santé humaine ou animale je l'interdirai. Si j'ai suspendu l'autorisation du gaucho c'est bien dans ce sens. Il en est de même pour l'atrazine, pour laquelle j'ai amorcé le même processus. Simplement la France est un Etat de droit et je dois respecter les avis pour prendre des décisions, m'appuyer sur des dossiers incontestables pour éviter que les décisions, qui ne manqueront pas d'être attaquées juridiquement par les industriels ne soient remises en cause par un tribunal.
OGM / principe de précaution
Sur les OGM, nous restons prudents. Les risques éventuels doivent faire l'objet d'une évaluation approfondie, c'est l'objet des essais de plein champ. Empêcher les essais, c'est se priver d'un outil de recherche indispensable. J'estime que ces essais qui font l'objet d'une procédure d'autorisation stricte, mais aussi d'une surveillance et d'un contrôle permanent des pouvoirs publics doivent être poursuivis. Je réprouve les actes de destruction qui ont été commis. J'espère effectivement qu'ils appartiennent au passé.
J'ai aussi le souci de la transparence. La liste des essais pour l'année 2001 vient d'être mise en ligne sur le site Internet du ministère, et nous réfléchissons avec François PATRIAT (qui est chargé au sein du gouvernement de la coordination sur le dossier des OGM) et Dominique VOYNET à la façon de mieux informer voire consulter le public sur les dossiers qui sont soumis aux experts de la CGB (commission du génie biomoléculaire). Plus généralement, nous pourrions prendre des initiatives pour favoriser le débat " citoyen " sur les OGM. Je pense que nous serons en mesure de présenter un dispositif dans les semaines qui viennent.
Et puisque je parle de transparence, je vais oser évoquer un point de désaccord entre nous : d'accord pour la transparence, condition de la démocratie ; mais pas d'accord sur les destructions militantes. Le droit est le droit, et, pour tout vous dire je n'aime pas beaucoup quand on empêche les chercheurs de chercher y compris pour prouver les dangers des OGM.
La nouvelle directive adoptée par le Parlement européen en février 2001 a apporté des améliorations sensibles notamment en matière de transparence et d'accès au public.
Pour autant, les conditions pour une reprise des autorisations commerciales d'OGM ne sont pas réunies. Il manque notamment le règlement européen -que le gouvernement appelle de ses vux depuis longtemps- sur la traçabilité et l'étiquetage qui me semble indispensable pour garantir une bonne information tout au long de la chaîne, à la fois pour les opérateurs et les consommateurs.
Nous attendons également des propositions de la Commission en matière de responsabilité environnementale. C'est un volet essentiel pour assurer une sécurité juridique tant des sociétés réalisant des essais que des agriculteurs disséminant volontairement ou non des OGM.
4 - Quelle politique agricole voulons-nous pour l'Europe ?
Nous avons, les uns et les autres fait un constat simple au cours des derniers mois : les crises rendent incontournable un débat sur l'évolution de la PAC. Mais ce débat s'inscrit dans un mouvement à la fois plus lent et plus profond, engagé au travers des réformes que nous devons poursuivre dans les années à venir.
C'est dans cette double perspective, celle de l'urgence que nous dictent les crises, et celle du long terme, que nous devons nous situer. Il nous faut répondre aux attentes de nos concitoyens, satisfaire à nos responsabilités à l'égard des agriculteurs et préparer en même temps les évolutions auxquelles nous devrons faire face dans les années qui viennent, l'élargissement de l'Europe et la reprise de la négociation à l'OMC.
Mais au-delà, ces crises ont remis au premier plan les attentes des consommateurs et des citoyens pour un nouveau contrat entre l'agriculture et la société.
Changer en profondeur le contrat, c'est passer du "produire plus" au "produire mieux". Notre agriculture est compétitive. Elle doit le rester. Je ne confonds pas productivité et productivisme : la productivité est une condition incontestable de la viabilité économique, le productivisme c'est cette course folle à la productivité à n'importe quel prix et, très exactement, au prix des coûts sociaux insupportables. Cette efficacité de l'agriculture française ne peut plus être construite ici et là sur des coûts sanitaires et environnementaux que la société ne peut accepter.
Dès lors que l'objectif est clair, la question est celle du rythme de l'évolution.
Nous aurions pu aller plus vite. C'est d'ailleurs ce que la France avait souhaité à Berlin. Mais, ces évolutions se négocient à 15 : il ne serait pas raisonnable de laisser croire que nous pouvons convaincre sans mal tous nos partenaires du bien fondé de notre approche. Pour une partie des Etats membres, les bénéfices de la PAC comptent moins que le coût qui en résulte. C'est une réalité avec laquelle il faut composer.
Si nous remettons tout sur la table aujourd'hui, nous ouvrons aussi une fenêtre aux Etats membres dont l'objectif affiché est de démanteler la PAC. Dans votre rapport, vous analysez d'ailleurs clairement cette fausse solution que vous qualifiez de " libéralisme vert ". Pour les grands équilibres et notamment pour le cadrage budgétaire et financier, tenons-nous en au calendrier qui a été convenu en 1999. Pour répondre à José Bové sur les quotas laitiers, vous avez peut-être vu que je l'avais applaudi. Je vous rappelle en 1984, élu politique, j'ai pris des tomates pour défendre la mise en place des quotas laitiers, je n'ai pas changé d'avis et vous pouvez compter sur moi sur ce dossier.
Il est cependant nécessaire d'avancer. On ne peut pas ignorer les crises de sécurité des aliments qui nous rappellent qu'il faut répondre à une demande très forte des consommateurs et des citoyens. La Commission fera des propositions pour la revue à mi-parcours de 2003. À ce stade, il n'est prévu qu'une série de rendez-vous techniques, sur le lait, les oléagineux ou l'examen des perspectives financières à la lumière du calendrier de l'élargissement. Nous pouvons compléter ce bilan à mi-parcours pour préparer les discussions de 2006 et décider, d'ores et déjà, de plusieurs inflexions importantes.
Trois directions sont complémentaires : renforcer la sécurité des consommateurs, rééquilibrer les soutiens, conforter le développement rural, le 2e pilier de la PAC.
La sécurité et la transparence : qu'il s'agisse des crises de sécurité des aliments ou du débat sur les OGM il est clair, désormais, que nous devons repenser les relations entre agriculteurs et consommateurs. Cette tâche doit conduire l'Europe à prendre toutes les mesures nécessaires pour harmoniser vers le haut les règles sanitaires, de façon à répondre à l'exigence prioritaire de protection de la santé de nos consommateurs. Ce n'est pas un sujet que nous découvrons aujourd'hui : en témoignent les efforts engagés depuis quelques temps, sur l'étiquetage, le livre blanc sur la sécurité des aliments, le projet de création d'une agence européenne de sécurité des aliments - c'était d'ailleurs l'une des priorités de la présidence française. Mais il faut aller plus loin, pour faire de la transparence, de la qualité et de la sécurité alimentaire, le troisième pilier de notre politique agricole commune. Et sur ces sujets, nous ne sommes pas contraints, autrement que sur le plan budgétaire, par les accords de Berlin.
Il faut relancer le débat sur la réorientation des soutiens de la PAC. Sans attendre, une mesure pourrait être prise par l'Europe pour donner un signal clair de sa volonté de donner plus de poids au développement rural. La France a adopté un mécanisme de modulation, conforme à ce que permettent les accords de Berlin, qui nous permet d'amorcer le redéploiement d'un système d'aide au produit vers des aides aux hommes dans leur territoire. Le Royaume-Uni et le Portugal ont fait de même. L'Allemagne y travaille. Généralisons le dispositif à l'échelle de l'Europe, ce sera un pas important dans la bonne direction et les agriculteurs français ont tout à y gagner : en tout premier lieu les petites et moyennes exploitations.
Cette volonté de réorientation des soutiens de la PAC devrait aussi pouvoir passer par la mise en uvre des mécanismes d'éco-conditionnalité des aides. Cette disposition est prévue par le règlement des accords de Berlin, elle doit constituer un outil au service de l'application de la réglementation environnementale. Je l'ai déjà mise en uvre pour l'installation systématique de compteurs en agriculture irriguée. Il est souhaitable d'en faire un levier au service de la réorientation de la politique agricole.
Je profite, pour dire un mot concernant la loi sur l'eau. Je suis surpris d'entendre que ce projet aurait conduit à des désaccords entre ministères et que j'aurai été au service d'un lobby agricole. Ce projet est à l'opposé d'un droit à polluer, dont pourraient s'acquitter les plus riches, il se fonde sur un principe d'effort et de responsabilisation des agriculteurs. L'augmentation des redevances concernera ceux dont les pratiques se traduisent par une gestion non maîtrisée de l'irrigation et des pollutions azotées. C'est pourquoi je suis sûr qu'elle aura un effet incitatif pour que les pollutions se réduisent, car l'objectif de la loi n'est pas de "récolter les fonds" c'est de faire évoluer les pratiques.
Conforter le développement rural : le 2e pilier de la PAC
Dans tous les pays, le développement rural est l'outil privilégié de réorientation des aides publiques à l'agriculture et de valorisation des bonnes pratiques respectueuses de l'environnement. Il permet, avec l'ICHN, un soutien essentiel et plafonné par exploitations aux agriculteurs des zones de montagne et des zones difficiles. Il permet avec les CTE d'accompagner les projets des agriculteurs répondant aux nouvelles attentes et la société.
Simplifions les procédures, confortons les projets collectifs, finalisons les priorités pour les petites et moyennes exploitations, c'est là un enjeu important pour les organismes de développement agricole.
Les prochaines échéances de l'élargissement et des négociations à l'OMC
L'élargissement est un défi majeur pour l'Europe. Si la discussion du volet agricole des accords d'adhésion butte ici et là sur des difficultés, nous devrons trouver des solutions. La discussion budgétaire est encore devant nous, elle ne sera pas facile. Et surtout, il est clair qu'il faudra être particulièrement vigilant sur certains thèmes, en particulier les sujets sanitaires, parce que personne n'acceptera que l'élargissement se traduise par une baisse du niveau de protection des consommateurs.
Enfin, nous avons devant nous une autre échéance importante à l'OMC. Je veux être très clair sur ce point. Je ne sais pas si nous serons en mesure de lancer un nouveau cycle à Doha. Je vous rassure, je ne suis pas monarchiste, je suis Républicain. Je combats comme vous pour la liberté, notamment de manifester et pour le multipartisme. Si Doha a été choisie c'est tout simplement parce que c'est le seul pays qui s'est proposé pour cette rencontre.
Nous devons faire tous les efforts pour relancer la discussion parce que nous avons besoin de plus de régulation internationale, et que c'est l'OMC qui sera le support de cette négociation. Moi, j'aime la mondialisation parce que ma culture politique c'est l'internationalisme ! Je combats la mondialisation libérale et je veux construire une mondialisation régulée avec des normes, des règles, des arbitrages.
Quoi qu'il en soit, nous avons d'ores et déjà commencé à préparer la négociation agricole et ce travail va se poursuivre. De ce point de vue, je voudrais insister sur deux sujets.
En réorientant la PAC, nous nous engageons dans une direction qui facilitera, je crois, la prochaine discussion. Je suis convaincu que les nouveaux outils que nous élaborerons à l'avenir, pour soutenir notre agriculture perturberont beaucoup moins les marchés mondiaux.
Pour Doha, le centre du débat n'est pas là. Le cycle, devra être celui de la solidarité entre le Nord et le Sud. C'est cela le véritable enjeu de la négociation de demain. L'Union européenne a adopté une initiative d'ouverture de son marché à tous les produits des pays les moins avancés, il faudra que nos grands partenaires emboîtent le pas. Traitement spécial et différencie, mise en uvre des engagements, aide au financement des coûts de la multifonctionnalité, sécurité des aliments et sécurité alimentaire, sur tous ces sujets les pays du Sud ont des demandes précises, il faudra leur répondre.
Un dernier point sur l'OMC en réponse aux remarques de José Bové : l'Europe n'a pas été condamnée par l'OMC parce qu'elle avait refusé l'importation de buf aux hormones mais parce qu'elle n'avait pas pu apporter la preuve scientifique du danger pour la santé humaine de ces produits dont certains sont reconnus cancérigènes. Les études ont été lancées, leurs conclusions permettront de justifier la position de l'Union Européenne. Je veux le redire l'OMC n'est pas contrairement à ce que vous dites, sous la coupe des USA.
CONCLUSION
Comme vous le constatez de très nombreux chantiers s'offrent à nous. Ils sont autant de défis pour construire une agriculture plus juste socialement, répondant mieux aux attentes de la société. Pour ma part je continuerai à être à l'écoute de vos propositions, notamment celles permettant de soutenir l'emploi pour avoir une agriculture durable et celles permettant de renforcer l'organisation des producteurs.
Je souhaite aux équipes dirigeantes de la Confédération paysanne, tant nationales que locales, que vous représentez ici mes meilleurs vux de réussite dans vos tâches. Je sais que vous continuerez à uvrer en faveur de l'agriculture et des agriculteurs de notre pays. Produire mieux, favoriser l'emploi, la qualité des produits dans le respect de l'environnement et la valorisation des territoires, tels sont les objectifs que nous partageons et que nous nous efforçons de promouvoir.
J'ai le sentiment que nous partageons les mêmes objectifs pour notre agriculture ; vous êtes dans votre rôle lorsque vous manifestez votre impatience et lorsque vous estimez que les dispositions gouvernementales mettent du temps à s'appliquer. J'avoue néanmoins avoir eu quelques difficultés à comprendre votre hostilité, parfois trop systématique, alors que je m'évertue, tant à Paris qu'à Bruxelles, à faire en sorte que les orientations stratégiques définies dans la loi d'orientation de 1999 soient partagées par le plus grand nombre.
Avec la reconnaissance du pluralisme et une forte intervention publique au service de nouvelles priorités, le Gouvernement a marqué par des actes concrets une véritable réorientation de notre politique agricole. Elle est dépendante des choix politiques, vous connaissez les miens, ceux du gouvernement. Mais comme tout ne se fait pas en un jour. Surtout quand il s'agit de remettre en cause 40 ans de politique agricole commune. Cela prendra du temps, mais il faudra de la volonté et de la mobilisation sur ce dossier. Il ne faut pas s'arrêter en chemin.
Je vous remercie


(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 juillet 2001)