Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil Supérieur du Notariat,
Monsieur le Député-Maire,
Madame et Messieurs les Parlementaires,
Madame et Messieurs les élus,
Monsieur le Premier Président et
Monsieur le Procureur général,
Mesdames et Messieurs,
J'ai eu, le 18 mai dernier, le plaisir de participer, en votre présence, à la réunion de la Chambre Départementale des Notaires du Finistère.
C'est avec le même plaisir que je m'adresse aujourd'hui à l'ensemble des Notaires de France.
Elue locale, et fière de l'être, je suis très sensible au thème de votre 97ème Congrès "Les collectivités locales - Le renouveau contractuel".
J'y suis également sensible dans la mesure où je crois, en tant que citoyenne, que toute démocratie moderne doit privilégier la contractualisation des relations sociales. Le contrat implique une plus grande responsabilisation de chacun des acteurs aussi bien dans les actes de la vie courante, que dans la vie sociale ou économique.
Mais, il convient d'assurer l'équilibre entre les contractants. Le contrat ne doit pas être un instrument d'asservissement du plus faible au plus fort. D'où la nécessité de conseils éclairés, et la possibilité qui doit être offerte à chacun de nos concitoyens d'y avoir accès. C'est à cette condition que l'on pourra effectivement et de manière générale parler du "renouveau contractuel". L'accès au droit, c'est-à-dire le droit au droit, est un principe fondamental de toute démocratie effective.
Le grand chantier de l'accès au droit qui s'ouvre après le dépôt du rapport de la Commission Bouchet est à mes yeux une priorité. Le notariat a, bien évidemment, sa place dans ce vaste débat qui s'engage.
Après avoir évoqué quelques réflexions sur le contrat et les collectivités locales (I), je m'exprimerais sur les sujets que vous avez abordés, Monsieur le Président, dans votre intervention et qui concernent plus particulièrement l'exercice de votre profession (II).
I- LE CONTRAT ET LES COLLECTIVITES LOCALES
Il existe deux contrées du droit, explorées de longue date, mais toujours en quête d'approfondissement dans lesquelles les notaires ont vacation à intervenir : les actes des collectivités territoriales et le domaine des aides économiques des régions, départements et communes.
En effet, il est important que le développement nécessaire de la décentralisation ne se traduise pas par une régression de l'Etat de droit sur le plan local. Il s'agit là d'une préoccupation d'autant plus forte à l'heure de la complexification et de la multiplication croissante des règles juridiques, financières et techniques.
Du fait de la décentralisation, le domaine d'intervention des collectivités territoriales s'est considérablement accru. Il en est ainsi de la gestion du domaine public. Les collectivités territoriales recourent de plus en plus souvent à des instruments de droit privé qui leur permettent d'associer des personnes de droit privé, tout en maintenant néanmoins dans ces actes ou ces contrats des clauses de droit public.
Pour l'élaboration de tels contrats, les collectivités territoriales doivent s'entourer le plus en amont possible, des conseils avisés de professionnels du droit qui doivent être également aptes à se repérer dans le foisonnement des aides économiques locales.
Tout en se réservant la responsabilité première en matière de conduite de la politique économique et sociale et de défense de l'emploi, l'Etat a aménagé à ses côtés, depuis la loi du 2 mars 1982, un rôle de plus en plus décisif au profit des collectivités locales.
Cette montée en puissance des acteurs locaux, devenus agents économiques à part entière, a eu lieu au sein d'un cadre législatif souvent obsolète.
L'élue locale que je suis ne peut que se réjouir de la fin d'un certain "jacobinisme juridique" et de la consécration de la dimension territoriale de la démocratie.
Mais en tant que Garde des Sceaux, je dois constater avec regret que trop souvent la plupart des collectivités territoriales n'ont pas la capacité d'expertise indispensable au rôle qu'elles entendent légitimement jouer.
J'en veux, pour exemple, le développement des aides aux entreprises qui n'avait donné lieu jusqu'aux années 90 qu'à un encadrement juridique assez faible. Or, aujourd'hui de nouvelles normes juridiques sont apparues. Il en est ainsi des très nombreuses normes communautaires. Pour illustrer mes propos, je citerai le principe d'interdiction générale des aides susceptibles de fausser la concurrence intracommunautaire posé à l'article 87 du Traité de la Communauté Européenne.
Si les difficultés récurrentes que rencontrent les instances communautaires - et notamment la Commission - dans l'exercice d'un contrôle effectif de ces aides facilitent parfois la gestion à court terme des collectivités locales, la sécurité juridique n'y trouve pas son compte, loin s'en faut.
Votre profession doit trouver tout naturellement sa place dans ce secteur concurrentiel du "marché du droit" ce qui m'amène à vous parler de
II - LA PROFESSION NOTARIALE ET DE SES EVOLUTIONS
La place essentielle de votre profession et son rôle déterminant au sein de notre société ne sont plus à démontrer.
Depuis longtemps, le notaire a fait la preuve, dans son exercice professionnel, de sa compétence au service de la société toute entière. Son conseil est recherché de même, bien sûr, que la sécurité juridique qu'il donne aux actes auxquels il confère l'authenticité. Il doit à ce titre être considéré comme un véritable artisan de la paix civile.
En effet, votre qualité d'officier public est fondamentale. C'est pour conférer l'authenticité aux actes et contrats et leur donner ainsi leur force probante particulière que vous exercez les prérogatives de puissance publique déléguées par l'Etat.
Cette délégation de puissance publique justifie la position défendue par la France dans la procédure engagée par la Commission européenne, que vous avez évoquée M. le Président relative à la compatibilité du maintien de la condition de nationalité pour l'accès à la profession de notaire, avec l'article 45 du Traité de l'Union.
Sur cette question, je vous confirme bien volontiers mon engagement en faveur du maintien de la réglementation existante. Je dois souligner à cet égard que, dans le prolongement des premiers échanges qui avaient déjà eu lieu avec la Commission, nous avons souhaité rappeler la spécificité et la force juridique attachées à l'authenticité.
Nous avons développé et approfondi cette approche dans les nouvelles observations récemment adressées à la Commission, après de fructueux échanges avec vous.
Ainsi, la Commission sera-t-elle en mesure d'apprécier, non seulement la conformité de votre statut aux règles régissant le marché intérieur, mais plus encore, l'intérêt qu'il y aurait, pour la constitution de l'espace juridique européen, que vous appelez de vos voeux, de consacrer "l'authenticité" au plan communautaire.
Si l'on veut donner toute son efficacité et toute son ampleur à "l'authenticité", et on voit bien les avantages qui s'y attachent, alors il faut bien admettre que celle-ci puise son essence même dans l'élément décisif, dérogatoire au droit commun, que constitue la délégation de puissance publique.
C'est parce que l'acte notarié procède de l'autorité publique, que le notaire peut conférer au contenu de l'acte qu'il dresse une foi publique, c'est-à-dire une force probante quasi-absolue.
C'est aussi parce que notre ordre institutionnel confère aux notaires une autorité publique qu'il s'avère juridiquement légitime de préserver la condition de nationalité.
Soutenir une position inverse constituerait l'expression d'une remise en cause de notre ordre juridique interne, et partant du statut d'officier public et ministériel.
Le Notariat est également une force de proposition.
C'est sa tradition, comme en attestent les 96 congrès passés, et celui qui s'ouvre aujourd'hui. Il a ainsi contribué, depuis de nombreuses années, à des réformes aussi importantes que celles du droit de la famille, des régimes matrimoniaux, des successions, ou encore du droit rural.
Votre profession, forte de ce bilan positif, apporte la démonstration de son dynamisme. Elle peut désormais aborder le nouveau millénaire avec confiance et relever les défis qui se présentent à elle, comme aux autres professions du droit.
A cet égard, l'intégration européenne constitue un enjeu majeur pour le notariat et les autres professions juridiques.
Perspective vaste et ambitieuse :
- Vaste, car le droit européen recouvre, et je m'en félicite, un nombre croissant de domaines intéressant la vie de nos concitoyens ;
- Ambitieuse, parce que la construction de l'espace judiciaire européen ne fait que s'engager.
Il n'est pas douteux toutefois que, sans attendre, les professions juridiques doivent préparer l'avenir.
D'ores et déjà, le praticien du droit doit s'adapter et se conformer aux modes de gestion empruntés à l'entreprise.
Il doit en outre anticiper les pratiques professionnelles induites par la diffusion des nouvelles technologies.
Votre profession a fait preuve en ce domaine de sa capacité d'initiative et ses travaux dans la perspective de l'acte authentique sur support électronique, l'ont démontrés.
Je ne doute pas de la capacité de votre profession à s'adapter à ces nouvelles exigences et à faire face, avec toute sa compétence et dans le respect des règles déontologiques, à ces nouveaux enjeux.
Le développement des échanges commerciaux dans l'Union Européenne conduit à la multiplication des litiges. Faciliter l'exécution d'un titre exécutoire hors du pays dans lequel il a été émis est devenue indispensable pour accompagner ce développement. C'est à cette condition que la mise en place de l'espace judiciaire européen pourra devenir une réalité.
A cet égard, il est clair que l'acte authentique doit pouvoir bénéficier partout en Europe, au même titre qu'une décision de justice, d'une autorité incontestée. Comme vous le savez l'Union Européenne oeuvre pour la réalisation de cet objectif.
Le Règlement CE n°44-2001 du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui entrera en vigueur le 1er mars 2002, s'inscrit dans cette perspective.
Il a pour objectif d'unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l'exécution rapide et simple des décisions émanant des Etats membres.
Cette simplification se traduit notamment par la reconnaissance de plein droit , sans procédure préalable, des décisions rendues et des actes authentiques dans les états membres, sous réserve de contestation.
De plus, il est prévu de donner force exécutoire de plein droit sur requête après un simple contrôle formel d'une juridiction, aux décisions et aux actes authentiques, le recours éventuellement formé a posteriori par l'une ou l'autre des parties n'empêchant pas la mise à exécution immédiate.
Le Conseil Européen a rappelé le 15 janvier 2001 qu'il souhaitait parvenir à terme, à la suppression de l'exequatur pour tous les domaines couverts par le règlement, dans la droite ligne du sommet de Tempere d'octobre 1999. Cette suppression profitera aux décisions de justice et aux actes authentiques.
Dans cette perspective, un travail est actuellement en cours au sein du Comité sur les questions de droit civil du Conseil de l'Union Européenne pour instituer un titre exécutoire européen qui permettrait l'exécution immédiate d'une décision rendue dans un Etat, sans aucune mesure intermédiaire, dans un autre Etat membre.
Il s'agira d'une procédure rapide et peu coûteuse inspirée du modèle de l'injonction de payer en cours dans de nombreux Etats. Elle s'appliquera aux créances de faible montant, matérialisées par un écrit et non sérieusement contestables. Les actes authentiques pourraient donc entrer dans le champs d'application de cet instrument communautaire.
Vous avez évoqué l'acte authentique en me demandant d'accompagner vos efforts pour promouvoir cet acte, qui pourra bientôt être établi sous forme électronique.
Mon soutien vous est pleinement acquis car je sais tous les efforts accomplis ces dernières années par votre profession pour assurer le développement des technologies de l'information et de la communication dans la sphère du droit, tout en veillant au respect de la sécurité juridique.
Le texte promulgué le 13 mars 2000, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique, a fait entrer le droit de la preuve et la signature dans le monde numérique.
Le premier décret d'application de la loi, qui précise, conformément aux prescriptions de la directive communautaire du 13 décembre 1999 sur les signatures électroniques, les conditions pour qu'une signature électronique bénéficie d'une présomption de fiabilité, est paru au Journal officiel du 31 mars 2001.
Il sera prochainement complété par des arrêtés qui préciseront notamment les modalités de certification des dispositifs de création de signature électronique et les procédures d'évaluation et de qualification des prestataires de services de certification électronique.
La certification électronique va donc pouvoir s'exercer dans un environnement juridique clair et précis, de nature à faciliter l'essor de cette activité.
Il reste désormais à franchir l'étape ultérieure de l'acte authentique électronique.
Mais chacun a conscience de la nécessité de veiller à ce que cette dématérialisation ne remette pas en cause les garanties d'authenticité dont l'acte est revêtu, qui en fondent la force probante toute particulière.
Adapter la formalisme de l'acte authentique pour le rendre compatible avec les évolutions technologiques, mais tout en préservant la conception traditionnelle de l'authenticité, à laquelle il ne faut en aucun cas porter atteinte, tel est le défi que nous devons relever.
A cette fin, a été constitué un groupe de travail associant, au sein de la Mission de recherche "Droit et Justice", des juristes, des techniciens et les représentants des professions intéressées avec au premier chef la votre.
Vous avez conclu, Monsieur le Président, en évoquant le passage à l'euro.
Permettez-moi de profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de saluer l'action exemplaire que vous avez menée à la tête du Conseil Supérieur du Notariat, en vue du passage anticipé à l'euro.
Permettez-moi également d'associer à ces félicitations tous les notaires de France, qui, dès le 1er juillet 2001, auront basculé la comptabilité de leurs offices en euro.
Votre profession a su saisir tout l'intérêt de ménager une transition sans heurt vers l'euro fiduciaire en anticipant son passage à l'euro scriptural. Il aurait été en effet hasardeux d'attendre le 31 décembre pour procéder en bloc au basculement d'innombrables écritures.
Je tiens donc à vous féliciter encore pour votre implication exemplaire.
Je sais pouvoir compter sur vous pour prolonger l'action gouvernementale à laquelle le Premier ministre vient de donner une nouvelle impulsion, afin que ce bouleversement important que constitue tout passage à une nouvelle monnaie, se déroule pour nos concitoyens dans les meilleures conditions.
Goûtons ensemble la chance d'avoir à mener à bien cette aventure porteuse des ambitions renouvelées de l'Europe.
Je vous souhaite, Monsieur le Président, ainsi qu'à l'ensemble de vos confrères, un excellent Congrès et de fructueux travaux.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 22 mai 2001)
Monsieur le Député-Maire,
Madame et Messieurs les Parlementaires,
Madame et Messieurs les élus,
Monsieur le Premier Président et
Monsieur le Procureur général,
Mesdames et Messieurs,
J'ai eu, le 18 mai dernier, le plaisir de participer, en votre présence, à la réunion de la Chambre Départementale des Notaires du Finistère.
C'est avec le même plaisir que je m'adresse aujourd'hui à l'ensemble des Notaires de France.
Elue locale, et fière de l'être, je suis très sensible au thème de votre 97ème Congrès "Les collectivités locales - Le renouveau contractuel".
J'y suis également sensible dans la mesure où je crois, en tant que citoyenne, que toute démocratie moderne doit privilégier la contractualisation des relations sociales. Le contrat implique une plus grande responsabilisation de chacun des acteurs aussi bien dans les actes de la vie courante, que dans la vie sociale ou économique.
Mais, il convient d'assurer l'équilibre entre les contractants. Le contrat ne doit pas être un instrument d'asservissement du plus faible au plus fort. D'où la nécessité de conseils éclairés, et la possibilité qui doit être offerte à chacun de nos concitoyens d'y avoir accès. C'est à cette condition que l'on pourra effectivement et de manière générale parler du "renouveau contractuel". L'accès au droit, c'est-à-dire le droit au droit, est un principe fondamental de toute démocratie effective.
Le grand chantier de l'accès au droit qui s'ouvre après le dépôt du rapport de la Commission Bouchet est à mes yeux une priorité. Le notariat a, bien évidemment, sa place dans ce vaste débat qui s'engage.
Après avoir évoqué quelques réflexions sur le contrat et les collectivités locales (I), je m'exprimerais sur les sujets que vous avez abordés, Monsieur le Président, dans votre intervention et qui concernent plus particulièrement l'exercice de votre profession (II).
I- LE CONTRAT ET LES COLLECTIVITES LOCALES
Il existe deux contrées du droit, explorées de longue date, mais toujours en quête d'approfondissement dans lesquelles les notaires ont vacation à intervenir : les actes des collectivités territoriales et le domaine des aides économiques des régions, départements et communes.
En effet, il est important que le développement nécessaire de la décentralisation ne se traduise pas par une régression de l'Etat de droit sur le plan local. Il s'agit là d'une préoccupation d'autant plus forte à l'heure de la complexification et de la multiplication croissante des règles juridiques, financières et techniques.
Du fait de la décentralisation, le domaine d'intervention des collectivités territoriales s'est considérablement accru. Il en est ainsi de la gestion du domaine public. Les collectivités territoriales recourent de plus en plus souvent à des instruments de droit privé qui leur permettent d'associer des personnes de droit privé, tout en maintenant néanmoins dans ces actes ou ces contrats des clauses de droit public.
Pour l'élaboration de tels contrats, les collectivités territoriales doivent s'entourer le plus en amont possible, des conseils avisés de professionnels du droit qui doivent être également aptes à se repérer dans le foisonnement des aides économiques locales.
Tout en se réservant la responsabilité première en matière de conduite de la politique économique et sociale et de défense de l'emploi, l'Etat a aménagé à ses côtés, depuis la loi du 2 mars 1982, un rôle de plus en plus décisif au profit des collectivités locales.
Cette montée en puissance des acteurs locaux, devenus agents économiques à part entière, a eu lieu au sein d'un cadre législatif souvent obsolète.
L'élue locale que je suis ne peut que se réjouir de la fin d'un certain "jacobinisme juridique" et de la consécration de la dimension territoriale de la démocratie.
Mais en tant que Garde des Sceaux, je dois constater avec regret que trop souvent la plupart des collectivités territoriales n'ont pas la capacité d'expertise indispensable au rôle qu'elles entendent légitimement jouer.
J'en veux, pour exemple, le développement des aides aux entreprises qui n'avait donné lieu jusqu'aux années 90 qu'à un encadrement juridique assez faible. Or, aujourd'hui de nouvelles normes juridiques sont apparues. Il en est ainsi des très nombreuses normes communautaires. Pour illustrer mes propos, je citerai le principe d'interdiction générale des aides susceptibles de fausser la concurrence intracommunautaire posé à l'article 87 du Traité de la Communauté Européenne.
Si les difficultés récurrentes que rencontrent les instances communautaires - et notamment la Commission - dans l'exercice d'un contrôle effectif de ces aides facilitent parfois la gestion à court terme des collectivités locales, la sécurité juridique n'y trouve pas son compte, loin s'en faut.
Votre profession doit trouver tout naturellement sa place dans ce secteur concurrentiel du "marché du droit" ce qui m'amène à vous parler de
II - LA PROFESSION NOTARIALE ET DE SES EVOLUTIONS
La place essentielle de votre profession et son rôle déterminant au sein de notre société ne sont plus à démontrer.
Depuis longtemps, le notaire a fait la preuve, dans son exercice professionnel, de sa compétence au service de la société toute entière. Son conseil est recherché de même, bien sûr, que la sécurité juridique qu'il donne aux actes auxquels il confère l'authenticité. Il doit à ce titre être considéré comme un véritable artisan de la paix civile.
En effet, votre qualité d'officier public est fondamentale. C'est pour conférer l'authenticité aux actes et contrats et leur donner ainsi leur force probante particulière que vous exercez les prérogatives de puissance publique déléguées par l'Etat.
Cette délégation de puissance publique justifie la position défendue par la France dans la procédure engagée par la Commission européenne, que vous avez évoquée M. le Président relative à la compatibilité du maintien de la condition de nationalité pour l'accès à la profession de notaire, avec l'article 45 du Traité de l'Union.
Sur cette question, je vous confirme bien volontiers mon engagement en faveur du maintien de la réglementation existante. Je dois souligner à cet égard que, dans le prolongement des premiers échanges qui avaient déjà eu lieu avec la Commission, nous avons souhaité rappeler la spécificité et la force juridique attachées à l'authenticité.
Nous avons développé et approfondi cette approche dans les nouvelles observations récemment adressées à la Commission, après de fructueux échanges avec vous.
Ainsi, la Commission sera-t-elle en mesure d'apprécier, non seulement la conformité de votre statut aux règles régissant le marché intérieur, mais plus encore, l'intérêt qu'il y aurait, pour la constitution de l'espace juridique européen, que vous appelez de vos voeux, de consacrer "l'authenticité" au plan communautaire.
Si l'on veut donner toute son efficacité et toute son ampleur à "l'authenticité", et on voit bien les avantages qui s'y attachent, alors il faut bien admettre que celle-ci puise son essence même dans l'élément décisif, dérogatoire au droit commun, que constitue la délégation de puissance publique.
C'est parce que l'acte notarié procède de l'autorité publique, que le notaire peut conférer au contenu de l'acte qu'il dresse une foi publique, c'est-à-dire une force probante quasi-absolue.
C'est aussi parce que notre ordre institutionnel confère aux notaires une autorité publique qu'il s'avère juridiquement légitime de préserver la condition de nationalité.
Soutenir une position inverse constituerait l'expression d'une remise en cause de notre ordre juridique interne, et partant du statut d'officier public et ministériel.
Le Notariat est également une force de proposition.
C'est sa tradition, comme en attestent les 96 congrès passés, et celui qui s'ouvre aujourd'hui. Il a ainsi contribué, depuis de nombreuses années, à des réformes aussi importantes que celles du droit de la famille, des régimes matrimoniaux, des successions, ou encore du droit rural.
Votre profession, forte de ce bilan positif, apporte la démonstration de son dynamisme. Elle peut désormais aborder le nouveau millénaire avec confiance et relever les défis qui se présentent à elle, comme aux autres professions du droit.
A cet égard, l'intégration européenne constitue un enjeu majeur pour le notariat et les autres professions juridiques.
Perspective vaste et ambitieuse :
- Vaste, car le droit européen recouvre, et je m'en félicite, un nombre croissant de domaines intéressant la vie de nos concitoyens ;
- Ambitieuse, parce que la construction de l'espace judiciaire européen ne fait que s'engager.
Il n'est pas douteux toutefois que, sans attendre, les professions juridiques doivent préparer l'avenir.
D'ores et déjà, le praticien du droit doit s'adapter et se conformer aux modes de gestion empruntés à l'entreprise.
Il doit en outre anticiper les pratiques professionnelles induites par la diffusion des nouvelles technologies.
Votre profession a fait preuve en ce domaine de sa capacité d'initiative et ses travaux dans la perspective de l'acte authentique sur support électronique, l'ont démontrés.
Je ne doute pas de la capacité de votre profession à s'adapter à ces nouvelles exigences et à faire face, avec toute sa compétence et dans le respect des règles déontologiques, à ces nouveaux enjeux.
Le développement des échanges commerciaux dans l'Union Européenne conduit à la multiplication des litiges. Faciliter l'exécution d'un titre exécutoire hors du pays dans lequel il a été émis est devenue indispensable pour accompagner ce développement. C'est à cette condition que la mise en place de l'espace judiciaire européen pourra devenir une réalité.
A cet égard, il est clair que l'acte authentique doit pouvoir bénéficier partout en Europe, au même titre qu'une décision de justice, d'une autorité incontestée. Comme vous le savez l'Union Européenne oeuvre pour la réalisation de cet objectif.
Le Règlement CE n°44-2001 du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui entrera en vigueur le 1er mars 2002, s'inscrit dans cette perspective.
Il a pour objectif d'unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l'exécution rapide et simple des décisions émanant des Etats membres.
Cette simplification se traduit notamment par la reconnaissance de plein droit , sans procédure préalable, des décisions rendues et des actes authentiques dans les états membres, sous réserve de contestation.
De plus, il est prévu de donner force exécutoire de plein droit sur requête après un simple contrôle formel d'une juridiction, aux décisions et aux actes authentiques, le recours éventuellement formé a posteriori par l'une ou l'autre des parties n'empêchant pas la mise à exécution immédiate.
Le Conseil Européen a rappelé le 15 janvier 2001 qu'il souhaitait parvenir à terme, à la suppression de l'exequatur pour tous les domaines couverts par le règlement, dans la droite ligne du sommet de Tempere d'octobre 1999. Cette suppression profitera aux décisions de justice et aux actes authentiques.
Dans cette perspective, un travail est actuellement en cours au sein du Comité sur les questions de droit civil du Conseil de l'Union Européenne pour instituer un titre exécutoire européen qui permettrait l'exécution immédiate d'une décision rendue dans un Etat, sans aucune mesure intermédiaire, dans un autre Etat membre.
Il s'agira d'une procédure rapide et peu coûteuse inspirée du modèle de l'injonction de payer en cours dans de nombreux Etats. Elle s'appliquera aux créances de faible montant, matérialisées par un écrit et non sérieusement contestables. Les actes authentiques pourraient donc entrer dans le champs d'application de cet instrument communautaire.
Vous avez évoqué l'acte authentique en me demandant d'accompagner vos efforts pour promouvoir cet acte, qui pourra bientôt être établi sous forme électronique.
Mon soutien vous est pleinement acquis car je sais tous les efforts accomplis ces dernières années par votre profession pour assurer le développement des technologies de l'information et de la communication dans la sphère du droit, tout en veillant au respect de la sécurité juridique.
Le texte promulgué le 13 mars 2000, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique, a fait entrer le droit de la preuve et la signature dans le monde numérique.
Le premier décret d'application de la loi, qui précise, conformément aux prescriptions de la directive communautaire du 13 décembre 1999 sur les signatures électroniques, les conditions pour qu'une signature électronique bénéficie d'une présomption de fiabilité, est paru au Journal officiel du 31 mars 2001.
Il sera prochainement complété par des arrêtés qui préciseront notamment les modalités de certification des dispositifs de création de signature électronique et les procédures d'évaluation et de qualification des prestataires de services de certification électronique.
La certification électronique va donc pouvoir s'exercer dans un environnement juridique clair et précis, de nature à faciliter l'essor de cette activité.
Il reste désormais à franchir l'étape ultérieure de l'acte authentique électronique.
Mais chacun a conscience de la nécessité de veiller à ce que cette dématérialisation ne remette pas en cause les garanties d'authenticité dont l'acte est revêtu, qui en fondent la force probante toute particulière.
Adapter la formalisme de l'acte authentique pour le rendre compatible avec les évolutions technologiques, mais tout en préservant la conception traditionnelle de l'authenticité, à laquelle il ne faut en aucun cas porter atteinte, tel est le défi que nous devons relever.
A cette fin, a été constitué un groupe de travail associant, au sein de la Mission de recherche "Droit et Justice", des juristes, des techniciens et les représentants des professions intéressées avec au premier chef la votre.
Vous avez conclu, Monsieur le Président, en évoquant le passage à l'euro.
Permettez-moi de profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de saluer l'action exemplaire que vous avez menée à la tête du Conseil Supérieur du Notariat, en vue du passage anticipé à l'euro.
Permettez-moi également d'associer à ces félicitations tous les notaires de France, qui, dès le 1er juillet 2001, auront basculé la comptabilité de leurs offices en euro.
Votre profession a su saisir tout l'intérêt de ménager une transition sans heurt vers l'euro fiduciaire en anticipant son passage à l'euro scriptural. Il aurait été en effet hasardeux d'attendre le 31 décembre pour procéder en bloc au basculement d'innombrables écritures.
Je tiens donc à vous féliciter encore pour votre implication exemplaire.
Je sais pouvoir compter sur vous pour prolonger l'action gouvernementale à laquelle le Premier ministre vient de donner une nouvelle impulsion, afin que ce bouleversement important que constitue tout passage à une nouvelle monnaie, se déroule pour nos concitoyens dans les meilleures conditions.
Goûtons ensemble la chance d'avoir à mener à bien cette aventure porteuse des ambitions renouvelées de l'Europe.
Je vous souhaite, Monsieur le Président, ainsi qu'à l'ensemble de vos confrères, un excellent Congrès et de fructueux travaux.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 22 mai 2001)