Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur le développement de l'intercommunalité dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, Aix-les-Bains le 1er octobre 2009.

Prononcé le 1er octobre 2009

Intervenant(s) : 
  • Michel Mercier - Ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Circonstance : 20ème convention de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), à Aix-les-Bains le 1er octobre 2009

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Daniel DELAVEAU,
Monsieur le Président de la Communauté d'agglomération de Chambéry métropole, cher Louis BESSON,
Mesdames et Messieurs les Maires et président de communautés,
Chers amis,

C'est bien sûr avec joie que je participe, pour la première fois en tant que Ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire à votre convention.
Votre assemblée m'est familière. Nous faisons route ensemble depuis de longues années. Ayant été maire pendant 25 ans de la commune de Thizy dans le Rhône, qui appartient à la Communauté de Communes du Pays d'Amplepuis Thizy depuis plus de 15 ans, je connais les compétences essentielles et les lourdes responsabilités qu'exercent les maires et présidents de communauté, dans la mise en oeuvre des politiques publiques.
Je sais aussi que les communautés, à côté de la région et de l'Etat, jouent un rôle important en matière d'aménagement du territoire.
Je sais la richesse et la vitalité de votre assemblée. Je tiens à ce titre à saluer Daniel DELAVEAU, qui vient de prendre la présidence de l'AdCF, à la suite de Marc CENSI, et qui met tout son engagement et toute sa détermination pour continuer à animer votre assemblée dans un esprit d'ouverture.
Nous sommes en 2009. C'est une année particulière pour votre convention.
D'abord parce que vous célébrez les 20 ans de votre association. Depuis 1989, vous avez préparé et accompagné les grandes lois sur l'intercommunalité. Des 50 districts fondateurs, vous êtes aujourd'hui plus de 1000 communautés membres. L'Assemblée Des Communautés de France est à l'avant-garde du mouvement intercommunal.
Ensuite parce que votre convention se tient au moment où le gouvernement s'apprête à engager une réforme majeure pour les collectivités locales en général et l'intercommunalité en particulier. Alain Marleix, vous présentera demain les aspects institutionnels de la réforme, je voudrais pour ma part souligner en quoi celle-ci constitue un atout pour le devenir et le développement des communautés.
* Je crois depuis longtemps en l'intérêt de communautés constituées volontairement, dans le respect de l'identité de chacun, et ceci pour fédérer les énergies et réaliser ensemble des projets qui sont utiles à tous.
L'intercommunalité est le gage d'un développement plus équilibré des territoires, en même temps qu'un ferment de renouveau pour notre démocratie.
On constate depuis 15 ans une progression sensible de la couverture du territoire
Depuis de nombreuses années, l'Etat a favorisé le développement de la coopération intercommunale :
Pour faire face à l'émiettement communal si caractéristique de la France aux 36 700 communes.
Pour assurer un meilleur service public
Pour conduire des politiques publiques de proximité efficaces et pertinentes
Le succès a été au rendez-vous : aujourd'hui 93% des communes et 90% de la population appartiennent à une intercommunalité à fiscalité propre.
Et de fait, fortes de ces nouvelles prérogatives, les communautés sont devenues de véritables acteurs de l'aménagement du territoire.
La constitution en communautés a traduit la volonté des élus, des acteurs publics et des habitants de travailler ensemble pour relever les grands défis auxquels sont confrontés nos territoires : l'accompagnement local des mutations économiques, les grands enjeux écologiques, la planification de l'urbanisme, le logement, l'organisation des transports urbains, etc.
En matière de développement économique, les communes ont besoin de s'associer pour porter des projets structurants pour leur territoire, elles ne peuvent plus le faire seules.
Je prends l'exemple de SAVOIE HEXAPOLE, que vous connaissez bien ici à Aix-les-Bains. C'est un éco-parc industriel et tertiaire emblématique sur le plan régional et européen qui favorise la croissance des entreprises, la création d'emplois et la production de richesses sur le territoire.
Je prends cet exemple, mais j'aurais également pu vous parler de la maison des entreprises ou du contrat de rivière sur ma communauté de communes, ou bien encore des maisons de santé pluridisciplinaires en milieu rural mises en place grâce à la volonté de communautés de communes.
A chaque fois, l'objectif est le même ! L'intercommunalité a globalement permis de faire mieux et moins cher, ensemble plutôt que séparément, en portant des projets pour les territoires sur des périmètres pertinents et rationnels.
Cependant la carte intercommunale reste à achever et à rationaliser.
C'est d'abord à la question de la pertinence des périmètres des EPCI existants, tant en milieu urbain que rural que je fais référence.
Pour ne parler que du secteur rural, je ne vois pas bien ce que peut faire une intercommunalité de trois communes rassemblant au total moins de 1000 habitants ! Pourtant cela existe
C'est aussi toute la question des compétences attribuées et des moyens. Un certain nombre de communautés ont des compétences mal définies ou peu de moyens d'actions, qui ne leur permettent pas de développer des projets de territoires.
Il faut chercher à atteindre un niveau de compétence qui permet à l'action d'être la plus efficace.
* Nous devons aller plus loin en renforçant la convergence des politiques publiques et la légitimité démocratique des intercommunalités
Les citoyens trouvent notre organisation territoriale compliquée, ils souhaitent qu'elle soit plus lisible
Peu leur importe qui exerce telle ou telle compétence. Ce qu'ils souhaitent, c'est une organisation territoriale claire, et un même service rendu de façon équitable sur l'ensemble du territoire, sans que cela leur coûte plus cher.
L'action des territoires se trouve parfois ralentie, voire empêchée, par des complexités. Certaines sont liées à la multiplicité des intervenants et des procédures sur un même dossier. Dans ce domaine, tout ce qui peut être simplifié doit l'être.
La recherche d'une clarification dans la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités est donc nécessaire. La réforme prévoit sur chaque sujet un chef de file et un seul pour éviter les lourdeurs de l'action locale. Elle laisse aux régions et départements une capacité d'initiative locale pour aider les communes et les intercommunalités, y compris lorsqu'elles ne sont pas maîtres d'ouvrage.
Nous devons aller plus loin et renforcer la coordination et la convergence des politiques publiques, entre les collectivités et l'Etat, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes
L'objectif, c'est d'améliorer la cohérence d'action : la clarification des compétences jouera son rôle en la matière.
Nous proposerons donc :
de parvenir à l'achèvement de la carte de l'intercommunalité fin 2013
La France n'est pas encore totalement couverte d'intercommunalités : c'est une premi??re étape à franchir, avec des EPCI aux périmètres pertinents, et d'une densité ou d'une taille suffisante, en termes de population, d'assise territoriale, de compétences attribuées ou d'intégration fiscale, pour que cela ait du sens.
L'Etat doit assumer pleinement sa responsabilité et ne pas laisser se créer des intercommunalités « croupion ou de complaisance » ou laisser se créer des intercommunalités reprenant les strictes limites des cantons.
La détermination de bons périmètres est fondamentale. Elle a un impact fort sur les documents de planifications (SCOT, PLU, carte intercommunale...). Nous avons besoin d'une meilleure planification, plus contraignante et plus soucieuse de la préservation des ressources. La loi Grenelle II améliorera la situation en renforçant notamment le rôle des SCOT.
D'une manière plus générale, je suis particulièrement attentif à la bonne articulation entre la réforme territoriale et le Grenelle II dans le sens d'une utilisation économe, mais intelligente et équilibrée des espaces.
Tirons les leçons du passé, ne laissons plus se créer des intercommunalités trop faibles. La France a besoin de structures intercommunales adaptées et de lutter contre la fracture territoriale.
de réduire le nombre des communes
Le développement de l'intercommunalité a été une première réponse à l'émiettement communal. Mais il faut aller plus loin en permettant aux communes qui le désirent de devenir des collectivités de taille suffisante pour leur permettre de faire face aux enjeux et aux responsabilités qui sont les leurs.
de créer les métropoles
Les métropoles sont le moteur de la performance économique. Leur compétitivité conditionne l'existence même des politiques nationales de redistribution et de cohésion territoriale.
Les métropoles ont vocation à être les fers de lance de la croissance, des lieux de prospérité et de progrès, des lieux de partage et de cohésion sociale, des lieux de citoyenneté et de solidarité, des lieux de création, d'innovation et de rayonnement international.
Nous avons donc besoin d'un outil pour gérer de façon encore plus performante des territoires urbains très denses. La réforme prévoit de créer des métropoles sous forme d'EPCI disposant de moyens d'action étendus, capable de rayonner à l'échelle européenne et mondiale. Alors bien sûr, il ne s'agit pas de couvrir la France de métropoles. Je considère que ce statut devra être réservé à un nombre restreint de très grands pôles urbains capables de se mesurer avec leurs homologues européens. La question, pour moi, n'est pas tant démographique que fonctionnelle. Celle qui fait que Lyon entraîne l'ensemble du département du Rhône et- au-delà. C'est là un atout que nous devons valoriser.
Enfin, nous devons aller plus loin sur la question de la légitimité démocratique des intercommunalités par l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires
La plupart des groupements exercent aujourd'hui des compétences très larges en lieu et place des communes, il était donc normal que leurs organes délibérants procèdent du suffrage universel direct, et ceux en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux.
Cette élection s'effectuera par fléchage et par scrutin de listes pour les communes de plus de 500 habitants, les élus seront désignés au prorata des voix, dans l'ordre de présentation de la liste. (Pour les plus petites, inférieures à 500 hab, les élus resteront désignés par les conseils municipaux).
?* Au-delà de la réforme des collectivités territoriales, je n'oublie pas la question de la réforme de la taxe professionnelle et le rôle de l'Etat qui ont fait l'objet de vos débats

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
J'ai été attentif à vos débats durant vos forum et j'ai pris connaissance de vos 40 propositions. Comme vous pouvez le constater, la plupart d'entre elles sont prévues ou sont permises par la réforme, qu'il s'agisse d'achever la carte communale, d'approfondir l'intercommunalité, de définir des chefs de file et de mieux répartir les compétences, nous sommes en phase.
Pour les autres questions, je suis prêt à travailler avec vous, en liaison avec mes collègues ministre de l'Intérieur et des Finances, à les analyser et voir comment nous pouvons trouver ensemble des solutions.
Sur la réforme de la taxe professionnelle
Cet impôt longtemps décrié, par toutes les majorités, dont tout le monde voulait la suppression, parce qu'il freine la compétitivité de nos entreprises et donc de nos territoires, va enfin disparaître pour sa partie investissement. Le principe de sa compensation globale et individuelle pour les collectivités locales est acquis, comme l'exige le principe constitutionnel de l'autonomie financière et comme l'a rappelé le Président de la République.
C'est au Parlement qu'il reviendra de fixer, lors des débats budgétaires, les modalités de cette compensation, pour chaque niveau de collectivité territoriale.
Mais j'entends vos demandes, vos inquiétudes sur le changement d'assiette de la fiscalité économique locale, sur les choix d'affectation des ressources entre niveaux de collectivité, sur le lien entre entreprises et territoires.
C'est pourquoi, sans remettre en cause les principes de la réforme, nous devons réfléchir à des ajustements. Je suis attentif et j'ai pris note des conclusions du forum fiscalité qui s'est déroulé cet après-midi.
Sur ce sujet, je peux vous assurer que je me ferai le relais de vos messages, et au final c'est le Parlement décidera.
Sur l'organisation de l'Etat et ses rapports avec les collectivités
Les modes d'intervention de l'Etat ont considérablement évolué ces dernières années, à la faveur de la décentralisation et de l'affirmation des collectivités territoriales, mais il demeure le garant de l'équité et du développement équilibré des territoires.
Nous avons besoin d'un Etat capable de rendre lisible la politique de l'aménagement du territoire et de faciliter la convergence des politiques publiques.
Nous avons besoin d'un Etat capable de soutenir sur l'ensemble du territoire une politique d'innovation. Je pense aux pôles de compétitivité, mais aussi aux pôles d'excellence rurale, dont une nouvelle vague sera lancée prochainement. Je pense aussi aux prochaines Assises des territoires ruraux, qui doivent permettre à l'ensemble des acteurs ruraux d'exprimer leur vision prospective et leurs attentes.
En définitive, nous avons besoin d'un Etat qui tienne pleinement son rôle de stratège et de garant de l'intérêt général ; nous avons besoin d'un Etat qui sache convaincre et entraîner les collectivités territoriales pour porter des politiques de long terme au service de nos concitoyens.
Vous pouvez compter sur moi pour m'y employer à vos côtés.
Je vous remercie.

Source http://www.intercommunalites.com, le 7 octobre 2009