Déclaration de M. Gérard Larcher, président du Sénat, sur le bilan de l'année parlementaire, au Sénat le 22 décembre 2009.

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Madame le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, mes chers collègues,
Après le temps de la révision constitutionnelle, après celui de la réforme de notre Règlement, après celui des premières expériences de mise en oeuvre, nous sommes entrés, depuis quelques mois, dans une époque nouvelle pour le Parlement.
Commençons par le positif.
La place du Sénat s'est renforcée dans le nouveau contexte institutionnel. Notre impact sur le texte relatif à l'hôpital a retenu l'attention. Il en a été de même pour la réforme pénitentiaire, la proposition de loi sénatoriale concernant la fracture numérique, ainsi que les projets de loi sur La Poste, le financement de la Sécurité sociale, ou le projet de loi de finances.
La réécriture du dispositif relatif à la taxe professionnelle a été un exemple de ce que peut apporter le travail législatif au travail gouvernemental.
Ces travaux ont mis en lumière une « expertise sénatoriale », c'est-à-dire votre expertise d'élus au contact permanent des réalités et des élus de nos territoires.
Je retiendrai quand même quelques chiffres pour illustrer l'année parlementaire qui s'achève. Je citerai ces chiffres, car ils donnent matière à réfléchir autant à ceux qui ont soutenu la réforme constitutionnelle de juillet 2008 qu'à ceux qui ne la pensaient utile.
* En 2009, nous avons siégé 41 semaines(35 en 2008), 151 jours (115 en 2008), 1 200 heures (820 en 2008)), soit 46,7 % de plus qu'en 2008. Nous avons siégé la nuit, près de 30 % plus souvent que l'année dernière.
Nous avons ainsi examiné en séance publique quelque 9 800 amendements (contre 6 900 en 2008). Ces chiffres montrent à ceux qui en doutaient que la séance publique a fait plus que conserver son rôle.
Et l'opposition y a occupé une place importante. Les statistiques le montrent.
* Conséquence de la réforme constitutionnelle aussi : dans le même temps, l'intensité de notre travail en commission s'est accrue. Nos commissions ont examiné quelque 4 400 amendements et, malgré ce travail législatif accru, les travaux de contrôle, d'évaluation et d'initiative sénatoriale de nos commissions ont été poursuivis et augmentés.
Cela a été le cas dans le cadre de nos missions d'information communes, sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, sur la politique en faveur des jeunes ou sur la situation des départements d'Outre-mer.
Cela a aussi été le cas du travail de nos commissions permanentes au service de l'initiative sénatoriale. Nos six commissions permanentes - renforcées par notre refus collectif de céder à la tentation d'en disperser les moyens en en augmentant le nombre - ont consacré un temps accru à la finalisation des propositions de loi et de résolutions.
Ce travail a nourri les semaines d'initiative sénatoriale, dont le Sénat a décidé de jouer le jeu.
Nos commissions permanentes et notre commission des affaires européennes ont, par ailleurs, continué d'affirmer leur expertise dans le domaine de l'évaluation et du contrôle, qui sont (cher Christian Poncelet) devenues leur « seconde nature ».
C'est ainsi que les travaux de contrôle ont nourri des débats d'initiative sénatoriale de qualité : sur les collectivités territoriales, les suites de résolutions européennes, l'avenir de la presse, la numérisation du livre, la crise financière, la situation en Afghanistan.
Tout ceci c'est le résultat d'un travail intense amplifié par l'impact de deux sessions extraordinaires en juillet et en septembre.
Travail intense ? Excessif penseront certains !
Nos réunions de commissions se sont allongées dans le temps, étalées dans la semaine, et elles se poursuivent désormais, parfois, la nuit. Nos Délégations et groupes de travail n'ont en rien diminué leur activité.
Nous avons siégé, sans discontinuer, à l'exception d'un jour, du 2 au 27 novembre, y compris les samedis et dimanches.
Nos groupes politiques - conséquence directe de la réforme constitutionnelle et de la réforme de notre Règlement - ont conforté leur rôle et se sont organisés pour faire face à un tel flot de travail.
Tout ceci, par ses excès, a une conséquence : la fatigue, une certaine insatisfaction et, parfois une certaine irritabilité de la représentation nationale, tous groupes confondus.
Tout ceci a une cause : en diminuant le temps législatif du Gouvernement et en augmentant d'autant les temps de contrôle, d'initiative - et d'opposition - du Parlement, la réforme constitutionnelle de juillet 2008 comporte des exigences nouvelles.
* Il faudra que le Gouvernement se persuade que la « procédure accélérée » constitue un apparent remède dans l'immédiat, mais inapproprié à cette situation nouvelle. Cette procédure porte atteinte à la qualité de la loi et à la sérénité du pouvoir législatif et, au fond, elle est contradictoire de l'esprit de la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Le Premier ministre a eu la clairvoyance d'y renoncer pour la réforme des collectivités territoriales. C'est bien.
* Il faudra une meilleure lisibilité et une meilleure prévisibilité du programme législatif du gouvernement.
* Il faudra un plus grand réalisme dans l'évaluation du temps prévu pour l'examen des textes législatifs. Il faudra aller vers une plus grande compacité des projets de loi.
* Il faudra revenir à des temps de travail plus réalistes pour les parlementaires, dont le mandat s'exerce aussi dans nos territoires.
Il y va de la qualité et de la clarté de la loi. Il y va aussi de la sérénité des débats au Parlement, qui constituent l'expression première de notre démocratie.
Nous nous sommes, pour notre part, efforcés de faire face à cette situation par la réforme de notre Règlement. Cette réforme, nous avons fait le choix de la vouloir aussi consensuelle que possible et attentive aux droits de tous les groupes politiques.
Nous avons fait le choix de ne pas retenir l'option du temps global, car nous avons - collectivement - préféré miser sur la confiance mutuelle et une certaine conception du droit d'amendement ainsi que du droit individuel d'expression en séance publique.
Il reste que la question de la dynamisation et de la compacité de nos séances reste posée.
Il faudra continuer à réfléchir aux moyens de rendre à nos séances un plus grand intérêt et une plus grande lisibilité pour nos concitoyens.
Le rôle d'un Parlement ne se mesure pas au nombre, à la longueur et à la répétition des mêmes interventions en séance publique. Il ne se mesure pas à la conséquence qui résulte : l'augmentation du nombre des séances de nuit, si souvent peu compréhensibles et parfois très critiquées dans l'opinion..., et usantes pour tous quand elles sont à répétition.
Nous avons tracé des voies. Il nous faudra les approfondir.
Les solutions que nous avons explorées pour dynamiser nos séances, telles que les questions cribles thématiques ou les débats fondés sur des questions-réponses sont, je crois, des expériences dont il faudra élargir le principe.
L'une des caractéristiques fortes que nous avons voulue ensemble, pour cette maison, est celle d'une gouvernance politique collégiale.
* C'est au nom de ce principe que chacun des 8 Vice-présidents et moi-même assurons, selon un ordre établi à l'avance, sans considération d'opportunité politique supposé, dans le respect et la confiance mutuelle - la présidence de nos séances publiques, et nous avons besoin là des Secrétaires.
Dans ce contexte de confiance républicaine, les pouvoirs de présidence de la séance appartiennent au seul Président de séance, sans que ce dernier ne dépende d'une tutelle. C'est l'une des bases de notre « vouloir vivre ensemble » sénatorial.
* C'est au nom du principe de collégialité que nous avons renforcé le rôle de la Conférence des Présidents et du Bureau du Sénat, qui sont vraiment devenus nos instances politiques communes de décision.
* Je voudrais saluer l'action décisive d'une autre de nos instances collectives, le Conseil de Questure.
Le rôle du Conseil de Questure a été déterminant dans la mise en oeuvre et dans l'exécution des objectifs que nous avons décidés ensemble depuis novembre 2008 : le recentrage de toutes nos activités sur les missions que nous attribue la Constitution et elles seules ; la transparence, l'optimisation et le contrôle interne, avec la Commission de vérification des comptes, de notre budget stabilisé au niveau de 2008 pour les 3 exercices 2009, 2010 2011 ; l'optimisation de nos moyens humains - mais aussi immobiliers et matériels - à l'évolution de nos missions. Tout cela, il fallait le faire car nous en sommes responsables devant nos concitoyens...
* C'est dans cet esprit collectif, aussi, que nous avons voulu intensifier notre politique de communication. Nous placerons cette ambition au service, et sous le contrôle, du pluralisme de notre assemblée. Nous allons la soumettre au principe de l'équité de traitement entre les travaux de chacun d'entre nous et de chacune de nos instances collectives de travail, au premier rang duquel nos commissions et, bien sûr, nos groupes politiques.
Je voudrais souligner la mise en place de deux structures nouvelles, car elles me semblent porteuses pour l'avenir de nos travaux, et parce qu'elles soulignent deux expertises particulières du Sénat. La Délégation à la prospective et la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Vous me permettrez d'ajouter un mot sur deux initiatives que nous avons prises ensemble, au Bureau, et qui illustrent une certaine conception de la vie publique qui est celle du Sénat.
* En concertation avec l'Assemblée nationale, notre Bureau a adopt??, au mois d'octobre 2009, un dispositif d'encadrement de l'action des groupes d'intérêt. Cette volonté de transparence était nécessaire. Elle ne constitue qu'un début.
* Notre Bureau a aussi décidé la création d'un Comité de déontologie parlementaire. Cette création n'est pas seulement un symbole. Ce besoin d'éthique est un signal et une ambition.
Avant de nous quitter pour un repos, plus mérité que jamais, à la veille d'une année nouvelle, - que je souhaite très heureuse pour chacun d'entre vous - je voudrais saluer, en notre nom à tous, tous ceux qui ont travaillé à nos côtés tout au long de cette année de travail intense et de changements profonds.
Ce travail, ces changements et ces rodages ont beaucoup sollicité les fonctionnaires du Sénat ainsi que nos collaborateurs. L'adaptation à un contexte institutionnel nouveau a, autant que les nôtres, modifié leurs conditions de travail dans des proportions qui, pour certains d'entre eux, ont parfois été aux limites de ce qu'il est physiquement et psychologiquement supportable. J'en suis conscient. Je voudrais leur dire que cela n'a échappé à aucun d'entre nous. Je leur exprime notre gratitude et notre estime.
Je voudrais aussi remercier nos partenaires de Public Sénat, ainsi que les professionnels de la presse écrite et audiovisuelle qui ont suivi avec constance nos travaux tout au long de cette année de changement.
Ils ont rendu compte de ce que - dans nos diversités et avec nos convictions - nous avons essayé de faire pour que le Sénat joue pleinement son rôle.
Très sincèrement, bonne année à tous !
Source http://www.senat.fr, le 28 décembre 2009