Texte intégral
BRUNO DUVIC Des jurés en correctionnelle comme dans les cours dassises. Des citoyens ordinaires vont donc participer à la justice dans ces tribunaux correctionnels, le texte passe ce matin en Conseil des ministres. Quel est le sens de cette réforme ?
MICHEL MERCIER Le sens est simple. Les Français demandent de plus en plus de justice, sont de plus en plus exigeants vis-à-vis de la justice, ce texte vise à les faire participer à loeuvre même de justice. Cest une chose de demander, dexiger, une autre que de participer. On va avoir à peu près, chaque année, pas tout à fait 50 000 affaires, qui seront jugées par des formations, soit cour dassises, soit tribunal correctionnel, où il y aura des citoyens accesseurs.
BRUNO DUVIC Est-ce que derrière il y a lidée que les jugements rendus sont plus sévères et est-ce que vous le souhaitez ?
MICHEL MERCIER Je crois que si on avait cette idée, on se tromperait forcément. Il suffit de regarder notre histoire pénale. En 1932, je crois, on a rétabli, dans le délibéré de la cour dassises, la présence des magistrats professionnels, parce que jusquà cette date-là il ny avait que les jurés populaires, qui étaient beaucoup plus cléments, il y avait à peu près 40% dacquittements. Et aujourdhui, je lai toujours dit depuis que je suis en fonction, les magistrats ne sont pas laxistes, ils condamnent en fonction de la loi qui est votée par le Parlement.
BRUNO DUVIC Lidée du projet de loi ce nest pas de mettre des citoyens sévères à côté de magistrats présumés laxistes ?
MICHEL MERCIER Pas du tout. Si on présente laffaire comme ça cest loupé, cest dabord et avant tout un acte civique. Ça va être la grande occasion, pour les citoyens, de participer à lexercice dun service public essentiel, qui est celui de la justice.
BRUNO DUVIC Précisions sur les modalités de cette réforme. Les jurés seront présents en première instance et en appel, deux jurés et trois magistrats professionnels, pour juger les atteintes aux personnes, pas les affaires financières par exemple, ça représente, ça, 40 000 délits par an, environ.
MICHEL MERCIER A peu près 40 000, oui.
BRUNO DUVIC Alors, entrée en vigueur progressive à partir du début de lannée prochaine. Cest bon, jai tout bon, jai bien résumé ?
MICHEL MERCIER Ça va très bien, jusquà maintenant.
BRUNO DUVIC Alors, il va falloir former ces jurés, ça demande du temps, ça demande des moyens. Parmi ceux qui sont réticents face à ce projet, il y a lUMP. LUMP, Jean-Paul GARRAUD, il dit « au lieu de juger 40 affaires par jour on en jugera 2. » Votre réponse, monsieur le ministre, sachant que les tribunaux sont déjà engorgés.
MICHEL MERCIER Oui, alors 40 cest peut-être un peu beaucoup, et 2 pas tout à fait assez, et quil faut chercher probablement la vertu entre ces deux extrêmes.
BRUNO DUVIC En tout cas il y aura un vrai ralentissement de lexercice de la justice.
MICHEL MERCIER Non non ce qui est vrai, cest que cette réforme nécessite des moyens, je ne vais pas dire le contraire. Cest vrai que lorsquil y aura des accesseurs citoyens aux côtés des magistrats professionnels, il faudra plus de temps, et on organise même différemment le procès correctionnel, même si on garde la procédure correctionnelle. Par exemple, au début de laudience le président ou un conseiller rapporteur fera un court rapport expliquant laffaire et dans quel état elle se présente.
BRUNO DUVIC Alors les moyens, disiez-vous, quest-ce quon dégage comme moyens ?
MICHEL MERCIER Dabord le Premier ministre a accepté de créer des postes de magistrats et de greffiers pour cette réforme. Sans cela elle naurait pas pu avoir lieu. Les réformes ont un coût. Faire que la justice soit proche des citoyens cest un objectif, je crois, de haute valeur politique, qui nécessite un certain nombre de moyens.
BRUNO DUVIC Donc il y aura des postes pour appliquer cette réforme ?
MICHEL MERCIER Bien sûr, de magistrats et de greffiers.
BRUNO DUVIC On reviendra en détail sur la question des moyens, si ce nest dici à 8H30, en tout cas au-delà. Alors toujours sur cette présence de jurés dans les tribunaux correctionnels. Dans un tribunal correctionnel, il y a le prononcé la culpabilité, oui ou non, ça cest simple, et puis après il y a la détermination et lapplication de la peine. Et là cest plus technique, il y a des règles de droit, le droit est contraignant, on ne peut pas faire nimporte quoi. A ce moment-là, les professionnels reprennent la main et les jurés populaires sont écartés, ce qui viderait un peu le texte de sa substance ?
MICHEL MERCIER Pas du tout. Dabord on va procéder comme pour les assises. Les assises, tous les incidents de procédure, ce qui est de la stricte procédure, du droit, de la technique du procès, ce sont les magistrats professionnels seuls qui lassurent. Ce sera la même chose pour les tribunaux correctionnels composés avec des jurés citoyens. Donc pas de changement, mais les jurés citoyens vont opiner, participer au délibéré, pourront poser des questions au cours de laudience, et ils seront de véritables juges.
BRUNO DUVIC Entrée en vigueur progressive, on la dit tout à lheure, à partir de janvier prochain. Quelques mois plus tard, ça ne vous a pas échappé, il y a une élection présidentielle. Est-ce quon peut imaginer que si cette réforme ne donne pas satisfaction, après tout pourquoi pas, on labandonne ?
MICHEL MERCIER Moi je suis sûr que cette réforme est attendue par les Français. Il marrive, comme à tout homme politique, de sortir, daller dehors, je suis élu depuis longtemps, jai une longue vie électorale, la seule chose dont me parlent les Français quand ils me parlent de justice, cest de cette réforme-là. Je pense quils sont profondément attachés à cette réforme, même si, cest un peu du sentiment, il faut quils en voient la technicité, mais je crois quils sont attachés à cette réforme.
BRUNO DUVIC Donc vous nous dites ce matin sur FRANCE INTER quelle est gravée dans le marbre, parce que, encore une fois, ce sera très progressif, et donc quand arrivera lélection présidentielle, on sera loin dune application dans toute la France.
MICHEL MERCIER Si on a choisi la progressivité, cest aussi parce quon veut faire les choses très sérieusement, regarder comment cela va se passer. On va choisir deux cours dappel, dans un premier temps, de taille différente, avec des problématiques différentes de criminalité, dans ces cours dappel, et puis on regardera comment les choses se passent. Et très naturellement il y aura un moment où on aura un rendez-vous sur le bilan de lexpérimentation.
BRUNO DUVIC Alors, dans ce même texte, présenté ce matin en Conseil des ministres, il y a deux autres réformes. Dabord une justice plus ferme pour les mineurs, on crée des tribunaux correctionnels pour le 16-18 ans récidivistes. Quest-ce que vous attendez de cela, quest-ce que ça apporte en plus ?
MICHEL MERCIER Je crois, si vous voulez, que depuis longtemps dans la République, il existe un droit pénal des mineurs
BRUNO DUVIC Depuis lOrdonnance de 45.
MICHEL MERCIER Bien avant. Je vous lai amenée, parce quon parle toujours de lOrdonnance de 1945, la première loi qui a posé les principes de ce droit pénal des mineurs cest celle du 16 avril 1906, donc cest très ancien, et on a toujours gardé les mêmes principes constitutionnels, mais il y a toujours une gradation dans la façon dont les mineurs sont traités. Lexcuse de minorité, comme on dit en droit, elle a un effet plus fort quand
BRUNO DUVIC Quand on a 13 ans.
MICHEL MERCIER Quand on a 10 ans, que quand on en a 18. On ne change pas la majorité pénale, mais très naturellement on a un changement des délinquants mineurs. Et quand on voit, en 1945 par exemple, tout le monde travaillait à 14 ans, aujourdhui cest tout autre chose. Hier jétais à Meyzieu, dans un établissement pour mineurs, où une jeune éducatrice, remarquable, a été prise en otage par un mineur multirécidiviste qui la couchée par terre, tenue avec un tesson de lampe pendant plusieurs heures, on voit bien quon na pas affaire partout à des mineurs qui ne sont pas de durs délinquants, donc ce tribunal nest pas un tribunal correctionnel de droit commun. Cest un tribunal correctionnel spécialement composé, où il y aura au moins un juge pour enfants, et on appliquera la procédure de lOrdonnance de 1945, ce qui est donc tout à fait conforme à la décision du Conseil Constitutionnel de 2002, qui a posé les principes constitutionnels dans ce domaine-là.
BRUNO DUVIC Est-ce que ça signifie que petit à petit, au fil de réformes mois après mois, on va détricoter la justice des mineurs ? Parce que ça cest le sujet qui fait hurler, que ce soit les magistrats professionnels ou tous ceux qui participent de près ou de loin à cette justice.
MICHEL MERCIER Pas du tout. Je répète que lOrdonnance de 1945, que lon présente toujours comme quelque chose qui est intangible, ça doit être la 32ème ou 33ème modification. On adapte la loi toujours, on garde les principes. Ces principes ils sont depuis 1906 dans notre droit républicain, il nest pas question dy toucher, mais on les adapte, parce que les mineurs délinquants changent.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 19 avril 2011
MICHEL MERCIER Le sens est simple. Les Français demandent de plus en plus de justice, sont de plus en plus exigeants vis-à-vis de la justice, ce texte vise à les faire participer à loeuvre même de justice. Cest une chose de demander, dexiger, une autre que de participer. On va avoir à peu près, chaque année, pas tout à fait 50 000 affaires, qui seront jugées par des formations, soit cour dassises, soit tribunal correctionnel, où il y aura des citoyens accesseurs.
BRUNO DUVIC Est-ce que derrière il y a lidée que les jugements rendus sont plus sévères et est-ce que vous le souhaitez ?
MICHEL MERCIER Je crois que si on avait cette idée, on se tromperait forcément. Il suffit de regarder notre histoire pénale. En 1932, je crois, on a rétabli, dans le délibéré de la cour dassises, la présence des magistrats professionnels, parce que jusquà cette date-là il ny avait que les jurés populaires, qui étaient beaucoup plus cléments, il y avait à peu près 40% dacquittements. Et aujourdhui, je lai toujours dit depuis que je suis en fonction, les magistrats ne sont pas laxistes, ils condamnent en fonction de la loi qui est votée par le Parlement.
BRUNO DUVIC Lidée du projet de loi ce nest pas de mettre des citoyens sévères à côté de magistrats présumés laxistes ?
MICHEL MERCIER Pas du tout. Si on présente laffaire comme ça cest loupé, cest dabord et avant tout un acte civique. Ça va être la grande occasion, pour les citoyens, de participer à lexercice dun service public essentiel, qui est celui de la justice.
BRUNO DUVIC Précisions sur les modalités de cette réforme. Les jurés seront présents en première instance et en appel, deux jurés et trois magistrats professionnels, pour juger les atteintes aux personnes, pas les affaires financières par exemple, ça représente, ça, 40 000 délits par an, environ.
MICHEL MERCIER A peu près 40 000, oui.
BRUNO DUVIC Alors, entrée en vigueur progressive à partir du début de lannée prochaine. Cest bon, jai tout bon, jai bien résumé ?
MICHEL MERCIER Ça va très bien, jusquà maintenant.
BRUNO DUVIC Alors, il va falloir former ces jurés, ça demande du temps, ça demande des moyens. Parmi ceux qui sont réticents face à ce projet, il y a lUMP. LUMP, Jean-Paul GARRAUD, il dit « au lieu de juger 40 affaires par jour on en jugera 2. » Votre réponse, monsieur le ministre, sachant que les tribunaux sont déjà engorgés.
MICHEL MERCIER Oui, alors 40 cest peut-être un peu beaucoup, et 2 pas tout à fait assez, et quil faut chercher probablement la vertu entre ces deux extrêmes.
BRUNO DUVIC En tout cas il y aura un vrai ralentissement de lexercice de la justice.
MICHEL MERCIER Non non ce qui est vrai, cest que cette réforme nécessite des moyens, je ne vais pas dire le contraire. Cest vrai que lorsquil y aura des accesseurs citoyens aux côtés des magistrats professionnels, il faudra plus de temps, et on organise même différemment le procès correctionnel, même si on garde la procédure correctionnelle. Par exemple, au début de laudience le président ou un conseiller rapporteur fera un court rapport expliquant laffaire et dans quel état elle se présente.
BRUNO DUVIC Alors les moyens, disiez-vous, quest-ce quon dégage comme moyens ?
MICHEL MERCIER Dabord le Premier ministre a accepté de créer des postes de magistrats et de greffiers pour cette réforme. Sans cela elle naurait pas pu avoir lieu. Les réformes ont un coût. Faire que la justice soit proche des citoyens cest un objectif, je crois, de haute valeur politique, qui nécessite un certain nombre de moyens.
BRUNO DUVIC Donc il y aura des postes pour appliquer cette réforme ?
MICHEL MERCIER Bien sûr, de magistrats et de greffiers.
BRUNO DUVIC On reviendra en détail sur la question des moyens, si ce nest dici à 8H30, en tout cas au-delà. Alors toujours sur cette présence de jurés dans les tribunaux correctionnels. Dans un tribunal correctionnel, il y a le prononcé la culpabilité, oui ou non, ça cest simple, et puis après il y a la détermination et lapplication de la peine. Et là cest plus technique, il y a des règles de droit, le droit est contraignant, on ne peut pas faire nimporte quoi. A ce moment-là, les professionnels reprennent la main et les jurés populaires sont écartés, ce qui viderait un peu le texte de sa substance ?
MICHEL MERCIER Pas du tout. Dabord on va procéder comme pour les assises. Les assises, tous les incidents de procédure, ce qui est de la stricte procédure, du droit, de la technique du procès, ce sont les magistrats professionnels seuls qui lassurent. Ce sera la même chose pour les tribunaux correctionnels composés avec des jurés citoyens. Donc pas de changement, mais les jurés citoyens vont opiner, participer au délibéré, pourront poser des questions au cours de laudience, et ils seront de véritables juges.
BRUNO DUVIC Entrée en vigueur progressive, on la dit tout à lheure, à partir de janvier prochain. Quelques mois plus tard, ça ne vous a pas échappé, il y a une élection présidentielle. Est-ce quon peut imaginer que si cette réforme ne donne pas satisfaction, après tout pourquoi pas, on labandonne ?
MICHEL MERCIER Moi je suis sûr que cette réforme est attendue par les Français. Il marrive, comme à tout homme politique, de sortir, daller dehors, je suis élu depuis longtemps, jai une longue vie électorale, la seule chose dont me parlent les Français quand ils me parlent de justice, cest de cette réforme-là. Je pense quils sont profondément attachés à cette réforme, même si, cest un peu du sentiment, il faut quils en voient la technicité, mais je crois quils sont attachés à cette réforme.
BRUNO DUVIC Donc vous nous dites ce matin sur FRANCE INTER quelle est gravée dans le marbre, parce que, encore une fois, ce sera très progressif, et donc quand arrivera lélection présidentielle, on sera loin dune application dans toute la France.
MICHEL MERCIER Si on a choisi la progressivité, cest aussi parce quon veut faire les choses très sérieusement, regarder comment cela va se passer. On va choisir deux cours dappel, dans un premier temps, de taille différente, avec des problématiques différentes de criminalité, dans ces cours dappel, et puis on regardera comment les choses se passent. Et très naturellement il y aura un moment où on aura un rendez-vous sur le bilan de lexpérimentation.
BRUNO DUVIC Alors, dans ce même texte, présenté ce matin en Conseil des ministres, il y a deux autres réformes. Dabord une justice plus ferme pour les mineurs, on crée des tribunaux correctionnels pour le 16-18 ans récidivistes. Quest-ce que vous attendez de cela, quest-ce que ça apporte en plus ?
MICHEL MERCIER Je crois, si vous voulez, que depuis longtemps dans la République, il existe un droit pénal des mineurs
BRUNO DUVIC Depuis lOrdonnance de 45.
MICHEL MERCIER Bien avant. Je vous lai amenée, parce quon parle toujours de lOrdonnance de 1945, la première loi qui a posé les principes de ce droit pénal des mineurs cest celle du 16 avril 1906, donc cest très ancien, et on a toujours gardé les mêmes principes constitutionnels, mais il y a toujours une gradation dans la façon dont les mineurs sont traités. Lexcuse de minorité, comme on dit en droit, elle a un effet plus fort quand
BRUNO DUVIC Quand on a 13 ans.
MICHEL MERCIER Quand on a 10 ans, que quand on en a 18. On ne change pas la majorité pénale, mais très naturellement on a un changement des délinquants mineurs. Et quand on voit, en 1945 par exemple, tout le monde travaillait à 14 ans, aujourdhui cest tout autre chose. Hier jétais à Meyzieu, dans un établissement pour mineurs, où une jeune éducatrice, remarquable, a été prise en otage par un mineur multirécidiviste qui la couchée par terre, tenue avec un tesson de lampe pendant plusieurs heures, on voit bien quon na pas affaire partout à des mineurs qui ne sont pas de durs délinquants, donc ce tribunal nest pas un tribunal correctionnel de droit commun. Cest un tribunal correctionnel spécialement composé, où il y aura au moins un juge pour enfants, et on appliquera la procédure de lOrdonnance de 1945, ce qui est donc tout à fait conforme à la décision du Conseil Constitutionnel de 2002, qui a posé les principes constitutionnels dans ce domaine-là.
BRUNO DUVIC Est-ce que ça signifie que petit à petit, au fil de réformes mois après mois, on va détricoter la justice des mineurs ? Parce que ça cest le sujet qui fait hurler, que ce soit les magistrats professionnels ou tous ceux qui participent de près ou de loin à cette justice.
MICHEL MERCIER Pas du tout. Je répète que lOrdonnance de 1945, que lon présente toujours comme quelque chose qui est intangible, ça doit être la 32ème ou 33ème modification. On adapte la loi toujours, on garde les principes. Ces principes ils sont depuis 1906 dans notre droit républicain, il nest pas question dy toucher, mais on les adapte, parce que les mineurs délinquants changent.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 19 avril 2011