Interview de M. Michel Mercier, ministre de la justice et des libertés, à RTL le 21 juin 2011, sur le projet de loi instaurant notamment la présence de jurés dans les tribunaux correctionnels et réformant la justice des mineurs.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

EAN-MICHEL APHATIE Bonjour Michel MERCIER.
 
MICHEL MERCIER Bonjour.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Après les sénateurs le mois dernier, les députés examinent à partir d’aujourd'hui, et en urgence, s’il vous plait, le projet de loi réformant la justice des mineurs : comparution immédiate rendue désormais possible, placement des mineurs en centres éducatifs fermés, plus fréquent, Tribunal correctionnel spécifique pour les plus de 16 ans. Quelle est l’utilité de tous ces changements, selon vous, Michel MERCIER ?
 
MICHEL MERCIER Oh, je crois qu’il s’agit pour nous d’adapter la justice des mineurs, en respectant les principes constitutionnels qui la fondent, au monde d’aujourd'hui. Il existe déjà, vous l’avez oublié dans votre liste, il existe depuis très longtemps une Cour d’assises des mineurs, il est donc nécessaire d’avoir une palette de réponses pénales pour les mineurs, ils ne sont pas tous pareils. On est mineur à 10 ans, on l’est encore à 18 ans et on a choisi très clairement de rester dans le cadre de la minorité jusqu’à 18 ans, parce que des accords internationaux ont été signés et puis parce que c'est la réalité, mais la réponse ne peut pas être la même pour tous les mineurs.
 
JEAN-MICHEL APHATIE « C'est la justice des mineurs que l’on assassine », c'est une tribune dans LIBERATION ce matin, tous les professionnels de ce monde-là, de la délinquance des mineurs, jugent que votre projet de loi, en rapprochant la justice des mineurs de celle des majeurs, fait disparaître ce qui est la spécificité de la justice des mineurs, c'est-à-dire la volonté de prévention, l’écoute, la compréhension des gestes de ces jeunes garçons, filles, 13 ans, 14 ans, qui commettent des actes de délinquance. Qu’est-ce que vous leur répondez ?
 
MICHEL MERCIER Je pense d’ailleurs que ce que vous… si la tribune contient ce que vous venez de dire, c'est évidemment faux. C’est évidemment faux, parce que l’Ordonnance de 1945 est plus avant la loi de 1912 qui a été la première relative à la justice des mineurs, à fonder un certain nombre de principes que le Conseil constitutionnel a repris. Pour les mineurs, il y a une excuse légale de minorité, dont la puissance, en quelque sorte, va s’atténuant quand on se rapproche de la majorité. Mais…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Mais vous constatez…
 
MICHEL MERCIER Laissez-moi terminer !
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous constatez que trouble de ceux qui connaissent la justice des mineurs. Vous le constatez ?
 
MICHEL MERCIER Mais, écoutez, vous me posez des questions, je réponds. Si vous ne voulez pas écouter la réponse, c'est votre affaire, mais les auditeurs le veulent peut-être. Donc, après, le deuxième principe constitutionnel, c'est qu’il y a un tribunal spécialement constitué. Le Tribunal correctionnel pour mineurs, qui l’ont créé, il est spécialement constitué, ce n'est pas un Tribunal correctionnel de droit commun, et troisièmement, il y a une procédure, spéciale, et la procédure spéciale c'est celle du Tribunal pour enfants et c'est celle qui est respectée par ce tribunal. Donc, on respecte, dans la loi, tous les principes constitutionnels…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous constatez…
 
MICHEL MERCIER … tirés de l’Ordonnance de 1945 et bien entendu on garde le principe de base qui est…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Attendez…
 
MICHEL MERCIER … mesures éducatives qui peuvent être liées à des sanctions.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Michel MERCIER, la question ne correspondait pas tout à fait à la réponse, donc je vais reprendre la question…
 
MICHEL MERCIER Non, mais…
 
JEAN-MICHEL APHATIE On peut, ou pas ?
 
MICHEL MERCIER On n’est pas venu pour lire le journal.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Non, on n'est pas venu pour lire le journal. Les spécialistes de la justice des mineurs disent que vous… « Dans l’indifférence générale, le gouvernement s’apprête à faire voter en procédure accélérée, la création d’un tribunal correctionnel des mineurs, exit la spécialisation de la justice des mineurs ». Ils ont raison ou ils ont tort ?
 
MICHEL MERCIER Ils ont tort. Ils ont tort, parce que ce tribunal comprendra au moins un juge pour enfants.
 
JEAN-MICHEL APHATIE C'est la fameuse Ordonnance de 1945 qui régie la justice des mineurs ?
 
MICHEL MERCIER C'est l’Ordonnance de 1945 qui a été révisée 33 fois.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et 12 fois depuis 2002, c'est la 13ème fois actuellement, et aucune des dispositions, des changements effectués depuis dix ans, n’a été évaluée législativement. Ça sert à quoi de changer sans arrêt si on n’évalue jamais ce que l’on fait, Michel MERCIER, vous qui avez été très longtemps sénateur, j’imagine que vous avez une réponse à cette question.
 
MICHEL MERCIER Ah, mais je pense, si vous voulez, qu’une des critiques qui peut être faite et reçue, c'est que trop souvent on doit répondre rapidement. Il est bien évident que cette ordonnance de 1945, il faut en garder les principes constitutionnels qui la composent, tel que le Conseil constitutionnel les a rappelés en 2002 et en 2011, mais que le texte même de 1945, quand on le reprend, les sénateurs que j’aime beaucoup, me parlaient toutes les 32 secondes de l’Ordonnance de 1945. Donc je l’ai reprise et à la fin je répondais qu’avec le texte de 1945, pour montrer qu’on était dans une parfaite continuité. Il y a une nécessité de reprendre l’ensemble de nos textes juridiques. On a besoin d’un code de justice pour les mineurs, qui garde les principes, mais qui adapte les choses en fonction de ce qui a été fait.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Aucune disposition législative depuis dix ans n’a été évaluée dans ces effets. Est-ce que c'est normal, Michel MERCIER ?
 
MICHEL MERCIER Je crois que l’évaluation se fait plus que vous le dites. Actuellement, trois rapports d’inspection qui sont en cours, sur les centres éducatifs fermés, sur les établissements pour mineurs, justement pour vérifier l’adéquation entre les décisions prises et la réalité. Par exemple, je crois que le législateur et le gouvernement, en tout cas celui-ci, ont voulu éviter l’incarcération sèche des mineurs en établissement pénitentiaire. On a fait baisser le nombre de mineurs incarcérés en prison, on ne le dit jamais, cela. C'est quand même la réalité, et on a choisi d’autres établissements dans lesquels il y a éducation et privation de liberté.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Le projet de loi que vous présentez tout à l'heure aux députés, Michel MERCIER, instaure également la présence de jurés dans les tribunaux correctionnels, pour le jugement de délits punis d’une peine égale ou supérieure à 5 ans. Pourquoi l’introduction de ces jurés ?
 
MICHEL MERCIER Ce que l’on recherchait, un, ce n'est pas des décisions plus sévères. Toute l’histoire pénale française montre que les jurés populaires, les citoyens, soient plutôt plus gentils, plus tendres, que les magistrats professionnels.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Alors ?
 
MICHEL MERCIER Mais il s’agissait simplement de rapprocher… il s’agit simplement de rapprocher la justice des citoyens et de permettre aussi un acte de participation civique. On a peu l’occasion dans notre pays, aujourd'hui, de faire des actes de participation civique, en voilà un qui est très important.
 
JEAN-MICHEL APHATIE C'est du civisme, ce n'est pas de la défiance à l’égard des juges.
 
MICHEL MERCIER Ecoutez, ça vous ne pouvez pas me reprocher, depuis que je suis nommé, j’ai fait en sorte que les juges se sentent aimés. Voilà.
 
JEAN-MICHEL APHATIE C’était une question et j’ai la réponse.
 
MICHEL MERCIER Voilà.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Des textes importants, difficiles, complexes, examinés en urgence : il vous cravache le président, il faut aller vite, vite, vite.
 
MICHEL MERCIER D’abord, je vous rappelle, monsieur APHATIE, qu’il y a eu une réforme de la Constitution en 2008. Il n’y a plus d’urgence, il y a une procédure accélérée. Et pour que cette procédure…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Une seule lecture par…
 
MICHEL MERCIER Pour que cette procédure accélérée puisse avoir lieu, il faut l’accord des chambres, sinon…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Ben oui, les chambres, elles sont gentilles, elles sont un peu soumises, quoi.
 
MICHEL MERCIER Eh bien c'est votre appréciation, moi je sais que par exemple le débat va être rude pour moi à l’Assemblée.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Est-ce que vous partagez les critiques de Jean-François COPE sur les primaires du Parti socialiste ? Ça permettra, dit-il, un gigantesque affichage politique.
 
MICHEL MERCIER Moi je pense que dans ce genre d’affaires, si on s’en tient à la pure technique, monsieur DUHAMEL vient de faire une analyse politique, un, il est légal d’avoir recours aux listes électorales, ça ne pose aucun problème, et il y a bien longtemps que tous les responsables politiques prennent des listes électorales entre les deux tours ou autres. Deux, c'est bien sûr dans les détails que se trouve le diable, et beaucoup de promesses sont faites, il faut qu’on soit absolument sûr qu’on n’utilisera pas le temps pour faire un fichier des sympathisants ou des non sympathisants d’ailleurs.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Voterez-vous Nicolas SARKOZY au premier tour de l’élection présidentielle, Michel MERCIER ?
 
MICHEL MERCIER Ecoutez, vous verrez bien. On ne va pas mélanger la justice et la politique, je suis un ministre loyal, si c'est votre question, et je suis au gouvernement, j’en assumerai naturellement les conséquences politiques, mais j’ai déjà répondu à cette question et comme il faudra répondre 300 autres fois avant le mois de mars…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous avez répondu quoi ?
 
MICHEL MERCIER Eh bien, il fallait… vous rechercherez tout cela et ça sera très bien.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous aviez répondu oui, je crois.
 
MICHEL MERCIER Eh bien voilà, puisque vous savez, pourquoi posez-vous la question ?
 
JEAN-MICHEL APHATIE Michel MERCIER, qui votera Nicolas SARKOZY au premier tour de l’élection présidentielle, était l’invité de RTL ce matin ! Bonne journée !
 Source : Premier ministre, Service d’information du Gouvernement, le 21 juin 2011