Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur l'accueil des gens du voyage itinérants, à l'Assemblée Nationale, le 23 mai 2000.

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Circonstance : 3ème lecture du projet de loi "Gens du voyage" à l'Assemblée nationale, le 23 mai 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, et Messieurs les Députés,
Après 2 lectures par les deux assemblées, et une Commission Mixte Paritaire qui n'a pu déboucher sur un texte commun, les enjeux, les analyses et les positions des différents acteurs du travail parlementaire se sont clarifiés.
Dans les 2 assemblées, les débats ont été riches, d'un grand intérêt, parfois quelque peu vifs. De nombreux amendements ont été déposés, correspondant largement à un travail de préparation en commission. Le gouvernement a pu préciser voire infléchir ses positions, lorsque vos arguments l'ont convaincu que l'amélioration du texte était utile.
Les débats qui ont eu lieu dans le cadre de la Commission Mixte Paritaire qui a réuni des représentants de votre Assemblée et du Sénat ont, à mon sens, utilement permis de faire le point sur l'état actuel des débats, même si l'accord n'a pu se dégager sur un texte commun.
Il me semble que le constat qui fonde la décision du gouvernement de présenter un nouveau texte législatif est largement partagé. Dix ans après l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, la question de l'accueil des gens du voyage itinérants, est source de nombreuses difficultés, parfois de vives tensions. L'objectif d'une cohabitation harmonieuse des différentes catégories de la population n'est pas atteint.
La logique générale de l'article 28 n'est pas à mettre en cause : il faut répondre aux besoins en développant les aires d'accueil, tout en donnant des moyens juridiques renforcés aux communes qui ont fait des aires, pour qu'elles puissent lutter contre les stationnements illicites.
Cette logique générale est fondée sur une double idée :
le mode de vie itinérant doit pouvoir s'exercer car c'est un droit essentiel lié au choix d'un mode de vie (il n'est donc pas question, pour le gouvernement comme pour la très grande majorité des parlementaires me semble-t-il, d'envisager une sédentarisation "forcée", non voulue par les gens du voyage) ;
mais ce mode de vie doit s'exercer en respectant certaines règles : car à ce droit correspondent des devoirs.
En revanche, le fait que le bilan de l'article 28 soit insatisfaisant, s'il ne tient pas à sa logique générale, tient à sa mise en oeuvre trop limitée et inégale. Des aires d'accueil ont été aménagées, et des schémas départementaux ont été adoptés. Mais en nombre insuffisant : il faut, pour répondre aux besoins, multiplier le nombre de places par 6 pour arriver aux 30 000 places nécessaires.
Ce résultat trop limité tient à plusieurs causes dont l'analyse permet de comprendre les objectifs et le contenu du projet qui vous est soumis :
si les trois quart des communes de plus de 5 000 habitants n'ont pas aménagé d'aires (malgré l'obligation légale depuis 1990), c'est pour une part parce que le financement de l'Etat était insuffisant pour l'investissement et inexistant pour la gestion ;
c'est aussi parce que l'analyse préalable et partagée des besoins et la concertation de tous les acteurs n'ont pas toujours été bien et suffisamment menées ;
c'est également parce que les communes ayant fait une aire rencontrent des difficultés pour lutter contre les stationnements illicites ;
c'est enfin surtout, et nous le savons tous, parce que la loi de 1990 ne prévoyait aucun délai pour sa mise en uvre, et que les obligations de la loi n'étaient assujetties d'aucune sanction, lorsqu'il n'y était pas satisfait. Ne pas respecter la loi n'avait pas de conséquences pratiques, si ce n'est une éventuelle montée des difficultés liées aux stationnements illicites.
Permettez-moi d'insister sur une conséquence de cette non-mise en oeuvre de la loi par les trois-quarts des communes concernées : certaines communes, parce qu'elles s'étaient dotées d'une aire, ont rencontré plus de difficultés car des gens du voyage en trop grand nombre y venaient pour stationner, faute d'autres solutions. Ceci est particulièrement inadmissible : d'une certaine façon, des communes ne respectant pas la loi non seulement se sont, de fait, défaussées sur d'autres qui respectaient la loi, mais elles ont contribué à faire percevoir l'accueil des gens du voyage comme une question sans solution !
Le projet de loi présenté par le gouvernement, amélioré par le débat parlementaire, et particulièrement par votre assemblée, en 1ère et 2ème lecture, permet de prévenir la répétition de ces difficultés :
affirmation de la nécessité d'une élaboration concertée de réponses aux besoins, dans un cadre départemental.
soutien aux solutions intercommunales, même s'il est important pour le gouvernement de créer une obligation spécifique pour les communes de plus de 5 000 habitants. C'est une garantie que des réponses seront apportées, si une solution intercommunale n'est pas trouvée.
doublement de l'aide de l'Etat à l'investissement (elle passe de 35 % à 70 %) et création d'une aide à la gestion. Ceci se traduira par un effort financier très significatif pour l'Etat.
lorsqu'une commune a fait une aire, un net renforcement des moyens juridiques pour faire face aux stationnements illicites, tout en respectant les principes de bases de protection des libertés.
Il reste cependant que, sur certains point décisifs, le texte adopté par le Sénat en 2ème lecture et que vous allez examiner n'a pas repris des dispositions qui sont, pour le gouvernement, essentielles car elles visent à faire face aux faiblesses les plus graves du dispositif de 1990.
L'action de tous les acteurs doit se dérouler dans des délais précis et communs à tous, tant pour l'adoption des schémas départementaux (18 mois) que pour l'aménagement des aires (2 ans après l'adoption du schéma).
Ces délais fixent un cadre, dans lequel les acteurs, particulièrement les communes, ont à agir.
La réflexion partagée, l'action concertée, la négociation, sont préférables à toute méthode qui impose autoritairement : nous en sommes tous convaincus. Mais, et ce point décisif a été au coeur de la discussion de la Commission Mixte Paritaire, au terme des délais, si le schéma n'a pas été adopté par le Président du Conseil Général et le Préfet ou si telle ou telle commune n'a pas aménagé l'aire prévue au schéma, le Préfet doit pouvoir adopter seul le schéma ou obliger la commune à remplir ses obligations en se substituant à elle.
Mon souhait est que ceci n'ait pas à se produire : mais, pour éviter que rien ne se passe (c'est-à-dire pour éviter que les problèmes ne soient pas traités, et donc que les difficultés continuent, et pour éviter que quelques communes ne se défaussent sur d'autres), l'Etat garant du respect de la loi, doit être en capacité d'intervenir le cas échéant.
Sur un autre point, moins central pour l'équilibre global du dispositif prévu mais cependant important, le Sénat n'a pas jugé bon de reprendre une mesure que votre Assemblée avait votée avec l'accord du gouvernement : une bonification de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est prévue pour toute commune ayant fait une aire (ceci fait accord), mais cette bonification sera accrue pour les communes qui connaissent des difficultés sociales et financières marquées. Ce dernier point n'a pas été repris par le Sénat, alors que cette solution me semble équitable et positive.
Sur ces trois grand sujets, je compte sur vos débats pour aboutir à des solutions efficaces, c'est-à-dire à même de permettre de faire face aux difficultés qui pourraient se présenter si certains acteurs faisaient preuve de mauvaise volonté.
Je ne doute pas de la volonté de l'Assemblée Nationale de suivre le gouvernement dans cette voie qui est la seule à même de permettre la création dans un délai rapide d'un réseau d'aires correspondant aux besoins, ce qui est la seule solution susceptible de répondre dans un délai raisonnable aux difficultés que nous connaissons.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 29 mai 2000)