Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur les objectifs de la réforme des finances locales, les pistes à expertiser en ce qui concerne les dotations de l'Etat aux collectivités locales et le renforcement de la péréquation au bénéfice des collectivités défavorisées, Paris le 12 juillet 2001.

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Circonstance : Réunion du Comité des finances locales, à Paris le 12 juillet 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité des Finances Locales,
C'est la deuxième fois, à l'initiative de votre président, Jean-Pierre FOURCADE, que j'ai le plaisir de venir présenter devant le Comité des Finances Locales des dispositions ou des propositions, intéressant directement les finances des collectivités territoriales.
Je sais à quel point vous êtes des experts en ces matières et je ne doute pas de l'intérêt que vous porterez à la séance de ce jour où, Florence PARLY et moi-même, allons vous exposer les grandes lignes d'une note d'orientation sur la réforme des ressources fiscales et financières des collectivités locales.
Nous avons tenu à donner la primeur de cette présentation au Comité des Finances Locales, présentation qui marque le début de la large concertation que le Gouvernement avait annoncée il y a plusieurs mois, sur ce thème de la réforme des ressources des collectivités locales.
Les principales associations d'élus et les commissions des finances des deux assemblées parlementaires seront destinataires dès ce jour de cette note d'orientation et j'espère qu'elles nous feront part, comme vous-mêmes, des réactions et suggestions que ce document de travail leur inspire, afin que nous puissions élaborer le rapport sur les voies et moyens d'une réforme des ressources des collectivités locales. Ce rapport sera remis au Parlement par le Gouvernement d'ici la fin de cette année 2001.
Je veux, tout d'abord, replacer en en quelques mots ce chantier même, dans son contexte, avant de vous présenter les principales pistes explorées en matière de réforme des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.
Ma collègue, Florence PARLY, à qui je céderai la parole bien volontiers à la fin de mon exposé, vous présentera ces mêmes pistes en matière de réforme de la fiscalité locale.
La Commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre MAUROY, a remis son rapport le 17 octobre dernier au Premier ministre. Ce rapport présente 154 propositions, consensuelles dans leur quasi-totalité, et reflétant les positions des membres de cette commission, au sein de laquelle le Comité des Finances Locales était bien représenté.
S'appuyant sur ces propositions, le Gouvernement a engagé une nouvelle étape de la décentralisation, après en avoir défini les six priorités, lors du débat d'orientation générale sur la décentralisation à l'Assemblée Nationale, le 17 janvier dernier.
Ces six priorités sont les suivantes:
- la démocratisation des institutions locales,
- l'approfondissement de la démocratie locale,
- un meilleur partage des compétences,
- la réforme des finances locales,
- l'amélioration du recrutement et de la formation des agents territoriaux,
- la relance de la déconcentration.
Je ne reviendrai pas aujourd'hui sur l'approfondissement de la démocratie locale qui a fait l'objet du projet de loi relatif à la démocratie de proximité qui vient d'être adopté en 1ère lecture à l'Assemblée nationale le mardi 26 juin dernier. Ce projet de loi présente, en outre, certains transferts de compétences, les plus simples et les plus consensuels en faveur des collectivités régionales. Je pense qu'il s'enrichira, au cours de la navette parlementaire, de transferts de compétences de ce type à destination d'autres niveaux de collectivités locales, et que nous aurons l'occasion d'en reparler ensemble. Ce projet de loi n'épuisant pas, loin de là, l'ambition décentralisatrice de ce Gouvernement, d'autres avancées seront nécessaires sur les priorités que je viens de rappeler et qui aboutiront, j'en suis sûr, au début de la nouvelle législature.
C'est le cas de la réforme des finances locales que le Premier ministre annonçait dès le 27 octobre dernier à Lille et dont il a précisé les objectifs et les étapes dans ses interventions, devant le Congrès de l'Association des Maires de France, le 21 novembre 2000 et à l'Assemblée Nationale le 17 janvier dernier.
J'ai eu, moi-même, l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises à ce sujet depuis cette date et je souhaite donc rappeler les trois objectifs principaux de cette réforme :
1) permettre aux collectivités de disposer de ressources stables et d'une marge de manuvre suffisante en matière fiscale pour qu'elles aient les moyens d'assumer leurs responsabilités face aux contribuables, tout en menant à bien leurs politiques locales.
2) accentuer la péréquation afin de réduire l'écart de ressources entre collectivités favorisées et collectivités défavorisées et afin de mettre en pratique, ainsi,, la solidarité entre les territoires et donc entre les citoyens.
3) mener à son terme, ce que le rapport Mauroy qualifie de révolution tranquille, à savoir le développement et le renforcement de l'intercommunalité sur le territoire national.
Il convient, en outre, et dans le cadre de ces objectifs de remédier aux défauts actuels de la fiscalité locale, trop souvent injuste ou obsolète, comme des dotations de l'Etat aux collectivités locales, peu lisibles, même si vous-même y excellez, et insuffisamment péréquatrices.
Plusieurs rapports successifs ont abordé cette question dont le rapport Mauroy ou celui, très récent, du Conseil Economique et Social. Plusieurs élus et associations d'élus ont également exprimé les pistes ou les modifications qu'ils souhaitaient voir mettre en uvre. Le comité des Finances Locales a également adopté plusieurs vux ou souhaits en la matière.
La note d'orientation qui vous est remise aujourd'hui, expose, à la fois, la situation actuelle et les pistes de réforme qui ont été étudiées par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et ceux de l'intérieur, et qui sont soumises à votre appréciation.
Je ne m'étendrai pas sur la situation budgétaire et financière des collectivités locales que tous les spécialistes et même l'observatoire des finances locales, considèrent en amélioration constante depuis plusieurs années. Les réformes mises en uvre par ce Gouvernement, au même titre que les qualités de gestionnaires des élus locaux, ont contribué largement à cette situation favorable qui permet aux collectivités de dégager aujourd'hui des excédents significatifs, qui participent d'ailleurs positivement au respect de nos engagements européens.
Je souhaite cependant insister sur deux points qui me semblent fondamentaux lorsqu'on étudie les budgets locaux :
-Il faut, tout d'abord, rappeler les difficultés que connaissent, au-delà de ce bilan général satisfaisant, certaines de ces collectivités locales, notamment les plus fragiles.
-Il faut, ensuite, souligner le fait que les budgets locaux représentent près de 800 milliards de francs, soit près de la moitié du budget de l'Etat et que les interventions des collectivités, financées à 90% par l'impôt local et les dotations de l'Etat, concernent tous les domaines intéressant d'une manière ou d'une autre la vie de nos concitoyens: action sociale comme environnement ou transports, éducation, formation et sécurité. Je ne veux pas oublier non plus le rôle fondamental qu'elles assurent en matière d'aménagement du territoire et de développement économique. Ce rôle n'est d'ailleurs pas uniquement local, puisque je vous rappelle que les dépenses d'investissement des collectivités territoriales représentent plus des trois quarts des dépenses d'investissement civil de la France.
Je n'insisterai pas plus sur ces données incontestables mais nous devons et devrons, bien sûr, toujours les garder à l'esprit.
Conformément aux objectifs du Gouvernement et en ce qui concerne plus spécifiquement les dotations de l'Etat aux collectivités locales, la note d'orientation qui vous sera distribuée tout à l'heure, propose les pistes suivantes à expertiser dans les mois à venir :
1. Tout d'abord, la nécessité de conserver un dispositif normé d'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Afin d'assurer aux élus locaux une prévisibilité suffisante de l'évolution de leurs dotations, un mécanisme d'évolution générale, inspiré du contrat de croissance et de solidarité, avec des modalités éventuellement différentes, devrait, ainsi, être conservé.
La réaffirmation de ce principe ne préjuge pas, bien sûr, des interrogations qui naissent et naîtront, sur l'évolution, à l'intérieur de ce dispositif global, des indexations individuelles de chacune des dotations qui devront tenir compte des contraintes qui s'imposent, tant aux collectivités locales qu'à l'Etat.
2. Au-delà de cet objectif de prévisibilité, il conviendra également de simplifier les concours financiers de l'Etat.
Cette simplification doit être recherchée, tant en fonctionnement, en intégrant à la DGF actuelle plusieurs des dotations existantes, qu'en investissement, en étudiant la faisabilité d'une fusion de plusieurs dotations d'équipement.
Cette simplification des dotations, qui se traduirait par une importance encore accrue de la DGF, doit nous inciter à nous pencher sur l'architecture de cette dotation, dont la croissance importante n'a pu empêcher, cette année notamment, des difficultés de répartition.
Plusieurs solutions sont envisageables de deux types distincts :
- Soit nous modifions la répartition des masses de crédits à l'intérieur de la DGF, en changeant les règles d'évolution de la part dite forfaitaire des dotations ou en inversant l'ordre de répartition pour que la dotation forfaitaire soit un solde de la dotation d'aménagement et non le contraire comme aujourd'hui,
- Soit nous raisonnons en termes de territoire intercommunal et non plus en catégories de bénéficiaires, et nous traitons comme un ensemble la DGF du groupement de communes et de ses communes membres.
Des solutions intermédiaires sont évidemment possibles, mais il me semble que seules ces réformes pourront permettre à la fois d'accroître la péréquation et d'assurer dans de bonnes conditions le soutien nécessaire au développement de l'intercommunalité.
4) Enfin, et ce n'est pas le moindre de vos objectifs, il convient de renforcer la péréquation au bénéfice des collectivités défavorisées qu'elles soient rurales, urbaines ou péri-urbaines.
Il faudra faire des choix, notamment entre la péréquation et les mécanismes de garantie, ainsi que votre comité l'a souligné dans ses récentes délibérations.
Comme je viens de le dire, l'accroissement de la péréquation passe certainement par une modification de l'architecture de la DGF, que ce soit pour les communes, pour les départements ou pour les groupements.
Il faudra cependant aller au-delà et mettre en place des indicateurs plus précis de la situation de chacune des collectivités, par une définition, notamment, de ce que sont les charges des collectivités et non uniquement leurs dépenses, par un examen critique du coefficient d'intégration fiscale, qui n'est pas exempt de tout défaut, ou par une prise en compte plus importante de ces données au sein des dotations de solidarité.
Il faudra, enfin, une fois précisés les critères que je viens d'évoquer, améliorer les outils actuels de péréquation horizontale que sont les fonds de solidarité et de redistribution entre collectivités riches et collectivités pauvres. Bien sûr, ces mécanismes ne doivent pas déstabiliser les budgets locaux mais plusieurs pistes peuvent être, là-encore, explorées et approfondies, notamment en ce qui concerne les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
* * *
En conclusion de mon propos et avant de laisser la parole à ma collègue Florence PARLY, je souhaite vous préciser que ces pistes ouvertes par la note d'orientation correspondent bien aux différentes mesures qui me paraissent susceptibles d'être mises en uvre après une expertise approfondie et qui me paraissent de nature à permettre une véritable modernisation des ressources des collectivités locales.
Je sais que, vous-même, aviez déjà émis le vu d'expertiser telle ou telle de ces pistes et, parfois même, de manière constante et ferme depuis plusieurs années.
J'espère que cette concertation qui s'instaure à partir de ce moment nous permettra de sélectionner les pistes les plus intéressantes que mes services et ceux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, pourront étudier en détail en vue du rapport qui sera remis à la fin de l'année.
Je souhaite rappeler, qu'à mon sens une réforme des finances locales ne peut se résumer à un empilement ou une juxtaposition de mesures catégorielles d'où serait absente une vision d'ensemble de l'action publique de l'Etat comme des collectivités.
Je suis sûr que le Comité des Finances locales où sont représentés tous les niveaux de collectivités saura présenter des propositions concrètes où se rejoindront les réflexions sur l'avenir de la décentralisation et sur la solidarité, toujours plus nécessaire au bénéfice des populations fragilisées par la crise sociale, en milieu urbain mais aussi rural.
Nous aurons, alors, tous les éléments pour mettre en place, ensemble, une réforme profonde et durable des finances locales.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 27 juillet 2001)