Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur les grandes orientations du projet de loi sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement et le renforcement de la loi SRU, à l'Assemblée nationale le 24 septembre 2012.

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Circonstance : Examen du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, à l'Assemblée nationale le 24 septembre 2012

Texte intégral

Monsieur la Présidente,
Madame le Rapporteur,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Député(e)s,
J’ai le très grand honneur de vous présenter aujourd’hui un projet de loi qui permet de répondre à l’urgence de mobiliser le foncier public pour construire des logements tout en renforçant les exigences de la loi SRU afin de parvenir à une vraie mixité sociale, sans fausse excuse ni échappatoire facile.
Je vous l’ai déjà annoncé dans cet hémicycle et je vous le confirme, il nous faudra lancer dans quelques mois un autre chantier législatif, de plus grande ampleur encore, pour simplifier le droit, mettre en cohérence ce qui s’est stratifié au fil des mandatures, réformer les rapports locatifs, permettre que soient réunies toutes les conditions pour que l’objectif fixé par le président de la République de construire 500 000 logements par an puisse être accompli.
Aujourd’hui, la priorité fixée par le président de la République au gouvernement, c’est de répondre à l’urgente nécessité de permettre aux hommes, aux femmes et aux enfants les plus modestes de ce pays de se loger dans des conditions décentes, à des prix abordables.
Il n’est pas admissible qu’en 2012, en France, plus de 3 millions de personnes ne soient pas logées, ou très mal. Ce sont aujourd’hui près de 10 millions de personnes qui sont en situation de fragilité de logement à court ou moyen terme, et qui subissent de plein fouet la crise.
Or, comment trouver du travail, comment aider ses enfants à se construire et avoir confiance en l’avenir quand on a du mal à payer son loyer ? Le logement, c’est un bien de première nécessité, un droit fondamental et, de fait, une condition pour pouvoir faire valoir l’ensemble de ses autres droits.
C’est pour cette raison que les objectifs de construction sont si ambitieux. C’est pour cette raison qu’il faut construire davantage de logements sociaux, et en particulier en zone tendue. Et c’est parce qu’il faut, pour cela, se donner des objectifs renouvelés et actualisés, que ce projet de loi vise à renforcer les obligations en termes de mixité sociale.
Les objectifs que ce gouvernement se fixe sont à l’épreuve des faits. Ils nous obligent à regarder la réalité en face et à nous donner les moyens de changer cette réalité quand elle est insupportable. Et souvent, elle l’est.
Alors, oui, c’est par la loi qu’il faut intervenir pour sortir de l’impasse et mobiliser l’ensemble des moyens légalement disponibles pour arriver à tenir, ensemble, ces objectifs ambitieux.
Nous n’arriverons pas à construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, sans une mobilisation générale de l’ensemble des acteurs concernés : ceux de l’État, ceux des collectivités locales et ceux des constructeurs privés et des bailleurs sociaux.
La mobilisation de l’État passera par les aides à la pierre ainsi que vous l’autoriserez dans le cadre du prochain débat budgétaire. Elle passe aussi, de manière inédite, par la mobilisation du foncier public de l’État. C’est l’objet du titre premier de ce projet de loi.
Si le foncier constructible est cher, c’est parce qu’il est rare. Or, on trouve souvent de nombreux terrains publics bien placés, en plein coeur de nos villes. Des friches ferroviaires qui seront demain des quartiers. Parallèlement, des friches industrielles ou commerciales pourront être mises sur le marché si une fiscalité adaptée incite enfin leurs propriétaires à le faire. C’est la raison pour laquelle les prochains projets de loi de finances vous proposeront de renforcer, notamment, la taxe sur les friches commerciales.
Cette mise à disposition conséquente de foncier public et privé se conjuguera avec la mise sur le marché des terrains à bâtir des particuliers. Tel est le sens des dispositions fiscales que vous pourrez examiner dans quelques jours. Il s’agit, par une fiscalité incitative, de renchérir la détention de terrains non bâtis pour lutter contre la rente et la rétention foncière. La taxe sur les logements vacants sera par ailleurs renforcée en conséquence.
S’agissant du projet de loi qui nous rassemble aujourd’hui, son titre premier permet de mobiliser le foncier public pour construire, en permettant une cession gratuite en faveur d’opérations de logement social.
L’application d’une décote sur la valeur vénale de ces terrains, qu’ils soient nus ou bâtis, est de nature à permettre l’équilibre d’opérations de logement social qui, sans elle, ne pourraient voir le jour.
Il ne s’agit pas pour autant de brader le patrimoine de l’État. Les sites concernés sont ceux que les administrations ont quittés parfois depuis plusieurs années, ou envisagent de quitter prochainement. Alors, oui, je vous le confirme, les priorités de ce gouvernement ne sont pas celles du gouvernement précédent. Pour ce gouvernement, solidaire, rassemblé, l’intérêt général justifie que l’État ne cherche pas à maximiser les profits des cessions de ses terrains pour permettre de satisfaire aux objectifs de sa politique immobilière, mais participe de l’effort de la nation toute entière pour construire des logements sociaux. À chacun ses priorités.
La décote sera obligatoire lorsque la cession est faite au profit de certains bénéficiaires, et à la condition que le terrain concerné soit inscrit sur une liste rédigée par le préfet à partir de données fiables et partagées entre tous les services chargés d’inventorier et d’évaluer les propriétés de l’État. Votre commission des affaires économiques a souhaité, à juste titre, préciser la gouvernance de ce dispositif. Le gouvernement proposera un amendement de synthèse visant à répondre aux soucis d’efficacité, de lisibilité et de compte-rendu du déroulement des opérations projetées ou en cours. Le préfet de région sera ainsi chargé d’établir la liste des terrains concernés dans la région, après avis du comité régional de l’habitat et des communes et EPCI chargés de la compétence d’urbanisme. Les acquéreurs devront rendre compte de l’avancement de la réalisation du programme de construction. Les délais, les conditions et les prix de cession feront l’objet d’un rapport annuel au parlement.
Au niveau national, je souhaite que le pilotage du dispositif puisse être porté par une instance interministérielle dédiée à cette mobilisation du foncier public en faveur du logement, qui témoigne à la fois de l’importance politique de la question et permette un pouvoir d’arbitrage entre des intérêts parfois divergents.
Les établissements publics de l’État seront eux aussi conviés à participer à l’effort collectif, dans des conditions à fixer par décret en Conseil d’État, en tenant compte de la situation de chaque établissement public considéré, et des volumes de cession envisagés.
Pour répondre à l’urgence, l’État mobilise son foncier. Pour répondre à l’urgence, les collectivités territoriales devront, quant à elles, produire plus de logement social.
Car l’enjeu de cette loi, c’est la cohésion nationale.
Aujourd’hui, trop de communes persistent encore dans une logique de séparatisme social, en revendiquant leur refus de construire des logements sociaux.
C’est une logique scandaleuse, qui consiste à dire « les ménages modestes n’ont pas leur place dans ma commune ». On encourage ainsi la discrimination territoriale. On aggrave la pénurie de logement, on entrave le droit au logement.
Nous ne pouvons pas accepter cette logique anti-républicaine, avec des communes qui s’isolent. Pour sortir de cette situation, le président de la République a déterminé un cap et une volonté.
Le cap, c’est l’égalité des territoires.
La volonté, c’est de mobiliser les ressources disponibles en faveur du logement social.
L’outil, c’est cette loi de mobilisation nationale pour le logement.
L’État mobilise le foncier, les maires prendront leurs responsabilités.
C’est une question de justice et d’équilibre : il n’y aura pas d’égalité territoriale sans mixité sociale.
C'est pourquoi, dans le deuxième volet de cette loi, je vous propose de modifier la loi SRU pour l'améliorer et l'amplifier.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain est un texte fondateur et novateur, qui a posé des principes essentiels au développement des villes.
Son article 55, en particulier, a rendu concret l’objectif essentiel de mixité sociale. En imposant à toute commune l’obligation d’accueillir une part minimale de logements abordables, c’est le refus d’une société de l’entre-soi qui était alors était affirmé.
Après dix ans d’application, le bilan de cette mesure, qui faisait la part belle à l’incitation est contrasté, vous le savez.
D’un côté, ce bilan est très positif car, dans la très grande majorité des territoires, la nécessité de produire du logement social est devenue une évidence pour tous. L’image du logement social n’est plus, sauf pour quelques très rares exemples, celle du béton. Les élus bâtisseurs savent que ces logements sont d’une qualité, notamment environnementale ou architecturale, d’un niveau bien souvent supérieur à celui de la promotion privée. Le logement social est désormais compris par beaucoup pour ce qu’il est, à savoir un atout pour une société qui veut loger ses jeunes, ses ouvriers, ses employés, ses ménages les plus modestes, ses infirmières, par exemple, dont je sais qu’elles souffrent aujourd’hui d’une très grande difficulté pour se loger dans les zones urbaines.
Pourtant, depuis 2000, l’objectif n’est que partiellement atteint. Un chiffre l’illustre parfaitement : en dix ans, la part de logements sociaux des communes visées par l’article 55 de la loi SRU n’a augmenté que d’un point, passant de 13 à 14 %. Les dispositions prévues dans la loi de 2000 n’ont donc pas permis de rééquilibrer véritablement la répartition géographique du logement social. Si une partie des communes respecte les obligations que leur imposait la loi, d’autres ont préféré payer, plutôt que de contribuer à la solidarité territoriale. Les leçons à tirer de ce bilan sont claires : il est indispensable de rénover l’article 55 de la loi SRU pour renforcer son efficacité sur plusieurs points.
Tout d'abord, nous vous proposons un dispositif plus ambitieux. Le taux minimum de logements sociaux par commune sera porté de 20 à 25 %, là où le besoin s'en fait sentir. C'est-à-dire dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, où la pénurie justifie d’accroître l’effort de construction de logements sociaux.
Pour être pleinement efficace, cette augmentation devra être ciblée, objective et tenir compte des contextes locaux.
Ensuite, je vous propose de renouer avec l'esprit initial du législateur en mobilisant plus vite et mieux les communes pour atteindre un objectif clair : 25 % de logements sociaux par commune en zone tendue, 20 % en zone détendue, d’ici à 2025, avec des obligations de réalisation de logements sociaux par période triennale, fixées de manière à atteindre effectivement cet objectif, et non à le reporter à chaque nouvelle échéance.
Je sais que, tant les sénateurs que vous-mêmes, êtes particulièrement soucieux que cet effort profite en particulier aux ménages les plus modestes, par le développement du logement locatif très social, financé en PLAI. C’est pourquoi j’ai donné au Sénat un avis favorable à l’amendement introduisant une obligation de construire au moins 30 % de logements PLAI au titre des engagements triennaux, et plafonnant les logements financés en PLS à un maximum de 30 %. Votre rapporteure a souhaité renforcer cette règle en proposant que les futurs PLH la prennent en compte, lorsque la loi entrera en vigueur, de manière à lui donner toute sa portée. Nous aurons l’occasion de débattre de ce point au cours de nos débats.
Pour parvenir à un objectif de cette ambition, nous en sommes bien conscients, il nous faudra aussi contraindre. Les communes qui feront le choix de refuser d'appliquer la loi devront être lourdement sanctionnées. Il est en effet intolérable que certains territoires refusent de prendre leur part dans l’effort collectif de production de logements abordables.
Les communes qui respecteront leurs obligations verront, en revanche, leur prélèvement payé chaque année inchangé. Ce prélèvement continuera d’alimenter les politiques publiques des collectivités en faveur du logement social, notamment des EPCI délégataires des aides à la pierre. Pour tenir compte de l’effort engagé par les communes qui investissent, j’ai donné un avis favorable à l’amendement introduit au Sénat qui permettra de déduire pendant deux ans, au lieu d’une seule année aujourd’hui, les dépenses engagées pour construire du logement social.
En revanche, les communes qui auront délibérément enfreint la loi, qui auront choisi ne pas faire, se verront imposer par le préfet de département un quintuplement de leur prélèvement, qui viendra alimenter un fonds national dédié au développement d’une offre spécifique pour les ménages les plus modestes.
Au-delà des sanctions financières, pour que la loi soit respectée, le travail parlementaire a conduit à renforcer également les obligations de construction dans ces communes frappées d’un constat de carence de construction de logement social : votre commission des affaires économiques a ainsi adopté une disposition tendant à ce que toute opération d’une taille conséquente (plus de 12 logements, ou d’une surface de 800 mètres carré) comporte un seuil minimal de logements très sociaux, au moins 30 %. C’est là une piste très intéressante, qu’il faudra continuer à creuser.
Cette obligation qui s’appliquera aux communes carencées, constitue une préfiguration intéressante de ce que pourrait être l’application de la règle des trois tiers bâtis souhaitée lors de la campagne électorale par le président de la République. À la demande de votre rapporteure, le gouvernement proposera, dans un délai de six mois, des modalités de mise en oeuvre de cet engagement.
Cette loi n’est en effet qu’une première étape, je vous l’ai dit. Il faudra aussi s’attaquer beaucoup plus durement à l’habitat indigne et à ceux qui prospèrent sur la pauvreté, prévenir et traiter les situations de copropriétés dégradées, mieux sécuriser les locataires et les bailleurs, rénover les conditions dans lesquelles s’exercent les professions immobilières. Je reviendrai présenter dans quelques mois un projet de loi qui, je l’espère, répondra à ces défis.
Mais aujourd’hui, plus de logements sociaux équitablement répartis sur le territoire, dans de meilleurs délais et avec des sanctions plus lourdes pour les communes qui se refusent à participer à cet effort national, voici la réforme d’urgence que je vous propose d'adopter.
Nos concitoyennes et nos concitoyens attendent des mesures de cette portée pour que demain l'égalité des territoires soit une réalité, mais aussi pour que chacun parvienne à se loger.
Le troisième et dernier volet de ce projet de loi nous amènera enfin à réviser la loi relative au Grand Paris, pour que les contrats de développement territoriaux qui y sont prévus puissent être signés dans de bonnes conditions. Il s’agit en effet de mettre en cohérence les calendriers d’élaboration de ces contrats avec celui de l’approbation du nouveau schéma directeur de la région Île-de-France. En effet, ce nouveau SDRIF a vocation à définir les orientations stratégiques à l’échelle de la région. Ainsi la région Île-de-France et les départements concernés pourront-ils désormais être, à leur demande, signataires des CDT, qui devront être compatibles au SDRIF, afin que le partenariat le plus large possible puisse être bâti autour des projets de la région capitale, où 70 000 logements par an devront être construits.
Mesdames et messieurs les députés, je vous invite à voter ce texte parce que la loi permet de faire face à l’urgence de la situation. Elle est nécessaire pour permettre la gratuité des terrains publics en contrepartie d’une exigence forte. Elle est nécessaire pour rendre effective la mixité sociale qui permettra que, demain plus qu’aujourd’hui, la devise de notre République résonne plus fortement encore.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 26 septembre 2012