Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur la compensation par l'Etat du nouveau système des primes d'apprentissage et la transformation d'une partie des dotations de l'Etat aux régions sur la formation professionnelle en ressources fiscales, à Nantes le 19 septembre 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de l'Association des régions de France (ARF) à Nantes (Loire-Atlantique) les 19 et 20 septembre 2013

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Alain Rousset,
Mesdames et Messieurs les Présidentes, et les Présidents,
Monsieur le Préfet de région,
Merci à toi, cher Jacques Auxiette, de m'accueillir en Pays-de-la-Loire, merci à vous de m'accueillir de nouveau à votre Congrès. De nouveau parce que j'étais déjà là, il y a un peu moins d'un an, pour vous présenter les grandes lignes de la décentralisation, et plus globalement de la réforme de l'action publique que je conduis au nom du Gouvernement.
L'année n'a pas été de tout repos, les débats ont été riches, le calme plat eut été signe de détachement.
Ces grandes lignes se sont bien précisées depuis lors, notamment sous la forme d'un texte en trois volets, déposés au Parlement ; ses principales dispositions, mais aussi d'autres initiées depuis répondent aux orientations que je vous avais présentées à Lyon.
Comme le président de la République s'y était engagé le 12 septembre dernier, je cite, « les régions exerceront leurs responsabilités de chef de file du développement économique et de l'innovation sur leurs territoires ».
Je souhaite apporter une précision importante sur ce point : le chef de file, ce n'est pas un succédané. C'est une lourde responsabilité pour celui qui l'exerce.
Même si l'on peut le regretter, le principe de non tutelle interdit qu'une collectivité impose un schéma prescriptif à une autre. C'est notre Constitution depuis 2003. La clarification des compétences de chaque acteur impose de donner enfin un sens, une portée juridique et financière à cet outil des chefs de file, dont nous n'avions jamais tiré parti.
C'est bien ce que nous nous étions dit il y a un an : il s'agit pour les régions de conduire en responsabilité des politiques publiques plus clairement définies. Désormais, la Région déterminera sur son territoire les modalités de l'action commune des autres collectivités locales et des chambres consulaires, sur l'ensemble du champ du développement économique, qu'il s'agisse de l'aide aux entreprises, de la promotion de l'innovation, de l'aide à l'internationalisation, du soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Je précise aussi que l'Assemblée nationale n'a pas hésité à compléter cette liste s'agissant notamment de la protection de la biodiversité, du climat et de l'énergie. Jacques Auxiette l'a rappelé ce matin.
Je connais bien l'attachement des régions à ces dernières politiques – j'ai lu les 30 propositions concrètes de l'ARF, remises à Philippe Martin.
Et il s'agit bien là aussi de développement économique, comme le président Alain Rousset l'a lui-même rappelé à cette occasion, je le cite avec plaisir : « nous ne réussirons pas le redressement productif si nous ne considérons pas la transition énergétique comme un défi technologique majeur ». Claude Gewerc le sait bien, dont la région, parmi d'autres, soutient déjà de tels projets, par exemple en matière de stockage de l'énergie. Arnaud Montebourg l'a d'ailleurs identifié parmi les 34 plans industriels qu'il a présentés la semaine dernière avec le président de la République.
Car le renforcement des prérogatives économiques des régions embrasse tout le champ de la recherche ainsi que de l'enseignement supérieur. Le Gouvernement a d'ores-et-déjà fait adopter, dans la loi défendue par ma collègue Geneviève Fioraso, une consolidation des outils dont disposent les régions, notamment en réunissant les plans régionaux de développement des formations supérieures et les programmes pluriannuels régionaux en matière de recherche.
C'est aussi cette loi qui prévoit que ce sera désormais la région qui coordonnera les initiatives territoriales visant à développer la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes public – étant précisé que l'Etat transfère aux régions les crédits qu'il accordait à ces initiatives.
Parce que former la jeunesse c'est déjà créer de la richesse, j'ai aussi été très attentive à ce que soit rapidement adopté avec l'aide du ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, le renforcement du rôle des régions s'agissant de la carte des formations professionnelles. Les régions sont désormais pleinement légitimes dans l'élaboration de ces cartes, et permettent leur adaptation notamment pour une meilleure adéquation à la réalité économique des territoires.
Je suis ravie d'entendre François Bonneau témoigner de l'importance, je cite, de ce « travailler ensemble intelligent et exigeant ».
Nous avons, je crois, bien progressé, et nous irons sans doute plus loin encore très bientôt, avec l'expérimentation en cours, dans huit régions, du service public régional de l'orientation, dont la généralisation est prévue dans le deuxième volet du projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique.
Je remercie particulièrement les régions qui se sont portées volontaires. Parce que c'est une inégalité insupportable que celle qui sépare les jeunes les mieux insérés et mieux informés sur leur avenir, de ceux qui ne mesurent pas les opportunités qui peuvent s'ouvrir à eux, ou, pire encore, n'osent pas s'imaginer dans des écoles qui, entre guillemets, « ne seraient pas pour eux ».
Le développement économique, l'innovation, la recherche, la jeunesse, l'orientation, voilà déjà une belle entrée en matière pour les régions, et ce avant-même que ne soit débattu en janvier prochain le texte qui leur est plus particulièrement consacré, relatif notamment à la « mobilisation des régions pour la croissance et pour l'emploi ». C'est son titre.
C'est bien ce texte qui donnera aux régions leurs principaux outils opérationnels pour concrétiser leurs responsabilités de chefs de file.
Ce sont les régions qui élaboreront et activeront les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation des entreprises – cette dernière compétence devant au demeurant être prise en compte par toutes les politiques publiques, y compris celles des établissements publics de l'Etat que sont les CCI et les chambres des métiers et de l'artisanat.
Ce sont les régions, et elles seules, qui pourront participer au capital des sociétés sans solliciter l'autorisation du Gouvernement. Ségolène Royal sait combien sa région a dû ferrailler face aux contraintes administratives actuelles qui fragilisent la réactivité des régions et au final l'efficacité de leurs interventions.
Je le sais, vous l'avez dit, écrit, à plusieurs reprises, beaucoup d'entre vous se sont inquiétés des dispositions sur les métropoles, dans le texte voté en première lecture au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Certes, les métropoles font exception aux autres EPCI, car dans l'état actuel du projet de loi elles peuvent demander à la région de prendre en compte, sur leur territoire, les stratégies de développement économique qu'elles auront définies.
Qu'il me soit permis ici de rappeler mes propos, avec vous, il y a un an, à votre précédent Congrès : « régions et métropoles ne s'opposent pas, elles se conjuguent », ou pour reprendre les termes de Jean-Paul Huchon aux états généraux de la démocratie territoriale, je cite : « il faut construire notre développement économique en partenariat avec les agglomérations, par une politique de coopération plutôt que par une lutte d'influence ».
Il faut en somme faire confiance à l'intelligence des territoires et vous avez déjà montré par le passé, à de multiples occasions, qui vous y êtes prêts.
Figurent d'ailleurs dans le rapport que Jean-Jack Queyranne a remis au ministre du redressement productif en juin dernier des propositions intéressantes pour conforter les interventions des régions en faveur de l'innovation ou d'internationalisation des entreprises, par exemple.
Le Gouvernement, et vous pouvez compter sur moi, sera très attentif à vos propositions dans le cadre des débats parlementaires à venir en janvier. Vos suggestions sont constructives, y compris lorsqu'elles interrogent l'Etat sur ses compétences.
Alain Rousset l'a résumé en une phrase simple « la clarification des compétences et la lutte contre les doublons Etat/collectivités doivent constituer une priorité de l'action gouvernementale ». Je partage cette conviction : décentralisation et réforme de l'Etat vont de pair.
C'est bien cela la clef de voûte de la réforme de l'action publique. Elle ne doit pas obéir à des postures défensives, chacun préservant son pré carré, mais au contraire être guidée par le seul motif de l'intérêt général.
Le Premier ministre l'a dit bien avant moi, en janvier dernier, en défendant « le nouveau modèle français » : repenser le rôle des pouvoirs publics, renforcer l'Etat sur sa fonction stratégique, moderniser l'action publique grâce à la coopération de tous, élus, fonctionnaires et usagers et répondre à ce souci d'efficacité grâce à une meilleure répartition des tâches entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités.
Et je le souligne de nouveau, la modernisation de l'action publique, ce n'est pas moins de politiques publiques, qu'elles soient portées par l'Etat ou les régions, mais des services publics plus efficaces, plus proches des citoyens et au final moins coûteux.
Et je n'ai pas l'intention d'occulter aujourd'hui la question des ressources, je sais à quel point ce sujet vous préoccupe. Etre clair sur les compétences, c'est aussi être clair sur les moyens.
Avec la conclusion du pacte de confiance et de responsabilité de juillet dernier, je mesure l'effort demandé aux régions : 184 millions d'euros sur la seule année 2014.
Il serait bien difficile d'aller au-delà de l'effort demandé aux régions ces deux prochaines années, surtout lorsque l'on sait à quel point votre contribution est décisive pour le redressement productif de notre pays.
C'est pourquoi l'Etat, le Premier ministre l'a décidé, assumera ses responsabilités en compensant intégralement aux régions le coût en 2014 du dispositif que Michel Sapin vous a proposé, pour passer progressivement des actuelles primes d'apprentissage aux nouvelles primes qui seront versées aux entreprises de moins de 10 salariés.
C'est aussi pourquoi il m'appartient également de lever les ambigüités qui pèseraient encore sur l'autonomie financière des régions.
La loi de finances renforcera dès 2014 le dynamisme des ressources régionales, en remplaçant 900 millions d'euros de DGD formation professionnelle par des ressources fiscales.
Les deux tiers de ces nouvelles recettes, soit 600 millions d'euros correspondent aux frais de gestion perçus jusqu'à aujourd'hui par l'Etat au titre de la CFE, de la CVAE et de la taxe d'habitation.
Le solde prendra la forme de 300 millions d'euros de TICPE, certes moins évolutive. Mais je souligne le caractère particulièrement dynamique des frais de gestion, de l'ordre de +5 % par an.
Enfin, j'attends beaucoup des échanges que vous aurez avec Michel Sapin sur la réforme de la taxe d'apprentissage. Le pacte de confiance et de responsabilité prévoit que ces ressources contribueront à donner davantage de marge de manœuvre aux exécutifs régionaux.
Et voila un bien beau sujet de modernisation de l'action publique, et dont la mise au clair permettra de renforcer les régions en matière d'apprentissage en contribuant à une meilleure adéquation de la ressource aux besoins des entreprises et des salariés.
Bref de renforcer globalement l'efficacité de cette politique, en clarifiant les financements, en positionnant chaque acteur là où il est le plus efficace pour notre pays.
Nous avons pour ce faire un cadre, c'est la MAP, et l'ARF y est, j'y veille, très associée.
Nous avons un levier, les trois volets du projet de loi de décentralisation et de modernisation de l'action publique.
Nous avons une ambition collective, indispensable au redressement du pays. J'y crois d'autant plus que tant les régions que l'Etat ont, ces derniers mois, témoigné de leurs capacités à unir leurs forces.
J'en veux pour preuve la Banque publique d'investissement. Souvenons-nous de nos débats sur les conditions de sa mise en place, les polémiques, les suspicions envers les régions. Aujourd'hui, tout n'est pas parfait, je le sais, mais la BPI est sur les rails, c'est l'illustration de la pertinence de la régionalisation de l'action publique.
Vous avez réussi à construire, en à peine 6 mois une banque publique qui territorialise dans vos régions – comme je vous l'avais annoncé l'année dernière - plus de 90 % de ses décisions, qui finance l'innovation dans des régions que vous connaissez mieux que personne.
J'en veux pour preuve aussi les contrats de plan Etat-régions, ceux qui s'achèvent, pour lesquels les régions ont contribué à plus de 15 milliards d'euros – plus que l'Etat – et nous l'avons vu à Matignon la semaine dernière, ceux qui vont s'engager pour la période 2014 – 2020.
J'en veux pour preuve, encore, l'état d'esprit constructif qui se consolide autour du transfert des fonds européens, et qui figurent aujourd'hui dans le premier des trois textes de réforme de l'action publique.
L'Etat s'efforcera de respecter, le plus possible, les équilibres proposés par l'ARF en particulier sur les modalités de répartition entre les régions du Feder.
Plus généralement, les régions contribuent à l'investissement public qui prépare l'avenir, notre avenir, dans les transports, dans les lycées, dans le soutien aux filières d'avenir.
Quel dommage que nous ne puissions pas encore précisément mesurer l'impact de cet investissement sur notre croissance potentielle de long terme. Je sais que nous saurons aussi progresser sur ce point, par exemple dans le cadre du Haut-Conseil des territoires.
Vous l'avez compris, le cœur de la réforme de l'action publique, c'est la meilleure articulation possible entre l'Etat, recentré à terme sur ses fonctions stratégiques, ce qui s'inscrit nécessairement dans une durée longue, et les collectivités locales, et notamment les régions, qui disposeront, très vite, de nouveaux leviers pour le développement économique et l'innovation.
C'est aussi pour cela, cher Alain Rousset, que je crois que l'Etat vous doit sa présence dans les conférences territoriales de l'action publique. Les CTAP, c'est le lieu de la régionalisation de l'action publique ; l'Etat doit non seulement le reconnaitre mais s'y adapter. C'est là que s'expriment les demandes de délégations de compétences de l'Etat, qui doivent répondre aux particularités de chaque région. Ce n'est donc pas un Etat arbitre dont il s'agit ici mais d'un Etat partenaire, d'un Etat partie prenante de l'action publique.
« Si l'on persévère dans la méthode consistant à fixer des règles universelles en matière de transferts de compétences devant valoir pour toutes les régions, sans tenir compte des diversités territoriales, on ne pourra aboutir qu'au plus petit dénominateur commun ». C'est bien le constat que vous faisiez, je viens de vous citer, dans les propositions que vous m'aviez remises dès le mois de juillet de l'année dernière. C'est ce qui a guidé ma réflexion pour les CTAP et c'est bien ce que prévoit le 1ier projet de loi en discussion.
Les CTAP, ce sont les « conférences de partage » prônées par Martin Malvy qui y voyait déjà le lieu où se déclinent, « par convention », les compétences que la loi attribue « au coordinateur, au chef de file, au pilote ».
En somme, les CTAP, c'est prendre un peu de temps sur des accords de gouvernance, pour gagner, après, de nombreux mois, les collectivités n'ayant plus à se réunir au quotidien pour savoir sur chaque projet qui fait quoi, qui finance quoi.
Déterminer des modalités d'organisation particulières entre les collectivités, valoriser la confiance entre leurs exécutifs - qui ont déjà su apporter la preuve qu'ils sont capables de s'entendre- libérer les initiatives locales, voilà l'objectif des textes que je défends.
Le Premier ministre m'a autorisée à confirmer que l'autonomie financière et la garantie de vos ressources sont la clef de notre réussite commune.
Ces actes posés, mettons à profit les semaines qui viennent pour lever les dernières ambigüités, pour parfaire le prochain texte.
Je crois profondément que les régions de France sont le lieu dynamique du redressement de notre pays.
Trop d'articles ont voulu faire croire que le Gouvernement les avait oubliées.
Je vous rappelle solennellement ici que le Gouvernement tiendra les engagements que vous avez signés le 12 septembre 2012 à l'Elysée.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 20 septembre 2013