Déclaration de M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, sur la politique du logement social dans les outre-mer, avec notamment la revalorisation de la ligne budgétaire unique (LBU) et la défiscalisation, à Paris le 25 septembre 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 2ème Conférence environnementale, au palais d'Iéna à Paris les 20 et 21 septembre 2013

Texte intégral

Monsieur le Président du l’USH (M. Jean-Louis DUMONT),
Madame la Présidente de la fédération nationale des sociétés coopératives de HLM (Mme Marie-Noëlle LIENEMANN),
Monsieur le Président de l’USH outre-mer (M. Thierry ROMANOS),
Monsieur le Directeur général de l’USH (M. Frédéric PAUL),
Monsieur le Directeur de la mission outre-mer de l’USH (M. Mahieddine HEDLI),
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui.
C’est une phrase un peu convenue, je vous l’accorde. Rares sont les discours qui ne commencent pas ainsi. Pourtant, je vous prie de croire que ce n’est pas une simple formule.
Oui, je suis vraiment très heureux de pouvoir participer, ici à Lille, aux rencontres « outre-mer » du Congrès du mouvement HLM, et d’avoir pu répondre à l’invitation de mon ex-collègue député, mais toujours ami, Jean-Louis DUMONT, président de l’Union sociale pour l’habitat.
Je tiens à le remercier car il a bien voulu accepter d’aménager le programme initialement prévu pour me permettre de m’exprimer devant vous.
L’an dernier, je n’avais pu me rendre à Rennes où vous étiez en Congrès, retenu par ailleurs par mes fonctions de « jeune » ministre des Outre-mer, nommé à peine trois mois auparavant. J’en avais conçu quelque regret, car j’avais alors à coeur de vous dire l’enjeu essentiel que représente pour tout le gouvernement, et pour moi en particulier, la problématique du logement, et singulièrement dans les Outre-mer.
Et j’avais aussi à coeur de me rendre en une assemblée – la vôtre – avec laquelle, je crois pouvoir le dire, je partage un certain nombre de valeurs et de principes d’actions au bénéfice de la cité et de ses citoyens. J’ai pu mesurer cette communauté de vues encore aujourd’hui à l’écoute des interventions qui ont rythmé les échanges de cet après-midi.
Mais ce n’est peut-être pas plus mal, en définitive, de venir jusqu’à vous après un peu plus de 16 mois d’action gouvernementale.
Cela me permet en effet de vous dire que je ne viens pas seulement avec des promesses et des grands principes.
Je ne viens pas seulement armé de bonnes intentions.
Non. Je viens aussi à l’appui de ce que nous avons construit et concrétisé dans ce champs qui, je le dis, figure depuis le 1er jour parmi les grandes priorités du gouvernement.
Oui, mesdames et messieurs, le logement est depuis le 1er jour une priorité pour ce gouvernement.
C’était l’un des engagements de campagne du président de la République. L’un de ses 60 engagements pour la France, mais également l’un de ses 30 engagements pour les Outre-mer.
Ces engagements sont, depuis la nomination du gouvernement, la feuille de route que nous suivons. C’est notre guide pour l’action.
Et comme il s’agit d’une priorité, nous avons agi prioritairement en ce domaine depuis mai 2012.
Priorité, quand nous prenons, en août 2012, un décret d’encadrement des loyers. C’était une réponse urgente à une situation urgente.
Ce décret fut l’une des premières mesures prises par le gouvernement, tout domaine confondu, et le projet de loi d’accès au logement et pour un urbanisme rénové, récemment adopté par les députés et bientôt examiné au Sénat, va donner une toute autre ampleur à notre action en faveur d’une modération des loyers.
Priorité encore que ce projet de loi dit « Alur », qui vise aussi, je le rappelle, à atteindre un objectif de construction de 500.000 logements par an à la fin du quinquennat, dont 150.000 logements sociaux.
C’est une réelle ambition d’action volontariste qui vient compléter utilement le plan d’investissement pour le logement annoncé par le président de la République et ses 20 mesures dont la mise en oeuvre se poursuit progressivement.
Priorité, oui, quand nous mettons en place le dispositif de soutien fiscal pour le logement intermédiaire qui porte le nom de ma collègue ministre, Cécile DUFLOT, qui, avec talent et détermination, incarne précisément le volontarisme du gouvernement.
Pour chacune de ces mesures, je me suis attaché à permettre aux outre-mer d’en bénéficier, y compris par des ajustements ou des mesures spécifiques lorsque cela s’avérait nécessaire et possible.
C’est ainsi que nous avons mis en place deux dispositifs de soutien fiscal adapté pour le logement intermédiaire dits « Duflot DOM » et « Duflot COM ».
Car s’il y a des territoires où le logement doit être encore davantage une priorité qu’ailleurs, ce sont bien les outre-mer.
C’est pourquoi je me suis attaché à redonner à la Ligne budgétaire unique, la LBU, son rôle de socle du financement du logement social dans les outre-mer.
C’était un engagement de campagne du président de la République envers nos territoires. Et la meilleure preuve qu’il était ambitieux et qu’il témoignait d’une réelle volonté politique, c’est qu’il n’a pas été facile à tenir !
Mais nous sommes parvenus à remettre à niveau la LBU.
Le projet de loi de finance pour 2014 qui a été présenté ce matin en conseil des ministres prévoit en effet une nouvelle revalorisation de 18 millions d’euros des crédits de paiement de la LBU, soit + 8%, qui font suite à une hausse de 13 millions d’euros en 2013, soit + 6%.
Ce qui porte au crédit de ce gouvernement, par la volonté du Premier ministre, une augmentation de 15% des de la LBU en deux ans, soit 31 millions d’euros.
Et pour demeurer dans la cohérence de cette action positive, nous avons inscrit notre priorité pour le logement au coeur de la réforme de la défiscalisation.
Au terme d’un exercice de concertation inédit par sa durée, son intensité et l’implication des acteurs sociaux-économiques et des élus des outre-mer, avec – je veux le saluer – l’appui et l’expérience précieuse de l’USH, nous avons pu démontrer l’importance de la défiscalisation et les impacts que pourrait avoir sa remise en cause en matière de logement social.
La mise en place d’un nouveau système aurait eu pour effet de déstabiliser un dispositif encore récent pour lequel les opérateurs ont su développer une ingénierie et une capacité de négociation avec les investisseurs. C’est la dynamique actuelle qui s’en serait trouvée fragilisée et les conséquences auraient été particulièrement négatives sur nos économies et sur l’emploi.
L’arbitrage du Premier ministre, dans un discours à Fort-de-France, a été clair :
- maintien du dispositif de défiscalisation dans le logement social dans les DOM et dans les COM
- et expérimentation d’un crédit d’impôt en faveur des bailleurs sociaux.
C’est donc bien parce que le logement est une priorité pour les outre-mer que nous avons mis tant d’ardeur à remettre à niveau la LBU et à préserver la défiscalisation.
Et les résultats en termes de production de logements sociaux sont indéniables.
Avec 274 millions d’euros de LBU en autorisation d’engagement et 465 millions d’euros mobilisés par la défiscalisation en 2012, la construction de logements sociaux neufs à atteint 8.250 unités en 2012 contre 7.500 en 2010. A ces chiffres très encourageants, s’ajoutent les logements réhabilités ou améliorés qui sont passés de 4.600 en 2010 à 5.950 en 2012.
Voilà, en termes mesurables, ce que nous avons fait.
Mais le logement social – je ne vous apprends rien à vous qui en êtes les artisans de terrain – ce ne sont pas que des chiffres.
Non, une vraie politique de logement social ne peut se résumer à un alignement de chiffres, fussent-ils flatteurs. Et c’est particulièrement vrai outre-mer.
Car, qu’est ce, au fond, qu’une politique de logement social dans nos territoires, sous nos latitudes, compte tenu de ce que sont les réalités que vivent nos concitoyens ?
Et bien, c’est d’abord un enjeu qui irrigue très profondément les sociétés ultramarines.
Oui, c’est un enjeu qui est au coeur de ce que doivent être nos politiques de solidarité.
Les outre-mer sont des territoires où, plus encore qu’ailleurs sur le territoire de la République, l’Etat est attendu sur sa capacité à garantir aux citoyens un toit, un savoir et un emploi.
C’était, je dois le dire, un triptyque qui a guidé mon action de président de Région.
Un toit, c’est l’essence même d’un projet de vie.
Y accéder, c’est gagner son autonomie, c’est dé-cohabiter, c’est prendre son envol dans l’existence et pouvoir fonder à son tour une famille et s’épanouir dans la cité.
Oui, un toit c’est l’une des clés de l’émancipation et les besoins en matière de logement sont tels, dans nos territoires – 100.000 logements à construire dans les outre-mer pour répondre aux besoins identifiés – qu’il nous faut répondre à cette demande sociale pour remettre nos sociétés en mouvement.
Pour remettre en marche l’ascenseur social, il y a nécessité de débloquer les parcours résidentiels.
Une vraie politique de logement social, c’est aussi répondre à une logique d’aménagement dans des territoires où, souvent, a prospéré une forme d’anarchie dans l’urbanisme et dans l’occupation de l’espace.
Le dynamisme démographique de ces territoires, supérieur au niveau national, induit aujourd’hui une urbanisation rapide, difficile à maîtriser.
Outre la prise en compte de ces caractéristiques sociales, il y a de fortes tensions foncières. Les risques sismiques aux Antilles, la présence de nombreux espaces protégés (parcs nationaux, réserves naturelles, espaces protégés…), la compétition entre les différents usages du sol, l’importance de l’indivision et l’existence d’une forte propension à la rétention foncière concentrent les zones urbanisables dans des espaces exigus.
La croissance démographique et la faiblesse des revenus continuent de générer une proportion accrue de logements indécents sous différentes formes comme l’habitat précaire, l’habitat « en mou », informel, voire insalubre.
Voilà un enjeu considérable dans les outre-mer et les travaux en la matière du député de la Martinique, Serge LETCHIMY, ont contribué à faire mieux connaître cette triste réalité et à mettre en oeuvre des réponses adaptées, dont les derniers textes seront bientôt publiés.
Mettre en oeuvre une vraie politique de logement social, c’est répondre à ces enjeux-là, mais c’est aussi s’appuyer sur un formidable outil de politique publique.
Quelle politique publique mobilise aujourd’hui, chaque année, 800 millions d’euros ?
Quelle politique publique peut jouer à elle seule, par les effets de levier qu’elle induit, un rôle essentiel de locomotive pour l’activité économique ?
Quelle politique publique est en mesure de créer, dans chaque territoire, un important volume d’emplois non délocalisables, avec des degrés de qualification divers ?
Quelle politique publique parvient à répondre aux projets de vie de dizaines de milliers de familles chaque année ?
Il n’y en a qu’une et vous êtes les mieux placés pour la connaître : c’est la politique du logement social et elle est à la confluence de tous les enjeux de nos sociétés.
Aujourd’hui, je viens vous dire que nous avons les crédits pour cette politique.
Je viens vous dire que nous avons les outils pour cette politique.
Et nous connaissons les objectifs à atteindre.
Aujourd’hui, nous devons donc mettre en oeuvre un véritable plan logement pour les outre-mer.
Un plan logement outre-mer permettant de répondre aux besoins qui ont été identifiés.
Pour y parvenir, nous devons nous inscrire résolument dans une logique de projets.
Il faut davantage de lisibilité en termes de programmation. Je sais que vous y êtes attentifs.
Nous devons être en mesure d’afficher un cap pour engager dans la durée les moyens nécessaires à la production de logements.
Cet objectif ambitieux figurera dans la loi d’orientation pour l’économie et la compétitivité outre-mer que le Premier ministre m’a demandé de porter et sur laquelle je suis en train de travailler.
Nous avons tous besoin de cette vision pluriannuelle. Je dis tous car j’ai éprouvé comme élu local combien la politique du logement social est par essence même partenariale entre l’Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux.
Le gouvernement s’engagera donc plus résolument dans cette logique de programmation pluriannuelle, par territoires pour être au plus près du terrain.
Mais cet engagement fort de l’Etat qui dépasse son engagement simplement financier n’ira pas sans contreparties Car le logement est un investissement d’avenir qui doit être mieux valorisé et dont nous devons résolument accroître les retombées.
Les retombées en termes de formation professionnelle.
Les retombées en matière d’emplois.
Il y a, je n’hésite pas à vous le dire, une responsabilité citoyenne particulière dans ce secteur. Je sais que ces mots ont une résonnance particulière à vos oreilles.
Il faut aussi un pacte avec les bailleurs pour accentuer l’effort sur les loyers de sortie et accélérer le rythme de production.
Pour y parvenir, le plan logement outre-mer doit apporter des réponses aux caractéristiques de la politique de l’habitat outre-mer à travers la connaissance des coûts, la mobilisation du foncier, mais également l’expérimentation et l’adaptation des normes de la construction.
Je souhaite par exemple que des observatoires de l’habitat soient pleinement opérationnels en outre-mer et puissent alimenter les travaux des CDH. Ces outils sont essentiels pour pouvoir engager des actions volontaristes permettant de contenir l’augmentation des coûts de construction.
J’aspire également, à travers ce plan logement outre-mer, à traiter la question foncière. La détente du marché foncier est un maillon essentiel pour maîtriser les coûts de production des logements sociaux.
C’est pourquoi je souhaite, en premier lieu, que soit accélérée la cession gratuite du foncier de l’Etat par une connaissance précise et exhaustive des ressources du territoire sous l’égide des préfets.
Le foncier des outre-mer se caractérise également par une absence massive de titres de propriété liée à des successions non réglées, à des occupants de fait ou sans titre.
L'absence de titres constitue un handicap majeur dans la réalisation de logements sociaux. La reconstitution et la régularisation des titres de propriété est donc une mission à développer pour la maîtrise foncière.
La proposition de loi dite « PPL 50 pas » introduite par le Sénateur Larcher, d’ores et déjà adoptée au Sénat, et en discussion début octobre à l’assemblée nationale, permettra une évolution notable en la matière.
Enfin, je souhaite que des études soient conduites pour améliorer les outils juridiques en matière de lutte contre la rétention et la spéculation foncières.
Par ailleurs, je souhaite que notre action volontariste accorde une place importante à l’innovation et à l’expérimentation.
En premier lieu, il faut identifier les normes génératrices de surcoûts qui pourraient faire l’objet d’adaptations, voire de simplifications. Il s’agit ni plus, ni moins de la mesure n°14 du Plan d'investissement d'urgence pour le logement adaptée aux outre-mer.
Je crois également beaucoup aux capacités des acteurs locaux et des professionnels à identifier de nouveaux procédés techniques permettant de réduire les coûts de construction.
Le plan doit conduire à l’émergence de filières sur les matériaux locaux et ainsi favoriser les innovations, notamment en matière de transition énergétique.
J’ai parlé dans mon propos des effets de levier qu’induit la politique du logement.
Je vais vous faire une confidence : c’est là pour moi la quête essentielle que je veux transformer en conquête essentielle.
Les effets de levier.
Les effets multiplicateurs d’une politique. Ce qu’elle offre comme capacité d’entraînement sur tout le reste de l’économie et, au-delà, sur toute la société.
Quand je chercher à lutter contre la vie chère outre-mer, quand je me penche sur la compétitivité des entreprises, quand je mets sur pied un plan de haute qualité éducative dans nos territoires, c’est cela que je recherche : les effets de levier qui créent les conditions d’un cercle vertueux de croissance.
Dans le logement, il y a précisément des effets de levier considérables !
A partir des talents que recèlent les outre-mer – talents d’artisans, d’ouvriers, d’architectes, d’urbanistes, de créateurs – et à partir des innovations qu’ils peuvent porter en matière d’isolation thermique, de ventilation, d’économies d’énergie, de matériaux innovants, ce sont des filières d’avenir que nous pouvons créer.
C’est de la valeur ajoutée que nous pouvons créer.
Ce sont des emplois que nous pouvons créer.
Il y a une formidable cohérence à concevoir en ce sens nos politiques publiques.
Les défis que nous devons relever collectivement sont considérables, chacun le mesure ici, j’en suis sûr.
Dire tout cela devant vous, c’est dire tout simplement l’importance que le gouvernement attache à l’engagement de l’USH et de ses membres pour atteindre nos ambitions partagées.
Je vous remercie.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 30 septembre 2013