Interview de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, à Radio classique - LCI le 4 mars 2014, sur les différentes propositions d'économies budgétaires à réaliser.

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Média : La Chaîne Info - Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Je suis ravi, je suis ravi de vous retrouver, ravi de retrouver Marylise LEBRANCHU donc pièce importante du gouvernement. Le mot « pièce » évidemment pourrait apparaître comme légèrement péjoratif, parce que vous vous occupez de la Fonction publique, de la Réforme de l'Etat et des Territoires et il y a beaucoup, donc de questions qui vous concernent ce matin. La première est très simple, est-ce que ce que j'ai lu dans LE PARISIEN est vrai ? A savoir qu'il serait question que l'Etat, en tout cas qu'il réfléchit actuellement à la diminution de sa dotation aux territoires…
MARYLISE LEBRANCHU
Ce n'est pas tout à fait comme ça, qu'on raisonne mais…
GUILLAUME DURAND
Je vais jusqu'au bout, 10 milliards d'économie suggère LE PARISIEN donc dans les allocations versées par l'Etat aux territoires.
MARYLISE LEBRANCHU
Moi, je n'ai aucun arbitrage ni quoi que ce soit sur les chiffres, c'est simplement un napelage, je pense ces chiffres. Il y a 50 milliards d'économies à trouver, l'Etat, la Sécurité sociale, les opérateurs et les collectivités territoriales. C'est vrai qu'on a eu quelques discussions avec les représentants des collectivités territoriales…
GUILLAUME DURAND
C'est tellement important, ce sujet, que je vais rapprocher ma chaise, parce qu'il va falloir qu'on trouve quand même des pistes ensemble, ce matin.
MARYLISE LEBRANCHU
Voilà ! Et donc vous avez en particulier un constat qui est que les dépenses des collectivités territoriales augmentent d'à peu près 3 milliards par an. C'est vrai que c'est beaucoup, c'est vrai que sur le bloc communal, depuis l'existence de l'intercommunalité, moi, j'y travaille beaucoup, il y a quand même quelques services qui ont été non-mutualisés. Donc on prend une compétence, on passe par les services, bref, on a sans doute ensemble, beaucoup d'économies à faire. Alors je ne sais pas…
GUILLAUME DURAND
10 milliards donc ?
MARYLISE LEBRANCHU
A mon avis on n'arrivera pas à 10 milliards. Ce n'est pas, enfin, le chiffre que j'imagine aujourd'hui, mais moi, je ne veux pas jouer aux chiffres, parce que…
GUILLAUME DURAND
Malgré tout c'est important ?
MARYLISE LEBRANCHU
D'abord ça ne veut rien dire, pour nos auditeurs…
GUILLAUME DURAND
Bah ! C'est quand même le gouvernement qui a donné le chiffre de 50. Alors si la presse parle de 10, ce matin…
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, il faut une simple règle de trois. Je ne sais pas si on fera plus sur les opérateurs, plus sur les collectivités territoriales, au moins moi, je ne spécule pas, je me méfie, et en général, il y a des gens qui aiment…
GUILLAUME DURAND
Enfin vous reconnaissez que l'on réfléchit à ça ?
MARYLISE LEBRANCHU
Ah ! Tous les chiffres sont sur la table, tout est sur la table depuis longtemps d'ailleurs.
GUILLAUME DURAND
Alors si ce n'est pas 10, c'est quoi ? C'est 8 ?
MARYLISE LEBRANCHU
C'est peut-être moins, parce qu'aujourd'hui, et c'est pour ça, que moi, j'étais même atterrée, je dois vous le dire, de regarder ces chiffres qui circulent tout le temps. Parce qu'il faut que l'on regarde des choses plus finement. C'est-à-dire est-ce qu'on regarde le bloc région, le bloc département, le bloc interco, oui, sans doute, il faut que l'on regarde comme ça. Est-ce qu'il faut que l'on réforme la dotation globale de fonctionnement ? C'est compliqué, mais c'est en fait, non, mais c'est tout simple. L'Etat tous les ans…
GUILLAUME DURAND
Le chiffre, voilà, c'est quoi ?
MARYLISE LEBRANCHU
Verse un peu plus de 50 milliards aux collectivités territoriales, plus un fonds de compensation de TVA, plus des compensations de dégrèvement d'impôt etc. on arrive en tout, presqu'à 100 milliards d'euros. Ce que l'on voudrait faire, c'est réformer ces dotations parce qu'elles sont injustes. Vous avez aujourd'hui des valeurs cadastrales dans les valeurs de maisons qui sont beaucoup plus élevés ici que là ! Vous avez des communes qui ont fait l'effort…
GUILLAUME DURAND
Ça c'est la taxe d'habitation par exemple ?
MARYLISE LEBRANCHU
Taxe d'habitation. Vous avez des…
GUILLAUME DURAND
Donc ça aussi, on pourrait la réformer, pardonnez-moi, parce que j'essaie d'être précis…
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, alors depuis longtemps, on dit qu'on va la réformer, on ne le fait jamais. Je vous dire pourquoi on ne le fait jamais. Parce que vous avez des centres villes dans lesquels taxe d'habitation, les valeurs, sont très faibles. D'autres où elles sont très élevées, des couronnes autour des villes où c'est très faible. Bref ! Beaucoup d'injustices. Mais si vous faites cette réforme, la première année, naturellement, il y en a qui voit leur impôt baissé, ils ne diront rien, d'autres leur impôt augmenté. Donc il faut faire des réformes avec des lissages, c'est extrêmement compliqué. Mais moi, j'ai envie de m'y mettre, parce que j'entends depuis 20 ans que c'est…
GUILLAUME DURAND
Donc ça, c'est une piste qui et probable ?
MARYLISE LEBRANCHU
Oui. Et l'autre piste, c'est réformer la dotation…
GUILLAUME DURAND
Attendez ! Soyons clairs, parce que ce n'est pas moi, qui vais le dire, parce que je ne suis pas ministre…
MARYLISE LEBRANCHU
Non, ça c'est une piste possible, mais à mon avis pas dans les deux ans qui viennent, parce qu'on n'aura pas réussi à monter cela. En revanche et là, j'insiste, les dotations ne sont pas justes. Parce que depuis longtemps, les dotations sont parties, enfin c'est toute une histoire, il y a des couches de dotations depuis longtemps. Tout le monde a naturellement vécu, s'est développé, pas développé, milieu rural, milieu urbain, les dotations ne sont pas justes et le gouvernement tous les ans, demande au parlement de voter des péréquations, c'est-à-dire je corrige ici, je corrige là. Je voudrais faire une réforme globale de la dotation globale de fonctionnement pour qu'elle soit juste.
GUILLAUME DURAND
Oui, à un moment, il va bien falloir baisser le niveau ?
MARYLISE LEBRANCHU
Et qu'on n'augmente plus de 3 milliards par an, les dépenses. Je pense que dans un court terme…
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais alors vous savez qu'on vous a déjà reproché ça. C'est-à-dire est-ce qu'on va se contenter d'un ralentissement de l'augmentation, ou est-ce qu'on va franchement couper dans les dotations…
MARYLISE LEBRANCHU
Si on réussissait déjà ce qui n'a jamais été réussi depuis la crise de 2008, mais surtout depuis les 15 dernières années. Si on réussissait déjà à bloquer ces augmentations et à dire : on arrête, on prend la valeur qu'on a aujourd'hui, et déjà on arrête… vous savez que c'est énorme comme économie.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais c'est une réforme, ce n'est pas une réforme structurelle ? On limite la casse,…
MARYLISE LEBRANCHU
Non, la réforme structurelle c'est pour moi, je réforme la dotation globale de fonctionnement, mais aussi je présente un texte de loi, là, bientôt en avril où je dis la mutualisation des services deviendra obligatoires, si vous ne la faites pas, il y a moins de dotation globale de fonctionnement. J'encouragerais toutes les fusions. Je vais encourager les fusions de communes…
GUILLAUME DURAND
Quand vous parlez des fusions, par exemple, c'est pour tous les opérateurs de l'Etat ?
MARYLISE LEBRANCHU
Non, je vais encourager les fusions de communes, je vais encourager les fusions d'établissements intercommunaux. Je vais encourager les fusions de départements, je vais encourager les fusions de région. C'est-à-dire que je vais essayer de pousser tout le monde….
GUILLAUME DURAND
Combien de régions ?
MARYLISE LEBRANCHU
Pardon ?
GUILLAUME DURAND
Combien ?
MARYLISE LEBRANCHU
Voilà ! Vous dites oui, et ça vous êtes journaliste, c'est normal, vous voulez toujours…
GUILLAUME DURAND
Bah oui !
MARYLISE LEBRANCHU
Je ne sais pas, moi, vous voyez. Parce que c'est extrêmement sérieux…
GUILLAUME DURAND
C'est quand même inquiétant, vous êtes ministre ?
MARYLISE LEBRANCHU
Non, c'est que je ne sais pas pourquoi je ne sais pas combien de régions aujourd'hui, parce que j'ai des élections en 2015 et que je n'ai pas le droit de couper les régions en 2014, parce que j'ai des élections en 2015 et ça, c'est la Constitution. Donc ça nous donne du temps après, et prenons le temps de bien faire. 3 ans ce n'est pas beaucoup, vous, vous êtes obligé de donner une information, le mardi ou le mercredi pour le… bref ! Moi, pas !
GUILLAUME DURAND
Oui, mais ne caricaturons pas madame ! Le problème c'est qu'il y a un mot, c'est le gouvernement qui a dit, je termine, il y a un moment le gouvernement dit : 50 milliards en gros d'ici le printemps. CAZENEUVE travaille avec tous les ministres en charge, donc vous !
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, laissez-nous, moi, j'aurais mon arbitrage au mois d'avril, pour l'instant, si vous voyez le nombre de tableaux d'hypothèses, de réformes etc.
GUILLAUME DURAND
J'imagine très bien ! La subtilité n'est pas simplement dans le votre ton, j'ai remarqué…
MARYLISE LEBRANCHU
Si je dis aujourd'hui, 7 ans, je veux dire moi, déjà, je veux faire quelque chose de juste. Et par exemple…
GUILLAUME DURAND
Personne ne vous le reprochera.
MARYLISE LEBRANCHU
Il y a eu trois villes qui ont été classées : Lille, Bordeaux et ça y est la troisième m'échappe, comme étant des villes extrêmement bien gérées. Bordeaux est une ville riche, Lille est une ville pauvre. Ils ont réussi à Lille quand même à s'en sortir mais est-ce qu'il faut que je dote de la même façon les villes riches, les villes pauvres. Sans doute pas ! Donc c'est compliqué, parce que si je disais en pourcentage, tout le monde va regarder ce qu'il a comme dotation et enlever le pourcentage. Ce n'est pas comme ça que ça va se passer.
GUILLAUME DURAND
Notamment ce matin dans LE PARISIEN, vous allez me dire que vous avez des lectures obsessionnelles, mais après on parlera d'autres journaux, le maire du Mans, BOULARD dit : le problème c'est qu'on est tous en train de promettre que l'on ne va pas augmenter les impôts, et si les dotations de l'Etat diminuent, comment on va faire ? Parlons de la campagne de Paris, HIDALGO, NKM, elles sont là toutes les deux : jamais nous n'augmenterons les impôts.
MARYLISE LEBRANCHU
Je vais vous dire très honnêtement, à Paris, ils n'ont pas effectivement besoin d'augmenter les impôts, elle a raison Anne HIDALGO, NKM sans doute aussi, sur les impôts en tout cas. Elle a raison Anne, parce que Paris il y a de la ressources et qu'on vient de créer la métropole du Grand Paris. Et qu'en créant la métropole du Grand Paris, on met fin à un système qui faisait qu'il y avait 240 millions de moins pour Paris, de péréquation par ici, 300 millions de moins pour Paris de péréquation par-là. Avec la métropole du Grand Paris, la solidarité, elle va se faire immédiatement, sans toutes ces péréquations compliquées, personne ne pouvait comprendre tout ce qui se passait et en tout cas pas les citoyens. Et là, on vient de faire une métropole du Grand Paris, c'est quand même un élément important qui va leur permettre de beaucoup mieux travailler sans augmenter les impôts.
GUILLAUME DURAND
On est d'accord que la dotation globale va baisser ?
MARYLISE LEBRANCHU
Moi, je pense que la dotation globale… je pense, je suis certaine que l dotation globale va baisser.
GUILLAUME DURAND
On ne va pas donner de chiffre, vous ne voulez pas le donner. Comme je ne vais pas vous torturer, qu'on n'est pas dans un commissariat de police…
MARYLISE LEBRANCHU
Non, et puis vous voyez, parce qu'il y a des gens qui s'amusent, même au niveau, allez ! Des administrations centrales comme des cabinets sans doute à jouer comme ça, aux chiffres avec les journalistes, le résultat c'est qu'on embrouille tout le monde, et qu'on n'est pas responsable. Moi, je veux être extrêmement responsable…
GUILLAUME DURAND
Alors donnons un pourcentage ! 10 %, 15 %, c'est hyper compliqué…
MARYLISE LEBRANCHU
Moi, je pense que sur le bloc intercommunal on en a discuté il n'y a pas longtemps, avec… la mutualisation, avec la mutualisation on est capable de faire 10 % d'économie. Je pense que c'est à peu près ça…
GUILLAUME DURAND
Donc si on fait 10 % sur 100 milliards…
MARYLISE LEBRANCHU
La mutualisation voilà, c'est à peu près ça. Est-ce qu'il faut le faire en un an, en deux ans, en trois ans, en quatre ans, ça je ne peux pas vous répondre. Il faut que je regarde ce qui va se passer…
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que vous répondrez d'ici le printemps ? Sûrement ? Dans le détail ?
MARYLISE LEBRANCHU
Mais je vais être obligée de bâtir un mécano extrêmement complexe, et ça je voudrais que vous en donniez acte, ce n'est pas simple de regarder, est-ce que c'est sur l'investissement…
GUILLAUME DURAND
Je n'ai jamais dit ça moi !
MARYLISE LEBRANCHU
Que les collectivités vont bouger. Est-ce que c'est sur les aides aux entreprises ? Il y a un rapport sur les aides aux entreprises qui montre que les 80 milliards c'est beaucoup trop, que ça ne sert pas voilà !
GUILLAUME DURAND
J'ai tellement de questions, les opérateurs de l'Etat, alors vous savez, tout le monde connait, il y a Pôle emploi, les universités, ça c'est plutôt préservé. Mais est-ce qu'il y a d'autres opérateurs de l'Etat qui vont être obligés de fusionner ou qui vont être obligés de disparaître ?
MARYLISE LEBRANCHU
Fusionner sûrement. Disparaître, je n'en ai pas en tête, qui doivent disparaître…
GUILLAUME DURAND
Exemple ? Mais donnez-moi un exemple de fusion probable, possible ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors il y a eu pleins de fusions à l'intérieur du ministère de l'environnement. Vous savez il y avait pleins d'opérateurs pour expertise de ceci, expertise de cela, expertise de la montagne, de la mer, de l'eau, de l'air etc. etc. ils ont fusionné, maintenant, ils n'en ont plus qu'un. On a aussi supprimé pleins de commissions consultatives, on fait une oeuvre de simplification qui est forte, très forte. Et à chaque fois, on fait des économies. Moi, ce que je veux en plus, c'est que chaque opérateur, par exemple par exemple au niveau de la distribution des crédits en région, vous avez un préfet de région qui est chargé maintenant de regarder comment s'organise le budget de l'Etat. Eh bien, il faut que tous les opérateurs ADEME, etc. tous et ils sont nombreux soient aussi associés sous l'autorité du préfet de région, par exemple, c'est ce que je vais proposer, pour qu'on regarde qui fait quoi ? Où ? Et qu'au moins les opérateurs de l'Etat ne doublonnent pas les politiques de l'Etat.
GUILLAUME DURAND
Et la fameuse diminution du nombre global des fonctionnaires par le biais de la retraite, qui était le plan SARKOZY, et que vous avez supprimé…
MARYLISE LEBRANCHU
Alors ça a été fait, ça a été fait pendant les années SARKOZY et pour que ça passe, ils ont fait beaucoup d'augmentations, si bien qu'on a fait une économie zéro pendant cette époque. C'est-à-dire qu'on a mis en grande difficulté, un certain nombre de services sans faire d'économie. Moi, j'ai proposé aux syndicats de revoir y compris les carrières, toutes les carrières, les parcours professionnels, les…
GUILLAUME DURAND
Y compris les conducteurs de trains qui partent à la retraite à 50 ans ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors ça, ce n'est pas des fonctionnaires, c'est des entreprises publiques…
GUILLAUME DURAND
Oui, mais enfin…
MARYLISE LEBRANCHU
Mais ils ne partent plus d'ailleurs à 50 ans.
GUILLAUME DURAND
Enfin au début de leur…
MARYLISE LEBRANCHU
Ils sont à 57 maintenant. Mais…
GUILLAUME DURAND
Vous savez que ça fait hurler les gens ? Les trains sont automatisés, tout le monde travaille…
MARYLISE LEBRANCHU
Ca fait hurler les gens, mais à ma connaissance…
GUILLAUME DURAND
Pas les gens qui sont dans le train.
MARYLISE LEBRANCHU
Je n'ai pas le chiffre exact, concernant l'âge de départ à la retraite, mais on n'est plus à 50 ans, donc il ne faut plus non plus, dire des choses, qui n'existent plus.
GUILLAUME DURAND
Enfin tout le monde partant à 62-63, que les gens, mais quel que soit leur niveau de travail, partent 10 avant la retraite pour une tradition qui est celle de la bête humaine de Jean GABIN alors que maintenant les trains sont automatisés…
MARYLISE LEBRANCHU
Vous avez que ce n'est plus ça, et moi, je peux vous renvoyer à un autre exemple, par exemple…
GUILLAUME DURAND
Non, mais je sais. Mais c'est quand même anormal ?
MARYLISE LEBRANCHU
Par exemple, il y a des personnels navigants, qui aimeraient bien travailler au-delà de 60 ans, et ils n'ont pas le droit de le faire, parce qu'on estime qu'ils peuvent ne pas répondre à des conditions de sécurité. Bref ! Moi, je vous parle des fonds…
GUILLAUME DURAND
Mais ça, ce n'est pas tabou ?
MARYLISE LEBRANCHU
Moi, je vous parle des fonctionnaires. Il n'y a aucun tabou chez les fonctionnaires. Et moi, je leur tire mon chapeau y compris aux organisations syndicales et surtout à elles, parce que quand je leur dis : on va améliorer les parcours professionnels, eh bien, sur la durée des carrières…
GUILLAUME DURAND
Oui, mais le chiffre, le nombre ?
MARYLISE LEBRANCHU
Et sur la durée des carrières, ils ne sont pas un tabou non plus. Aujourd'hui, aujourd'hui, le président de la République a demandé 60 000 postes Education nationale, Police, Justice, emploi, du coup, ça veut dire qu'on supprime l'équivalent dans les autres, 17 000 emplois cette année. Dans les autres services de l'Etat, donc il ne faut pas dire qu'ils sont privilégiés etc. Non !
GUILLAUME DURAND
Je n'ai pas dit ça.
MARYLISE LEBRANCHU
Non, mais on diminue beaucoup de postes, simplement et tant mieux, l'école, la sécurité, la justice et l'emploi, sont des priorités.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous allez diminuer le salaire des patrons des entreprises dans lesquelles l'Etat a une participation minoritaire de 30 %, c'est dans L'OPINION, c'est dans LES ECHOS, c'est partout ?
MARYLISE LEBRANCHU
Ce qu'avait dit le président de la République c'est : pas de rémunération dans les entreprises publiques…
GUILLAUME DURAND
Donc ça concerne RENAULT, ORANGE, AIR FRANCE…
MARYLISE LEBRANCHU
Les entreprises publiques, au-delà de 20 fois le SMIC, si je ne me trompe pas. Je pense que dans tout ce qui dépend de l'Etat, ça doit être comme ça. Dans ces entreprises-là, l'Etat n'est pas majoritaire. Mais, moi, je trouverai normal que les patrons disent au fond, je suis comme une entreprise publique, je m'applique la règle. Mais ça, sans doute je rêve !
GUILLAUME DURAND
Pourquoi vous rêvez ?
MARYLISE LEBRANCHU
Parce que je ne sais pas s'ils le feront volontairement, en tout cas ce serait bien.
GUILLAUME DURAND
Dernière question, le remaniement c'est pour quand ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je n'en sais rien moi, je ne suis pas présidente de la République.
GUILLAUME DURAND
C'est quand même invraisemblable.
MARYLISE LEBRANCHU
Mais je ne suis ni présidente de la République, ni Premier ministre et…
GUILLAUME DURAND
Alors on est dans une présidence spéculative, personne n'en sait rien. Tous les journaux le disent : seul le chef de l'Etat sait quand il va remanier ?
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, sans doute ! Et encore, moi, il ne m'en a jamais parlé, je ne lui en ai jamais parlé. Ecoutez, moi, je suis, c'est la troisième fois que j'ai un portefeuille ministériel, c'est la troisième fois que pratiquement à chaque interview je n'en ai pas fait beaucoup sans doute, on me demande : alors c'est quand le remaniement ? J'ai toujours vécu dans les ministères avec des perspectives de remaniement, des bruits de cartons qu'on fait partout, toujours. Donc je dois vous dire qu'au bout de trois…
GUILLAUME DURAND
Moi, je vous parlais de ça, d'un point de vue stratégique, pour une femme politique importante, qui réfléchit à ça, c'est bien après les municipales, c'est bien…
MARYLISE LEBRANCHU
Moi, qui suis pour une équipe resserrée par exemple, prenons, moi, comme l'a dit Jean-Marc AYRAULT, je trouve que ce n'est pas idiot.
GUILLAUME DURAND
Avec ou sans lui ?
MARYLISE LEBRANCHU
Mais tout le monde dit que c'est avec lui, je pense que c'est plutôt bien moi. Vous voyez !
GUILLAUME DURAND
Développez et on termine. Pourquoi c'est plutôt bien ?
MARYLISE LEBRANCHU
Parce qu'il a bâti des choses dans le temps, il a fait extrêmement attention à l'agenda et il a bâti dans le temps. Et c'est vrai que maintenant, on arrive à des moments complexes, difficiles et je trouve qu'il assume, parce qu'assumer la baisse des dépenses publiques comme ça, c'est quand même le Premier ministre de notre histoire, qui a une telle baisse à faire. Et il l'assume avec un calme et une détermination assez exemplaire. Et c'est…
GUILLAUME DURAND
Mais alors qui on sort ? Les jeunes ?
MARYLISE LEBRANCHU
Non, moi, je pense que quelquefois…
GUILLAUME DURAND
Les Verts ?
MARYLISE LEBRANCHU
Il faut réfléchir, les Verts, tout le monde me dit ça aussi, les Verts pourquoi ?
GUILLAUME DURAND
Tout le monde vous dit ça, parce que…
MARYLISE LEBRANCHU
Mais c'est très médiatique ce truc.
GUILLAUME DURAND
Mais ce n'est pas très médiatique…
MARYLISE LEBRANCHU
Si !
GUILLAUME DURAND
Vous savez bien que l'opinion a été extraordinairement choqué par l'interview du MONDE de Cécile DUFLOT, donc ce n'est pas une obsession des journalistes, c'est une obsession des Français. Vous n'avez qu'à voir à quel niveau elle est dans les sondages ?
MARYLISE LEBRANCHU
Non, j'ai déjà dit à votre collègue, qu'elle a dit ça avant, qu'il y ait…
GUILLAUME DURAND
Oui, mais d'accord, il y avait écrit dans les rues de Nantes « une balle… » que les Nantais…
MARYLISE LEBRANCHU
Il y avait écrit quoi ?
GUILLAUME DURAND
Il y avait écrit dans les rues de Nantes, sur les murs, « une balle, un flic » en plein milieu… vous pensez que les Français, ce n'est pas elle qui l'a fait…
MARYLISE LEBRANCHU
Non, mais accordez à Cécile DUFLOT qu'elle a fait son interview avant le début de la manifestation. Donc elle ne pouvait pas savoir ça. Elle l'aurait su, elle ne l'aurait pas réagi de la même façon, ça, j'en suis certaine. Mais ce que je pense parfois, c'est…
GUILLAUME DURAND
Il faut que l'on termine…
MARYLISE LEBRANCHU
Pardon !
GUILLAUME DURAND
Il faut qu'on en termine, parce qu'on est arrivé au terme. Mais…
MARYLISE LEBRANCHU
Ah bon !
GUILLAUME DURAND
Mais je vous laisse conclure, parce que je ne suis pas mal-élevé.
MARYLISE LEBRANCHU
Non, je veux dire, si on fait une équipe resserrée, ça veut peut-être dire qu'il faut mieux utiliser des secrétaires d'Etat ou des choses comme ça, mais vous savez, au final, moi, je trouve quand même qu'on réussit à travailler bien, dans des conditions extrêmement difficiles et ça, j'aimerais bien aussi, qu'on le rende à Jean-Marc AYRAULT. Parce que faire autant d'économie en pleine crise, quand il y a du chômage et quand les gens attendent de vous, beaucoup de secours, beaucoup d'aides et tout ça, dans le calme, c'est formidable, et je pense qu'il y a une chose que l'on doit faire, et qu'on ne fait pas, en parlant de remaniement de chiffres etc. c'est rendre confiance aux Français, et leur donner de l'espoir, et moi, je pense que le seul message à faire passer, c'est : tout ce que l'on fait est difficile, mais moi, j'ai de l'espoir pour vous citoyens français, la France va se redresser c'est ça qu'il faut leur dire.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mars 2014