Interview de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires, à La Chaîne parlementaire Assemblée nationale le 24 septembre 2014, sur les aménagements apportés à la loi ALUR et la réforme de la fiscalité.

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Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

PATRICK CHENE
Vous êtes ministre du Logement, de l'Egalité des territoires, et de la Ruralité. Tout à l'heure je n'ai pas dit de la ruralité, et votre attachée de presse, ou collaboratrice, a dit tout de suite « il faut bien dire la ruralité. » Pourquoi ?
SYLVIA PINEL
C'est important, les territoires ruraux ont aujourd'hui le sentiment, parfois, d'être relégués, abandonnés...
PATRICK CHENE
Ce n'est pas faux.
SYLVIA PINEL
Et c'est important de montrer que le gouvernement y prête une attention forte, et c'est le sens des Assises des ruralités que nous avons annoncées avec le Premier ministre la semaine dernière.
PATRICK CHENE
D'accord. Dans quelques instants vous allez assister au Conseil des ministres, à participer au Conseil des ministres...
SYLVIA PINEL
Demain.
PATRICK CHENE
Ah c'est jeudi, oui, c'est vrai que le déplacement de François HOLLANDE...
SYLVIA PINEL
Voilà.
PATRICK CHENE
Bien joué. Vous allez donc demain participer au Conseil des ministres, ça sera l'occasion pour nous, d'ailleurs, d'évoquer l'actualité dans son sens le plus large, mais parlons de votre spécialité tout d'abord. C'est une drôle de situation que la vôtre, vous avez succédé à Cécile DUFLOT, entre autres pour détricoter une loi qui ne plaisait à personne. Alors, comment vous vous êtes pris ?
SYLVIA PINEL
D'abord, le secteur du logement est un secteur important, important à la fois pour des raisons économiques, pourvoyeuses d'emplois, de croissance, impérieuses aussi pour nos concitoyens qui sont en attente d'un logement. L'objectif...
PATRICK CHENE
D'accord, ce n'est ma question, ma question c'est Cécile DUFLOT.
SYLVIA PINEL
Non, mais l'objectif c'est la relance de la construction, c'est ce que nous avons dit dès le premier jour avec le Premier ministre, et c'est ce que nous nous employons de faire depuis le mois de juin, où une première vague de mesures ont été proposées, en août, et hier au Congrès du mouvement HLM.
PATRICK CHENE
Je reviens à ma question, vous avez succédé à Cécile DUFLOT pour détricoter une partie de la loi qui ne plaisait à personne.
SYLVIA PINEL
Non, il ne s'agit pas de détricoter toute une loi, dans cette loi...
PATRICK CHENE
Une partie de cette loi.
SYLVIA PINEL
Dans cette loi il y a des choses très positives, il y a des mesures qu'il convient de regarder avec pragmatisme, et c'est ce que nous disons, et c'est ce que nous faisons. Je vous prends un exemple. Lorsqu'aujourd'hui nous devons contractualiser une promesse de vente, il y avait tout un tas de documents à annexer à cette promesse de vente, qui partaient d'un bon sentiment, c'est-à-dire la transparence, l'information de l'acquéreur, mais on s'est aperçu que la masse, le volume, était trop important. Nous avons engagé des mesures de simplification. Nous gardons l'esprit, mais nous l'adaptons aux circonstances, et nous la rendons plus efficace, l'information, oui, mais nous dématérialisons, par exemple, un certain nombre de documents. Il s'agit de regarder les choses avec pragmatisme et de redonner confiance au secteur, et c'est ce que nous avons commencé à faire, sur des aspects qui concernent la relance de la construction et la rénovation, qui sont... aujourd'hui c'est deux priorités pour aller vers ces impératifs que j'évoquais au départ, économique et social.
PATRICK CHENE
Je ne comprends toujours pas pourquoi vous ne répondez pas à ma question. Le monde du BTP...
SYLVIA PINEL
Non, parce que c'est polémique et c'est caricatural.
PATRICK CHENE
Ce n'est pas une polémique, c'est une réalité.
SYLVIA PINEL
Et c'est caricatural. Il s'agit...
PATRICK CHENE
Alors répondez, expliquez-moi. Le monde du BTP était vent debout, tout le monde de la construction et du logement était vent debout contre la loi DUFLOT, vous arrivez, vous redonnez confiance, vous venez de l'expliquer très bien, au BTP, qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qu'il a fallu détricoter dans la loi DUFLOT, qu'est-ce qui faisait que cela ne passait pas ? Ce n'est pas faire un procès à madame DUFLOT que de le dire, mais vous avez bien changé quelque chose qui fait qu'aujourd'hui le monde du BTP dit « nous avons confiance, en Sylvia PINEL, avant nous n'avions pas confiance à cause de certains textes. » Quels sont ces textes, les avez-vous supprimés ?
SYLVIA PINEL
Ces textes, cette mesure, c'est une mesure dans le texte de la loi ALUR qui concerne l'encadrement des loyers.
PATRICK CHENE
On y vient, voilà, c'est tout ce que je vous demande.
SYLVIA PINEL
Mais tout le reste ce sont des mesures qui complètent l'arsenal juridique, et pour de nombreuses mesures, que nous avons prises avec le Premier ministre, il s'agit de textes réglementaires, de décrets ou d'arrêtés. Sur la simplification par exemple, qui est un véritable problème évoqué régulièrement à la fois par les professionnels de l'immobilier, mais aussi par les collectivités locales, nous avons pris, en juin, 50 mesures de simplification des normes de construction, sans baisser l'exigence de qualité bien évidemment, mais en agissant justement avec réalisme, en regardant ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas. Ces mesures, de simplification, sont d'ordre réglementaire, il ne s'agit pas de toucher la loi. Il faut faire la part des choses, et il faut sortir des postures. C'est ce que nous nous employons à faire, avec, encore une fois, pragmatisme et réalisme pour avancer sur ce sujet.
PATRICK CHENE
Alors, vous allez me trouver têtu, mais cet encadrement des loyers, en quoi bloquaient-ils les gens du BTP, pourquoi les gens étaient aussi remontés contre cette mesure et comment l'avez-vous assouplie ?
SYLVIA PINEL
Qui n'était pas appliquée.
PATRICK CHENE
Qui n'était pas... mais qui était promise.
SYLVIA PINEL
Justement, parce que cette mesure a créé de l'attentisme, a créé une certaine inquiétude, et l'objectif que nous nous sommes fixés, c'est de regarder justement précisément ce qui pouvait créer de l'attentisme. On s'aperçoit que la principale raison vient du fait que les observatoires des loyers aujourd'hui, ne sont pas opérationnels, ne sont pas fonctionnels, parce que les données techniques ne sont pas suffisamment remontées, et donc il y a des choses qui sortent un peu partout, et qui créent justement, de l'attentisme, de l'inquiétude, parce que certains propriétaires...
PATRICK CHENE
Propriétaires qui ne veulent plus louer, d'autres qui ne veulent pas construire.
SYLVIA PINEL
Honnêtes, qui ne pratiquent pas de loyers abusifs ou excessifs, se disent « mais qu'est-ce que ça va donner pour nous ? », et la raison essentielle c'est que les conditions techniques de la mise en oeuvre de l'encadrement des loyers, à part Paris, n'est pas aujourd'hui possible. Plus tard on pourra...
PATRICK CHENE
Donc vous avez annulé cette mesure et vous avez redonné confiance au secteur ?
SYLVIA PINEL
Il s'agit de regarder les choses avec, encore une fois, réalisme. Paris avait cette pratique depuis longtemps, donc l'Observatoire peut être agréé scientifiquement, les autres communes n'ont pas le même temps d'avance et il convient justement, pour rassurer, de regarder les choses avec lucidité.
PATRICK CHENE
Certains disent qu'on est passé du dogmatisme au pragmatisme, c'est caricatural ?
SYLVIA PINEL
Quand nous sommes dans une situation aussi difficile, sur un secteur où la construction est en baisse, est en baisse, pas depuis 2 ans, depuis plusieurs années, depuis 2008 les chiffres de la construction sont en baisse, et on voit que derrière ce sont des situations extrêmement graves, extrêmement difficiles pour nos concitoyens, il convient de regarder les choses, en face, et de prendre les mesures appropriées. Appropriées à la fois sur le logement social, sur la simplification des normes, sur le logement intermédiaire, sur tout un panel d'outils, sur l'accession à la propriété, qui permettront à la fois aux ménages, aux investisseurs, de se retourner vers l'immobilier, de se retourner vers le logement, secteurs qu'ils ont délaissés depuis 2008.
PATRICK CHENE
Alors, vous allez redonner confiance au BTP, et on sait que c'est important dans notre pays, en annonçant 15.000 logements HLM en 3 ans, la rénovation des logements sociaux...
SYLVIA PINEL
15.000 logements très sociaux.
PATRICK CHENE
Oui, c'est ça, avec des normes encore plus basses au niveau des loyers.
SYLVIA PINEL
Des loyers très bas, puisqu'on voit bien aujourd'hui que des personnes qui ont moins de 1000 euros par mois de revenu, ont d'immenses difficultés à se loger, et l'objectif c'est, avec le mouvement HLM, de permettre la construction de 15.000 logements qui auront justement des loyers beaucoup plus bas que les P.L.A.I, excusez-moi pour le terme technique, qui sont aujourd'hui traditionnels et déjà existants. Il faut compléter...
PATRICK CHENE
Ces 15.000, vous les suivez comment en 3 ans ?
SYLVIA PINEL
L'objectif c'est de, avec le mouvement HLM, d'offrir un panel de logements HLM très sociaux, mais également de développer une offre de logements accompagnée, pour des personnes qui sont en grande détresse économique et sociale, pour leur permettre d'être maintenues dans le logement et d'éviter la spirale de l'exclusion sociale et de la mise à la rue qui est toujours terrible en termes de conséquences humaines.
PATRICK CHENE
Rénovation des logements sociaux, ça va faire travailler le BTP. 750 millions, c'est...
SYLVIA PINEL
C'est un geste considérable, c'est un effort tout à fait historique pour rénover le parc existant. Il y a dans cette volonté à la fois la volonté de permettre aux locataires du parc social de bénéficier d'un environnement favorable et d'avoir des gains de pouvoir d'achat, mais, en même temps, d'avoir un impact positif sur les entreprises de l'artisanat, du secteur du bâtiment, parce que, nous le savons bien, que la rénovation est engagée beaucoup plus vite, beaucoup plus rapidement, que les délais de construction. Donc il nous faut agir, comme je le disais tout à l'heure, à la fois sur la relance de la construction avec des mesures fortes, mais aussi sans négliger la rénovation qui permet de mettre des chantiers sur les rails beaucoup plus rapidement.
PATRICK CHENE
Quand vous rencontrez les responsables du BTP, est-ce que vous leur demandez un échange en quelque sorte, vous faites un effort pour eux, et puis est-ce que vous évoquez avec eux le thème de l'emploi dans le BTP ?
SYLVIA PINEL
Nous sommes dans un dialogue constant avec les entreprises et les responsables de ces professions, que je connais bien puisque les deux dernières années j'étais en charge de l'Artisanat. L'objectif, pour eux, c'est bien sûr de former, de former des jeunes, mais aussi de garder leurs salariés, et lorsqu'on constate une baisse de la mise en construction, et que nous voulons agir sur la rénovation, qui permet justement d'enclencher des travaux beaucoup plus rapidement, nous avons justement un impact, on le sait, sur l'emploi.
PATRICK CHENE
Et le recours à l'emploi, via des sociétés étrangères, etc., est-ce que vous en parlez avec eux ?
SYLVIA PINEL
Eux, ce qu'ils nous demandent justement, c'est d'avoir une législation claire, c'est ce que nous avions fait sur la question du détachement, et le message que la France a porté à l'échelle européenne. Les entreprises de l'artisanat, ou les entreprises du secteur de la construction, du bâtiment, ce qu'elles souhaitent, c'est se développer, c'est créer de l'emploi et participer aux efforts de croissance de notre pays, et le secteur du logement a un rôle clé en la matière.
PATRICK CHENE
Alors, vous êtes en train de rassurer ce secteur-là, on a vu que du côté du BTP en tout cas il y a eu des déclarations très apaisées, lorsqu'on voit les agriculteurs, lorsqu'on voit les pilotes, les notaires, les huissiers, il y a un mouvement qui monte actuellement, au Conseil des ministres demain vous allez peut-être l'évoquer, est-ce que vous craignez un automne un peu chaud ?
SYLVIA PINEL
La situation, le contexte économique est difficile, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement agit sur l'ensemble de ces sujets, que ce soit sur l'agriculture, une loi importante vient d'être votée définitivement au Parlement pour préparer justement l'avenir de l'agriculture et du modèle agricole.
PATRICK CHENE
Ça ne les empêche pas d'être très inquiets et de venir à Paris dans quelques heures.
SYLVIA PINEL
Vous savez, je suis l'élue d'une circonscription qui est rurale, avec l'arboriculture qui est très importante dans mon département, je vois bien les difficultés qui existent, mais regardons ce qui a été fait depuis 2 ans, sur ce domaine, et la forte présence de la France pour préserver justement le modèle, nos modèles d'exploitation agricole, et des modèles plutôt familiaux, a été acté à l'échelle européenne, donc regardons les choses avec lucidité, responsabilité, de la part de chacun.
PATRICK CHENE
Dans le gouvernement, vous avez une solidarité affichée, vous faites partie du Parti Radical, comme madame TAUBIRA, Thierry BRAILLARD, vous êtes donc...
SYLVIA PINEL
Annick GIRARDIN.
PATRICK CHENE
Et Annick GIRARDIN, dans le gouvernement. Il y a quand même une voix un peu dissonante à propos de la grande réforme fiscale que vous attendez, que vous espérez, et de temps en temps on sent ressortir ce sujet, vous réclamez au gouvernement non pas des petites mesures, comme celles qui ont été annoncées, mais une grande réforme fiscale. Est-ce que vous avez des chances d'être entendus ?
SYLVIA PINEL
Cette demande de remise à plat de la fiscalité, au sein du PRG, ne date pas d'il y a 2 mois ou il y a 2 jours, c'était un élément fort pendant les primaires, notamment, où notre candidat, Jean-Michel BAYLET, le président du parti, avait posé la question de la fiscalité...
PATRICK CHENE
Qui avait été promise, d'ailleurs, cette grande réforme fiscale.
SYLVIA PINEL
A la question des ménages, sur les ménages, mais aussi sur les entreprises. Le gouvernement a pris, dans ces domaines, un certain nombre de mesures, nous avons agi en la matière...
PATRICK CHENE
J'ai bien compris que vous ne voulez pas attaquer le gouvernement, mais quand même, vous ne pouvez pas dire que la grande réforme fiscale a eu lieu.
SYLVIA PINEL
Vous savez, pour moi il y a un principe, certes j'ai des convictions politiques, je suis membre du Parti Radical de Gauche, et j'en suis fière parce que ce parti a des valeurs républicaines très ancrées, très fortes, de laïcité, de respect, de tolérance, mais j'appartiens aussi à un gouvernement, et la solidarité gouvernementale, la loyauté à l'égard du Premier ministre et du président de la République, est un principe fort, et d'ailleurs, aussi, une manière de soutenir une politique qui est aujourd'hui indispensable, aujourd'hui nécessaire. Sur la réforme de la fiscalité, je constate que le Premier ministre a fait un certain nombre de propositions qui sont de nature à rassurer mes amis radicaux.Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 octobre 2014