Déclaration de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur la deuxième étape de l'administration électronique et le développement des téléservices publics, Paris le 15 novembre 2001.

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Circonstance : Point de presse sur "la deuxième étape de l'administration électronique", Paris le 15 novembre 2001

Texte intégral

Monsieur le président,
Monsieur le préfet,
Monsieur le directeur,
Mesdames, Messieurs,
Faciliter les relations entre l'administration et ses usagers constitue une priorité du gouvernement depuis 1997. Dans ce cadre, le développement de l'administration électronique représente un progrès majeur - sans pour autant se substituer à l'administration de proximité qui bénéficie également des apports des technologies de l'information et de la communication.
Le chantier de l'administration électronique, mené par le gouvernement depuis 1997 au sein du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI), est une réalité et une réussite.
A travers service-public.fr et quelques 4200 sites publics, les administrations françaises ont pris toute leur place sur internet. Alors qu'en 1997, nous partions à peu près de zéro et que l'on pouvait voir dans les administrations - et donc dans le gouvernement - un facteur d'inertie et de retard dans l'entrée de la France dans la société de l'information, chacun s'accorde aujourd'hui pour souligner le rôle moteur, volontariste et pragmatique des services publics dans l'utilisation des technologies de l'information et de la communication.
Au-delà de la simple mise en ligne de formulaires (dont 1100 sont disponibles sur www.service-public.fr), un nombre croissant de démarches administratives peuvent être accomplies via Internet. Un espace des téléservices publics accessibles sur Internet est en place depuis août 2001 sur www.service-public.fr. Il recense déjà près de 80 téléservices, dont plus de 30 accessibles sur l'ensemble du territoire national.
Ces résultats positifs nous permettent d'aborder à présent une deuxième étape de l'administration électronique. Alors que, dans la période précédente, nous avons dû surtout courir après les autres pour rattraper notre retard initial, nous pouvons aujourd'hui mettre les outils de la société de l'information au service de nos choix et de notre projet politique pour les services publics et pour la France.
Le premier objectif, c'est de mettre les technologies de l'information et de la communication au service des usagers. Selon une étude du Gartner Group, en mai 2001, " 62 % des internautes français ont déjà utilisé des services d'e-gouvernement, contre 33 % en Allemagne et 55 % au Royaume-Uni ". La France serait ainsi aux toutes premières places en Europe pour ce qui est de l'utilisation de l'internet pour préparer ou effectuer des démarches administratives. Et selon une toute récente enquête, 81 % des internautes français souhaitent utiliser de plus en plus internet pour effectuer en ligne leurs démarches administratives : le développement de l'administration électronique est donc, à n'en pas douter, un levier majeur pour renforcer l'intérêt des Français pour internet et les services en ligne.
L'Etat se donne donc aujourd'hui pour objectif que soient proposées en ligne, d'ici 2005, l'ensemble des démarches administratives des particuliers, des associations et des entreprises, ainsi que les paiements fiscaux et sociaux. Chaque usager pourra ainsi, s'il le souhaite, effectuer en ligne tout ou partie de ses démarches et contacts avec les services publics.
Chaque usager pourra ainsi :
- accéder simplement et rapidement à toutes les informations et à une aide personnalisée sur les services publics et ses démarches administratives. Un téléservice ne doit donc jamais être plus complexe à utiliser que son équivalent " papier " ;
- effectuer en ligne et de manière sûre toutes ses démarches avec les services publics - sauf celles qui, par nature, exigent un déplacement. Cela inclut notamment les échanges eux-mêmes, mais également le suivi de ses dossiers, la définition de calendriers prévisionnels personnalisés, la relance par courrier électronique, etc.
- accéder à ses démarches passées et stocker en ligne, à son gré et en toute sécurité, les résultats dématérialisés issus de ces dernières ;
- exercer en ligne son droit d'accès et, le cas échéant, de modification des informations le concernant détenues ou échangées par les administrations, notamment conformément aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Selon l'étude déjà citée du Gartner Group, " 53 % des internautes français souhaitent accéder aux services publics en ligne à travers un portail unique ".
Un site personnalisé " mon.service-public.fr " sera proposé d'ici 2005 à chaque usager pour lui permettre de gérer en ligne l'ensemble de ses relations avec l'administration. Ce service sécurisé donnera accès aux téléservices publics et s'appuiera sur l'ensemble des sites web publics proposant des téléservices.
Mais offrir des services en ligne ou au téléphone ne peut suffire à en garantir le succès. Encore faut-il que nos concitoyens souhaitent les utiliser. Les premiers résultats sont encourageants : 2,5 millions de contribuables ont ainsi eu recours à la simulation de l'impôt sur le revenu en 2001, environ 15 % des demandes d'extrait de casier judiciaires se font aujourd'hui sur internet et ce sont près de 30 millions de feuilles de soins (soit 20 % du total) qui sont télétransmises chaque mois de façon dématérialisée par le " réseau santé social ". Mais ces premiers signes ne doivent pas conduire à une attitude attentiste.
Les questions de sécurité et de protection des données personnelles sont, selon plusieurs études, les principales raisons de ne pas utiliser les services publics en ligne. Leur résolution nécessite de trouver un équilibre entre l'ergonomie des systèmes mis en place et la protection de la vie privée et des données personnelles.
La France est, depuis plus de vingt ans, pionnière dans la protection des informations personnelles. Mais nous nous contentons aujourd'hui d'un modèle " global " de la protection des données personnelles : on interdit ou on autorise les administrations, de manière générale, à effectuer ou non des rapprochements de données. Le citoyen reste essentiellement étranger à cette décision.
Nous devons aujourd'hui renouveler la manière dont les règles en la matière sont appliquées, afin de tenir compte d'un environnement technologique renouvelé. Il serait ainsi possible d'utiliser les outils en ligne pour mieux informer les usagers sur leurs droits ou sur l'utilisation qui est faite de leurs données, pour leur permettre d'exercer en ligne leur droit d'accès et de rectification.
Il ne s'agit en aucun cas de bousculer les principes de notre protection des données personnelles, qui ont fait leurs preuves, mais plutôt de compléter les modalités de leur exercice, en tirant tout le parti des technologies dont nous disposons.
Ces questions sont complexes, parce qu'elles mêlent technologie et droits de la personne. Elles sont donc propices aux malentendus - plus ou moins involontaires. L'équilibre doit être recherché de la manière la plus transparente et démocratique possible.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité lancer un large débat public sur les modalités de mise en uvre des téléservices publics et de " mon service-public.fr ". La CNIL a accepté d'y être étroitement associée. Il visera à définir de manière consensuelle, d'ici la fin de l'année 2002, les fonctionnalités et les garanties offertes par l'ensemble du système.
Ce débat sera préalable aux choix structurants en matière d'authentification des usagers dans l'usage des téléservices publics. Des expérimentations techniques permettront de tester les différents scénarios qui de dégageront.
Afin que ce débat soit fructueux et ne se cantonne pas à la caricature par chacun de la position des autres parties, il doit être préparé de la manière la plus neutre possible. Une mission indépendante sera en conséquence mandatée par le Premier ministre pour préparer ce débat. Elle rendra public d'ici le début de l'année 2002 un " livre blanc " qui présentera les enjeux au regard des attentes des usagers.
Cette mission sera composée de trois personnalités :
·- M. Pierre TRUCHE, magistrat, président honoraire de la Cour de Cassation, président de la commission de déontologie de la sécurité ;
·- M. Jean-Paul FAUGERE, préfet de Vendée, ancien directeur des libertés publiques et de l'action judiciaire du ministère de l'intérieur ;
·- M. Patrice FLICHY, professeur de sociologie à l'université de Marne la Vallée, directeur de la revue Réseaux.
La mission sera appuyée par le commissariat général au Plan. MM. TRUCHE, FAUGERE et FLICHY, que je tiens à remercier chaleureusement devant vous pour avoir accepté cette mission, sont présents ce soir à mes côtés et répondront avec grand plaisir à toutes les questions que vous souhaiterez leur poser.
Je suis de même à votre disposition, sur ce sujet comme sur les autres mesures prises cette après-midi par le Gouvernement. Ces mesures concernent l'amélioration de l'accueil téléphonique dans les services publics, grâce à des partenariats noués avec les villes de Paris, Lyon, Marseille et Cordes sur Ciel, dans le Tarn. Elles concernent également l'utilisation de l'Internet comme outil de citoyenneté, avec l'ouverture d'espaces de débat sur chaque Intranet public et la création d'un portail " citoyenneté et vie publique " qui donnera accès à tous les débats et tous les rapports publics. Elles concernent naturellement les agents publics, pour lesquels Internet doit devenir un outil de travail quotidien et un outil de formation. Un passeport " informatique et Internet " sera proposé à tous les agents de l'Etat d'ici fin 2002, et un appel à projets " campus numériques " spécifique pour la formation professionnelle des agents publics sera lancé et doté en 2002 d'un millier d'euros.
Enfin, la généralisation des téléservices publics et leur organisation autour des besoins de l'usager - et non des structures administratives traditionnelles - implique de respecter un certain nombre de choix techniques, qui visent tous à faciliter et à sécuriser l'accès des usagers aux informations et aux données dont disposent les administrations. Un cadre technique commun sera mis en uvre à cet effet dans l'ensemble de l'administration de l'Etat. Afin de simplifier et de pérenniser les systèmes d'information publics, le recours aux logiciels libres et la mise sous licence libre des développements informatiques réalisés par ou pour le compte des administrations seront également encouragés.
Pour mettre en uvre ces orientations, le fond de réforme de l'Etat disposera pour l'année 2002 de 22,7 millions d'euros (149 millions de francs), soit une augmentation de 40 % des crédits disponibles par rapport à l'année 2001. Mais ces crédits ne sont que le " cur " d'un effort tout à fait considérable, qui se chiffrera à près d'un milliard d'euros de dépenses informatiques chaque année.
Voilà, très rapidement décrits, les grands axes de la deuxième étape de l'administration électronique lancée aujourd'hui par le Gouvernement. Je vous remercie de votre attention et vous laisse la parole.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 16 novembre 2001)