Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'évolution du service public de La Poste dans un environnement concurrentiel européen, Paris le 2 juin 1999.

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Circonstance : Colloque Postes Europe Territoire, à Paris le 2 juin 1999

Texte intégral

Il faut dépasser les idées reçues sur La Poste et l'évolution du secteur postal. Je vais m'efforcer de le faire devant vous avec deux idées forces :
- La Poste est aujourd'hui armée pour faire face à la concurrence tout en continuant à jouer son rôle de service public exemplaire ;
- concurrence et service public ne sont pas contradictoires mais doivent être complémentaires, grâce à une nouvelle vision de l'Europe.
Ces convictions, en tant que Ministre chargé des postes depuis bientôt deux ans, je les ai forgées grâce à de multiples contacts avec le personnel de La Poste, dont je salue ici le professionnalisme, l'adaptabilité et le dévouement au service public.
Mon propos s'articulera autour de 4 points : les constats, les acquis, l'Europe, les projets.
- LE CONSTAT TOUT D'ABORD : L'UNIVERS POSTAL EST EN MUTATION
Le constat, à grands traits, est le suivant :
- l'évolution rapide des technologies de communication -le fax hier, les portables et l'Internet aujourd'hui- concurrence le produit courrier traditionnel,
- le développement des échanges -ouverture des frontières et des marchés- induit une internationalisation des acteurs.
Ces deux phénomènes -apparition de produits de substitution au courrier traditionnel, internationalisation des marchés et des opérateurs- peuvent être interprétés de deux manières :
- il y a tout d'abord une lecture négative et passéiste : le développement de la société de l'information condamnerait le courrier traditionnel ; l'internationalisation des acteurs et des marchés devrait déboucher sur une marginalisation progressive de la France.
- cette lecture n'est pas la mienne : je suis au contraire persuadé que les évolutions en cours sont autant d'opportunités que La Poste doit saisir, et qu'elle saisit d'ailleurs, avec l'appui du Gouvernement et au bénéfice des citoyens. Ce diagnostic n'est pas seulement le fruit de mes seules convictions, il est étayé par les faits :
- le développement de nouvelles technologies est un facteur de croissance pour les services postaux :
C'est ce dont témoigne notamment l'évolution du marché américain : l'utilisation massive des nouvelles technologies de l'information et de la communication n'a pas nui au développement des activités courrier et colis ; au contraire, la croissance des services électroniques a entraîné l'ensemble du secteur ; avec plus de 600 unités distribuées par personne et par an et un taux de croissance annuel de l'ordre de 4,5 %, les services postaux américains sont extrêmement dynamiques. La société de l'information trace aussi l'avenir des services postaux, je le répète avec fermeté.
- l'internationalisation des acteurs et des marchés est une opportunité pour la France :
Avec le quatrième PIB mondial, le 2ème en Europe, la France a tout pour bénéficier de l'intégration des marchés. C'est ce que montre d'ailleurs l'écart de croissance positif qu'a su créer le Gouvernement par rapport aux autres pays européens. La Poste française se situe ainsi au deuxième rang européen en terme de chiffre d'affaires, et au premier rang en terme de trafic, avec un quart du trafic total de l'Union Européenne.
- CES OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENT DANS LA SOCIETE DE L'INFORMATION ET A L'INTERNATIONAL, LA POSTE EST BIEN ARMEE POUR LES SAISIR
C'est là le deuxième point que je souhaite développer devant vous autour des questions suivantes : qu'était La Poste il y a deux ans ? Qu'est-t-elle devenue aujourd'hui ?
Qu'était La Poste il y a deux ans ?
Je ne suis pas loin de partager le constat dressé à la mi-1997 par Gérard LARCHER dans " Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique " ainsi que celui de Gérard DELFAU dans " La Poste : un service public en danger ". La situation dont nous avons hérité était en effet difficile à tous points de vue :
- La Poste était dans une situation financière difficile :
Je ne prendrai que quelques exemples. Coût du transport de presse, évolution des dépenses de retraites, charges de la dette, désengagement financier de l'Etat, tout contribuait à mettre La Poste en pertes. Ce fut le cas en 1995, -1,5 Mdsf, ce fut le cas en 1996, - 660 Mf.
- La Poste était également une entreprise où le dialogue social était bloqué :
Le risque d'une poste sociale à deux vitesses était réel : 40 % des agents contractuels avaient un statut précaire. Cette situation sociale explique en partie le nombre de jours de grève constaté en 1995 : plus de 3 jours de grève par agent. C'était là le signe d'un malaise profond.
- face à ces défis, la réponse apportée par le gouvernement précédent a été simple :
la hausse du prix du timbre, qui a cru de 20 % entre 1993 et 1996. C'est là une stratégie à court terme.
Qu'est devenue La Poste aujourd'hui ?
En deux ans, surtout à l'échelle de La Poste, on ne change pas tout. Ce serait mentir que d'opposer au constat sévère dressé mi-1997 un constat deux ans plus tard parfaitement opposé. Mais on créé une dynamique. Cette dynamique de progrès s'est mise en place de façon indéniable grâce à l'action conjointe du Gouvernement et des personnels de La Poste.
- La Poste est aujourd'hui une entreprise solide :
J'en veux pour preuve les résultats du groupe La Poste en 1998 (+ 337 Mf). Ils témoignent d'une inversion de tendance. J'en félicite les dirigeants et le personnel de La Poste.
Ces résultats sont d'autant plus encourageants qu'ils ont été obtenus sans obérer l'avenir de l'entreprise, bien au contraire. Les flux annuels d'investissements ont augmenté de 2 MdsF depuis 1996.
Cette dynamique est également le fruit de la politique conduite par le Gouvernement. Si le chiffre d'affaires de La Poste a pu croître à un rythme de 3,5 à 4 % en 1997 et 1998, c'est aussi parce que le Gouvernement a su créer un climat de confiance propice à la croissance.
- La Poste a su se développer sur ses métiers.
Dans le domaine du courrier, elle a développé les nouvelles technologies : 1 000 bornes Internet seront installées à la fin du mois sur tout le territoire : ces cyberpost seront accessibles avec des cartes rechargeables. La Poste a également développé les services aux entreprises dans le domaine du courrier électronique.
Dans les services financiers, La Poste a conforté ses positions dans le secteur de l'assurance de personnes et gère maintenant 250 Mdsf d'actifs. Surtout, en vertu du contrat d'objectifs et de progrès de 1998, c'est elle qui gérera maintenant les dépôts des comptes chèques postaux et non plus l'Etat, soit 180 MdsF au terme du contrat d'objectifs et de progrès.
Enfin, sur le colis, après le recul de 1996, la reprise de parts de marché par La Poste se confirme. Le chiffre d'affaire de cette activité dépasse 12 Mdsf en 1998, soit 33% de croissance par rapport à 1997.
- La politique poursuivie depuis 2 ans ne s'est pas limitée aux horizons industriels et financiers.
Les emplois précaires ont disparu. L'accord sur les 35 heures signé par La Poste est reconnu par tous comme un accord exemplaire. Dans le cadre de la politique du gouvernement, La Poste a su, par le recrutement de 5000 emplois jeunes, développer de nouveaux services au profit des usagers.
La Poste est une entreprise qui a des objectifs et un avenir. Les objectifs sont clairs : ils ont été affirmés dans le contrat d'objectifs et de progrès portant contrat de plan entre l'Etat et La Poste pour la période 1998-2001.
Ce contrat témoigne de la volonté de La Poste et du Gouvernement d'accompagner le développement de l'entreprise. J'en veux pour preuve la prise en charge par l'Etat de la dérive des charges de retraites, soit un apport à La Poste de 3 MdsF environ sur la durée du contrat. J'en veux également pour preuve l'engagement pris dans le contrat de ne pas augmenter le prix du timbre, la dynamique retrouvée permettant de se dispenser de ce type de mesure à courte vue.
Ensemble, nous saurons, j'en suis sûr, poursuivre et amplifier la dynamique de progrès de La Poste.
- COMMENT AMPLIFIER CETTE DYNAMIQUE DE PROGRES ?
L'Europe constitue un vecteur de progrès pour le service postal et un atout pour La Poste française.
A la veille d'un scrutin européen, il me paraît important de réaffirmer que le Gouvernement ne voit pas l'Union Européenne comme une fatalité libérale mais comme une construction au service de nos citoyens.
La conclusion des négociations en décembre 1997 de la directive postale a permis de faire prévaloir les thèses françaises. On décrit souvent la directive européenne sur les services postaux comme une directive de libéralisation. C'est faux. La part de marché de La Poste ouverte à la concurrence par la directive est minime : 2,2 % des envois postaux.
En revanche, la directive européenne consacre le service universel et les services réservés. Traduits dans un vocabulaire qui nous est plus familier, la directive reconnaît le service public et le monopole qui peut lui être associé. C'est ce qu'a d'ailleurs montré la discussion récente des articles de loi transposant la directive et qui seront prochainement débattus en lecture définitive par l'Assemblée Nationale. Je salue à ce titre le travail exemplaire réalisé par la Commission Supérieure des Postes et Télécommunications dont je tiens tout particulièrement à féliciter le Président.
La nouvelle directive européenne devra être, encore plus que la précédente, au service des citoyens européens. Je défendrai un service public ambitieux, un cadre réglementaire favorable à la modernisation des opérateurs postaux et non à leur remise en cause au nom d'options ultralibérales qui ne tiennent compte ni de la spécificité du secteur, ni des attentes des citoyens.
La nouvelle commission européenne pourrait d'ailleurs faciliter le travail des défenseurs du service public. J'entends que la nouvelle directive s'inscrive dans le droit fil du Traité d'Amsterdam et des services d'intérêt économique général qu'il reconnaît.
Pourquoi pas un service public postal européen ? C'est-à-dire des frais terminaux qui correspondent enfin aux réalités économiques et permettent de lutter contre le repostage. C'est-à-dire surtout un service comparable en Europe, qui permette aux citoyens européens de communiquer entre eux plus rapidement et avec une meilleure qualité de service. Ce sont là les questions pertinentes pour les citoyens européens. Je compte que les négociations qui s'engageront entre Etats membres y répondent.
- QUELS SONT LES OBJECTIFS DU GOUVERNEMENT POUR LA POSTE ?
C'est un triptyque qui peut se résumer ainsi : une poste résolument moderne, combative au plan international et proche des citoyens.
- Une poste résolument moderne :
L'utilisation des nouvelles technologies par La Poste a progressé. Je souhaite que ce mouvement s'accélère. En combinant une offre financière, logistique et de courrier, La Poste dispose d'atouts incontestables pour se positionner sur le marché du commerce électronique. C'est également en pariant sur la société de l'information que La Poste pourra encore mieux répondre aux attentes des entreprises, qui sont ses principaux clients, par exemple dans le domaine de la vente par correspondance.
Une poste combative au plan international :
Le développement international de La Poste est une priorité. Je le soutiens sans réserve car c'est aujourd'hui une condition indispensable pour la réussite de l'entreprise, y compris sur son marché domestique.
Ce développement est aujourd'hui bien engagé dans l'express international comme dans la messagerie, avec la prise de position récente sur le marché allemand et les partenariats avec certaines postes européennes.
Il faudra aller plus loin.
Grâce aux efforts entrepris, la Poste a retrouvé les moyens de financer elle-même cette ambition. Nous devons tous nous en féliciter.
Une poste proche des citoyens :
Derrière le discours de certains, je sens la tentation d'une poste à deux vitesses avec des prix différents selon les catégories de clientèle. Je le dis avec fermeté, ce n'est pas -ce ne sera pas- le projet du Gouvernement.
Au contraire, le Gouvernement soutient la modernisation des services publics. Les Commissions départementales de la présence postale territoriale, mises en place en 1998, seront le lieu de cette modernisation. Là encore, le gouvernement a fait le choix d'une méthode, celle de la concertation et du partenariat.
Pour conclure, je souhaite insister sur l'ampleur des acquis depuis 2 ans et des projets en cours. Peut-être ces acquis et ces projets sont-ils insuffisamment connus. Mais ma méthode n'est pas celle de l'annonce de programmes qui ne seront pas mis en uvre. C'est au contraire celle d'évolutions réelles et profondes, qui créent une dynamique inscrite dans le terrain.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 08 juin 1999)