Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur la crise actuelle du secteur des télécommunications, l'extension de la couverture du territoire par les réseaux GSM, le problème de la sécurité des réseaux électroniques, Paris, le 23 octobre 2001.

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Circonstance : Semaine des télécoms et des réseaux : "E-business et société de l'information : les télécoms et les réseaux en quête de nouveaux usages-2002 : année du renouveau pour les TIC" à Paris le 23 octobre 2001

Texte intégral


Monsieur le Président de l'ART,
Messieurs les Présidents d'entreprises (Didier Quillot, Philippe Germond, Philippe Montagner, )
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un plaisir, chaque année renouvelé, que je retrouve réuni à la Semaine des Télécoms et des Réseaux l'ensemble des acteurs du secteur des télécommunications et des technologies de l'information en France.
C'est d'autant plus vrai cette année que 2001 a été une année particulièrement difficile pour le secteur. Le contraste avec l'atmosphère euphorique qui régnait il y a un an et demi est saisissant. Ce contraste est particulièrement marqué sur les marchés financiers qui semblent parfois brûler aujourd'hui ce qu'ils ont adoré la veille.
La crise actuelle du secteur des télécommunications, puisqu'il faut bien appeler les choses par leur nom, touche chacune des composantes de la chaîne de la valeur des services de l'information et de la communication.
Mon souci va d'abord aux équipementiers des télécommunications qui durant quatre années, ont connu une croissance très forte de leur activité en raison des investissements massifs des opérateurs consécutif d'une part à l'ouverture à la concurrence et d'autre part à l'explosion des mobiles et de l'internet. Ces industriels ont ainsi créé plus de 20.000 emplois en France en 5 ans.
Le ralentissement du secteur des télécommunications affecte particulièrement les fabricants d'équipements, chez qui il s'est notamment traduit par des réductions d'effectifs. Ainsi, les commandes des opérateurs à ces équipementiers ont chuté de près de 40 % depuis janvier. Par ailleurs, la situation des opérateurs de télécommunications les plus récemment entrés sur le marché français est elle aussi fragile. En particulier, le retournement des marchés financiers a enlevé à ces entreprises les facilités de financement qui leur permettaient de financer leurs investissements et de supporter la concurrence sur l'ensemble du territoire français. Je suis sensible à ces difficultés, c'est pourquoi j'ai annoncé l'organisation d'une table ronde qui se tiendra en novembre avec l'ensemble des entreprises concernées et à laquelle l'ART sera associée.
Malgré tout, j'ai confiance dans les promesses apportées par les Technologies de l'Information et de la communication. Je pense que nous avons en ce début d'automne passé le plus difficile et que 2002 sera l'année du renouveau pour ce secteur.
I En effet, les fondamentaux de croissance du secteur restent forts
Cette conviction fondamentale se base tout d'abord sur une simple constatation historique : au cours des 40 dernières années, la part du secteur des télécommunications dans le PIB n'a cessé d'augmenter : + 0,5 % à 0,7 % tous les 10 ans. L'ensemble du secteur des TIC représente maintenant 6 % du PIB et a contribué en 2000 pour 20 % à sa croissance. En effet, les services de télécommunications satisfont une demande bien réelle de la part des utilisateurs, entreprises ou particuliers. Leur potentiel de croissance est considérable dans les prochaines années et les moteurs en sont bien connus : les services mobiles et les accès à haut-débit.
Les chiffres de 2001 sur le développement des accès haut-débit (réseaux câblés, réseaux ADSL essentiellement) confirme cette confiance. On dénombrait au début de l'année 2001 environ 140 000 abonnés et les prévisions pour 2001 ne dépassaient pas 540 000 abonnés. Nous nous situions déjà à plus de 350 000 en juin et nous estimons aujourd'hui que le nombre total d'abonné haut débit en France dépassera à la fin de l'année les 600 000 personnes, soit largement au-dessus des prévisions. La diffusion du haut débit s'accélère et le recul du trafic internet via le réseau téléphonique en est un premier signe.
De la même façon, la croissance des mobiles reste soutenue puisque il y a eu d'après les mesures de l'ART, au 3ème trimestre 2001 1,5 millions d'abonnés supplémentaires, et de vrais abonnés, amenant le taux de pénétration de cette technologie à 57,6 % de la population française. Si on constate un ralentissement de la croissance en pourcentage, ce qui est naturel puisque nous avons dépassé le taux d'équipement en téléphone fixe, l'augmentation du nombre d'abonné reste forte et laisse prévoir dans un futur relativement proche un pourcentage d'abonné total supérieur à 80 % de la population.
Enfin, signe encourageant, la France n'est pas isolée dans le développement de ces services et l'évolution dans d'autres pays ne peut que renforcer la confiance dans la demande pour les nouveaux services de télécommunications. Le nombre d'abonnés aux services haut débit aux États-Unis croît de 200 % par an tandis que les services mobiles multimédia du type "i-mode" au Japon ont rassemblé plus de 30 millions de clients.
Aussi, si le secteur connaît aujourd'hui des difficultés conjoncturelles, je suis persuadé que les conditions d'une reprise forte sur des bases saines sont aujourd'hui assurées.
II Le gouvernement engage des mesures fortes d'une part de soutien à l'activité et d'autre part d'aménagement structurel
Le Gouvernement a conscience de la nécessité de favoriser la reprise du secteur et a pris un ensemble de mesures destinées d'une part à accélérer les investissements et d'autre part à traiter des problèmes structurels de fond notamment pour apporter le haut débit à l'ensemble des territoires.
Tout d'abord l'UMTS. Il est en effet apparu nécessaire de prendre en compte d'une part le retard dans la disponibilité des équipements et dans la maturité de la demande, et d'autre part le retournement des marchés financiers qui faisaient peser sur nos entreprises de sévères contraintes de financement. Ces contraintes de financement risquaient de restreindre les investissements et le développement du marché de l'UMTS.
Avec Laurent Fabius, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, nous avons donc décidé que :
- La durée des licences sera portée de 15 à 20 ans pour tenir compte des retards de calendrier et aussi réduire l'incertitude sur la rentabilité des investissements puisque les revenus les plus importants seront générés en fin de licence ;
- Le prix se composera désormais d'une partie fixe de 619 M et d'une partie variable assise sur le chiffre d'affaires généré par l'activité UMTS de chaque opérateur. Nous travaillons en liaison avec l'ART à la définition du taux et de l'assiette qui constitue la vraie question : quels services prendre en compte et selon quelle évolution ? Ce sera fait d'ici 2 à 3 semaines ;
- Nous souhaitons que la procédure soit ouverte pour les deux licences UMTS restantes d'ici la fin de l'année. En effet, nous avons toujours dit que le développement du marché passait par une concurrence forte avec au moins un nouvel opérateur.
Il appartient au Président de l'Autorité de régulation des télécommunications, conformément à la loi, de me proposer un nouvel appel à candidatures. Nous en discutions ensemble ce matin. Je pense personnellement que les premiers signes d'éventuelles candidatures sont encourageants : j'estime que l'on peut s'attendre à connaître au moins deux candidatures.
Par ailleurs, le CIADT du 9 Juillet 2001 avait annoncé un certain nombre de mesures pour soutenir les investissements dans les infrastructures de télécommunications. La mise en place de ces mesures est en cours :
1. Pour l'extension de la couverture du territoire par les réseaux GSM à tous " les lieux de vie permanents et occasionnels ", une circulaire a été transmise aux Préfets afin d'identifier les zones à couvrir dans le cadre de ce dispositif en se fondant sur les souhaits des collectivités locales et des élus et sur les zones de non-couverture identifiée, dans le rapport que j'ai transmis au Parlement. J'ai proposé au Président de l'ART que nous travaillions ensemble sur ce dossier essentiel pour l'aménagement du territoire. Deux opérateurs GSM se sont engagés par écrit auprès de moi à investir davantage (100 M chacun) dans la couverture mobile. Notre objectif est double : accélérer la couverture (2 ans au lieu de 3) et réduire la dépense publique des collectivités territoriales et de l'Etat ;
2. L'intervention de la Caisse des Dépôts et Consignations sur ses fonds propres à hauteur de 1,5 milliards de Francs comme investisseur dans des réseaux régionaux de télécommunications et son intervention comme prêteur à hauteur de 10 milliards de Francs. Plus d'une soixantaine de dossiers (d'ampleur inégale bien sûr) ont d'ores et déjà été déposé auprès de la CDC ;
3. La possibilité d'utiliser les pylônes du RTE (Réseau de Transport d'Électricité) pour supporter le déploiement de fibres optiques. Cette mesure permettrait de diviser par trois les coûts de déploiement de la fibre optique. Je rendrai public avant la fin de l'année un rapport sur les modalités d'utilisation de ces pylônes et je remercie le RTE, l'ART et la CRE de leur efficace concours pour définir cette nouvelle possibilité.
Ces deux derniers dispositifs forment un ensemble cohérent d'aide au déploiement d'infrastructures à haut débit en particulier à destination des régions les moins peuplées. De plus, les pylônes édifiés dans le cadre de la mesure d'extension de la couverture du territoire par les réseaux GSM pourront bien entendu être réutilisés pour les réseaux UMTS.
Par ailleurs, l'année 2002 devrait voir apparaître les premières offres de services ADSL sur des lignes dégroupées. Ceci me paraît être un élément majeur de la croissance du haut débit en France. En effet, les tarifs actuels (300 FF pour une ligne ADSL standard) sont encore trop élevés pour en faire un produit de masse. Pour qu'ils baissent, il faut de la concurrence et pour cela il est nécessaire que le dégroupage soit effectif et opérationnel. Il me semble donc important que France Télécom voie d'une part les avantages que l'entreprise peut retirer du dégroupage d'une part en termes de valorisation de sa ressource (les lignes de cuivre) et d'autre part en termes de croissance du marché. L'ADSL ne sera pas un produit grand public à 300 F/mois. Il doit s'établir à un niveau de l'ordre de 200 F/mois comme en Allemagne où après une baisse forte des tarifs, le marché de l'ADSL a littéralement décollé (aujourd'hui plus de 1 million d'abonnés). Je sais que l'ART y travaille et je lui fais confiance pour que les conditions tarifaires et techniques du dégroupage permettent rapidement l'établissement d'une concurrence réelle sur le haut débit.
III Le soutien à la demande
Le gouvernement considère donc que les conditions sont réunis pour que le développement de l'offre de télécommunications continue de se développer en 2002 mais il faut susciter la demande. De ce point de vue, la possibilité d'obtenir une connexion illimitée à Internet même à bas débit est une priorité pour le Gouvernement ainsi que le Premier ministre lui-même me l'a encore indiqué cette semaine.
Le Gouvernement continue de souhaiter, mais c'est le marché qui décidera, la mise en place d'offres d'accès illimité à internet via le réseau téléphonique à des tarifs inférieurs à 200 F/mois sur tout le territoire et notamment pour les zones rurales. Nous constatons aujourd'hui qu'aucun fournisseur d'accès à internet ne propose une telle offre. Plusieurs d'entre eux considèrent en effet que l'offre d'interconnexion de FT, approuvée par l'ART en juin 2001 est trop élevée. Laurent Fabius et moi-même avons donc saisi le Président de l'ART de cette question en lui demandant de nous donner son point de vue et d'étudier les solutions nouvelles à apporter pour y parvenir.
Le commerce électronique B to C sur Internet s'élevait à 4 milliards de francs en 2000 contre seulement 400 millions de francs en 1997. Il conviendrait d'y ajouter le volume de transactions sur le Minitel qui demeure élevé. Même en se limitant aux transactions sur Internet, le poids de la France dans le commerce électronique européen a doublé en 3 ans. Pour le B to C il est passé de 4,8 % en 1998 à 8,8 % en 2000 et pour le commerce électronique entre entreprises (B to B) de 5 % à 11 % sur la même période.
Son développement a souffert en ce milieu d'année 2001 d'un certain ralentissement. Ceci est d'autant plus dommageable que le commerce électronique touche tous les secteurs de l'activité économique : la fabrication, le commerce de détail, l'édition, le divertissement, les services financiers. Son développement dans ces secteurs sera, à terme, créateur d'emplois, notamment dans les domaines à haute valeur ajoutée. Pour saisir ces opportunités, il faut que l'environnement juridique soit favorable à leur développement. Cela implique la poursuite des processus engagés tant au niveau communautaire qu'aux niveaux nationaux pour adapter le cadre législatif et réglementaire des services de la société de l'information.
Le développement du commerce électronique est fondé sur une relation de confiance entre un acheteur et un vendeur et cette confiance passe également par l'établissement d'une meilleure sécurité sur les réseaux électroniques. La sécurité des réseaux électroniques est devenu un problème encore plus crucial depuis les événements dramatiques du 11 septembre dernier. La loi sur la sécurité quotidienne répond aux problèmes les plus urgents en matière civile. Mais la question se pose aussi dans la sphère économique.
Ainsi, au problème de l'authentification des échanges, la signature électronique apporte une réponse technologique fiable et largement standardisée. Son application dans les organisations impose l'établissement de politiques de sécurité. Mes services s'engagent aussi dans la mise en place d'un schéma de certification des prestataires de services liés à la signature électronique, dans des actions de sensibilisation à la sécurité et dans la promotion et le soutien à des projets de recherche et développement, notamment dans le cadre de l'appel à projets spécifique "OPPIDUM".
Enfin, le meilleur moyen de stimuler la demande de services haut-débit, reste encore pour l'administration de donner l'exemple en apportant du contenu accessible par voie électronique (c'est ce qui a été fait depuis plus de 3 ans). Il s'agit maintenant pour l'administration de passer à un stade supérieur en mettant la relation avec le public par voie électronique au cur de son organisation. Le Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie et le Secrétariat d'Etat à l'Industrie souhaitent être exemplaires dans cet objectif d'un service public plus fiable, plus rapide et plus proche des attentes des citoyens.
Alors que le secteur connaît des difficultés avec des plans sociaux, notamment chez les équipementiers, je souhaite adresser ici un message de confiance :
- confiance dans le développement des télécommunications ;
- confiance dans les technologies nouvelles : je crois à l'avenir UMTS ;
- confiance dans la reprise des investissements et donc de l'emploi.
L'industrie française des télécommunications - j'y inclus les entreprises étrangères présentes en France dont le rôle positif ne sera jamais assez souligné. Elles sont ici chez elles - a déjà connu des temps difficiles. Elle a su y faire face et j'ai confiance dans nos entreprises et en la sagesse du marché.

(source http://www.industrie.gouv.fr, le 24 octobre 2001)