Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur les objectifs du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains : développement durable, cohésion sociale et qualité de la vie,à l'Assemblée nationale, le 14 mars 2000.

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Circonstance : Rencontres parlementaires sur la ville à l'Assemblée nationale, le 14 mars 2000

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de participer à ces rencontres parlementaires de la ville, une heureuse initiative qui contribue à développer la réflexion et le débat sur notre réalité urbaine.
Les rencontres de cette année sont au cur de l'actualité - puisque, hasard du calendrier ? - elles se déroulent au moment où le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains est débattu à l'assemblée nationale.
Vous ne serez donc pas étonnés que je centre mon propos sur les objectifs et le contenu de ce texte qui a l'ambition de contribuer au débat de fond sur la ville et de fournir de nouveaux outils pour nos politiques urbaines.
De quoi s'agit-il ? De rénover le cadre juridique des politiques urbaines pour mieux répondre aux enjeux de la ville d'aujourd'hui et de demain : le développement durable, la cohésion sociale, la qualité de la vie.
Ambition vaste et réaliste à la fois : il est clair qu'une loi ne fait pas la ville. Il est clair aussi que la loi ne saurait rester en retard des évolutions du fait urbain, mais doit au contraire contribuer à les accompagner, voire les réguler lorsque nécessaire.
L'élaboration d'une loi a une autre vertu : celle de susciter le débat, au niveau national et local. Un débat attendu et nécessaire, car il concerne la vie quotidienne de nos concitoyens.
En témoignent la montée des préoccupations en matière d'environnement, les aspirations à une évolution des modes de transports urbains. En témoignent de nouveaux modes de vie urbains, qui en matière de commerces, de loisirs, d'habitat, bouleversent les rapports entre la ville centre et sa périphérie. En témoigne aussi une inquiétude collective sur la manière de vivre ensemble face à la traduction des difficultés sociales dans la réalité urbaine.
Le débat actuel sur la ville porte aussi sur l'organisation institutionnelle qui sert d'assise à nos politiques urbaines. La commune reste la cellule de base incontestée de l'exercice de la démocratie, le lieu de la proximité.
Mais la ville n'est plus seulement à l'échelle de la commune : les transports, l'habitat, le développement économique, les services se déploient à l'échelle de l'agglomération, voire de l'aire urbaine.
Ce n'est pas un hasard si le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbain vient après deux textes qui font bouger le cadre institutionnel de nos politiques urbaines :
- la loi Chevènement relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale qui donne un nouvel élan à cette dernière en milieu urbain ;
- la LOADDT qui introduit de nouvelles formes de contractualisation territoriale entre les différents niveaux de collectivités publiques.
Enfin, le débat sur la ville porte aussi sur le contenu même de nos politiques publiques. Cela vaut en particulier pour l'Etat : comment mieux traduire la priorité donnée aux transports collectifs ? Comment améliorer les outils de la politique du logement pour qu'elle réponde à l'objectif de diversité sociale et urbaine ?
Le sens de tous ces débats est une question éminemment politique : quelle ville - c'est à dire quelle cité - voulons-nous pour demain?
Sans forcer exagérément le trait, on peut dire que ces dernières décennies ont vu une très grande majorité de nos concitoyens accéder au mode de vie urbain et à ses agréments.
Mais la ville qui résulte de ces évolutions, et qui continue de se faire sous nos yeux, est aussi une ville plus éclatée dont on perçoit aujourd'hui les déséquilibres sur la qualité de la vie :
- déséquilibres en matière d'environnement avec la congestion due aux déplacements automobile, avec les besoins croissants en infrastructures et en équipements liés à l'extension urbaine ;
- déséquilibres entre les différents territoires de la ville, avec le dépérissement de certains quartiers existants, qui perdent leurs habitants, leurs commerces et voient leur cadre urbain se dégrader.
- déséquilibres urbains et sociaux profonds, qui traduisent des tendances puissantes à la ségrégation urbaine. Une ségrégation qui renvoie à l'inégalité entre nos concitoyens en matière de choix de son logement, de son quartier ; pour une majorité d'entre eux, ce choix est réel; pour d'autres, il est inexistant, et cette absence de choix se conjugue parfois avec la difficulté de vivre dans des quartiers dépourvus d'urbanité, dépourvus de tout ce qui fait la qualité et le plaisir de la ville.
Face à cette réalité, quels sont nos objectifs ? Pas un modèle malthusien ni nostalgique d'une ville du passé idéalisée, mais la volonté d'une ville plus solidaire et plus cohérente où il fasse bon vivre pour nos concitoyens, tous nos concitoyens.
Ouvrir des chemins sur cette voie, se donner les outils, c'est le sens du texte que nous avons préparé avec Jean-Claude GAYSSOT. Comment ?
En traitant dans un même texte ce qui constitue le socle des politiques urbaines : l'urbanisme, les déplacements et l'habitat. Vous reconnaîtrez là le souci d'une approche plus globale de la ville qui fait l'objet de vos débats de ce matin.
Quels sont les principaux apports de ce texte ? D'abord, poser des cadres qui aident à un projet urbain cohérent aux différentes échelles de la ville, à travers une réforme de la planification urbaine qui s'inscrit dans le prolongement des lois Chevènement et Voynet.
Avec les schémas de cohérence territoriale (SCT) qui remplaceront les schémas directeurs, l'objectif est d'offrir aux collectivités locales un cadre pour définir en commun une stratégie de développement, à l'échelle de l'agglomération élargie, entre zones urbaines et péri-urbaines.
Il s'agit ainsi de mieux réguler certaines logiques de développement non coordonnées, pour ne pas dire concurrentes, qui génèrent des déséquilibres collectifs en matière d'habitat, de transports, de commerces.
Il s'agit aussi de mettre davantage en cohérence des politiques urbaines sectorielles, d'habitat, de transports, d'aménagement ou de développement économique, plus souvent juxtaposées qu'articulées autour d'un projet d'agglomération. En témoigne la sédimentation des différents documents sectoriels,
*PLH (programme local de l'habitat),
*PDU (plan de déplacements urbains),
*schémas de développement commercial etc..
Désormais ces documents devront être compatibles avec le SCT et l'existence d'un tel SCT conditionnera l'ouverture de nouvelles zones d'urbanisation.
Donner plus de chair et plus de visibilité au projet urbain, mais cette fois à l'échelle de la commune, c'est le sens de la transformation des POS en plans locaux d'urbanisme.
Une accumulation de prescriptions ne fait pas une stratégie urbaine ; pas plus qu'un zonage définissant l'affectation des sols.
Par contre rendre lisibles pour les habitants d'une commune les orientations en matière de renouvellement urbain, de traitement des espaces publics, d'habitat ou de déplacements, c'est rendre plus tangible un projet.
Le PLU permettra aux communes de mieux faire ressortir leurs priorités en fonction de leur projet urbain et d'adapter au plus près des besoins, les règles permettant de le mettre en uvre.
C'est toujours au nom du projet urbain, que le projet de loi gommera aussi la frontière entre urbanisme opérationnel et aménagement, notamment en intégrant au PLU des prescriptions concernant les ZAC.
Ajoutons que le projet de loi simplifie ces différentes procédures de planification, qui sont souvent des nids à contentieux, qu'il généralise l'enquête publique et qu'il facilite l'adaptation des documents de planification. Et vous avez là les grandes lignes d'une réforme qui 30 ans après la loi d'orientation foncière remet au goût du jour notre système de planification.
Travailler à la cohésion de nos villes, c'est aussi faire évoluer en profondeur les politiques publiques qui contribuent à modeler, à faire évoluer nos villes. Là encore, le projet de loi permettra de consolider l'action engagée depuis juin 1997, en matière de transports collectifs, de renouvellement urbain et de diversité de l'habitat.
Quelques mots sur les transports. Chacun sait la volonté de Jean-Claude GAYSSOT de promouvoir un meilleur équilibre entre les différents modes de déplacement, transports collectifs, automobiles, vélos. Le projet de loi va dans ce sens en renforçant le contenu des PDU, notamment en matière de politique du stationnement, et en favorisant aussi sur une même aire urbaine une plus grande coopération entre le département, la région, les autorités organisatrices de transports de l'agglomération, pour assurer une meilleure coordination des services et information des usagers.
Pour mettre en cohérence - justement - les moyens et les objectifs, Jean-Claude Gayssot a annoncé la mise en place de crédits supplémentaires en faveur des transports collectifs, qui permettront de doubler les crédits disponibles par rapport à 1997.
Autre chantier majeur, faire progresser la diversité de l'habitat et le renouvellement urbain. Là encore, le projet de loi conforte une politique engagée depuis presque trois ans. Il me semble important de resituer les débats, et même les polémiques actuelles sur la réforme de la LOV, dans ce cadre général.
Depuis juin 1997, notre objectif est d'élargir la liberté de choix, de leur logement pour nos concitoyens. Et pour cela, nous avons revalorisé les aides à la personne, nous avons aussi et surtout mis en place les outils d'une réelle diversité de l'offre, d'une réelle liberté de choix : entre le locatif et l'accession sociale, entre le neuf et l'ancien, dont l'amélioration est fortement aidée, entre le logement social et le parc privé, avec le statut du bailleur privé. Tous ces segments du marché ont été aidés, de façon forte et renouvelée.
Et dans cette offre diversifiée, nous avons eu à cur de redonner toute sa place à un logement social de qualité, parce qu'il est pour une partie de nos concitoyens le seul moyen de se loger dans de bonnes conditions. Un logement social qui soit du logement comme les autres, bien intégré à la ville, ouvert à une part importante de nos concitoyens. Faut-il rappeler que la taille moyenne des programmes est désormais d'une vingtaine de logements ? On est loin des barres et des tours qu'agitent certains.
Faut-il rappeler aussi que le logement social, ce n'est pas seulement des programmes neufs, mais également l'acquisition-amélioration dont nous avons très fortement amélioré le financement ? Cela permet d'ailleurs de donner une réponse aux communes qui se plaignent de ne plus avoir de foncier pour faire du logement social.
Faut-il encore souligner que désormais 2/3 de nos concitoyens sont éligibles au logement social, et d'entre eux au PLUS ?
Faut-il rappeler enfin que chacun à droit à un logement décent et à un cadre de vie de qualité, et que c'est là tout le sens des mesures que prévoit le projet de loi SRU. Construire du logement social, c'est permettre de répondre à des besoins encore non satisfaits ; c'est se donner aussi les moyens de renouveler, progressivement, dans la durée, une partie du parc HLM actuel qui génère de la vacance et du mal vivre.
Dans ce contexte, on peut donc regretter qu'il faille une loi pour inciter certaines communes à jouer le jeu de la diversité et de la solidarité. Mais c'est le constat de la non utilisation des moyens mis en place pour avancer dans cette voie, qui nous y contraint. Comme le disait Jean-Claude GAYSSOT mercredi à l'assemblée, derrière le rejet du logement social, il y a un jugement inadmissible à l'encontre des familles qui y vivent, une bonne dose d'égoïsme et beaucoup de fantasmes.
Il est réconfortant par contre de constater que beaucoup de nos concitoyens sont ouverts à cette exigence de solidarité et de mixité : un récent sondage de l'IFOP commandé par la fondation Abbé Pierre fait état de près de 80 % d'avis favorables à un développement du logement social là où il y en a peu ou pas.
Il est clair aussi que la lutte contre la ségrégation urbaine, ne se résume pas à l'obligation de réaliser des logements sociaux dans les communes qui en ont le moins. Le renouvellement urbain peut et doit aussi y contribuer de façon importante.
C'est le sens de l'exigence de requalification en profondeur, dans le cadre de la politique de la ville, de certains quartiers HLM qui n'ont aucune des qualités qui font la ville, ni en termes de cadre urbain, ni en matière de gestion urbaine, ni de services.
C'est aussi l'enjeu de la lutte contre la spirale de dégradation qui touche certains quartiers anciens, devenus des terrains privilégiés de l'insalubrité et du mal logement. C'est l'enjeu également des actions à mener pour redresser certaines copropriétés à la dérive.
On est là au croisement de l'urbain et du social : traiter une copropriété en difficulté, c'est éviter que tout un îlot ne se déqualifie. Réhabiliter du parc ancien dégradé, c'est assurer un logement décent tout en redonnant de la qualité à un morceau de ville.
Le projet de loi prévoit de nouveaux moyens d'action, puissants en la matière, qui complètent le renforcement de nos outils financiers. A travers la réforme de la procédure d'insalubrité qui mettra en difficultés les marchands de sommeil, à travers des mesures en faveur de la prévention et du traitement des difficultés des copropriétés.
Voilà le sens de la politique poursuivie par le gouvernement, pour des villes plus équilibrées et plus solidaires. S'agissant du projet de loi SRU, je ne doute pas que la discussion parlementaire permettra de l'enrichir.
Mais tout cela ne prendra corps qu'à travers l'action locale, menée par les collectivités territoriales, avec nos concitoyens. Faire évoluer nos villes, c'est à la fois un projet au long cours et une action de chaque jour, un vrai projet politique où le citoyen et le citadin se rejoignent.

(source http://www.equipement.gouv.fr, le 27 juin 2000)