Déclaration de M. René Monory, président du Sénat, sur le bilan de la session parlementaire, l'activité du Sénat, les relations avec le gouvernement et les conditions du travail parlementaire, Paris le 25 juin 1998.

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Circonstance : Allocution de fin de session parlementaire, au Sénat le 25 juin 1998

Texte intégral

C'est un moment difficile et émouvant que celui-ci : cette fin de session sera aussi une fin de mandat pour le tiers de nos collègues. Certains se représenteront mais d'autres non et nous ne les reverrons pas.

Nous avons siégé 101 jours, durant 597 heures de séance publique parmi lesquelles 333 heures auront été consacrées au travail législatif, 146 heures au projet de loi de finances et 103 heures u contrôle du Gouvernement.

Nous avons adopté 40 textes de loi, dont les trois-quarts en termes identiques. Je déplore qu'à l'exception de la loi sur les 35 heures tous les textes majeurs aient été présentés en urgence.

Sur 3 106 amendements déposés, 1 692 ont été adoptés par le Sénat et de l'Assemblée nationale en a retenu 46 % contre 80 %.

Nous aurons malheureusement eu deux sessions extraordinaires, l'une en septembre, l'autre en juillet. Nous avons eu des semaines calmes, d'autres moins : mais il y a eu beaucoup de progrès pour les séances de nuit.

Je regrette que pas plus d'un texte sur cinq n'ait été déposé en première lecture sur le Bureau du Sénat. L'Assemblée nationale a eu treize fois le « dernier mot », mais en retenant quand même des amendements du Sénat.

Nous avons aussi entendu certaines déclarations du Premier ministre, qui obéissaient davantage à des considérations politiques qu'à un raisonnement institutionnel fondé. Elles n'ont pas été du goût des sénateurs et singulièrement de leur Président.

Nous avons toujours privilégié le dialogue et nous continuerons à le faire pour travailler dans la clarté et le respect des uns et des autres.

Les missions de contrôle se sont multipliées mais pas encore assez à mon sens : c'est le rôle du Sénat d'éclairer les choix du Gouvernement. Les commissions ont travaillé énormément : elles ont tenu 505 réunions, durant 975 heures.

Je remercie les présidents de commission qui ont travaillé si intelligemment. Sur les 35 heures, par exemple, le travail colossal du président Fourcade aura été apprécié par l'opinion publique. C'est à cela que l'on reconnait l'utilité du Sénat : au calme, à la sérénité, à l'intelligence de ses travaux.
Les questions d'actualité ont besoin d'être revues. Non du côté des sénateurs qui sont raisonnables mais du côté des ministres à qui il arrive trop souvent de lire des réponses préparées par leurs collaborateurs. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Nous irons à Versailles dans quelques jours pour une première réforme constitutionnelle.

Je suis inquiet de voir s'amonceler les projets. La Constitution est une sorte d'objet d'art finement ciselé auquel on ne doit toucher qu'avec précaution. Il ne faudrait pas qu'à force de la modifier on se retrouve dans une nouvelle république.

Le Sénat a beaucoup à dire sur tous ces sujets. Il faudra que le dialogue s'instaure. Mais je suis inquiet, je le répète, de cette accumulation de réformes voulues par le Gouvernement.

Je souhaite que notre Assemblée constitue des groupes de travail sur la mondialisation, sur l'euro, sur la formation. Dans les réunions auxquelles j'assiste en province, je suis surpris de constater l'incompréhension de nombreux maires à l'égard de l'évolution de l'économie mondiale : il faudra faire un effort pédagogique dans leur direction.

La mondialisation, l'exclusion, la formation, tout est lié. La formation initiale et continue doit être davantage décentralisée : c'est à ce prix qu'on pourra réduire l’exclusion.

Au cours de notre prochaine session, nous aurons beaucoup de grands textes à examiner. Représentants des collectivités et des territoires, nous aurons notre mot à dire.

Nous avons une richesse extraordinaire : notre territoire. Le bonheur n'est pas seulement dans la concentration : il est aussi dans la dispersion sur le territoire. Et nous devrons nous montrer vigilants : le Sénat a le devoir de bien représenter les collectivités locales.

Des élections sénatoriales auront lieu en septembre : à ceux qui se présentent à nouveau, je souhaite le succès : à ceux qui ne brigueront pas un autre mandat, j'adresse mes remerciements pour le travail accompli. Diverses opinions s'expriment sur vos bancs, mais toujours dans une atmosphère conviviale dont je souhaite qu'elle perdure.

Je veux aussi remercier les vice-présidents qui me remplacent, peut-être plus souvent qu'à leur tour, mais qui le font, je crois, avec plaisir. La modification constitutionnelle de 1995 a du reste facilité le travail de la présidence de séance, puisque nous siégeons trois jours par semaine et très rarement le lundi, le vendredi ou la nuit.

Les questeurs gèrent au jour le jour cette maison et ont notamment élaboré un budget de grande qualité cette année. Quant au Bureau qui a un rôle décisionnel fondamental, il se réunit généralement une fois par mois en présence de la quasi-totalité de ses membres. Je les en remercie.

Je vous remercie également. Monsieur le Ministre, qui avez tout fait pour que nos relations soient bonnes : en dépit de quelques accrochages inévitables, vous avez eu le souci de mettre de l'huile dans les engrenages quand c'était nécessaire.

Les présidents de groupe font preuve d'une grande disponibilité : les présidents de commissions permanentes ont réalisé un travail exceptionnel durant toute l'année, avec souvent hélas des déceptions, quand leurs recommandations n'étaient pas suivies par les députés.

Malgré quoi je pense que leurs apports ont influencé l'opinion publique, parfois le Gouvernement. Nos fonctionnaires ont accepté et accompagné des réformes importantes dans l'administration du Sénat : 11 directeurs ont ainsi changé de poste, des directions nouvelles ont été créées. Notre organisation devient chaque jour plus dynamique et sans la compréhension et le soutien des fonctionnaires, l'ouverture aux nouvelles technologies, par exemple, n'aurait pu avoir lieu. La direction des affaires étrangères a aidé à la création de sept Sénats en Afrique et Europe centrale et a encore plusieurs projets en cours.

Je salue également le personnel des groupes parlementaires, toujours sur la brèche ; et les journalistes qui suivent nos travaux : je souhaite qu'il rendent compte de plus en plus largement.

Le Sénat démontre que l'on peut être indépendant tout en respectant les autres. Quelques conflits nous opposent parfois au Gouvernement, mais lorsque les ministres sont compréhensifs, nous avançons ! Le dialogue est fondamental et j'espère que la session 1998-1999 nous offrira mainte illustration de ses bienfaits.