Texte intégral
Marc Blondel, Secrétaire général de Force ouvrière, syndicat qui préside la caisse maladie de la Sécurité sociale
"Le déficit est un mythe"
Le Parisien : Simone Veil présente sa réforme comme étant purement "technique", c’est-à-dire ne remettant pas en cause les principes de la Sécurité sociale. Que répondez-vous ?
Marc Blondel : Elle est apparemment technique mais c’est en fait le paillasson de tous les dangers car, demain, elle permettra de remettre en cause le niveau de prestations et de la couverture sociale. C’est évident.
Le Parisien : En quoi, par exemple, un contrôle parlementaire sur les comptes serait-il préjudiciable à la Sécu ?
Marc Blondel : Elle est apparemment technique mais c’est en fait le paillasson de tous les dangers car, demain, elle permettra de remettre en cause le niveau de prestations et de la couverture sociale. C’est évident.
Le Parisien : En quoi, par exemple, un contrôle parlementaire sur les comptes serait-il préjudiciable à la Sécu ?
Marc Blondel : Je vais peut-être vous surprendre mais je suis favorable à l’idée de précisions données à l’Assemblée nationale sur les comptes et sur leur transparence. Il faut enfin qu’on dise la vérité aux Français mais aussi à ceux qui sont chargés de les représenter. On verra ainsi que le déficit de la Sécurité sociale est un mythe que l’on entretient volontairement sans vouloir préciser les choses. Moi, je prétends que le régime général des salariés est excédentaire.
Le Parisien : Excédentaire ? Le gouvernement évoque un déficit de 55 milliards pour 1994.
Marc Blondel : Je peux le démontrer. Le déficit de l’assurance volontaire est de 3 milliards de francs, celui du régime étudiant de 400 millions, des cotisations maladie handicapés adultes 4 milliards, la compensation des accidents du travail et des maladies professionnelles 3,857 milliards, la formation du personnel médical 250 millions. Au total, tout ça fait 11,5 milliards à la charge du régime général.
Le Parisien : Y a-t-il d’autres déficits à la charge des salariés ?
Marc Blondel : Oui. La loi de 1974 leur impose de compenser les régimes particuliers comme les exploitants agricoles, les professions libérales, les commerçants… De fait le régime général compense 4,21 milliards au titre de la maladie et 18,2 milliards pour la vieillesse. Ce n’est pas tout. Il faut prendre en compte les 7,5 milliards de cotisations sociales non compensées par l’État malgré ses engagements. Et je ne parle pas des cotisations patronales impayées, 15 milliards en 1992 et soixante milliards en effet cumulé. Si le Parlement donne crédit à ces chiffres je n’y suis pas hostile.
Le Parisien : Alors qu’est-ce qui vous froisse dans un contrôle parlementaire ?
Marc Blondel : Le président de l’Assemblée nationale voudrait s’octroyer le droit de contrôler les comptes de la Sécurité sociale mais, du côté du gouvernement, on sait que c’est anticonstitutionnel. D’ailleurs, si les parlementaires sont les représentants des Français, de ceux qui votent, les organisations syndicales, elles, représentent les salariés, qu’ils soient français ou non, qu’ils votent ou pas. Donc je pense qu’un tel contrôle parlementaire serait une usurpation de pouvoir, voilà pourquoi je suis contre.
Le Parisien : Et en ce qui concerne la séparation de trésorerie des quatre branches ?
Marc Blondel : La Sécurité sociale forme un tout, on doit pouvoir affecter l’excédentaire là ou il y a des déficits. Je tiens à rappeler par ailleurs que sa gestion est un modèle.
Propos recueillis par Jean-Marc Plantade
Force ouvrière hebdo
L’éditorial de Marc Blondel
La consommation est insuffisante, le patronat hésite
Lors de la rencontre que nous avons eu le 7 juin avec le CNPF, nous avions indiqué à la délégation patronale qu’un soutien de l’activité économique par la consommation était indispensable, ce qui implique un retour à la liberté de négociation des salaires, permettant à ceux-ci de retrouver des gains de pouvoir d’achat.
En posant la revendication au patronat nous remplissons simplement mais avec détermination notre rôle syndicat. Il est en effet de tradition que l’organisation syndicale revendique des augmentations de salaires. Mais cette revendication revêt aujourd’hui une dimension particulière.
En effet, il ne s’agit pas seulement de plaider l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés, il s’agit de répondre au problème numéro un de l’insuffisance de la reprise dont presque tout le monde constate qu’elle butte sur l’insuffisance de la consommation. En défendant les salaires nous défendons l’activité et l’emploi.
Le 17 juin, à Biarritz, en marge du festival de l’audiovisuel d’entreprise, le président du CNPF a, lui, défendu ce qu’il est convenu d’appeler la revendication traditionnelle du patronat depuis quelques années, à savoir une baisse des charges des entreprises au travers d’une baisse des cotisations sociales sur l’ensemble des salaires, Smic compris.
Il a indiqué que le patronat était en négociation avec le gouvernement sur cette question. Reconnaissant cependant qu’il faudra bien un relais par la consommation, le président du CNPF a suggéré de stimuler certains secteurs clés, comme le bâtiment, l’immobilier et les travaux publics.
Visiblement, ce qui gêne, au moins publiquement, le CNPF c’est d’accéder à la revendication d’augmentation des salaires. Or soyons clairs, pas plus que le gouvernement en tant qu’État-employeur, le patronat ne pourra esquiver cette nécessité sociale et économique. Et ce n’est pas la présentation tendancieuse des statistiques en la macère qui, psychologiquement, répondra à la revendication. L’étude précise effectuée par le service économique (circulaire du 14/6/1994) démontre qu’aujourd’hui la moitié des salariés du privé et du semi-public gagnent plus de 8 250 francs net par mois, l’autre gagnant moins. Ou encore, qu’un quart des salariés français gagnent moins de 6 450 francs net par mois. Quant à l’augmentation du pouvoir d’achat, il est clair que les effets de "structures" (promotions, améliorations de qualifications…), que l’on chiffre à 1 %, sont incorporés dans l’évolution de celui-ci (+ 0,4 % en 1993) ce qui signifie que les salaires ont objectivement baissé, ce qui ne peut provoquer la relance de la consommation. Et ce sont les salaires les plus bas qui uni le plus trinqué. Ce n’est pas pour rien que le CERC, dans une de ses dernières études, chiffre à 6 voire 7 millions le nombre de salariés en situation de vulnérabilité sociale.
Quant à l’allégement des charges sociales réclamé par le CNPF, cela pose un problème de fond sur la nature de la protection sociale collective et de son évolution.
Comment cette baisse serait-elle compensée ? Réduira-t-on les prestations pour laisser le passage aux banques et compagnies d’assurances et/ou accroîtra-t-on la part de l’impôt dans le financement de la protection sociale collective ? C’est-à-dire deux formules qui conduisent à brader la Sécurité sociale des salariés et à remettre profondément en cause son rôle de solidarité et d’intégration sociale, sa fonction essentielle de dignité.
Quand on récapitule les avantages divers accordés par les pouvoirs publics aux employeurs, que ce soit en termes fiscaux, de cotisations sociales, de flexibilité, d’aides diverses et variées, on constate que si notre protection sociale en pâtit lourdement, ce n’est pas le cas de l’État providence pour les employeurs.
Le bon sens, c’est cependant qu’on ne produit et n’embauche pas pour faire plaisir mais parce qu’on sait qu’on pourra vendre et avoir des clients. Et cela, au-delà de toutes les aides, passe obligatoirement par le développement des possibilités de consommer pour le plus grand nombre.
C’est pourquoi les salaires seront de plus en plus au centre des priorités et préoccupations.
France 2
G. Leclerc : C’est au nom de la priorité à l’emploi, que le Premier ministre a confirmé qu’il n’y aurait pas de coup de pouce sur le Smic. Peut-on vraiment le lui reprocher ?
M. Blondel : Oui, bien entendu ! D’abord parce que c’est un faux problème que d’opposer l’emploi aux salaires. C’est une erreur fondamentale, tout le monde le sait maintenant. La démonstration simpliste c’est vrai, c’est tout simplement de dire que ce sont les pays qui ont les salaires les plus élevés qui ont le moins de chômeurs. Il semblerait effectivement, que ce soit déterminant.
G. Leclerc : Mais à l’inverse, augmenter les salaires, ce sont des charges supplémentaires pour les entreprises qui donc embauchent moins.
M. Blondel : Non, ça part d’un mauvais postulat, ce raisonnement. Les entreprises embauchent quand elles ont de l’activité. Elles n’embauchent pas pour faire plaisir, c’est une erreur ! Cela a peut-être été vrai il y a 35 ans, mais plus maintenant ! Je parle du secteur productif. Ce n’est donc pas une question de salaires, contrairement à ce qu’on affirme. S’il y a du travail, les entreprises embauchent, elles payent le salaire qu’il faut pour que le travail soit correctement fait et, ensuite, c’est le consommateur qui paye, c’est tout simple ! Par contre, quand il s’agit de services, le raisonnement est identique car il s’agit de services que l’on fait payer. Il faut donc solvabiliser les gens pour qu’ils puissent utiliser les services. Ceci est très clair : E. Balladur ne veut pas faire un coup de pouce qui aurait été symbolique, un coup de pouce sur le Smic. Ça touche 1,5 million de personnes, ce sont des gens qui eux, n’épargnent pas, des gens modestes. Ils n’ont pas 6 000 francs bruts par mois mais 5 400 francs, voyez un peu ce que ça donne ! Donc, c’est très clair. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que si on avait donné une amélioration du pouvoir d’achat à ces gens-là, non seulement cela aurait eu un petit effet sur la consommation, mais cela aurait été – et ça c’est beaucoup plus important– psychologiquement, une mise en confiance pour les gens. E. Balladur dit "il faut faire des efforts", et le ministre de l’Économie dit "Il faut consommer". On reproche un manque de consommation, mais à la veille des vacances, c’eût été un encouragement et psychologiquement, en économie c’est important. Les gens auraient peut-être accepté de dépenser la petite poire pour la soif qu’ils ont gardé.
G. Leclerc : Le gouvernement annonce de nouvelles baisses de charges sociales.
M. Blondel : Ça ne changera rien ! Je vous le dis aussi net. Ça fait deux fois qu’il le fait. Au contraire, les baisses de charges sociales, notamment si elles sont faites aussi maladroitement que l’exonération des cotisations des allocations familiales, qu’est-ce que ça a fait ? On a exonéré les cotisations d’allocations familiales pour les gens payés au Smic et pour les gens payés jusqu’à 1,6 fois le Smic. Ça veut dire que l’on a gêné les conditions de concurrence et que celui qui payait le plus mal se trouve maintenant dans une situation favorisée par rapport à celui qui payait correctement ; je parle des employeurs. Vous voyez la situation dans la même entreprise, quand des gens gagnent 8 000 francs et d’autres le Smic ?! Ça veut dire qu’il n’y a plus de possibilité de politique de salaires. Dès qu’on fait une augmentation, l’ordinateur se met en panne. Non, vraiment, ce n’est pas sérieux ! Je crois que ça a été très mal ciblé. Et ça sera la même chose. La baisse tendancielle du coût du travail, ça permet aux patrons d’avoir un peu plus de marge, c’est cela la vérité.
G. Leclerc : Leur permettre d’investir, d’embaucher…
M. Blondel : Embaucher s’il y a du travail à faire, s’il y a une relance d’activité, une demande. Si vous ne consommez plus, alors en effet, l’entreprise aura à produire moins. Sinon, elle n’a aucune raison. On est en train de feindre, et ce qui me choque le plus c’est que le gouvernement le sait très bien … Il faut que l’on dise que c’est une crise de la demande et non de l’offre. Et du reste, quand E. Balladur a donné 5 000 francs pour relancer la consommation dans les voitures, cela a eu un effet immédiat. Ça prouve bien que les gens sont prêts à consommer, encore faut-il leur donner les moyens de le faire.
G. Leclerc : La Sécurité sociale, un autre souci avec à nouveau 55 milliards et là, deux séries de mesures : d’une part à l’Assemblée un projet qui vise à une gestion séparée des différentes caisse, à un contrôle accru du Parlement et des mesures d’économie qui devraient être annoncées jeudi.
M. Blondel : Non, arrêtez ! Soyons clairs : pour discuter de la Sécurité sociale, il faudrait une plus grande émission. Je commence à être las, de tout ce qu’on affirme.
G. Leclerc : Mais il y a 55 milliards de déficit…
M. Blondel : Mais il n’y a rien du tout ! Les 55 milliards de déficit, ce sont 55 milliards de déficit de l’ensemble de la Sécurité sociale, aussi bien vieillesse, assurance-maladie, pour tout le monde.
G. Leclerc : Il faut quand même les trouver.
M. Blondel : Pour tous les concitoyens. 99 % des citoyens sont couverts par la Sécurité sociale. Or quand on dit cela globalement, on rend coupable tout le monde. Je veux rappeler quelque chose : la Sécurité sociale des salariés, celle qui donne lieu à une cotisation de la part des salariés et des patrons, elle n’est pas déficitaire. Elle est déficitaire, quand on lui affecte les déficits des autres régimes. Je suis pour que l’on équilibre les autres régimes, et je suis pour que tout le monde ait la même sécurité sociale. Mais il faut avoir le courage de dire que ces 55 milliards en va aller les chercher par l’impôt, et non qu’on va les donner pour les régimes de non-salariés. Ce ne sont pas les salariés qui sont coupables. Alors quand on me dit que l’on va faire des exonérations et des transferts de cotisations à partir du régime de salariés, je dis non, ça ne marche pas ! C’est pour piquer l’argent des salariés. C’est un hold-up ! On est en train de dire "on va vous prendre la masse financière que représente la Sécu et c’est nous État, qui allons le gérer." Car quand on est en situation tripartite. C’est le bailleur de fonds qui gère. Et bailleur de fonds ça sera l’État en l’occurrence.
G. Leclerc : Donc vous êtes contre cette [Illisible] de remplacer des cotisations sociales par un prélèvement sur la consommation, par l’impôt ?
M. Blondel : Je suis pour, si c’est pour les régimes autres que les régimes de salariés, ceux qui sont en déficit. C’est-à-dire, le régime des exploitants agricoles, de commerçants, d’artisans. Je suis pour, car il faut en effet donner le moyen à ces régimes de vivre. Mais il n’y a aucune raison de culpabiliser le régime de la Sécurité sociale des salariés.
G. Leclerc : Vous êtes donc opposé à la politique économique, de façon générale, qui est menée. Vous êtes aussi en désaccord sur l’emploi, sur la Sécurité sociale. Est-ce que tout ça va se traduire un jour par des actions, une mobilisation sur le terrain ?
M. Blondel : Mobiliser pour informer les gens, c’est toujours le moment, mais ce n’est pas le moment de lancer une action. J’ai présidé le comité confédéral national de FO la semaine dernière à La Rochelle, j’ai un mandat très précis là-dessus : il faut que je défende la Sécurité sociale, le régime UNEDIC et les salaires. C’est clair ! J’en parlerai le 5 juillet au Premier ministre du reste, puisqu’il va nous recevoir.
Force ouvrière hebdo
L’éditorial de Marc Blondel
Salaires et Sécurité sociales
En décidant de n’augmenter le Smic que de 2,1 % au 1er juillet 1994, le gouvernement s’en est tenu au minimum légal. Cela signifie qu’il se refuse à améliorer le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes, a fortiori de l’ensemble des salariés. Autrement dit à transformer le discours sur la reprise dans la réalité.
Presque tout le monde reconnaît en effet que la reprise annoncée et répétée bute sur l’insuffisance de la consommation.
Or il est clair qu’un soutien à l’augmentation des salaires redonnerait confiance au plus grand nombre (les salariés) et se traduirait quasi immédiatement en consommation.
Quand on gagne 4 792 francs net par mois (c’est le Smic). On n’a guère le loisir d’épargner…
L’entêtement des pouvoirs publics pour une politique d’austérité économique et d’inégalités sociales perdure donc.
On retrouve ici les méfaits du libéralisme économique qui conduit à des politiques publiques corsetées et l’attachement aux critères européens de convergence économique (1) qui traduisent la soumission du social aux dogmes économiques.
Certains préféreront y voir un attachement à entretenir une image de rigueur sereine. Qu’importe, il n’en reste pas moins que tout cela conduit à une aggravation continuelle du chômage comme viennent encore de le montrer en chiffres de mai 1994.
Refuser de donner des signaux pour l’augmentation des salaires c’est aussi contrarier un principe fondamental en démocratie, celui de la liberté de négociation des salaires entre patrons et syndicats, et prendre le risque d’une dégradation dangereuse du financement des régimes de protection sociale collective. Comment déplorer le soi-disant déficit du régime général et tout faire pour que les difficultés financières s’accroissent ?
C’est aussi dans ce conteste que doit être examinée la loi de Mme Veil sur l’organisation de la Sécurité sociale qui tient d’être votée par le parlement.
Lorsqu’à la tribune de l’assemblée le ministre indique notamment : "Ce texte nécessaire est une étape dans l’adaptation de la Sécurité sociale aux réalités de la société et de l’économie contemporaines, un préalable à des réformes ultérieures" ; nous savons, nous syndicalistes gestionnaires des régimes, les dangers que cela recouvre, à savoir : la volonté, à terme, au nom du libéralisme économique et d’une compétitivité décrétés incontournables, de diminuer le niveau de la couverture sociale. C’est ainsi qu’il faut comprendre aussi la séparation de la gestion financière des branches de la Sécurité sociale.
Nous citons de nouveau le ministre :
…
"Comment responsabiliser les gestionnaires s’ils ne sont pas assurés de bénéficier du produit de leur bonne gestion ou, à l’inverse, s’ils pensent que tout déficit sera couvert par les résultats des autres branches ! Ce qui se pratiquait couramment et a suscité, à juste titre, tant de critiques, ne sera plus possible.
Il s’agit aussi d’une mesure d’honnêteté vis-à-vis des cotisants : lorsqu’une cotisation d’allocations familiales est prélevée, elle doit aller à la famille, et non à la vieillesse ou à la maladie.
On ne doit pas tricher avec les cotisations des Français."
De tels propos sont inacceptables, d’abord parce qu’ils accréditent l’idée d’une mauvaise gestion des régimes, ensuite parce qu’il faut savoir que c’est le gouvernement qui fixe d’ores et déjà le niveau des prestations et des cotisations et ce pour tous les risques. Ce qui est clair, c’est qu’en cédant aux revendications patronales d’allégement de charges, le gouvernement a décidé la budgétisation progressive des allocations familiales, c’est-à-dire de faire payer aux concitoyens (contribuables) ce qui était financé par les entreprises. Et, à cette occasion, le gouvernement n’a pas l’intention, s’agissant de l’argent de l’État, de dégager un "excédent". Peut-être même ne compensera-t-il pas l’intégralité du budget des allocations familiales. Quant à l’assurance-vieillesse, avec la mécanique du Fonds de solidarité et après les restrictions des droits de l’été dernier, elle sera globalement équilibrée.
Reste l’assurance-maladie, finalement la seule branche qui ait gardé quasiment intacte la philosophie de la Sécurité sociale.
Avec la mécanique mise en place, elle a toutes les "chances" d’être en "déficit". D’une part parce que le gouvernement n’entend pas lui payer son dû (en termes de charges indues, de transferts et de cotisation patronale d’État (2), d’autre part parce que les prévisions dans le domaine de la maladie sont beaucoup plus aléatoires.
Qui peut prévoir le coût et l’ampleur de la grippe l’an prochain ? Qui peut prévoir le coût du SIDA ?
Devra-t-on, parce que la situation économique l’exigerait, fixer des plafonds ? Déjà certains hôpitaux n’ont plus toujours les moyens de fonctionner, le budget ne permettant plus d’assurer le financement des douze mois de l’année. Déjà de plus en plus de français hésitent à consulter et n’achètent plus toujours les médicaments prescrits, de nombreuses maladies dues à la pauvreté, la dénutrition, regagnent du terrain.
Dorénavant, le gouvernement fera avaliser ses prévisions par le Parlement, les députés promoteurs de cette idée ne se rendent pas compte de la lourde responsabilité qu’ils revendiquent.
Certes il ne s’agit que de prévisions, mais leur acceptation par le Parlement ne fera que renforcer leur poids. Restreindre la couverture sociale dans l’accès aux soins, même envisager cette éventualité, serait irresponsable.
On ne quantifie pas le prix de la vie.
En tout cas, Force Ouvrière ne l’acceptera pas. Et d’ores et déjà, nous allons accentuer l’information et la sensibilisation de l’ensemble des salariés sur cette question essentielle, y compris pendant la période des congés payés. Ce qui n’empêche pas de recharger les accus pour affronter la rentrée.
(1) Pour autant contrairement à te qu’ont pu affirmer certains journaux, le monopole des régimes obligatoires de Sécurité sociale ne serait pas remis en cause à compter du 1er juillet 1994.
(2) 36 milliards de francs en 1993.