Rapport moral de MM. Gérard Lapie, secrétaire général et Michel Teyssedou, secrétaire général adjoint de la FNSEA, et discours de clôture de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, sur les revendications des agriculteurs et la politique agricole, au congrès de Tours le 24 mars 1994.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 48ème congrès fédéral de la FNSEA à Tours les 22, 23 et 24 mars 1994

Texte intégral

Discours de clôture de Luc Guyau, président de la FNSEA

Monsieur le ministre,
Monsieur le représentant du Président de la République,
Monsieur le représentant du Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le préfet,
Madame la présidente,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Avant toute chose, merci aux responsables du département d'Indre-et-Loire, que je tiens à remercier une nouvelle fois pour leur accueil. Et merci en particulier à la présidente.

Monsieur le ministre, lorsque vous avez été nommé ministre de l'agriculture il y a tout juste un an, les gens se sont dit : "Il a une bonne tête. Pour un peu, on le prendrait pour un paysan". Et je suis bien sûr que vous souhaitez qu'on vous considère comme tel…

D'ailleurs, vous n'avez pas trop mal commencé. À tout le moins, disons que vous avez su nous écouter.

Mais alors, continuez. Soyez à l'écoute des campagnes. Et ensuite, lorsque vous irez à l'Assemblée nationale pour le grand débat sur l'agriculture, tenez le discours que tiendrait un agriculteur ! Rappelez au pays et à ses représentants la place de l'agriculture dans la société française. Et dites-leur qu'aujourd'hui encore, les agriculteurs ont de l'ambition à revendre !

D'ailleurs, je me propose de vous aider : ce discours que tiendrait un paysan devant les députés, je l'ai préparé, Monsieur le ministre ! Le voici.

Mais, un peu de patience : vous devez d'abord m'accompagner dans une tournée cantonale.

Je sais, vous allez dire : "j'ai été réélu haut la main dimanche dernier. Je n'ai pas de raison de retourner dans mon canton".

Je regrette, mais il va falloir en passer par là. Un paysan qui devrait se rendre au Parlement pour parler d'agriculture ne manquerait pas une telle visite. Alors en route.

Première visite : un producteur de céréales. Quel peut être son état d'esprit, selon vous ?

Est-il mécontent ? Oh que oui ! Depuis la réforme de la PAC, on l'accable de demandes administratives de plus en plus démesurées. Chaque campagne est pour lui la promesse d'une nouvelle moisson de contraintes, de formulaires, de contrôles.

Sachez-le : pas question que l'administration mette à profit la nouvelle PAC pour transformer nos exploitations en annexes de DDA.

Voilà deux ans que la réforme de la PAC a été décidée, et toujours aucun progrès pour la rotation de la jachère sur deux ans. Même les absurdités les plus aberrantes, vous ne parvenez pas à les faire changer !

Les annexes MSA ? Pas question de les transmettre avec les demandes d'aide. Pas de documents inutiles. Pourquoi pas le certificat d'étude des grands-parents, tant qu'à faire !

Le plan gel 93 ? Pas question non plus. Occupez-vous plutôt d'obtenir l'avancement du paiement des primes, vous ferez œuvre plus utile. Pour les primes végétales, paiement à la moisson. Pour les animaux, de la régularité, de la transparence ; en un mot, un calendrier. Et obtenez de votre collègue de Bercy des conditions de fiscalisation un peu plus simples que ce chef-d'œuvre de bureaucratie qu'est en train de nous préparer l'administration fiscale.

Et quand vous y serez parvenu, nous reparlerons du plan gel 94 – vous voyez, nous ne sommes pas fermés à la discussion.

Soyons clairs : la Touraine est peut-être la patrie de Courteline, mais nous ne laisserons pas les ronds-de-cuir envahir nos cours de fermes. Retenez cette mise en garde : nous sommes des clients sérieux.

Des clients sérieux qui n'aiment pas qu'on leur annonce que la France a obtenu 100 000 hectares d'oléagineux supplémentaires lorsqu'elle en a cédé 100 000. Qui n'acceptent pas de diminution arbitraire des primes. Quand on prend un engagement, on le tient. Les salles de casino et les martingales, très peu pour nous. Nous voulons des règles du jeu fiables, connues d'avance et respectées.

Croyez-vous, à ce compte-là, que l'éleveur vous réservera un meilleur accueil que le producteur de céréales ? Si nous tous dans cette salle formions un canton – nous sommes assez nombreux pour le faire – êtes-vous bien sûr que vous obtiendrez 75 % des voix ?

Avec la prime à l'herbe, la FNSEA avait inventé une solution d'avenir pour l'élevage. Voilà que l'administration la remet en cause. Quel contre-sens, de vouloir limiter au maximum l'accès à ce dispositif ! Occupons-nous de favoriser la prime à l'herbe au lieu d'en écarter un éleveur sur deux sous les prétextes les plus fallacieux !

Ce seuil de 75 % de prairies naturelles pour accéder à la prime à l'herbe, c'est inacceptable. Il faut le revoir.

Et pourquoi, soit dit en passant, les crédits alloués aux élevages transhumants il y a deux ans ne sont-ils toujours pas débloqués ? Allez, Monsieur le ministre, agissez. Il faut bâtir une politique cohérente. L'arsenal des mesures socio-structurelles vous en donne les moyens.

Autre absurdité : la Commission européenne veut modifier l'année de référence pour les primes au jeune bovin. Qu'elle renonce à ces trafiquotages à la petite semaine, le destin du secteur n'est pas suspendu au choix de l'année de référence.

Elle doit respecter les règles qu'elle a elle-même établies. Pas question d'aller au-delà de la réforme de la PAC. Vous-même, Monsieur le ministre, vous avez pris positions contre toute aggravation insidieuse. Alors, dites comme nous : dites à la Commission que son paquet-prix est nul et non avenu !

À quel titre la Commission se croit-elle autorisée à changer les règles au détour d'un règlement ? Nulle part, on ne change les règles en cours de partie.

Troisièmes visite : un producteur de lait. Que trouverez-vous à lui dire ? Pour toute perspective, le GATT ne nous offre rien que des baisses de quotas de 2 % année après année. Allez-vous laisser faire ? La gestion départementalisée des quotas, c'est bien. Encore faut-il qu'il nous en reste encore à gérer dans dix ans, des quotas !

Et que répondez-vous au vieux copain de régiment de ce producteur de lait ? Vous savez, le producteur de banane. Il vient d'écrire que les choses vont mal. Alors, n'oubliez pas que la banane est toujours en péril au GATT. N'oubliez pas le rôle pivot de l'agriculture dans tous nos départements d'outre-mer : Guyane, Réunion, Martinique, Guadeloupe. Mieux vaut développer l'agriculture que le RMI.

Pour le porc, où est fixée la cote d'alerte ? Les pouvoirs publics attendront-ils que des milliers d'exploitations déposent le bilan avant de prendre des mesures dignes de ce nom ? Ce libéralisme, ce n'est pas le nôtre.

Et l'aviculteur, quel discours lui tiendrez-vous ? Il se souvient de notre manifestation de Rennes ; celle de janvier dernier. Il se rappelle qu'il est parvenu à faire reculer la Commission européenne sur la question des restitutions à l'exportation ! Il sait qu'il a rééquilibré les rapports entre producteurs et industriels. Aujourd'hui, il est prêt à aller plus loin : il réclame un cartel de crise pour maîtriser la production et adapter l'offre au marché ; les conditions d'y parvenir sont toutes favorables.

Quelle attitude allez-vous adopter ? Face à la Commission et à sa nouvelle offensive contre les restitutions, allez-vous dire clairement que le pouvoir appartient au conseil des ministres. ? Et face aux industriels, allez-vous prendre des mesures pour assainir le marché ?

Visite suivante : un producteur ovin. Surtout, n'allez pas lui parler de l'avenir : même le présent, il n'y croit plus. L'histoire de la politique ovine, c'est celle de quinze années d'erreurs successives. Avec, à l'arrivée, un taux d'approvisionnement inférieur à 40 %, sur l'un de nos marchés les plus porteurs. Quel gâchis, pour l'une des productions les mieux adaptées à l'aménagement du territoire. Je ne vous parlerai pas de devenir les meilleurs d'Europe dans la filière, je n'oserai pas. Mais mettons sur pied une politique de qualité, une politique de reconquête.

Mais surtout, jamais la politique ovine comme référence ! Accrochez-la bien vite au musée des absurdités. Elle y sera en bonne compagnie. Celle de la politique blé dur par exemple, dont la seule ambition paraît être d'accroître nos importations. Avec succès d'ailleurs, mais qui s'en félicitera ?

Et l'horticulture ? Elle qui réclame depuis tant de mois qu'on prenne en compte les problèmes que lui pose l'augmentation de la TVA ! Apportez enfin la solution qu'on vous réclame. Et profitez-en donc pour abaisser le seuil d'assujettissement à la TVA. Comme pour les autres secteurs, c'est une question de transparence et d'équité.

Continuons notre périple. Quand on est viticulteur, il faut vraiment beaucoup d'imagination et de bonne volonté pour garder foi en l'avenir : "j'ai mené une politique de qualité, j'ai maîtrisé et réorienté ma production, et que vois-je ? Des voisins européens qui utilisent à leur profit une réglementation européenne dépassée, et qui bloquent toute réforme.

Il est grand temps que les efforts des viticulteurs soient récompensés. Où en êtes-vous, Monsieur le ministre, que faites-vous pour la viticulture ?

Le débat actuel sur la loi Évin n'est bon pour personne. Nous proposons de rencontrer les sommités médicales pour sortir de cette impasse.

La campagne gronde. Que ce soit à Tours ou ailleurs, les viticulteurs ont tout notre soutien. Ils s'impatientent, vous ne pouvez plus rester inactif !

Et que doivent penser les producteurs de fruits et légumes ! Vous avez commandé un rapport : c'est bien. Le rapport lui-même ? Moins bien.

Nous ne vous demandons pas, sous le pompeux vocable de "comités de bassin", de dresser les régions les unes contre les autres ; nous vous demandons de vous attaquer au vrai problème : créer de nouvelles OCM associant la communauté, les États et les filières, pour orienter et maîtriser les productions.

Il y a des emplois à conquérir. Pour peu qu'on se donne la peine de les ramasser.

En attendant, les arbres sont en fleurs, et les frigos débordent toujours.

Il y a deux semaines à Angers, les producteurs de pommes n'avaient même plus le cœur à distribuer des pommes aux passants. La pomme et la tomate, la salade et le champignon, l'endive et le kiwi, les agriculteurs n'en peuvent plus. Tout le système est ébranlé.

J'arrête là l'énumération. Vous le voyez, il y a largement de quoi remplir la cour de votre ministère. Alors, faite vite.

Quand on ne veut pas se réveiller avec des paysans sous ses fenêtres au petit matin, on règle les problèmes le soir avant d'aller se coucher !

À vous de savoir si vous êtes du soir ou du matin, Monsieur le ministre !

Et puisqu'il est question de mesures urgentes entre toutes, n'oublions ni le développement agricole, ni les cotisations sociales.

Certes, la position de la profession sur le développement agricole a été longue à se dessiner. Mais nous y sommes parvenus ! Le processus a été un peu laborieux, mais nous nous sommes mis d'accord : d'accord sur le financement, comme sur la nécessité d'évoluer dans les missions et de remembrer les organisations professionnelles.

C'est maintenant à vous d'agir. La balle est dans votre camp. Dites-nous, ici même et sans ambages, comment vous compter assurer le financement de l'ANDA à partir de 1995 !

Idem pour les cotisations sociales : la profession a pris des risques, elle a accepté des changements ; Pour toute récompense, elle hérite d'une situation pénalisante pour le monde agricole et périlleuse pour l'équilibre financier de dizaines de milliers d'exploitations. C'est inacceptable.

Nous exigeons de vous l'achèvement de la réforme des cotisations sociales dans les trois ans ; Dans les trois ans, et en trois tiers identiques.

Et sans oublier la suppression totale des taxes BAPSA. L'objectif de parité avec le régime général est atteint. Les taxes BAPSA ne se justifient plus. Il faut les supprimer. Pas demain, pas après-demain, tout de suite.

Car nous n'avons pas toujours la même conception de l'urgence, vous et nous ! Comité de suivi du GATTA : trois mois d'immobilisme, puis deux réunions précipitées en l'espace de quinze jours, juste avant la signature définitive des accords à Marrakech !

Si encore, dans l'intervalle de ces trois mois, les questions que nous posons avaient reçu une réponse. Mais qu'adviendrait-il de l'accord agricole en cas de dépréciation brutale du dollar ?

Comment l'Europe pourrait-elle alors tenir ses engagements, à supposer d'ailleurs qu'elle en ait jamais été capable ? La vérité, c'est que cet accord du GATT que vous avez tant tenu à signer, cet accord dont vous êtes si fier, ne prend toujours pas en compte les fluctuations monétaires. Sans même parler des disparités sociales ou environnementales.

Et la Commission européenne, l'incontrôlable Commission, qui ajoute sa patte et qui oublie de donner des prix de déclenchement dans les documents transmis au GATT pour les clauses de sauvegarde ; Vous qui vous targuez d'avoir remis la Commission au pas, vous ne pouvez pas laisser passer ça !

Qu'en est-il de la paix commerciale ? Le Gouvernement français dit que les États-Unis sont d'accord pour l'organisation mondiale du commerce. Mais alors, pourquoi nous menacent-ils une nouvelle fois avec leur Super 301 ! Je le dis tout net : l'organisation mondiale du commerce est pour nous une condition absolue à la ratification du GATT le mois prochain.

Si M. Longuet devait revenir de Marrakech les mains vides, gare au comité d'accueil au moment du retour.

C'est tout le Gouvernement qui a envisagé sa responsabilité dans cette affaire, vous pouvez en faire part au conseil des ministres dès mercredi prochain.

Que les choses soient bien claires : nous ne sommes pas engagés dans un combat corporatiste. Nous voulons l'Europe. Notre "non" à Blair House était un "oui" à l'Europe. Et si les Douze ont fini par resserre les rangs dans l'ultime ligne droite de l'Uruguay Round, les agriculteurs ont été les premiers à s'en réjouir. D'ailleurs, c'est nous qui avons provoqué ce sursaut ; Nous et nos sept années de mobilisation syndicale. Tous les pays d'Europe sont d'accord là-dessus.

Nous ne voulons pas d'une Europe-croupion. Une Europe libre et forte, c'est une Europe qui se sera enfin dotée :

Un : de moyens de rétorsion commerciale crédibles. Avec l'organisation mondiale du commerce, c'est le seul moyen d'atténuer le commerce, c'est le seul moyen d'atténuer la menace du Super 301 américain.

Deux : d'une monnaie unique. C'est la condition absolue à un marché unique. Mais c'est aussi la seule manière de contrer le dollar.

Trois : d'une préférence communautaire remise au goût du jour. Consommer au prix mondial et vivre avec des revenus européens, comme on dit chez moi, c'est brûler la chandelle par les deux bouts. Ça ne durera pas.

N'ayons pas de fausse pudeur. La préférence communautaire, nous la revendiquons, au nom de la prospérité de l'Europe.

L'Europe forte, démocratique et solidaire, nous la réclamions pendant le débat sur Maastricht. Nous la réclamons toujours. Si l'Europe veut s'élargir, ou si elle veut faire une place à l'Europe de l'Est, qu'elle se renforce d'abord.

Dans trois mois auront lieu les élections européennes. Que ceux qui siègeront à Strasbourg se sentent animés d'une belle ambition pour l'Europe. Et qu'ils regardent en direction des agriculteurs.

Nous qui pratiquons l'Europe depuis 30 ans, lorsque nous disons : "Attention, danger", c'est qu'il y a danger. Lorsque nous disons : "avançons, il faut nous suivre.

Voilà, Monsieur le ministre, quelques-unes des réflexions que vous auriez entendues au cours de votre tournée cantonale. Les avez-vous notées ? Faut-il que je redonne la parole à d'autres agriculteurs présents dans l'assistance… ?

Puisque vous vous êtes pénétré de l'esprit qui règne dans les campagnes, vous êtes prêt à affronter l'hémicycle parlementaire, et à parler en véritable agriculteur. Voici ce que vous pourriez dire :

Chers amis, une page est tournée dans l'histoire de l'agriculture française ; Inutile de consacrer du temps à la relire, nous avons mieux à faire : un nouveau chapitre nous attend. À nous de l'écrire !

Nouveau chapitre, Mesdames et Messieurs, qui doit contenir autant de bonnes pages que le précédent : autant de réussites, autant de prouesses et autant de prospérité. Quant au personnage principal, il a mûri, il a changé, mais c'est toujours l'agriculture française, est-il besoin de le préciser ?

Et quelle agriculture ! La première d'Europe, et la deuxième du monde par les exportations. Nos produits sont commercialisés dans plus de 80 pays. Des zones tempérées aux pourtours de la Méditerranée, nos terres, parmi les plus fertiles du monde, offrent une diversité de terroirs sans égale. Quant à l'organisation collective de la profession agricole, elle est parfois dénigrée chez nous, mais croyez-mois, elle nous est enviée par beaucoup de nos voisins.

Notre agriculture, c'est une partie de l'exemple français ! Tous nos compatriotes en sont convaincus.

Mais reconnaissons-le, également, ce secteur est confronté à des bouleversements sans précédent. Il a atteint un tournant de son histoire. Son sort est désormais suspendu à ses facultés de mutation : "s'adapter ou disparaître", voilà la seule alternative qui nous reste.

Reconnaissons donc que des changements sont inéluctables, et saisissons cette occasion pour nous tourner vers l'avenir, en gardant présent à l'esprit nos formidables atouts : quelle agriculture voulons-nous pour la France de demain ? Quel doit être l'ambition des agriculteurs d'aujourd'hui ? La réponse existe.

C'est celle d'une agriculture :
– économique ;
– territoriale ;
– écologique ;
– responsable et stratégique.

Économique : un secteur économique, dynamique, exportateur et source de prospérité et d'emploi.

Territoriale : une activité présente sur la totalité du territoire national, garante d'une répartition équilibrée de la population française.

Écologique : une profession active dans la protection de l'environnement et la valorisation de l'espace et des patrimoines.

Responsable : une agriculture à "responsabilité personnelle", où le statut juridique compte moins que le rôle de l'exploitant dans la gestion de l'entreprise.

Stratégique : un moyen de présence et d'influence, sur une scène internationale où les échanges alimentaires constituent un enjeu crucial et stratégique pour le XXIe siècle.

Pour y parvenir, il faut reprendre en main la politique agricole actuelle et la mettre au service d'objectifs clairs et admis par tous. Les efforts du législateur, du Gouvernement et de la profession agricole elle-même doivent porter dans trois directions :
– un secteur compétitif ;
– une agriculture conquérante ;
– un territoire équilibré.

Voilà le cadre !

Un secteur compétitif, qu'est-ce à dire, à l'heure où la PAC précipité à la baisse tous les prix agricoles ?

Certainement pas, comme l'imaginent certains, l'alignement sur les prix mondiaux. Ce serait la descente aux enfers pour tous. À commencer par les compétitifs, ceux pour lesquels le prix des produits est déterminant.

Un secteur compétitif, cela signifie, avant toute chose, un effort accru en direction des charges.

La réduction des coûts doit donc nous mobiliser en permanence. Aucune occasion d'agir en ce sens ne doit être laissée de côté. Dans ce domaine où Bruxelles n'a pas voix au chapitre, il faut agir au plus vite, car nous ne devons pas nous laisser prendre de vitesse par nos concurrents européens. Il nous faut être en position forte en 1996.

La majorité gouvernementale a donc une responsabilité particulière : si les agriculteurs attendent une initiative immédiate de la part du Gouvernement, c'est la baisse des charges.

Réduire les charges : c'est notre obsession à nous agriculteurs, ce doit devenir la vôtre !

Je ne me lancerai pas dans un catalogue exhaustif. Mais comment parvenir à un secteur compétitif avec le système de cotisations sociales actuel ? La réforme des cotisations sociales n'a pas été conduite au bout de la sa logique. Prélèvements sur le revenu réel, certes. Mais alors, il faut aussi exclure de l'assiette les revenus du capital ! Dans tous les secteurs, c'est la règle pour les sociétés de capitaux. Cette inégalité de traitement est injustifiable, il faut l'abolir.

Un secteur compétitif ? Alors, encourageons aussi investissement et modernisation. En agriculture, la rentabilité des capitaux est faible. Il faut en tirer les conséquences : il ne faut surtout pas renoncer à cet excellent levier que sont les crédits bonifiés. La bonification doit redevenir le mode financement normal pour les investissements agricoles.

Vous êtes d'ailleurs conscient de cette nécessité, Monsieur le ministre, et je vous félicite d'avoir débloqué les enveloppes de crédits bonifiés deux mois plus tôt que par le passé.

Mais que vous êtes loin du compte !

Certains producteurs bénéficient de prêts spéciaux. C'est ce que nous avons obtenu pour les viticulteurs notamment. Mais vous ne pouvez pas vous arrêter là. C'est dans tous les secteurs qu'il faut repenser le financement des investissements d'adaptation et de productivité.

La bonification doit conserver son sens même en période de baisse des taux d'intérêt : le taux des prêts ne doit plus dépasser l'inflation. Et si l'inflation passe à zéro, les prêts aidés devront suivre !

Nous parlons de modernisation. Levez aussi cet obstacle doublé d'une injustice que constituent nos retraites agricoles de misère. Déjà, nous avons obtenu des pouvoirs publics l'engagement qu'aucun chef d'exploitation ne toucherait plus de retraite inférieure au RMI.

C'est pour nous une belle victoire ; mais ce n'est qu'une simple étape : nous voulons la parité avec les autres secteurs.

Après quarante et cinquante ans de labeur, combien de nos pères et mères le réclament ! C'est une mesure coûteuse ? Peut-être. Mais la justice, ça a aussi son prix.

Un prix qui doit s'appliquer aussi aux conjoints : les agriculteurs et agricultrices doivent être au même tarif. Nous ne sommes plus au XIXe siècle.

Enfin, il n'y aura pas de modernisation du secteur agricole si le dispositif de préretraite actuel n'est pas maintenu. Ne mettez pas le dispositif au rebut, c'est un outil irremplaçable pour restructurer le secteur.

Nous réclamons la prorogation du dispositif pour 1995 et pour toutes les années qui suivront. Nous en avons besoin pour conforter l'installation des jeunes agriculteurs. Donnez-nous satisfaction, sans quoi c'est pour vous que nous demanderons la pré-retraite.

Réduire les chartes : voilà notre idée fixe. Partagez-la avec nous. Savez-vous que les charges salariales représentent souvent plus de 50 % du chiffre d'affaires d'une exploitation ? Le savez-vous ? Et ce, dans les fruits, dans les légumes, dans l'horticulture, les secteurs dont je vous parlais tout à l'heure au cours de notre tournée cantonale !

Et dont je vous parle à chaque mardi mensuel depuis un an !

Il faut penser aux salariés de l'agriculture, qui jouent un rôle déterminant dans nos entreprises. Alors, puisqu'on parle partout de sauvegarder l'emploi, il y a de quoi faire, si le gouvernement veut s'en donner la peine.

Écoutez la proposition que je vais vous faire au nom de la profession agricole. Monsieur le ministre : la FNSEA est prête à signer avec l'État un pacte pour l'emploi. Un pacte, pour créer, et conserver, des dizaines de milliers d'emplois.

Et les moyens que nous réclamons n'ont rien d'exorbitant – rien qui aille au-delà de ce qu'on accorde à d'autres secteurs.

D'abord, il faut faire passer de 60 à 100 jours le délai d'exonération de charges pour les saisonniers, nous vous l'expliquons depuis longtemps.

Ensuite, pour tous les salariés permanents, il faut prévoir une exonération de charges pour les 2 500 premiers francs de salaire.

Voilà le levier : les charges patronales. C'est très banal, c'est pratique courante dans de nombreux secteurs. Aucun obstacle : ni juridique, ni technique. Mais faites vite : c'est de dizaines de milliers d'emplois qu'il s'agit.

Le ministre de l'agriculture a peu souvent l'occasion de parler d'emplois. Nous vous en offrons une. De quoi vous ôter tout complexe à l'égard des autres membres du Gouvernement.

Si vous en aviez…

Un emploi créé ou maintenu en milieu rural, c'est une famille de moins dans les banlieues : coup double, Monsieur le ministre. Personne au Gouvernement ne pourra refuser pareille affaire. Mais prenez-en l'initiative.

Un secteur compétitif ? On peut faire davantage encore. Dernier axe pour l'intervention publique : l'orientation stratégique de notre agriculture.

Sur ce point, je n'ai que des compliments à vous faire. Au risque de vous surprendre, "bravo" pour le rôle d'orientation que vous avez su redonner au CSO.

D'autant plus que nous vous y avons aidé…

Mais veillons à ne pas nous arrêter en chemin : nous n'en sommes encore qu'aux premier pas de cette politique d'orientation. La politique agricole doit retrouver plus de cohérence. Il faut imposer une conception globale de l'entreprise agricole, et dépasser le simple raisonnement de filière.

Parvenir à plus d'horizontalité, c'est tout le propos du rapport moral que le congrès a approuvé ce matin.

La réforme de la PAC menace l'équilibre entre les productions. En cas de délocalisations massives, certains secteurs déjà fragiles risquent d'être totalement déséquilibrés, comme ce fut le cas pour la viande bovine et les céréales après l'instauration des quotas laitiers. Épargnons aux agriculteurs la tentation des délocalisations, empressons-nous de découvrir de nouvelles activités et de nouvelles richesses.

Tout cela a été affirmé haut et fort lors de notre congrès.

La nécessité d'une économie forte, créant des richesses, parfois diversifiée, pour un aménagement équilibré et durable.

Permettre à nos entreprises de partir à la conquête de nouveaux marchés, en réduisant leurs charges, en améliorant leur statut, en reconnaissant les nouveaux métiers de territoire.

Rénover nos outils de gestion de la politique agricole et renforcer les politiques de handicap, pour lier hommes, entreprise, production, territoires – seul moyen d'envisager des entreprises performances sur un territoire équilibré.

Enfin, passer d'une politique de compensation à une politique d'orientation, en se servant de tous les outils existants pour assurer cohérence et pérennité à nos exploitations. C'était le thème fort de note congrès.

C'est ainsi que les agriculteurs conçoivent les aides de la PAC : comme une arme au service de l'orientation des productions.

Ne confondons pas les genres. La politique de handicap ne doit pas être banalisée à l'occasion de la réforme de la PAC. Au contraire. Elle doit être confortée. Elle doit être renforcée et servir d'exemple pour d'autres situations difficiles.

Le congrès a affirmé une idée essentielle supplémentaire : ni les aides compensatoires, ni aucun outil de politique économique, ne règleront à eux seuls le destin de l'agriculture française. Le débat ne doit pas en rester à ces questions, aussi importantes soient-elles. L'agriculture doit retrouver des espaces de conquête, voilà le fond du problème. Plus que jamais, elle doit être une agriculture conquérante.

Il y a trente ans, lorsqu'a été instaurée la politique agricole commune, la productivité s'est imposée comme mot d'ordre parmi les exploitants agricoles. C'est sur cette ambition que s'est construite l'agriculture moderne.

C'est grâce à elle que la France s'est hissée à son rang de deuxième exportateur agricole mondial.

Aujourd'hui, cette dynamique assise sur une croissance illimitée est révolue : la réforme de la PAC et la signature de l'Uruguay Round en ont marqué le terme.

En outre, occupés comme ils l'étaient à améliorer la productivité sur les exploitations, les agriculteurs en ont trop souvent oublié de se préoccuper du monde extérieur, c'est-à-dire de la transformation et de la distribution. La productivité augmentait très vite ; plus vite encore que dans l'industrie. Mais les trois quarts de cette productivité étaient récupérés par l'aval.

Jamais on n'a vu une profession travailler autant au profit de son prochain ! Le retour sur investissement, ça doit exister.

L'heure est aujourd'hui à la recherche de meilleures marges. Au fronton de nos exploitations, "valeur ajoutée" doit désormais remplacer "productivité".

Nous devons chercher des débouchés pour des produits élaborés, nous devons apprendre à connaître et à anticiper les goûts des consommateurs, nous devons nous impliquer davantage dans la transformation et la commercialisation de nos produits.

Plusieurs voies se présentent à nous.

D'abord, les produits de qualité à haute valeur ajoutée. Chacun peut le constater, les agriculteurs sont déjà bien engagés sur cette voie. Ils ont appris à s'adapter aux attentes multiples des consommateurs ; et à segmenter l'offre.

Vendre ce que le client veut acheter, et non ce que l'on veut soi-même vendre, voilà ce que nous avons appris.

Toutefois, restons vigilants : les acquis d'une politique de qualité ne sont jamais définitifs. Ils nous seront de plus en plus disputés au contraire.

Déjà, j'entends murmurer qu'il faudrait supprimer les labels. Il ne saurait en être question ! Le label, c'est le moyen, tout à la fois, de valoriser le terroir, de répondre aux attentes du consommateur, et d'assurer une bonne répartition de la richesse économique sur l'ensemble du territoire. À coût budgétaire nul, voilà un argument supplémentaire !

Les agriculteurs poursuivront leurs efforts. Mais ils ont besoin d'un minimum de sécurité juridique. Comme n'importe quel agent économique. C'est ce que doit nous procurer le législateur. Modification des textes actuels ? Oui, sans doute. Mais, toujours au bénéfice des producteurs agricoles. Et à eux seuls. "Touche pas à mon label", voilà notre mot d'ordre.

Autre piste pour le recherche de la valeur ajoutée : investir l'aval, s'impliquer dans la transformation et la commercialisation. En 1994, la tâche de l'agriculteur ne s'arrête pas au bord du champ où il entasse sa récolte.

Nous ne serons pas les mineurs de fond du XXIe siècle !

Par conséquent, l'agriculteur doit accompagner ses produits bien au-delà de la ferme. C'est son revenu qui est en cause. Et c'est aussi sa liberté de chef d'entreprise. Partenariat ? Oui ! Intégration ? Non !

Les coopératives sont particulièrement concernées. Aujourd'hui, adhérer à une coopérative ne suffit plus. Chacun doit faire plus. À nous, les animateurs de la coopération, d'y assumer notre place et d'éviter les dérives. L'esprit coopératif n'est jamais acquis ; il doit être reconquis tous les jours.

Autre piste encore, toujours en vue d'une plus grande valeur ajoutée : les nouveaux marchés. En Europe, hors de l'Europe, sur les marchés alimentaires, ailleurs encore : conquête tous azimuts.

Sur le marché européen, les choix à venir en matière de politique agricole seront déterminants. Pas question de se faire dicter la PAC de l'après 96 par la Commission européenne. Une fois suffit.

La France doit prendre l'initiative. Pour une PAC qui garantisse à la France la place qui lui revient. Pas question pour nous d'accepter un hectare de friche en plus ! Nous voulons conquérir, nous voulons exporter, nous voulons prospérer. Augmenter la jachère ? Pas question. Diminuer les quotas ? Pas question. Réduire les cheptels ? Pas question.

Conquête des marchés mondiaux également : l'accord de l'Uruguay Round ne doit pas nous paralyser. Nous voulons continuer d'exporter. Fonds publics, fonds privés, peu importe. Ce que nous voulons, c'est exporter sur les marchés mondiaux. Nous devons le faire, les besoins alimentaires mondiaux augmentent tous les jours. La France et l'Europe doivent faire face à cette réalité. Il en va de leur volonté d'exister sur la scène internationale.

Tournons-nous aussi vers les marchés nouveaux. Les carburants verts, notamment : solution d'avenir, cela fait dix ans que les États-Unis l'ont compris. Solution écologique aussi. Enfin, solution indispensable, pour un pays aux ressources fossiles aussi minimes que la France.

Déjà, certains transports urbains ont saisi l'occasion. Tours en est le meilleur des exemples. Et depuis dix ans, je ne crois pas qu'elle ait à s'en plaindre.

Encore quelques mesures concrètes, et la filière deviendra définitivement réalité : à commencer par l'obligation d'incorporation des bio-carburants.

Seconde mesure : aider les usines de transformation à s'installer, et les contrats à se nouer. Nous sommes près du but, l'heure est propice, saisissons l'occasion.

Carburants verts : lueur d'espoir, donc. Mais il existe bien d'autres débouchés. Beaucoup ne sont pas encore connus. Il faut explorer ces nouveaux espaces. La recherche doit nous y aider, c'est sa vocation. À l'État d'exercer son pouvoir d'orientation.

Il revient à la puissance publique :

Un : d'encourager activement la prise en compte des besoins des agriculteurs dans la recherche.

Deux : de ne pas se désengager. L'État doit passer un contrat d'objectif avec la profession agricole.

Trois : de développer le réflexe "marché", en plus du réflexe "production". La recherche doit explorer marchés et débouchés, et l'État doit commanditer ces explorations.

Sans oublier la pluri-activité, autre forme de conquête des marchés et du territoire. Nous ne sommes plus de stricts producteurs de denrées agricoles. Nos revenus peuvent désormais parvenir d'autres activités, annexes ou parallèles. C'est pour nous une révolution culturelle. Une révolution déjà bien admise.

En réalité, c'est du côté des pouvoirs publics que les résistances sont les plus fortes. On nous limite, on nous radote, on nous mégote. Cela doit changer. Dès cette année, dès la session parlementaire du printemps. Il faut en finir avec la conception civile, patrimoniale, de l'activité agricole.

De tout temps – il faut que les responsables politiques le comprennent – le paysan s'est intéressé à la vache qui vêle, pas à celle qui mugit au clair de lune !

Il ne sera peut-être pas question de vêlage à l'Assemblée nationale au printemps. Mais nous saurons faire la part du vacarme et distinguer les efforts sincères pour aller de l'avant. Prenez de vraies mesures, vous ne pourrez pas amuser la galerie avec des décisions en carton-pâte.

Mais tous ces efforts de conquête de marchés divers et variés doivent aussi prendre en compte la commercialisation. Face à la grande distribution, le syndicalisme n'est pas résigné. Il a pris des initiatives, il continuera d'en prendre.

Après la "fronde des caddies", il pourrait bien y avoir la "guerre des caddies".

Au début du siècle, un Américain a découvert ce principe simple que, pour avoir des consommateurs, il fallait des agents économiques décemment rémunérés. C'est en offrant de meilleurs salaires à ses ouvriers que Ford a construit son empire automobile.

Aujourd'hui, nous sommes en train de faire le chemin à l'envers ! Attention, danger : c'est toute la société qui est ébranlée !

Brader les produits alimentaires pour augmenter sa marge sur un téléviseur taïwanais, ce n'est pas un bon calcul. Pour consommer, les agriculteurs, comme tous les citoyens, ont d'abord besoin de gagner leur vie. On veut le beurre, et l'argent du beurre. Mais où seront les vaches ?

J'en arrive à mon troisième point : un territoire équilibré.

Nous sommes confrontés à un problème social de très grande ampleur ; à un défi qui exige toute l'attention des responsables économiques et politiques du pays.

Depuis quelques mois, le pays s'est lancé à la recherche d'instruments de reconquête du territoire. Mais malheureusement, on a cherché les solutions là où elles n'existaient pas.

En réalité, une profession susceptible de revitaliser secteur rural, il en existe déjà une : elle est présente sur tout le territoire, elle entretient 80 % des 550 000 km2 que compte la France.

"Oui, me direz-vous, mais l'agriculture a été incapable, depuis 30 ans, d'enrayer l'exode rural". Quel mauvais argument ! Ce n'est pas de tout ce qu'on lui demandait, à l'agriculture ! Au contraire, on lui disait : "productivité, productivité ! Plus vite, plus vite ; et avec moins d'actifs. L'industrie a besoin de main-d'œuvre".

Aujourd'hui, si c'est le contraire qu'on attend de l'agriculture, très bien : elle assumera sa mission nouvelle ; elle participera au rééquilibrage du territoire !

Seulement, n'oublions pas de le lui demander. N'oublions pas de témoigner notre confiance aux agriculteurs. N'oublions pas de leur donner les moyens de remplir cette mission !

Reconquérir le territoire ? Nous sommes tous d'accord. Mais attention aux promesses non tenues. Ce sera dur, très dur. Il ne faudra pas que le ministre de l'intérieur Pasqua censure le ministre de l'aménagement Pasqua à cause de promesses inconsidérées. Ses promesses, nous les avons entendues. Nous les avons retenues. Nous saurons les rappeler.

Reconnaissons la fonction économique et sociale que remplit l'agriculture dans la gestion de l'espace. Il faut créer un fonds de gestion de l'espace – c'est pour nous une chose acquise, nous ne laisserons pas le Gouvernement revenir sur la parole !

Dans tous les cas de figure possibles, encourageons un financement par le marché : entretien des terrains privés, développement du tourisme rural, formules contractuelles, etc.

Ensuite, soyons logiques avec nous-mêmes : si nous attachons de plus en plus de prix à la lutte pour l'environnement, sollicitons les ressources disponibles. Puisque les agriculteurs participent au programme de lutte contre la pollution des eaux, prenons cette participation pour ce qu'elle est : un gage formidable de bonne volonté et d'attention à l'environnement. Libérons-nous des vieux préjugés.

Il reste bien d'autres voies à explorer. Sachons gagner le concours de la profession agricole, c'est dans l'intérêt de tous : l'agriculteur est le premier écologiste de l'histoire ; ne l'oublions pas ! Et il entend le rester. Mais les engagements des collectivités territoriales doivent être tenus. Sinon, le contrat administration-profession sera rompu.

Sachons utiliser toutes les ressources de notre agriculture. Les catastrophes naturelles, est-ce une fatalité ? Les inondations en Camargue, une agriculture mieux valorisée avait les moyens de les éviter. Ou en tout cas de les atténuer.

L'agriculture, c'est la plus vieille assurance du monde contre les catastrophes naturelles. On n'a rien inventé de mieux depuis.

Vous nous parlez d'aménagement du territoire ? Alors, attaquez-vous vraiment à la fiscalité locale : l'impôt sur le foncier non bâti est en contradiction totale avec l'objectif de mise en valeur des espaces ruraux. Jadis, on pouvait accepter cette contradiction. Mais face à la déprise des terres agricoles, ce n'est plus supportable : l'État doit prendre en charge de foncier non bâti une bonne fois pour toutes.

Pour finir, n'oublions pas le rôle des communes dans l'aménagement du territoire : songeons à ces communes qui, privées de ressources, assistent impuissantes à leur dépeuplement. Cette dotation globale de fonctionnement représente, on ne le dira jamais assez, 20 % des ressources locales. Transformons-la en véritable outil d'aménagement du territoire.

Prélevons une réserve sur la dotation de base de la DGF, et tenons compte de la superficie communale dans les clefs d'attribution des enveloppes.

Créons aussi une ressource communale minimale.

Bref, mettons à plat les moyens existants, et plaçons-les au service d'une ambition nationale véritable.

Voilà, Monsieur le ministre, ce que nous voudrions entendre de votre bouche à l'Assemblée nationale.

Pour ma part, si je n'avais qu'une chose à vous dire, ce serait celle-ci : aux yeux des agriculteurs, votre responsabilité est engagée. Sachez-le et méditez là-dessus au moment où vous quitterez notre Congrès.

Heureusement pour vous, l'occasion d'agir va vous être donnée très vite, puisqu'à la session parlementaire du printemps auront lieu deux débats capitaux, l'un sur l'aménagement du territoire, l'autre sur l'agriculture.

À la veille de ces grands débats, récapitulons : Deux étapes, cinq principes :

Premières étape : des engagements définitifs et irréversibles au printemps de la part du Gouvernement et des élus de la Nation.

Seconde étape : vote de l'ensemble des crédits avant la fin de l'année.

Cinq principes :

Un : la création de richesses comme principe directeur.

Deux : la priorité au statut des personnes.

Trois : une vision d'ensemble de l'entreprise agricole.

Quatre : l'utilisation de tous les instruments disponibles comme leviers de politique économique.

Cinq : le passage rapide d'une politique de transition à une politique d'orientations.

Les choses se jouent aujourd'hui. Les agriculteurs veulent savoir si les Parlementaires tiendront leurs engagements en faveur de l'agriculture. Nous n'aurons de cesse de rappeler toutes les promesses faites.

On nous demande parfois : "débat d'orientation, où va votre préférence ?" Nous répondons : "ni à la loi, ni au débat, mais à l'orientation".

Les agriculteurs veulent savoir si le Gouvernement les abandonne à eux-mêmes, ou s'il a la volonté de leur donner des perspectives et de leur rendre confiance dans l'avenir.

Mieux vaut prévenir que guérir. C'est la sagesse de tout Gouvernement. Le Premier ministre partage-t-il cette manière de voir ? Saura-t-il aider l'agriculture française ? À lui, et à vous, de répondre, d'en décider et d'agir.

Ici, le débat a eu lieu. Et pourtant, la FNSEA n'a pas éclaté ; on nous l'annonçait, l'autre scission du Congrès de Tours. On nous l'annonçait, l'éclatement du syndicalisme agricole.

Tous les prophètes de malheur en ont été pour leurs frais. Ceux qui avaient parié sur la division ont perdu. Ils rentrent chez eux le cœur en peine. Notre congrès a été unitaire.

La guerre de Tours n'a pas eu lieu.

Pourquoi n'a-t-elle pas eu lieu ? Parce que nous avons pu retrouver les bases d'un projet pour l'agriculture. Un projet constructif. Un projet de conquête. Un projet à la hauteur de notre ambition pour les agriculteurs et pour la France, celle d'entreprises agricoles performantes, sur un territoire équilibré.

Fédérations départementales et cantonales, associations spécialisées, nous sommes tous y engagés.

La guerre de Tours n'a pas eu lieu. Mais nous repartons pour un nouveau combat. Un combat pacifique, à la reconquête de nouveaux espaces de prospérité économique. Un combat où les paysans montent à l'assaut tous ensemble.

Monsieur le ministre, répondez à l'appel. Dites-nous qu'il faut vous compter parmi les volontaires. Faites-le ! C'est la réponse que nous attendons de vous aujourd'hui.


Rapport d'orientation : modifications du texte

Le conseil d'administration, réuni à Tours le 23 mars 1994, a adopté les deux modifications suivantes du rapport d'orientation :

1°) Page 21 :

Dans le paragraphe A – 1 –, le 11e paragraphe a été retouché :

"Il faut exiger la modernisation ou la création d'OCM impliquant la communauté, les États, les filières, afin d'assurer l'orientation et la maîtrise des productions et les conditions de la préférence communautaire".

Un autre paragraphe lui est ajouté :

"Ces OCM doivent être adaptées aux différents secteurs de production, tout en assurant la cohérence de l'agriculture. Il faut étudier leur mise en place d'urgence dans les secteurs des fruits et légumes et des porcs".

2°) Page 24 :

"D. – Reconnaître et rémunérer la fonction de gestion territoriale

La fonction de gestion de l'espace doit être reconnue et rémunérée.

1. Utiliser les aides PAC pour éviter des délocalisations.

Les aides PAC, qui compensent des baisses de prix agricoles afin d'assurer une fonction économique de production, doivent être, en outre, utilisées comme un des instruments possibles pour éviter des délocalisations incontrôlées de production agricoles.

2. Rémunérer la gestion de l'espace

La gestion de l'espace agricole ne doit plus être considérée comme un sous-produit de l'activité agricole : elle engendre des contraintes et des manques à gagner qui doivent être financièrement compensés.

Cette compensation doit prendre la forme notamment d'une prise en charge par l'État de la taxe foncière non bâtie afférente aux terres agricoles."

Les paragraphes 3 et 4 de la page 24 ne sont pas modifiés.

 

"L'ambition des agriculteurs français : des entreprises performantes sur un territoire équilibré"

Rapport présenté au nom du conseil d'administration par Gérard Lapie, secrétaire général de la FNSEA et Michel Teyssedou, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Sommaire

Introduction : La fin d'une époque
1. Un contexte international profondément transformé
2. En France, une conjoncture économique et sociale difficile
3. Un nouveau cadre de politique agricole
4. Nos atouts
5. Un changement amorcé, mais la nécessité de "passer la vitesse supérieure"
6. Une nouvelle démarche de réflexion sur nos orientations

1. Quels sont les problèmes que nous devons résoudre ?

2. Quels sont nos objectifs ?
A. – Nos fonctions actuelles et futures
B. – Quels types d'exploitation agricole voulons-nous promouvoir ?
C. – Nos objectifs
D. – Les "leviers"

3. Des entreprises agricoles performantes
A. – Réguler l'accès au marché
B. – Être davantage présent en aval des filières agro-alimentaires
C. – Pour un véritable marché des services en agriculture
D. – Reconnaître et rentabiliser la fonction de "gestion territoriale"

5. Pour une nouvelle politique d'orientation des productions et des entreprises
A. – Au niveau départemental, une commission de développement et de restructuration
B. – Au niveau régional, un conseil d'orientation des filières agro-alimentaires
C. – Au niveau national, un comité d'orientation des productions et des entreprises

Conclusion générale


Introduction

La fin d'une époque

1. Un contexte international profondément transformé

La France est le premier pays producteur agricole européen, et le second exportateur mondial de produits agro-alimentaires. Elle entend le rester.

Pendant trente ans, nous avons connu une Europe prospère, qui parlait et agissait de plus en plus d'une seule voix. Sur le plan économique, la préférence communautaire constituait la "clé de voûte" de cette période, au moins pour le secteur agricole.

Mais au cours des années 80, les relations économiques et politiques internationales se sont profondément renouvelées, les flux commerciaux mondiaux également. Et depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 marquant la fin du communisme et la sortie de quarante ans de "guerre froide", la CEE s'est éloignée de la construction progressive d'une communauté économique et politique.

On a vu ces dernières années, au travers des négociations du GATT, les rivalités commerciales s'exacerber entre les Nord-américains et les Européens d'ailleurs de plus en plus divisés entre eux. Parallèlement, tandis que certaines d'entre elles se déchirent dramatiquement, plusieurs nations est-européennes "frappent à la porte" de l'Union européenne.

L'Europe se cherche donc difficilement une indenté et une organisation nouvelle. D'abord, parce que les pays européens sont concurrents entre eux. En témoigne le dumping qui limite l'existence d'une politique économique commune. Ensuite, l'intégration de nouveaux pays comme l'Autriche et les pays scandinaves s'avère aujourd'hui difficile, étant donné les exigences de la nouvelle PAC et les limites budgétaires croissantes des douze pays de l'Union européenne. Enfin, plusieurs anciens pays de l'Est sont candidats à ‘l'Union européenne en fondant leurs espoirs sur l'exportation vers l'Ouest de leurs produits agricoles, alors que les marchés agro-alimentaires européens sont en déséquilibre. En s'élargissant, l'Union risque de "s'affaler".

L'Union européenne sera-t-elle demain autre chose qu'un grand marché ouvert aux produits les moins chers venant de pays tiers ?

Bien entendu, les évolutions économiques et politiques internationales ne se limitent pas à la scène européenne. En Amérique du Nord, la création de l'ALENA en 1993 marque l'organisation d'un espace commercial puissant concurrent de l'Union européenne. Au Sud, l'Afrique, après le Moyen-Orient, a plus changé politiquement ces cinq dernières années que depuis la décolonisation. Mais elle reste un continent dépendant de l'aide alimentaire européenne ou américaine.

Une grande partie de l'Asie est devenu le moteur de la croissance mondiale, concurrençant durement la plupart de nos industries et de nos services, mais offrant également la possibilité de nouveaux marchés alimentaires solvables. Nous avons des efforts considérables à faire pour être présents commercialement dans cette région-là plus peuplée du monde. Pour nous Européens, la situation est inédite : comment prendre toute notre place face à ce nouveau pôle des échanges internationaux situé à l'extérieur de notre continent, dans une région Pacifique dont les cultures sont très différentes des nôtres, depuis la Californie jusqu'aux nouveaux pays industriels asiatiques ?

L'ensemble de nos activités économiques doivent donc aujourd'hui faire face à une vive concurrence internationale sur les marchés extérieurs et intérieurs, à la fois avec des pays tiers organisés en espaces régionaux et entre Européens.

2. En France, une conjoncture économique et sociale difficile

Depuis près de deux ans, la croissance économique s'est interrompue dans notre pays, ainsi que dans la quasi-totalité de l'Union européenne, entraînant en France un mouvement de récession sans précédent depuis 40 ans.

La consommation fonctionne au ralenti, l'investissement est bloqué, l'effondrement de "pans économiques" entiers menace, par exemple dans les secteurs de la pêche, du textile, de la pâte à papier, de l'informatique. En conséquence, le chômage progresse continuellement, touchant près de 3 millions et demi d'actifs, aggravant le phénomène d'exclusion économique et sociale, qui menace environ 20 % de la population totale de notre pays.

Même si nos concitoyens montrent qu'ils sont prêts à se mobiliser contre la perspective d'une "société duale", le déclin du militantisme, la montée de l'individualisme dans toutes les catégories sociales et la recherche générale de la consommation au prix le plus bas aggravent les problèmes économiques et sociaux.

Du coup, les acteurs économiques et sociaux en difficulté demandent à l'État d'intervenir pour compenser les effets négatifs de la libéralisation désordonnée des échanges, qui entraîne la marginalisation de régions et de quartiers urbains entiers sous la pression du chômage et de la drogue, et qui menace la protection sociale et le régime des retraites. Et tous ces appels à la puissance publique se cumulent, alors même que capacités financières sont limitées, votre diminuent.

Enfin, soulignons l'importance du débat qui, sous l'impulsion du gouvernement, s'est amorcé depuis six mois sur les déséquilibres territoriaux. La grande majorité des responsables politiques s'accordent à considérer que l'espace rural est défavorisé par rapport à Paris et aux métropoles régionales, et que les inégalités qui en résultent doivent être corrigées d'urgence. Mais beaucoup d'entre eux ont également souligné les inégalités croissantes entre les régions et à l'intérieur des régions, résultant du mouvement de concentration des activités économiques sur le territoire provoqué par les différences de coûts de production et d'échanges.

Si le monde rural et la profession agricole bénéficient aujourd'hui d'un préjugé nettement favorable dans l'opinion, les marges de manœuvre de la puissance publique resteront relativement étroites, et les appuis donnés seront de plus en plus subordonnés à un double souci d'équilibre territorial et de préservation de l'emploi.

3. Un nouveau cadre de politique agricole

Nous sortons aujourd'hui brutalement d'une époque économique et politique, pour entrer dans une dynamique nouvelle de production, de commerce et de travail. Ce passage n'est pas propre à l'agriculture : il est général pour les sociétés ouest-européennes.

Un nouvelle PAC a été décidée en mai 1992, et le dernier acte de la négociation du GATT s'est déroulé en décembre dernier.

La réforme de PAC n'a pas été la nôtre. Maladroitement décidée en pleine négociation du GATT, elle était en outre porteuse d'une logique parfaitement contradictoire. Pour faire bonne figure face aux critiques nord-américaines, elle prétendait tout à la fois libéraliser et administrer notre secteur économique, réorienter les soutiens des marchés vers les revenus et diminuer significativement la charge que représentait l'agriculture pour le budget communautaire.

Les résultats de la négociation agricole du GATT en 1992 et 1993 laissent augurer une aggravation à moyen terme des conséquences de la nouvelle PAC : sur les prix, sur le gel des terres, sur les capacités d'exportation.

Ne nous voulons pas la face. D'abord, la préférence communautaire a été entamée ; ensuite, une baisse importante des prix est programmée pour la plupart des prix agricoles ; enfin certains déséquilibres de marchés se sont aggravés, en particulier en fruits et légumes, et de sérieuses menaces pèsent sur la viande bovine et l'aviculture.

Pourtant, quelles que soient les difficultés, nous savons bien que sans un projet, à la fois européen et national, pour l'agriculture, ces difficultés vont s'aggraver et les agriculteurs européens risquent de se faire une concurrence de plus en plus forte entre eux.

Nous avons été les pionniers de la construction européenne et nous restons favorables à son affirmation économique et politique. L'espace européen doit être conforté par une monnaie commune et par une politique de prix supérieurs aux prix mondiaux. La notion de préférence communautaire doit être conservée.

Le contexte commercial et politique actuel de l'agriculture est donc difficile, et les conséquences à moyen terme des décisions prises au plan international peuvent se révéler redoutables pour les agriculteurs.

N'oublions pas d'abord que le marché est en dernière instance déterminé par les comportements des consommateurs. Depuis ces dernières années, ceux-ci recherchent les produits au prix le moins cher possible, en étant dans leur grande majorité tout à fait indifférente à leur provenance géographique, qu'elle soit française, européenne ou autre, et le développement de la forme de distribution de type "Hard-Discount" renforce cette tendance d'achat. D'autre part, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de diversité : c'est le cas pour l'alimentation, pour les loisirs et pour la relation à l'espace.

Autant d'évolutions qui peuvent jouer comme des menaces ou comme les opportunités pour notre agriculture. Car le pire n'est pas certain, loin s'en faut.

4. Nos atouts

Si les difficultés sont évidentes, tout n'est pas aussi sombre qu'on veut nous le faire croire. Car nous disposons d'atouts importants :

1) L'avenir des échanges agro-alimentaires internationaux est tendanciellement à la hausse sur le long terme.

Pour nous qui sommes les seconds exportateurs mondiaux, ces marchés croissants sont à notre portée. À condition d'en avoir la volonté, à condition de bien répondre quantitativement et qualitativement aux demandes, en partenariat avec les industries agro-alimentaires.

2) La grande majorité des représentants et des responsables politiques de notre pays se disent prêts à la fois à faciliter l'amélioration de la compétitivité des entreprises agricoles, et à rééquilibrer les activités économiques sur le territoire.

3) Enfin, les perspectives de l'agriculture dépendent aussi, peut-être surtout, de nos propres capacités d'adapter nos façons de produire, de notre manière de répondre à l'évolution de la demande, et de notre mode d'organisation professionnelle et économique.

Beaucoup d'observateurs extérieurs, français ou étrangers, ont souligné la grande capacité des agriculteurs par le passé à répondre aux défis de leur temps et à s'adapter à des évolutions, même brutales, de leur environnement économique et social.

Aujourd'hui qu'une page de l'histoire de l'agriculture, d'une façon de produire et de vendre, est définitivement tournée, nous devons regarder vers l'avenir, en faisant preuve tout à la fois d'imagination, d'audace et de réalisme.

Car devant les désordres de la plupart des marchés, devant les initiatives locales les plus diverses qui se développent en toutes régions (en matière de production, d'organisation, de transactions foncières, de succession, etc.), nous sentons à la fois l'importance vitale et l'urgence de changer les manières de voir l'orientation et le fonctionnement de notre secteur, et d'agir vite et efficacement si nous voulons peser sur les changements qui sont en cours.

Nul doute que nous saurons, cette fois encore, relever le défi.

À l'occasion des négociations du GATT, grâce à la campagne unitaire de notre profession, animée par notre syndicat, nous avons déjà marqué des points, avec nos partenaires professionnels et économiques, dans l'opinion publique de notre pays et, par rapport aux autres agriculteurs européens, des points importants pour définir un nouveau contrat avec la société.

Nous nous trouvons à un moment à la difficile et stimulant de l'évolution du métier et de la profession agricole.

Difficile, parce que la nouvelle PAC et l'accord du GATT constituent désormais le cadre incontournable de notre secteur d'activité. Et les mesures d'adaptation prises à ce jour par les pouvoirs publics visent essentiellement à amortir le choc, plutôt qu'à définir une politique nouvelle.

Stimulant, parce qu'il va falloir reconstruire une nouvelle politique de production et d'échange, un nouveau cadre d'organisation. La "révolution" agricole et agro-alimentaire qui s'annonce dépassera en ampleur celle, dit "silencieuse", des années 1950-1960.

Sans pour autant ignorer les contraintes sévères qui borneront notre action, sachons donc nous montrer aujourd'hui au moins aussi audacieux que nos aînés.

5. Un changement amorcé, mais la nécessité de "passer la vitesse supérieure"

Notre agriculture a été conçue et organisée depuis 35 ans selon modèle d'agriculture de production intensive, standardisée et protégée des marchés. Pendant une génération, il a plutôt bien fonctionné, sans toutefois réussir à conserver la valeur ajoutée générée par la production.

Depuis les années 80, ce modèle s'est progressivement décalé par rapport aux évolutions de la consommation, des structures industrielles et commerciales, des marchés internationaux.

Nous avons tardé à admettre pratiquement qu'il fallait changer cette logique, de plus en plus inadaptée. Le contrat antérieur fixé dans les lois d'orientation des années 1960-1962, s'est en quelque sorte "effiloché", pour quasiment disparaître, sans que nous ayons, jusqu'à aujourd'hui, remplacé la politique qu'elles sous-tendaient, tant était fort le "réflexe de gestion" précédent, tant il nous était difficile d'entrer dans une autre logique professionnelle.

Certes, la FNSEA avait déjà amorcé un changement de cap depuis les années 80.

Extraits de rapports de la FNSEA depuis 1986

Brest 86 : chaque paysan français est un exportateur :

"Qu'on le veuille ou non, le sort de nos exploitations dépendra de plus en plus des marchés mondiaux".

Versailles 87 : renouveler le mouvement coopératif :

"La mise en commun des fonctions de commercialisation ou de seconde et troisième transformation s'impose au travers de GIE, d'unions de coopératives. Tout autre forme de regroupement respectant l'autonomie des structures de base qui restent proches des agriculteurs est positive si elle permet d'ouvrir des débouchés nouveaux".

Reims 88 : la multi-fonctionnalité

"L'agriculteur s'aperçoit qu'il peut (…) devenir prestataire de services en complément de l'activité principale qu'il exerce."

La synthèse de l'aménagement du territoire et de la compétitivité économique.

"L'agriculture doit (…) avoir une fonction économique de production. Il serait en effet illusoire de prôner une politique volontariste d'aménagement de l'espace rural s'il n'y avait à la base une agriculture dont la vocation première est de créer des richesses.

Besançon 89 : la synthèse du social et de la compétitivité

"Il faut une politique structurelle d'accompagnement qui ne soit pas seulement une politique sociale, mais une politique d'encouragement à la modernisation ou à la reconversion, ce qui permettre d'agir à la fois en faveur de la compétitivité et du revenu des agriculteurs."

Versailles 90 : faire face aux intégrateurs.

"L'intégration fait aujourd'hui partie des réalités de l'agriculture (…). Dans la production avicole, les éleveurs sont la plupart du temps de simples salariés dont l'exploitation est en réalité orientée par des entreprises qui contrôlent toutes les étapes du processus de production (…)."

Le syndicalisme est placé devant d'alternative suivante :
– soit se cantonner dans une attitude défensive ;
– soit (…) prendre les moyens de se poser en interlocuteur direct et constructif de ceux qui détiennent le pouvoir économique.

Angers 91 : maîtrise des productions

Nous proposons la mise en place d'un dispositif de retrait des terres volontaires et rémunéré dans lequel chaque agriculteur acceptant de participer à l'effort de maîtrise bénéficierait, en contrepartie, d'un complément de recettes sur les surfaces en production.

Dans un contexte de crise des débouchés, la défense du revenu des agriculteurs passe par un effort global de maîtrise de la production. Mais, et c'est essentiel, les modalités de cette maîtrise doivent être aussi souples et flexibles que possible. Loin de contraindre les agriculteurs, il convient de les responsabiliser, par le biais de mesures incitatives.

Bourg-en-Bresse 92 : Des exploitations agricoles avec un nouveau visage :

Aujourd'hui, l'exploitation à une UTH, et parfois moins, tend à devenir la règle. Les épouses, dans les couples les plus jeunes, ont un travail extérieur : par nécessité financière, certes, mais aussi parce qu'elles exercent une profession dans laquelle elles sont reconnues.

Retrouver une logique d'entreprise :

L'exploitant agricole ne se "découpe pas en rondelles". Il conçoit son entreprise comme un tout, combinant différentes productions, différents assolements.

Des structures à repenser :

La diminution du nombre des exploitations et des actifs agricoles, inéluctable du fait de la pyramide des âges ainsi que le déplacement des centres de décision nous obligent à une réflexion sur les structures mêmes du syndicalisme agricole…

Versailles 93 : les aides publiques, leviers d'orientation

Pour offrir la possibilité d'arbitrer en fonction des caractéristiques des exploitations, l'idée d'une modulation de la prime (…) en fonction des différents objectifs doit être privilégiée.

Moduler le modèle familial

Le modèle d'exploitation mis en place dans les années 60 reposait sur l'insertion du couple dans un travail de production à temps plein. Il doit être revu, modulé, pour tenir compte de la plus grande séparation actuelle entre la famille et l'individu…

Dans les différents congrès de notre syndicat, toutes ces propositions ont réuni en leur temps des "consensus de principe".

Nous voici à présent à pied d'œuvre, face à nos responsabilités, pour orienter notre secteur pour les dix années qui viennent.

Gardons à l'esprit les deux types d'échéances qui nous attendent. D'abord, d'ici à quelques mois, en France, deux textes d'orientation seront débattus au Parlement : l'un sur l'aménagement du territoire, l'autre concernant l'agriculture. Ensuite, la PAC sera revue d'ici 1996, et les effets du GATT se feront progressivement sentir à partir de 1997 environ. Un accord international qui sera d'ailleurs renégocié à partir de 2001.

La réflexion de la FNSEA est très attendue par les agriculteurs et le reste de la société. Certes, tout ne sera pas reconstruit par notre seule volonté. Ce qui compte à présent, c'est à la fois de montrer des axes stratégiques clairs, et de proposer en conséquences des mesures immédiatement perceptibles par l'ensemble des agriculteurs.

6. Une nouvelle démarche de réflexion sur nos orientations

Pour cela, nous avons voulu consulter toutes nos Fédérations départementales et associations spécialisées en nous appuyant sur une démarche qui favorise une réflexion prospective sur le fond, plutôt que sur des méthodes ou des solutions précises de politique agricole. Celles-ci viendront après le diagnostic, et beaucoup de décisions ne pourront être prises qu'avec la puissance publique ; elles devront, en outre, être valables pour tous les agriculteurs sur l'ensemble du territoire et certaines dans l'espace européen.

Ce travail d'échanges réciproques entre l'échelon national et les départements ne parviendra véritablement à son terme que lorsque l'ensemble de notre organisation syndicale s'en sera approprié l'esprit et la dynamique, de base en haut et de haut en bas. Ce rapport marque une étape, mais le travail de reconstruction devra se poursuivre et déboucher sur des projets à la fois départementaux et régionaux, national et européen.

1. – Quels sont les problèmes que nous devons résoudre ?

1. Après les conséquences des quotas laitiers sur la viande bovine et les céréales, il y a aujourd'hui des risques de délocalisation de certaines productions végétales (fruits et légumes) et animales (élevages hors-sol), avec parallèlement l'affaiblissement de régions agricoles entières.

Cette délocalisation peut s'opérer à l'intérieur de la communauté, mais aussi avec d'autres régions du monde.

Si nous allions dans cette direction, nous serions entraînés dans une spirale sans fin de baisses des prix, dans laquelle les agriculteurs encore en place seraient de toute façon perdants, car ils seraient placés en position de concurrence permanente avec d'autres zones du monde où le coût du travail, le prix de la terre et les charges fiscales sont deux, cinq, voire dix fois moindres qu'en Europe de l'Ouest. Et, dans ce cas de figure, c'est à terme une grande partie de l'Europe agricole qui serait menacée de délocalisations de filières entières.

En prenons bien garde à ce mouvement, car s'il était amorcé par les agriculteurs, il serait accéléré par une grande partie de l'industrie et de la distribution parce qu'il renforcerait la mise en marchés des produits de consommation au prix le plus bas. Et en outre, l'unité professionnelle de l'agriculture serait menacée.

2. Les stratégies de filières définies par l'aval priment de plus en plus sur la mise au point locale ou territoriale de productions ou de systèmes de production. Cette dérive de l'organisation des productions n'est pas seulement agricole, ni même française : elle menace partout.

Le "réflexe spécialisé" a tendance à dominer la réflexion professionnelle, rendant difficile la gestion globale des entreprises agricoles. Certes, il ne menace sans doute pas les capacités de production ; mais si le point de vue spécialisé devenait le seul légitime, nul doute que les agriculteurs deviendraient de plus en plus de simples exécutants de politiques industrielles et commerciales.

Nous devons concilier des dynamiques verticales croissantes avec la dynamique horizontale qui est le fondement même de nos entreprises et de notre action syndicale.

3. La nouvelle PAC, en modifiant les organisations communes de marché, a bouleversé des équilibres de marché déjà fragiles. Il faut assurer aujourd'hui la cohérence de l'ensemble de l'agriculture.

Il s'agir d'un côté d'éviter des reports brutaux d'une production à une autre, et d'un autre côté de laisser aux agriculteurs la possibilité de faire évoluer leur système de production, de modifier l'orientation de leur entreprise.

L'agriculture n'est pas la somme des libertés individuelles des agriculteurs, ni l'addition des égoïsmes de filières. La liberté n'est ni spontanée ni strictement personnelle : elle repose sur l'organisation et la reconnaissance des contraintes.

4. Tout en assurant cette cohérence, il convient d'organiser des partenariats de filières adaptés aux marchés, dans lesquels les agriculteurs pourront rester des acteurs incontournables. Des partenariats qui puissent assurer aux producteurs des débouchés à moyen terme, à des prix suffisamment rentables, tout en rémunérant normalement l'aval.

5. Faire passer la politique agricole d'une logique de transition à une logique d'orientation

C'est-à-dire passer d'une stratégie fondée sur des mesures d'adaptation à la nouvelle PAC et aux effets du GATT, âprement négociées à l'intérieur comme à l'extérieur de l'agriculture, à une autre stratégie, capable de dessiner les contours d'une nouvelle politique agricole pour la fin de ce siècle.

6. Enfin, il faut assurer un renouvellement suffisant des actifs agricoles dans les différentes régions de France, sachant que le réflexe professionnel le plus fréquent consiste à pousser à l'agrandissement plutôt qu'à encourager l'installation, ou à ouvrir la porte à des actifs non originaires de l'agriculture.

Pour maintenir des tissus professionnels locaux vivants, sommes-nous disposés à mener une politique ouverte, non malthusienne de gestion des ressources humaines, et donc de favoriser parallèlement la diversité des formes de métier et des statuts d'entreprises agricoles ?

Résoudre ces six problèmes constitue pour nous tous un véritable défi : comment renouveler des schémas de pensée qui, en reposant sur l'opposition entre libéralisme et collectivisme, valorisaient un mutualisme imprégné à la fois de morale collective et d'une préoccupation économique centrée sur la défense des agriculteurs ?

Sans "faire table rase du passé", nous sentons bien qu'il nous faut changer ces manières de voir les choses, pour exprimer les véritables choix actuels de politique agricole, qui pourraient se résumer dans cette question : comment les agriculteurs peuvent-ils développer, à la fois individuellement et collectivement, leur capacité d'entreprise et leur pouvoir en aval de la production, afin de valoriser au mieux leurs produits et leurs services ?

À défaut de répondre à cette question fondamentale, la pente du laisser-faire, ou à l'opposé, le besoin instinctif de protéger au maximum les situations acquises sont autant d'extrêmes qui vont compromettre irrémédiablement l'existence d'entreprises agricoles dynamiques.

2. Quels sont nos objectifs ?

Pour quelle agriculture nous battons-nous ? Pour quel rôle économique et social des agriculteurs ? Et quels types d'entreprise, quels statuts d'actifs agricoles souhaitons-nous ? Quel type de régulation de l'offre ?

A. – Nos fonctions actuelles et futures

Quelles sont les fonctions que les agriculteurs remplissent aujourd'hui, ou peuvent remplir demain ?

1. Avant tout, nourrir la population française, européenne, et par principe toute demande alimentaire venant de pays tiers.

Affirmons-le avec force : cette fonction des agriculteurs restera la première, le fonds commun de leur métier.

Elle nécessite, pour les grandes productions, d'établir des relations contractuelles fortes avec le secteur agro-alimentaire. Mais aussi, dans le cas de filières artisanales, d'être capables de transformer et de commercialiser des produits fabriqués à la ferme, bien différenciés de l'offre industrielle.

Enfin, cette fonction alimentaire passera également, si l'Union européenne veut affirmer son existence politique sur la scène internationale, par la possibilité d'une stratégie d'aide alimentaire en situation d'urgence à des pays tiers, partout à travers le monde. Cette stratégie ne devant pas être confondue avec l'exportation de nos surplus agricoles qui accentuerait dans certains pays du tiers monde la ruine des paysans locaux et la dépendance alimentaire à l'égard de l'Occident.

2. Les agriculteurs peuvent également devenir des fournisseurs de matières premières "vertes" aux industries de l'énergie et de la biochimie

Leurs perspectives d'utilisation paraissent souvent prometteuses même s'il faut prévoir, au moins à court terme, que cette fonction restera économiquement limitée, voire expérimentale, et qu'elle répondra simultanément à des préoccupations d'équilibre territorial.

Étant donné la concurrence internationale prévisible pour cette fonction "minière", le prix de revient paraît être leur lever incontournable.

3. En même temps que l'une et l'autre de ces deux fonctions productives, les agriculteurs gèrent (c'est-à-dire occupent et entretiennent) l'essentiel du territoire national.

Cette fonction, autrefois gratuitement assurée par les agriculteurs, devra désormais être identifiée clairement et payée : parce qu'elle comporte des contraintes explicites (bientôt traduites peut-être en cahiers de chartes), parce que les agriculteurs ne peuvent plus, pour des raisons de temps et de revenu, la remplir "spontanément".

À travers une mesure comme la prime à l'herbe, des aides aux productions bovines et ovines répondent déjà à une telle fonction. Mais sans vraiment l'affirmer, et de façon incomplète.

Quel est l'objectif des terres, de lutter contre les incendies, ou d'aménager le milieu à des fins environnementales.

Ce type d'activité sera généralement on marchand, c'est-à-dire qu'il devra être financé, directement ou indirectement, par l'impôt. Précisions d'autre part que cette fonction ne sera pas "automatiquement réservée" aux seuls agriculteurs.

4. Enfin, en assurant les trois fonctions précédentes, les agriculteurs disposent d'atouts importants pour participer à l'offre croissante de services marchands

Le tourisme "vert", fondé sur l'hébergement, l'accueil, la restauration.

Les activités de loisirs, à la campagne, notamment en zone péri-urbaine.

Les services de proximité en milieu rural.

La reconnaissance de ces quatre fonctions implique donc que nous cessions de nous considérer comme des "producteurs purs". Nous nous orienterons vers des métiers diversifiés, selon nos compétences et les potentialités locales : fonction de production de masse ou différenciée, fonction de transformation et fonction de services.

Nous devrons bien distinguer ces quatre fonctions les unes des autres. À chacune d'elles devraient correspondre des types d'aide et de rémunération aussi distincts que possible, capables d'éviter des situations de "flou", dangereuses pour la profession, où par exemple une mesure environnementale pourrait servir de justification à un objectif de maîtrise de marché.

Ce faisant, il faut éviter cette sorte de réflexe qui consiste à opposer une agriculture économique à une agriculture sociale. D'ailleurs, cette conception est partout abandonnée dans les réflexions actuelles sur l'entreprise, car les quatre principaux enjeux de celle-ci sont à la fois économiques et sociaux : la performance et le potentiel, la qualité, l'emploi, les marchés.

B. – Quels types d'exploitation agricole voulons-nous promouvoir ?

À l'évidence, les principes de politique agricole qui ont justifié le modèle d'exploitation des années 60-80 sont aujourd'hui dépassés, car :

La recherche d'un modèle unique d'exploitation, avec des standards de production partout identiques, une grande protection des fluctuations marchandes, et un statut type d'exploitation et d'exploitant, a disparu.

Le modèle familial d'exploitation à deux UTH ne représente plus qu'une partie exploitations.

La politique agricole, qui était fondée sur la préférence communautaire stricte, a régressé au profit d'une conception fondée sur la baisse des protections tarifaires.

L'autosuffisance alimentaire est souvent atteinte, voire dépassée en Europe.

Notre pays n'a plus besoin de main-d'œuvre venant de l'agriculture car la conjoncture de l'emploi s'est durablement inversée, le chômage chronique ayant remplacé le plein emploi.

La préoccupation environnementale est devenue fondamentale dans les activités de production, de recherche, d'aménagement de l'espace.

Quels modèles d'exploitation agricole peuvent désormais permettre d'atteindre nos objectifs, tout en conservant les trois valeurs auxquelles nous restons attachés : la responsabilité personnelle, la solidarité et l'unité professionnelle ?

Nous voulons favoriser des types d'entreprises et de statuts de personnes répondant aux conditions suivantes :

1. Privilégier des exploitations à responsabilité personnelle, qu'elles soient familiales ou sociétaires.

2. Tout en reconnaissant la pluralité des statuts juridiques, ne pas pour autant permettre la multiplication de "société écrans", comme on le voit dans d'autres secteurs économiques, comme le font déjà parfois des "chasseurs de primes" de certaines régions agricoles.

3. Encourager la possibilité de diversifier les activités économiques des agriculteurs, à travers des formes de production multifonctionnelles (production simultanée de biens matériels et de services).

4. Ne plus ignorer la pluriactivité comme réponse possible à l'occupation territoriale de certaines régions, parfois également comme statut transitoire vers l'installation ou la mutation professionnelle. Nous savons par ailleurs les problèmes que posera son extension.

C. – Nos objectifs

Notre finalité première reste de défendre, dans une préoccupation de justice (c'est ma racine du mot "syndicat"), notre revenu d'agriculteur. Mais nous nous battons aussi pour améliorer nos conditions de travail et de vie. Et, nous le négligeons peut-être depuis quelques années le rôle du syndicalisme est aussi de favoriser notre engagement dans l'ensemble de l'économie et de la société.

Ces finalités syndicales nous amènent à proposer les trois objectifs suivants. Nous voulons :

1° Des entreprises agricoles réparties sur tout le territoire.

2° Des agriculteurs qui conservent une marge de liberté économique.

3° Une agriculteur qui soit capable d'exploiter toutes les potentialités de marchés actuelles et à venir.

Tous les moyens européens et nationaux à notre portée, en particulier les mesures d'aides et les différents droits liés à la nouvelle PAC devraient donc être utilisés, non pour conserver des situations passées, mais pour orienter l'agriculture. Nous proposons les trois axes d'orientation suivants :

1. Des entreprises agricoles authentiques, c'est-à-dire d'abord performantes.

2. Des débouchés identifiés et une offre maîtrisée, qui rémunèrent notre travail et favorisent l'investissement.

3. Une fonction territoriale pleinement reconnue et rémunérée : c'est-à-dire d'une part une agriculture présente en toutes régions, et d'autre part un secteur agro-alimentaire participant au développement globalement équilibré de l'espace rural.

D. – Les "leviers"

En prenant en compte à la fois ces fonctions et nos objectifs syndicaux, comment concevoir un schéma d'ensemble qui soit cohérent ?

Nous l'avons dit, le défi pour notre syndicat est de faire d'une série de mesures ponctuelles, transitoires, destinées à "amortir" les effets de la nouvelle PAC et du GATT, une véritable politique d'orientation, axée sur le moyen terme.

Et pour cela, il faut trouver les "leviers nécessaires", être capables de hiérarchiser leur mise en œuvre et de trouver enfin les moyens nécessaires à leur efficacité.

Cinq leviers sont à notre portée, plus ou moins facilement utilisable. Dans leur mise en œuvre, ils sont à la fois complémentaires et partiellement contradictoires entre eux :
– les ressources humaines ;
– les produits ;
– les territoires :
– l'accès aux marchés ;
– le partenariat de filière.

Pour réguler et orienter notre secteur, ces cinq leviers fournissent trois grandes modalités d'intervention :
– la gestion rénovée des structures ;
– la gestion des droits à livrer et à bénéficier de primes ;
– la gestion des aides et des compensations.

La gestion rénovée des structures

La politique agricole des années 60 a été identifiée à une "politique des structures". Ce volet, impulsé au cours des années 50 par les jeunes de la profession, avait en effet constitué une rupture importante dans la conception de la modernisation de l'agriculture.

Il est évident que cette période est révolue, même si ses enseignements nous sont encore utiles. Faire preuve aujourd'hui de "volonté structurelle" consiste en effet, non plu à agrandir les surfaces d'exploitations familiales, ni à orienter au mieux le facteur de production rare qu'était la guerre, mais à assurer la présence d'agriculteurs partout sur le territoire, en agissant sur le volet foncier, sur l'attachement au sol en tant que moyens pour conforter l'existence d'une économie agro-alimentaire dynamique.

La gestion des droits à livrer et à bénéficier de primes

Les droits issus de la nouvelle PAC nous posent de nouveaux problèmes d'orientation, de contrôle, d'évaluation, de répartition des moyens de production.

Ces droits, qui servent à limiter l'offre globale de produits agricoles, peuvent permettre de rétablir la "cohérence" au sein de l'ensemble du secteur agricole, tout en organisant des marges de liberté non déséquilibrantes. D'autres part, il est nécessaire de contrôler leur attribution pour maintenir des productions en toutes régions, pour développer des formes d'entreprise à responsabilité personnelle, pour favoriser la capacité d'investissement en agriculture.

La gestion des aides et des compensations

Ce troisième volet de politique agricole concerne d'une part l'optimisation de l'occupation du sol par l'agriculture (possibilité d'extensifier ou de mieux préserver l'environnement, compensation de handicap, etc.), et d'autre part "l'affichage politique" de la nouvelle PAC (en compensant des revenus et non plus des prix, celle-ci place potentiellement les agriculteurs en acteurs assistés, dont on pourrait comparer le niveau d'aides à d'autres catégories sociales).

Le choix politique que nous voulons faire consiste à "jouer" sur l'un ou l'autre de ces trois niveaux selon les nécessités, pour aller dans le sens des objectifs que nous avons fixés plus haut. Il ne servirait en effet à rien, sinon à asphyxier la dynamique de l'économie et du tissue social agricole, de définir a priori des normes générales, valables pour l'ensemble du territoire, autorisant ou interdisant des orientations et des structures de production.

3. Des entreprises agricoles performantes

L'une de nos priorités absolues, c'est l'allégement des charges de nos entreprises. C'est en tout cas la plus urgente.

Il faut en effet rendre les entreprises agricoles plus compétitives au plan européen de façon à pouvoir être présents sur tous les "marchés porteurs, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Union européenne. Cette action ne relève pas de la politique agricole communautaire, mais d'une volonté et de décisions nationales.

Trois autres types de mesures sont également indispensables :

1. Faire évoluer les statuts des exploitations et des personnes pour disposer demain de véritables entreprises agricoles sur tout le territoire.

2. Permettre l'élargissement des compétences de l'exploitation agricole.

3. Favoriser le renouvellement des ressources humaines en agriculture, si nous voulons éviter de concentrer à outrance, sans pour autant conserver nos niveaux de production.

A. – La recherche de la compétitivité par l'allégement des charges

Les agriculteurs ne pourront rester des agents économiques actifs sur les marchés, d'aujourd'hui et conquérants sur les marchés de demain (agro-industrie, tourisme, environnement…) que dans la mesure où une politique ambitieuse d'allégement des charges viendra renforcer leur compétitivité.

Les charges sociales

Il n'est pas acceptable que les entreprises individuelles et les sociétés de personnes supportent des prélèvements obligatoires proportionnellement plus importants que les sociétés de capitaux, ceci parce que les premières acquittent des cotisations sociales sur l'ensemble de leurs résultats, y compris les revenus réinvestis, alors que les secondes supposent en prélèvement social sur les seuls revenus du travail.

Nous proposons de répartir le bénéfice professionnel entre le revenu du travail et le revenu du capital et d'asseoir les cotisations sociales sur le seul revenu du travail.

Les charges fiscales

L'agriculture est une sorte d'industrie lourde qui nécessite la mise en œuvre de capitaux très importants et à long terme, et la recherche de marchés nouveaux va entraîner des investissements supplémentaires. La fiscalité ne doit pas décourager cet effort d'investissement en frappant uniformément la partie du bénéfice qui est consommée et la partie qui est réinvestie. De même, la capacité d'autofinancement des entreprises ne doit pas être amputée par une fiscalisation des plus-values lors du renouvellement des investissements et à l'occasion des transmissions.

Nous demandons que la déduction pour investissement ne soit plus refiscalisée par le biais d'une diminution de la base d'amortissement et que le seuil d'exonération des plus-values professionnelles soit relevé.

Quant au foncier non bâti afférent aux terres agricoles, nous demandons qu'il soit pris en charge par l'État, en compensation des contraintes et des manques à gagner liés à la gestion de l'espace assurée par l'activité agricole.

Les charges financières

À la différence d'autres secteurs de l'économie, les entreprises agricoles ne peuvent pas trouver leur financement externe sur le marché des capitaux : le recours au crédit bancaire constitue le principal moyen de financement de la formation brute du capital fixe, et les frais financiers demeurent un des principaux postes de charge pour les exploitations. Mais la faible rentabilité des capitaux en agriculture rend indispensable le recours à des crédits bonifiés. Or, la part des crédits bonifiés a fortement diminué depuis le milieu des années 80 : représentant 63 % des réalisations totales en 1983, elle n'en couvre plus que 43 % en 1992.

La part du crédit bonifié doit retrouver en 1995 le niveau du milieu des années 80, soit les 2/3 des réalisations. La bonification peut jouer par ailleurs un rôle d'orientation des productions et des investissements.

Il serait souhaitable que le coût réel des crédits à l'agriculture tende à moyen terme à 0 %.

L'allégement des charges relève donc d'abord d'une politique nationale volontariste, à concrétiser d'urgence. Mais ne l'oublions pas : pour les responsables d'entreprise que nous sommes, il dépendra aussi de nos propres choix, individuels et collectifs, de production et d'organisation.

B. – Faire évoluer le statut des entreprises et des personnes

En ce qui concerne le statut des entreprises, il faut se garder d'énoncer de grands principes sans réalité concrète : d'abord, une profession n'existe pas par son statut juridique mais par son poids économique et social ; d'autre part, quel que soit le secteur d'activité, l'entreprise n'existe pas en tant que telle en droit français, et seule la mise en société permet de lui conférer une personnalité juridique en distinguant le patrimoine privé des associés et le patrimoine professionnel de la société.

Aussi, plutôt que d'inventer un nouveau concept qui risquerait d'être plus proclamatoire que concret, il paraît plus réaliste d'adapter l'environnement juridique des entreprises en ayant le souci de faciliter leur constitution, leur financement, leur diversification et leur transmission et en reconnaissant aux personnes les droits qui leur reviennent. À cet égard, nous proposons d'agir dans les directions suivantes :

Les biens incorporels (marques, clientèle, contrats, droits à produire…) vont prendre une place de plus en plus déterminante dans l'exploitation agricole diversifiée pour laquelle le marché aura plus d'importance que la production. Nous allons préciser la nature juridique de ces biens et leur sort au moment de la cession de l'entreprise.

Il faut faciliter la mise en société de l'exploitation individuelle en allégeant les formalités et les coûts au moment de la constitution et en supprimant les dispositions qui peuvent entraver son fonctionnement, notamment en matière de financement.

Nous devons préserver la responsabilité des exploitants en société en réservant les avantages économiques ou fiscaux aux sociétés dans lesquelles les associés exploitants, c'est-à-dire participant effectivement au travail ou à la gestion de l'entreprise, détiennent une partie significative du capital social. D'une manière générale, il convient de définir les droits et les devoirs des différentes personnes qui constituent la société : exploitants, conjoints, apporteurs de capitaux, salariés.

Les droits des conjoints doivent être reconnus sur un plan d'égalité, qu'ils exploitent un fonds commun ou des fonds séparés.

C. – Revaloriser les retraites pour favoriser les transmissions

Il faut poursuivre la revalorisation des petites retraites agricoles qui, malgré les quelques avancées réalisées cette année, restent très inférieures aux minima sociaux.

L'amélioration du régime des retraites est une condition indispensable pour que s'effectue dans de bonnes conditions la rotation des générations et l'installation des jeunes agriculteurs.

D. – L'ouverture de l'entreprise agricole à l'économie des services

Nos paysages et nos éco-systèmes constituent une ressource à laquelle notre pays attache de plus en plus d'importance. En raison de la nature même de leur activité, de leur savoir-faire et de leur répartition sur le territoire, les agriculteurs sont évidemment les mieux placés pour mettre en valeur cette ressource et répondre ainsi à une demande sociale forte.

Pour ouvrir ces nouveaux marchés il convient :
– de favoriser l'utilisation du savoir-faire des agriculteurs pour répondre à la demande en matière d'entretien paysager ;
– de créer un fonds de gestion de l'espace qui devra favoriser toutes les initiatives liées à l'entretien et à la mise en valeur des territoires ruraux.

E. – La pluri-activité

Jusqu'à ces dernières années, le statut de pluriactif était considéré, par la majorité de la profession, comme marginal et même gênant pour le dynamisme agricole.

Mais depuis quelques années, cette façon de voir a changé. Le développement de la pluriactivité est considéré comme une voie nécessaire pour certains ruraux et même souhaitable pour le maintien de l'agriculture dans des régions difficiles. Il témoigne de la créativité du secteur agricole et des capacités d'adaptation des hommes et des femmes qui apprécient d'exercer un métier lié à la terre.

Mais cette stratégie conduit ses acteurs à mener une politique de diversification qui les éloigne toujours plus du cadre classique de l'activité agricole. Une fois de plus, le droit est en retard sur l'économie : l'encadrement juridique de l'agriculture a été conçu pour répondre au modèle traditionnel fondé sur l'intensification et la modernisation technique, et il se révèle inadapté pour répondre au phénomène de la pluriactivité.

Jusqu'à présent, la réglementation s'est efforcée de résoudre de façon pragmatique le problème de la pluriactivité en prévoyant des mesures ponctuelles (fiscalité) ou en essayant de repousser les milites de la définition de l'activité agricole (loi l'adaptation de 1988). Mais cette politique a ses limites : la créativité des agriculteurs ira toujours plus vite que le droit, et une définition trop "dominatrice" de l'activité agricole nous expose à des débats difficiles avec les autres acteurs économiques du milieu rural.

Dans ces conditions, une autre stratégie peut être imaginée : ne plus trop se préoccuper de définition dogmatique et essayer de mettre en place un statut d'entreprise rural diversifiée dans laquelle serait supprimé le cloisonnement entre les activités permettant ainsi d'avoir une seule comptabilité, une seule déclaration, et la possibilité d'imputer sans restriction ni limite les déficits d'une activité sur les bénéfices d'une autre.

4. Comment élargir nos débouchés et maîtriser les marchés

Dans l'espace de l'Union européenne, le développement des entreprises agricoles se jouera sur leurs capacités à satisfaire les marchés de consommation alimentaires et non alimentaires, ou des services fondés sur l'usage de l'espace rural.

Face aux marchés, deux stratégies, complémentaires sont actuellement possibles.

L'organisation des productions

Elle est particulièrement déterminante dans toutes les activités orientées vers les produits de masse, dont les marges sont la plupart du temps faibles, qui mettent en concurrence les bassins de production entre eux, en fonction de leurs prix de revient. Elle nécessite, l'organisation d'un contre-pouvoir des producteurs, et des outils économiques ancrés dans les bassins de production.

Dans une telle structure, les agriculteurs ne peuvent se permettre d'être un milieu atomisé de producteurs, car la demande de plus en plus concentrée par la grande distribution menacerait gravement l'existence de prix agricoles rémunérateurs. C'est la raison de la position constante de la FNSEA contre les monopoles industriels et commerciaux.

L'identification des produits

Dans ce cas, les agriculteurs s'efforcent, seuls ou avec des entreprises artisanales ou industrielles, de fabriquer des produits que leurs concurrents font moins bien qu'eux-mêmes pour des raisons de complexité, de taille, de rapidité, de souplesse, etc. Cette stratégie suppose des investissements directs dans la transformation et la distribution, pour capter une valeur ajoutée supérieure à celle des produits de masse.

Mais la différenciation est exigeante : elle nécessite d'abord de concevoir des produits dont l'identité est clairement perceptible par les consommateurs, qui accepteront alors de payer plus cher ce qu'ils achètent. Elle peut se fonder sur l'AOC, sur la certification de niveau de qualité comme la formule des labels, sur un caractère "biologique", etc. Enfin, la différenciation se combine souvent avec un service aux consommateurs : conditionnement spécifique, vente directe, information.

Mais quel que soit l'axe stratégique mis en œuvre, il nous faudra produire dans un contexte de concurrence et d'instabilité accrues des marchés agricoles et agro-alimentaires.

D'où ces trois axes de préoccupations :
– l'importance primordiale de la régulation de l'offre et de la structuration commerciale des producteurs face à une distribution de plus en plus concentrée (près des trois quarts de l'alimentation) ;
– l'intérêt d'envisager des investissements agro-alimentaires en aval, et de bien définir commercialement nos nouveaux débouchés de service ;
– et enfin, si nous voulons rester collectivement forts, l'urgence de nous accorder sur une répartition des productions et peut-être à terme de certains services.

A. – Réguler l'accès au marché

1. Il faut retrouver la cohérence

La réforme de la PAC met en danger la cohérence du secteur agricole, en France et en Europe. Car les conditions de rémunération ont été profondément modifiées dans la plupart des productions. Le fragile équilibre qui prévalait jusqu'ici entre elles, sur tout le territoire, risque de voler en éclat.

On peut donc craindre, si on ne fait rien, un redéploiement d'une partie du potentiel agricole sur des secteurs qui étaient jusqu'à présent en position relativement favorable sur les marchés. Secteurs qui seraient tout à fait incapables de supporter un accroissement de l'offre important.

Certes, de la menace d'une diversification "tout azimut" à sa réalisation, il y a un pas plus difficile à franchir qu'on ne le pense a priori. Car la maîtrise de la technique et du travail est souvent hypothétique, et il y a la contrainte du gel des terres.

En mettant en place des mécanismes nouveaux, la réforme de la PAS offre en tout cas une voie de solution pour rééquilibrer : certains de ses mécanismes doivent être désormais utilisés comme des leviers, afin d'orienter les productions et d'éviter des délocalisations massives, et des stratégies de croissance "à tout crin" de la production, suicidaires pour la profession agricole. Nous devons gérer la réforme de la PAC dans le but de retrouver la cohérence.

Dans le même temps, comme nous l'avons affirmé avec force antérieurement, il est impératif que, pour chaque exploitation, la liberté personnelle des agriculteurs demeure, en tant que responsables de leur entreprise.

L'existence de quotas de livraison "bloqués", comme toute démarche visant à figer durablement schémas de production, est porteuse d'une logique périlleuse pour l'agriculture.

Aucun interdit ne doit être jeté a priori sur la réflexion concernant la cohérence, par rapport à quelque secteur de production que ce soit. Car les évolutions des techniques agricoles, des conditions économiques de production, des modes de fabrication alimentaires et des pratiques de consommation ne disparaîtront pas "par décret". Nul doute que, dans les secteurs qui se figeraient, elles provoqueraient à terme soit la délocalisation vers d'autres régions d'Europe ou du monde, soit l'entrée de nouveaux producteurs prêts à jouer le prix le plus bas.

La gestion des mécanismes de la PAC doit donc combiner trois ambitions : garantir une certaine stabilité de l'ensemble des productions ; permettre de s'adapter aux évolutions conjoncturelles et structurelles de la demande alimentaire et industrielle ; développer la liberté d'entreprendre dans le cadre d'entreprises à responsabilité personnelle. C'est dans la recherche simultanée de ces trois objectifs que doivent être définis les montants et les conditions d'attribution des primes et des aides.

De même, il convient de s'interroger sur le cas de production dont l'accès est réglementé et qui conservent néanmoins la possibilité de se diversifier vers d'autres secteurs, faisant ainsi courir à tous le risque de délocalisations déséquilibrantes et de pression à la baisse des prix agricoles.

D'autre part, certains producteurs font preuve d'une incohérence de comportement économique, très dangereuse politiquement dans le contexte général actuel : refusant toute régulation en période de prix élevés, et demandant l'aide des pouvoirs publics lorsque les marchés sont déprimés. Comment, sur le plan économique, peut-on être collectivement "crédible" lorsque l'on se dit "libéral" quand tout va bien, et "producteur en péril", à protéger du marché, quand le prix est inférieur au coût de production ?

Il faut envisager la modernisation ou la création d'OCM impliquant la Communauté, les États, les filières, afin d'assurer l'orientation et la maîtrise des productions, la stabilisation des prix et les conditions d'une certaine préférence communautaire.

Dans chaque secteur de production, nous devons réfléchir de surcroît à mettre en œuvre les mécanismes destinés à réguler l'offre. Ces mécanismes existent : maîtrise des moyens de production (politique des structures), gestion des aides (quotas, droits à primes…), plafonnement (2/3, 1/3 pour les céréales, primes bovines, politique de financement…).

Dans la recherche d'une meilleure cohérence entre les secteurs de production, et en vue de constituer des entreprises équilibrées, pérennes, transmissibles, il convient d'harmoniser ces différents leviers.

2. Cinq principes pour réguler l'accès au marché

a) Les prix intérieurs européens doivent être supérieurs aux prix mondiaux

Il en va à la fois de l'existence de politiques économiques communes en Europe et des agriculteurs comme acteurs économiques. Car aucun secteur de production ne peut aujourd'hui prétendre être durablement compétitif face aux agricultures d'autres pays qui, comme nous l'avons dit, ne bénéficient d'aucune protection sociale.

b) Faire en sorte que le marché permette d'assurer à chaque producteur une part déterminante de son revenu

Chaque agriculteur doit se sentir un acteur économique à part entière et être reconnu comme tel.

c) Il faut attacher, de façon souple et adaptée aux différents cas de figure, les productions au territoire (canton, département, région)

Plus précisément, nous disons que l'attachement au sol ne suffit pas. En effet, pris isolément, ce principe accélérerait la concentration des exploitations. Il provoquerait même, dans beaucoup de régions difficiles, une spéculation foncière paradoxale : on verrait des agriculteurs venir acheter (ou louer très cher) des terres sur des territoires agronomiquement pauvre afin de disposer de leur quota de surface en gel/jachère.

Un certain attachement au sol doit être combiné avec la préoccupation d'existence de personnes, d'entreprises et de filières dynamiques sur le territoire considéré.

La gestion des liens entre les productions et les territoires relève donc, d'une part, de la relation avec l'aval, et, d'autre part, de la mise en œuvre d'une politique départementale d'orientation.

d) Il faut favoriser l'extensification raisonnée des productions

Pourquoi ? L'extensification, c'est la recherche de l'optimisation d'emploi des facteurs de production, plutôt que de la productivité maximale à l'hectare ou par animal.

Bien entendu, n'en faisons pas une "nouvelle bible" : elle ne constitue pas une solution en elle-même, ni une voie valable dans tous les cas de figure.

L'extensification est une démarche de production, qui doit encore être affinée sur le plan technique, économique et du travail, mais qui peut permettre d'occuper plus de territoire et d'accroître la probabilité de disposer des produits agricoles de base de meilleure qualité en transformation et en goût. Elle pourrait donc favoriser des stratégies de différenciation.

L'extensification peut être encouragée par des compensations spécifiques : baisse du taux de gel/jachère, prime à l'hectare ou par animal avec un chargement/ha. Cette orientation ne serait d'ailleurs pas vraiment nouvelle, puisque déjà la prime à la vache allaitante favorise de faibles chargements/ha.

e) Il faut encourager systématiquement la contractualisation, c'est-à-dire l'ajustement en quantité et en qualité entre l'offre et la demande en fonction de marchés préalablement définis, qu'il s'agisse de l'alimentation humaine, de l'agro-industrie, de l'alimentation animale.

Ceux qui recherchent une marge de "liberté quantitative" pourraient le faire, en assumant eux-mêmes, individuellement ou collectivement, les deux conditions de base qu'elle implique :
– exporter sur les pays tiers au prix mondial ;
– contractualiser, de façon à ne pas déséquilibrer les marchés intérieurs européens.

C'est l'esprit de l'actuelle jachère agro-industrielle, qui est un choix de production limité et contractualisé.

La constitution d'organisations de producteurs pour exporter vers des pays tiers permettrait à la fois de prévoir, d'organiser et de financer ce type d'initiative. Les modalités de "co-responsabilisation" qui en découleraient restent à examiner : qui en ferait partie ? comment (par produit…) ? à quelles conditions (de contractualisation, de financement, d'évaluation…) ?

3. Maintenir, adapter la politique de compensation de handicap

Par ailleurs, la politique de "compensation de handicap" dont bénéficient depuis plus de 20 ans certaines régions, ne doit pas faire les frais des évolutions actuelles. Parce qu'elle a montré son efficacité, elle doit être conservée et adaptée.

Sur la base de cette expérience, on pourrait en effet réfléchir à une politique spécifique pour certaines "zones intermédiaire" particulièrement vulnérables à la réforme de la PAC et aux effets du volet agricole du GATT.

B. – Être davantage présente en aval des filières agro-alimentaires

Les agriculteurs seront de véritables acteurs dans les filières agro-alimentaires s'ils exercent un pouvoir économique en avant de leur production brute.

Ce pouvoir sera fonction de la maîtrise de ces trois éléments :
– des volumes de production ;
– des capitaux qu'ils investiront ou seront capables d'attirer dans la transformation et la distribution ;
– et enfin de leurs capacités à s'organiser en bassins de production.

Plusieurs orientations peuvent être envisagées selon les potentiels locaux, selon les structures de filières actuelles, et enfin selon la volonté et la capacité professionnelles d'aller de l'avant dans ce sens.

Encourager la stratégie de "produits de terroir" (AOC)

La qualité est ici fondée sur la "typicité", c'est-à-dire sur des signes de qualité spécifiques, perçus par les consommateurs, par opposition aux produits de masse. Les secteurs des vins et des fromages en ont déjà une longue expérience.

Pour les agriculteurs, cette orientation est un facteur de "sécurité économique" parce qu'elle joue sur l'un des points forts du secteur agro-alimentaire de notre pays. Dans une Europe attachée à ses traditions culinaires, cette orientation serait un atout considérable pour une partie de notre agriculture, surtout si elle était couplée à "l'agro-tourisme vert" : en termes de débouchés, de prix, de localisation des productions et d'image de marque des agriculteurs.

C. – Pour un véritable marché des services en agriculture

Dans certaines régions, les agriculteurs ne pourront conserver un métier qui ait un sens économique sans les services, qu'ils soient ou non marchands. Dans les zones péri-urbaines, ceux-ci offrent un potentiel important d'activité liées aux loisirs de proximité, la découverte de la nature et à l'accueil d'enfants. Mais cet "espace d'activité" est encore "balbutiant" : il faut tout à la fois le développer et l'organiser.

1. L'entretien d'espaces de proximité

Il faut encourager l'organisation d'une "offre départementale ou micro-régionale" de services liés à l'entretien d'espaces de proximité. Le fractionnement des temps de vacances et le vieillissement de la population favorisent la demande d'entretien de bordures d'habitation, d'espaces verts. Ce marché est accessible aux agriculteurs recherchant des compléments de revenu.

2. Le tourisme vert

La croissance actuelle du "tourisme vert" a tendance à banaliser l'agro-tourisme, réduisant l'agriculture à un "cadre naturel" dans lequel les agriculteurs ne sont plus acteurs, ni donc bénéficiaires de cette forme d'accueil qu'ils ont initiée il y a plus de trente ans.

Il faut concevoir des "concepts de produits touristiques" dont le cahier des charges soit défini en fonction du potentiel spécifique représenté par l'agriculture et partout homogène, de façon à assurer leur qualité dans un secteur qui sera très concurrentiel.

Sur le plan commercial, l'agro-tourisme devrait être pratiqué en relation étroite avec une politique de produits fermiers ; Cela renforcerait la spécificité et la cohérence d'une agriculture de service, qui aurait en même temps l'ambition de partager un sens propre de la nature et du lien social.

D. – Reconnaître et rentabiliser la fonction de "gestion territoriale"

La fonction de gestion de l'espace doit être reconnue et rémunérée.

1. Utiliser une partie des primes PAC pour rémunérer la gestion de l'espace

Elle serait définie de façon homogène sur tout le territoire, et ce, quelles que soient la valeur de la terre et les productions pratiquées, à l'image du tiers national pour les céréales.

Ce serait une sorte "d'impôt à l'envers". Il serait souhaitable qu'elle ait une valeur substantielle pour éviter à terme tout risque de généralisation des quotas (de production ou d'accès au marché).

2. Réorienter la fiscalité foncière

L'État devrait prendre en charge la taxe sur le foncier non bâti afférente aux terres exploitées.

3. L'entretien "d'espaces spécifiques"

Entretenir ou restaurer des chemins, des bordures de rivières, des terrasses encore ou autrefois cultivées, des sous-bois, des haies arbustives à finalités faunistique ou floristique, tout cela peut être fait avec la participation d'agriculteurs, à condition qu'ils soient rémunérés pour ce faire.

Cette rémunération pourrait être assurée par le "fonds de gestion de l'espace", dont le CNJA et la FNSEA demandent la mise en place à l'occasion de la redéfinition de la politique nationale d'aménagement du territoire : à partir de ressources fiscales sur les transactions foncières urbaines, ou de ressources provenant de la TVA.

4. La préoccupation environnementale

Les efforts entrepris en agriculture pour diminuer la pollution commencent à manifester des effets positifs. Mais ils devront être accentués de façon volontariste et responsabilisante, à partir d'incitations parallèles à celle de l'extensification.

5. Pour une nouvelle politique d'orientation des productions et des entreprises

Définir une politique, mais aussi se donner les moyens de l'appliquer. Pour ce faire, il n'est ni souhaitable, ni nécessaire d'enfermer les exploitations dans un réseau de réglementations tatillonnes et contraignantes. Au niveau national, mais aussi sur le terrain, il faut mettre en place une organisation capable d'impulser et d'orienter une politique et des projets territoriaux.

A. – Au niveau départemental, une commission de développement et de restructuration

Lorsque l'on compare les choix faits par le passé, d'un département à un autre, perçoit clairement la forte responsabilité de l'organisation professionnelle départementale dans la restructuration de l'agriculture et la modernisation des exploitations. Mais aujourd'hui, il ne serait pas suffisant de vouloir poursuivre ou "relancer" le niveau "structurel" traditionnel. D'où l'idée d'une commission regroupant cet aspect antérieur de la politique départementale avec la nouvelle dimension de la PAC.

La Commission départementale de développement et de restructuration doit avoir pour mission d'assurer la cohésion entre les interventions structurelles, économiques et spatiales ; Sur la base d'un projet départemental, elle doit pouvoir intervenir de façon diversifiée auprès des exploitations pour :

1. Faciliter les installations (attribution de la DJA et des prêts JA).

2. S'assurer du respect par les exploitations de statuts sociétaires des différents règlements en matière économique et structurelles.

3. Orienter la restructuration des exploitations (mesures d'aménagement foncier de type OGAF, préretraites…).

4. Organiser les cessations d'activité : préretraite, procédures collectives, mutations professionnelles.

5. Favoriser les migrations rurales, et l'ouverture du métier agricole à des jeunes motivés et formés.

6. Définir les critères d'attribution des prêts bonifiés.

7. Attribuer les droits à livrer, lorsqu'ils existent, sur les marchés organisés.

La Commission départementale se substituerait notamment aux actuelles commissions mixtes structures et agriculteurs en difficulté. Elle aurait donc une vision globale des dossiers qui lui seraient soumis, après instruction des dossiers par les ADASEA. Fonctionnant suivant les principes du paritarisme, elle serait dotée d'un fonds regroupant les crédits existants et les moyens nouveaux.

Dans le cadre d'un projet départemental, cette commission devrait mettre en œuvre une politique d'équilibre des entreprises en fixant des références d'objectifs en termes de volumes de droits à livrer, de superficies exploitées et de volumes d'aides compensatrices.

B. – Au niveau régional, un conseil d'orientation des filières agro-alimentaires

De plus en plus, les filières agro-alimentaires dépassent les "frontières" départementales. Les conseils régionaux et certaines mesures de développement rural instituent également un niveau intermédiaire entre le département et l'échelon national. Il faut donc que les commissions départementales comptent avec le niveau régional, dont le rôle pourrait être de définir des politiques d'accompagnent, à partir d'orientations fixées nationalement et au niveau des départements.

C. – Au niveau national, un comité d'orientation des productions et des entreprises

Un CSO "renforcé" peut permettre de réguler les productions et les débouchés. Mais il faut imaginer une organisation globale qui permettre de réguler ce qui échappe au CSO. Que proposer ? Il faut réfléchir à ce que devraient être ses compétences, ses objectifs, ses moyens, son organisation. Il y a là un chantier considérable pour demain.

Notre idée est de concevoir, au niveau national, un dispositif complémentaire de la commission départementale.

Un organisme de ce type aurait à la foi à :
a) Coordonner la politique de gestion des marchés et la politique d'aménagement des structures.

b) Veiller à la localisation et, si besoin est, au maintien des outils économiques agro-alimentaires et agro-industriels.

c) Assurer la cohésion entre les projets départementaux en fixant le cadre général dans lequel ils doivent s'inscrire.

Pour remplir ces missions, il devrait disposer de moyens financiers regroupés dans un Fonds national dont il assurerait la gestion.

Cet organisme paritaire devrait être l'outil de recomposition d'une politique agricole dont la séparation par domaines et par filières prive aussi bien la profession agricole que les pouvoirs publics d'une vision d'ensemble et se traduit trop souvent par l'incohérence et l'inefficacité des interventions.

Il faudra enfin examiner l'harmonisation de cette organisation avec le niveau européen.

Conclusion générale

1. Obtenir des mesures favorables au maintien d'une vie rurale dynamique

Dans nos dix propositions sur l'aménagement du territoire, en janvier dernier, nous avons réclamé des mesures pour assurer aux familles agricoles, aux actifs, et donc aux entreprises, un environnement de qualité susceptible de retenir dans nos communes rurales des jeunes recherchant des conditions de vie égales aux urbains : améliorer les moyens de communication et d'information qui sont en pleine mutation dans l'ensemble de notre société, éviter les fermetures d'écoles et de services collectifs en milieu rural, déconcentrer certaines formations supérieures et certaines activités de recherche vers les petites et moyennes villes, diminuer les inégalités avec la ville en matière de dépenses culturelles, entretenir l'habitat et le patrimoine à la campagne, source d'emploi et le maintien de la population, mettre en place des moyens exceptionnels pour les zones rurales en crise profonde.

2. La recherche appliquée

Même si en période de crise, les entreprises ont tendance à réduire leurs investissements en recherche-développement, il n'est pas souhaitable que notre secteur en fasse autant. Car la concurrence internationale croissante nous invite à nous différencier par des produits plus sûrs, plus diversifiés, plus naturels. Et nous sommes loin d'avoir les réponses appropriées à cette orientation stratégique.

Comment faire ? Face à une agriculture plus diversifiée et en pleine mutation, il faut, autant sinon plus, partir des questions et des préoccupations des professionnels eux-mêmes que de faire "descendre", de "diffuser" des résultats dont les applications sont aujourd'hui subordonnées à un ensemble de facteurs, et non plus simplement à des capacités techniques.

Pour y répondre avec pertinence, il est nécessaire de :
– renforcer les liens de la recherche fondamentale avec la recherche appliquée ;
– assurer davantage "d'horizontalité" dans une recherche de plus en plus segmentée, de façon à investir dans l'étude de processus extensifs, dans la conduire de systèmes complexes, dans la gestion des entreprises multifonctionnelles ;
– accentuer la recherche appliquée sur :
– l'étude pratique des marchés et le marketing agro-alimentaire et des services, surtout pour les agriculteurs et les petites entreprises agro-alimentaires ;
– la transformation des produits à la ferme ;
– la gestion des ressources humaines en agriculture ;
– l'évolution des qualifications professionnelles.

3. … et le développement ?

Attachés à une organisation du développement co-gérée par la profession et fortement mutualisée, nous sentons aujourd'hui la nécessité de rénover les objectifs, les démarches et l'organisation du développement. Cela est d'autant plus nécessaire que nous devons mettre en place les outils collectifs permettant de rechercher de nouveaux produits et de nouveaux marchés.

Au moment où nos préoccupations sont la réduction des coûts, les débouchés et la gestion de la qualité, il faut aussi que :
– les OPA et les organisations économiques travaillent plus étroitement entre elles ;
– les différents niveaux géographiques d'action soient combinés et non plus, comme on le voit trop souvent, juxtaposés ;
– les agents travaillent davantage en réseaux de compétences.

Conjuguée à l'évolution des organisations vers une conception commerciale du conseil, la demande par les agriculteurs de conseils adaptés à leurs préoccupations spécifiques (personnelles ou collectives) entraîne un rapport de client à fournisseur avec le développement, au lieu de la relation antérieure d'adhérent. Il en résulte un mouvement de "personnalisation" des agents de conseil par les agriculteurs qui pose les questions de la gestion de la ressource humaine dans le domaine du conseil et de l'identité des organisations de développement.

Comment pouvons-nous être acteurs des restructurations, des réorientations d'activités qui vont avoir lieu dans le développement, si nous nous contentons de voir passer des "projets d'entreprise ou de service" tous plus conquérants les uns que les autres, et souvent concurrents ?

4. La formation professionnelle

Il faut renforcer les formations agro-commerciales : en formation initiale (candidats à l'installation), comme en formation continue. De même faut-il renforcer les formations en organisation du travail et en management d'entreprise (concernant notamment le rôle d'employeur, dans le contexte d'une agriculture proportionnellement de plus en plus employeuse de main d'œuvre salariée).

Enfin, dans une réalité internationale complexe et changeante qui influence de plus en plus les entreprises agricoles, dans la perspective de plus grande mobilité des activités et des statuts agricoles, il est souhaitable de renforcer la culture générale des candidats au métier agricole, souvent mal assurée par l'enseignement professionnel existant : dimensions historiques et géographiques de la vie internationale, réflexion professionnelle collective, apprentissage méthodologique de recherche de solutions nouvelles et de la négociation, etc.

5. L'organisation professionnelle de l'agriculture

Notre orientation renvoie au rôle et à la place future de syndicalisme dans l'ensemble professionnel et économique de l'agriculture prise au sens large : qu'il soit local, départemental, régional ou national.

Notre réflexion doit être à la fois axée sur :
– le moyen terme : quelle organisation pour quelle politique d'ici à 10 ans ?
– l'identité professionnelle agricole : comment concilier l'unité recherchée et la diversité croissante des agriculteurs et des exploitations ?

Par exemple, comment voulons-nous prendre en compte les pluriactifs ? Comment allons-nous travailler avec d'autres professions rurales ?

Ambitieux dans la gestion des mutations de notre secteur économique et de notre profession, nous savons bien que le chemin ne peut être tracé d'avance, qu'il se fait en marchant, avec tous les agriculteurs, hommes et femmes, capables tout à la fois de volonté collective, de réalisme et d'imagination créatrice.


Analytique

Accueil par madame Berthommier

En vous souhaitant la bienvenue, je tiens à dire l'émotion pour ceux qui ont persisté dans des conditions difficiles pour que l'UDSEA donne pignon sur rue à la FNSEA.

Regardons un film de l'UDSEA tourné et réalisé par des agriculteurs.

Film sur la Touraine :
537 000 habitants (1/2 dans Tours)
1955-1980 = explosion démographique
10 000 exploitations agricoles
3,5 milliards de francs de chiffre d'affaire pour la Touraine agricole, dont les 2/3 par les oléo-protéagineux et céréales.

Il y a de nombreuses activités artisanales et industrielles. Cette région est très axée sur la formation des jeunes.

Si vous connaissez la Touraine, des châteaux et de la "nourriture", je vais vous étonner avec l'histoire de l'UDSEA.

Vous êtes dans un département où la politique des prix et la politique des structures font mauvais ménage. En 1969, la FDSEA a quitté la FNSEA et a fondé la FFA en emportant le personnel, le matériel et la caisse.

Avec Gabriel Terpreau, une dizaine d'hommes ont décidé de fonder l'UDSEA.

Grâce au CDJA et au réseau qui avait vu la mise en place de l'ADASEA contre la volonté des organisations professionnelles de l'époque, une nouvelle structure prenait corps et s'organisait en syndicats communaux. Elle éditait une brochure avec l'appui de la FDSEA du Loir-et-Cher et de son directeur Robert Stevenart.

Il y a eu toute une période de manifestations ponctuelles, sur des problèmes fonciers notamment. Nous faisions beaucoup e bruit avec Dominique Chardon qui venait d'être nommé directeur de l'UDSEA. Dans notre milieu agricole, tout cela n'avait pas bonne presse et il se trouvait quelques présidents d'OPA du département qui rapportaient à la FNSEA ce comportement un peu inquiétant de quelques agitateurs dont faisait partie Marc Rivry.

Au congrès de Blois du CNJA en 1970, deux courants se sont affrontés, poussés par un vent qui venait de l'ouest provoquant le départ d'un certain nombre de responsables vers les paysans travailleurs. C'est dans ce contexte que se tenait, début 1971, l'assemblée générale constitutive de l'UDSEA avec la participation de Pierre Cormoreche et le soutien enfin affirmé de la FNSEA au congrès de Nîmes en février 1971.

Le soutien de la FDSEA du Maine-et-Loire et du président Forget ainsi que le soutient de la FDSEA de Vendée et du président Grit, nous ont beaucoup aidé.

Aujourd'hui et depuis 1991, nous sommes dans des nouveaux locaux, plus grands et adaptés à notre développement. Nous progressions tous les ans en nombre d'adhérents par une présence importante sur le terrain et l'apport des services aux agriculteurs. L'opposition syndicale est toujours présente, je ne sais pas si l'on pourrait chiffrer ce qu'elle a coûté à l'agriculture tourangelle, c'est certainement conséquent en parts de marché et droits à produire.

Maintenant que vous connaissez notre histoire syndicale déchirée, vous mesurez sans doute mieux pourquoi nous sommes si fiers d'accueillir le congrès de la FNSEA à Tours. Les occasions de nous diviser sont encore plus importantes aujourd'hui qu'hier et c'est de bon augure pour le débat que nous devons avoir absolument pendant ces deux jours qu'il se déroule chez nous qui avons donné trop d'énergie pour rester neutres. Je vous crois capable de positiver et de trouver une solution équilibrée.

Aujourd'hui rien ne sert de refaire l'histoire. Les agriculteurs ne comprendraient pas que notre congrès ne réaffirme pas le caractère économique de l'activité agricole où se conjuguent la réalité du marché et les exigences des filières agro-alimentaires dans la solidarité. Cependant le débat sur les disparités et les handicaps entre les régions doit pouvoir admettre des correctifs sans lesquels nous ne pourrons maintenir des hommes et des femmes debout sur tout le territoire.

J'ai confiance en nous, quelles que soient nos difficultés : nous avons le devoir de trouver les nouveaux repères, rien n'est définitivement perdu car dans la difficulté se forge l'énergie pour inventer des voies nouvelles.

En concluant, je vous avoue que j'ignore la recette de la réussite mais que je connais celle de l'échec ! Si vous voulez échouer, considérez qu'il est impossible de trouver un arbitrage entre nous. Diviser pour régner, c'est bien connu il y a toujours quelqu'un pour en profiter.

Ouverture par le président Luc Guyau

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs, mes chers amis,

Je vous souhaite la bienvenue à tous et un bon travail lors de ce 48e congrès. Je présente également mes félicitations au département 37 et notamment à Annick Berthommier pour son travail et son discours sur l'histoire de l'UDSEA 37.

Il est aujourd'hui important de débattre à fond de nos problèmes et de nos idées de solutions.

1er point : l'incendie de la PAC s'achève car la PAC est devenue une réalité et les négociations du GATT sont bouclées. C'est pourquoi le 48e congrès sera différent des précédents.

La nouvelle PAC a provoqué une crise de confiance par rapport aux pouvoirs publics, une remise en cause du sens du métier d'agriculteur, une crise de confiance à l'égard de nous-mêmes.

De même, le pré-accord de Blair House de décembre 1992 a fait de l'agriculture la victime du GATT.

Mais la FNSEA s'est battue de toutes ses forces contre les technocrates pour que les agriculteurs ne deviennent pas des assistés publics. Elle a mené un combat vigoureux pour que les agriculteurs continuent à assurer l'approvisionnement alimentaire de l'Europe et contribuent à créer les emplois nécessaires à la survie de nos espaces ruraux. Si l'accord du GATT reste mauvais, la FNSEA a réussi à en amortir les effets à court terme. Elle a ainsi acquis des bons points dans l'opinion publique.

La FNSEA s'opposera encore et toujours à une concurrence internationale déréglée et proposera son projet au gouvernement, responsable devant les Français d'avoir négocié en leur nom un tel accord international. Car il existe désormais un risque de nous marginaliser si nous ne faisons pas de propositions aux pouvoirs publics et à la nation.

2e point : Nous devons aujourd'hui nous mettre d'accord sur les problèmes à résoudre et la démarche à suivre pour y parvenir.

Qu'avons-nous fait pour proposer une nouvelle politique ? Nous sommes intervenus en trois occasions :

1) D'abord, lors de la journée Aménagement du territoire du 19 janvier, où nous avons avancé 10 propositions organisées autour de trois objectifs :
– faire reconnaître la fonction territoriale de notre secteur ;
– investir dans les moyens de communication ;
– accès à des conditions de vie normales.

2) Ensuite, lors du débat parlementaire de l'après-GATT, où la FNSEA a fait 20 propositions au Gouvernement en insistant sur la double nécessité de l'équilibre territorial et de la compétitivité des entreprises agricoles.

3) Avec notre rapport moral enfin qui recherche la cohérence entre les secteurs de production, le statut des personnes et celui des entreprises

Je dois en effet vous mettre en garde contre tout discours superficiel. Il en va de la crédibilité de la FNSEA face aux pouvoirs publics. Nous devons nous mettre d'accord sur de véritables orientations pour l'agriculture.

Mais de nouvelles orientations professionnelles ne se dégagent pas en un jour, comme le prouve le combat syndical que nous menons depuis 30 ans.

Il nous faut être ambitieux et conscient de l'environnement difficile pour construire la nouvelle politique agricole, et nous retrouver autour d'un vrai projet syndical au cours de ce 48e congrès, grâce à notre rapport moral et aux groupes de travail et de réflexion. Aux termes de nos débats, j'espère que le ministre de l'agriculture viendra avec des propositions et la bonne vision de l'avenir de l'agriculture.

Je conclurai en vous demandant à tous de travailler avec audace, patience et modestie afin de contribuer à ce débat d'avenir.

Table ronde 1 : MM. Bastian, Schaeffer, de Benoist, David

Philippe Lefebvre : Comment se positionne FNSEA face aux échéances internationales ?

J.-P. Bastian : Il ne faut pas attendre 1996 pour adapter la PAC. Il faut faire attention à la déréglementation monétaire de 93 qui a coûté très cher, utiliser les aspects positifs de la réforme pour récupérer des marchés. Les quatre premiers élargissements ne posent pas de problème de fond si on ne fait pas trop de concessions. Pour la Pologne et la Tchécoslovaquie, il ne faudra pas élargir comme avec l'Autriche.

Il ne faut pas laisser les Anglais trop élargir.

Philippe Lefebvre : Vigilance et adaptation ?


H. de Benoist : Il faut rester vigilant. Il faut s'adapter progressivement en trouvant des débouchés nouveaux (agro-industriels…).

Philippe Lefebvre : Quelle politique nationale d'accompagnement ?

H. de Benoist : Il faut profiter de la démographie agricole pour restructurer et installer :
– baisser les charges ;
– avoir une politique de financement adaptée.

Philippe Lefebvre : Ne pas confondre vitesse et précipitation.

E. Schaeffer : Viande bovine et avicole concernée dès avant 1996.

Il faut une maîtrise de la production avec une organisation communautaire mieux organisée.

Pour la production viticole : il faut fixer les objectifs par États membres.

Pour les fruits et légumes : une meilleure connaissance des potentiels de productions.

Meilleure offre et commercialisation.

Viande bovine : plan de restructuration + une intervention spécifique pour les veaux de boucherie + une politique de qualité.

La FNSEA veut un renforcement de la compétitivité. Mais les filières doivent être mieux organisées. Politique de développement de recherche et de qualité.

Meilleure maîtrise de la production + grande discipline + de solidarité entre les régions, les productions et les agriculteurs.

M. David : Quand il y a des arbitrages pour les fonds qui transitent par les offices : il faut être clair et éviter des crises meurtrières en intervenant à l'amont (fruits et légumes…).

Pour la qualité, l'aspect législatif doit évoluer. La grande distribution et l'agro-alimentaire "récupèrent". La qualité : il faut une loi sur la concurrence déloyale à voter au printemps ; La FNSEA a défendu ses signes de qualité au niveau communautaire. Il ne faut pas tromper le consommateur avec les marques de distributeurs et les indications de provenance.

Philippe Lefebvre : Perception des agriculteurs français en Europe.

Émission de transit (ARTE). "Les agriculteurs sont-ils des emmerdeurs ?"

Espagne

Mauvaise compréhension par rapport aux réactions françaises contre les productions espagnoles (camions espagnols brûlés).

Mais la France défend les intérêts des autres pays par rapport au GATT.

Allemagne

Insécurité des agriculteurs français supérieure à celle existant en Allemagne, car l'économie agricole s'appuie plus en France sur l'économie générale.

Y at-t-il une pression des agriculteurs français ?

Oui, pour le producteur allemand les organisations professionnelles françaises défendent bien leurs intérêts. Mais elles défendent aussi l'intérêt européen. On les appuis donc. Les intérêts français sont justifiés par rapport au GATT (survie durable de l'agriculture).

Le producteur belge voit que les Français permettent de défendre les intérêts des pays qu'on n'entend pas. Ont évité que les Américains nous balaient. Grand soutien de la population aux agriculteurs.

Deuxième table ronde

G. Lapie : Le syndicalisme agricole ne va pas se laisser anéantir. Une page est certes tournée mais notre rôle demeure.

Le combat des agriculteurs français dans la société française et européenne est celui de la Communauté européenne car nous posons les bonnes questions comme celle de savoir si le monde rural peut permettre au monde urbain de vivre dans une société équilibrée.

On ne pouvait pas céder aux sirènes du GATT.

1993, année de la reconstruction de la politique agricole. L'ensemble des présidents ici présents ont d'ailleurs été les acteurs de cette reconstruction.

Le double débat mené est celui de la réflexion fondamentale à long terme mais aussi celui de la réflexion à caractère conjoncturel.

C'est pourquoi notre projet doit être celui sur lequel les responsables politiques vont pouvoir s'appuyer.

L'agriculture souhaite s'ouvrir aux autres secteurs de l'économie à l'image des fermes ouvertes.

E. Lapeze : Le groupe monde rural est né des journées de la ruralité à Issy-les-Moulineaux en 1990. Il rassemble des représentants d'organisations professionnelles associatives et d'élus. Ce sont donc 16 organisations qui se réunissent en session plénière une fois par mois et plus souvent, le cas échéant, en commission.

Nos objectifs : s'inscrire dans le cadre de la consultation sur l'aménagement du territoire engagé par le Gouvernement. On a donc du "pain sur la planche".

Il s'agit de définir et mettre en œuvre une réflexion émanant des acteurs ruraux pour que les "politiques" mettent en place une politique au service du monde rural et de la société.

Le groupe monde rural au nom de la ruralité : "il marque les politiques à la culotte".

J. Salmon : 1993 est à marquer d'une pierre blanche dans le dossier des relations entre l'agriculture et l'environnement.

Il faut faire apparaître l'impact positif de l'agriculture. Dans ce cadre, le nouveau programme de maîtrise doit permettre aux agriculteurs d'aborder les échéances d'ici la fin du siècle (nitrates…) dans des conditions satisfaisantes.

Par ce programme, nous avons obtenu :
– la reconnaissance du principe "non pollueur – non payeur" ;
– une programmation financière devant rapporter quelques milliards de francs aux agriculteurs ;
– ils vont être aidées pendant les 5 ans qui viennent à hauteur de 35 % sur les crédits État et 30 % sur les crédits des agences soit une aide de l'ordre des 2/3 si les agriculteurs respectent les délais.

Vis-à-vis du grand public, maintenant le défi qui se pose au monde agricole est de faire passer le message de l'agriculteur qui entretient l'environnement. Nous avons déjà commencé à faire passer ce message au travers de nombreuses actions comme : FERTIMIEUX, PIC-AGRI et FABRE.

G. Gros : En 1993, on a repensé le monde de financement du Fonds national de développement agricole.

Trois objectifs ont guidé notre action :
– un véritable rééquilibrage des secteurs de production ;
– la mise en place d'un système de financement le plus simple et le plus équitable possible ;
– ne pas alourdir globalement la charge des agriculteurs.

Cette réforme s'accompagne d'une adaptation des actions et des programmes de développement en faveur ce l'amélioration de la compétitivité, de l'innovation, de la diversification.

Cette adaptation doit également être recherchée au travers :
– en réorientant les méthodes utilisées dans les programmes pour améliorer l'efficacité des moyens de l'ANDA ;
– en assurant la cohérence entre des différents acteurs par la recherche de complémentarité ;
– en accentuant notre effort sur la recherche appliquée, au travers de l'ANDA mais aussi en demandant une participation des pouvoirs publics.

L. Guyau : Il y a encore du "grain à moudre" et "des tomates à écraser". Le travail ici présenté de constitue qu'une petite partie de tout le travail effectuer. Il nous reste donc beaucoup de "grain à moudre". Cependant, la force de la FNSEA est d'aller le conjoncturel et le structurel.

Présentation du rapport moral par Gérard Lapie secrétaire général de la FNSEA

Le problème majeur de notre société est l'emploi, Malheureusement, aujourd'hui, il n'y a plus de travail pour tous. C'est aussi un drame collectif pour la société.

Allons-nous vers une société qui verra disparaître ses ouvriers, ses paysans ? Comment aujourd'hui retrouver l'espérance, plutôt que de nos enfoncer dans le doute. Pour nous, le progrès n'est pas cette avancée inéluctable d'une technique inhumaine qui condamne les uns au chômage, les autres à quitter la terre. Nous devons réinventer une nouvelle forme de progrès au service de l'homme. En traçant les concours d'une nouvelle politique agricole, c'est notre ambition.

L'élément central qui explique les bouleversements de l'agriculture, c'est le marché. Les acteurs économiques que nous sommes, individuellement, ne pèsent d'aucun poids sur le marché. Le déséquilibre entre offre et demande provoque concurrence sur les marchés, mais aussi entre nous. Le marché inorganisé "dérégule" nos sociétés. Après le PAC et le GATT, quelles propositions, quels moyens mettre en place pour éviter l'effondrement de l'édifice agricole ?

La réponse à cette question est lourde de conséquences. Allons-nous assister à une concentration de l'activité agricole dans quelques mains et quelques régions, où allons-nous être capables, par nos propositions, d'avoir une activité agricole, reposant sur des agriculteurs répartis sur l'ensemble du territoire ? Sachant que la seule notion de compétitivité nous amène a toujours plus de concentration et de délocalisation.

Notre choix et sans ambiguïté, pour des agriculteurs économiquement débout, répartis sur l'ensemble du territoire.

La réforme de la PAC et le GATT apportent une véritable remise en cause de l'ensemble des critères qui ont permis le formidable développement de l'agriculture. D'un projet global pour l'agriculture et la société basée sur des valeurs d'unité, de responsabilité et de solidarité, nous risquons de nous enfer mer dans un individualisme libéral qui n'apportera pas de solution. Ni d'alternative à l'agriculture.

Au-delà du repli sur soi, les agriculteurs risquent de remettre en cause l'ensemble des structures économiques et de développement. L'agriculture est en crise dans tous les pays ; Il y aura toujours une politique agricole. La question est de savoir qui la déterminera :
– l'État ou la CEE ?
– les États-Unis ;
– les multinationales ?
– les paysans ?

Si nous voulons influencer cette politique, il importe que nous fassions les choix clairs dans le cadre d'un projet global qui s'imposera aux autorités politiques. L'avenir dépend de notre capacité à nous mobiliser sur ce projet global partagé par le plus grand nombre d'agriculteurs, sur les autres secteurs de notre pays.

Fondée sur la réflexion, la formation, l'action notre stratégie doit nous permettre de résoudre :
– la nécessité de reconstruire une nouvelle politique ;
– les problèmes immédiats liés à la réforme de la PAC et du GATT ;
– l'adaptation de l'agriculture.

L'une de nos priorités absolues, c'est l'allégement des charges de nos entreprises. Cette action ne relève pas de la politique agricole communautaire, mais d'une volonté et de décisions nationales. Nous demandons notamment :
– d'asseoir les cotisations sociales sur le seul revenu du travail ;
– que la déduction pour investissement ne soit plus refiscalisée.

Notre stratégie, même si elle s'inscrit dans le temps, doit néanmoins aller vite.

La mobilisation de tous les responsables doit prendre en compte au minimum quatre critères :
– les conséquences économiques et les alternatives technico-économiques de la réforme de la PAC et du GATT ;
– les conséquences de la pyramide des âges, de la préretraite sur les structures des exploitations ;
– le pouvoir économique et la valeur ajoutée ;
– les alternatives de développement, notamment la conquête de nouveaux marchés, comme l'agro-industrie ou ceux liés à l'espace.

Aujourd'hui, la PAC et le GATT ont pour objectif de réduire les capacités d'exportation de l'Europe. Cette politique passe par la baisse des prix et de la production.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes favorables à une Europe qui affirme son identité économique et politique. L'espace européen doit être conforté par une politique monétaire, une politique de prix supérieur aux prix mondiaux. La notion de préférence communautaire doit être restaurée.

À partir de là nous proposons 3 objectifs :
– des entreprises agricoles réparties sur tout le territoire ;
– des agriculteurs qui conservent une marge de liberté économique ;
– une agriculture qui soit capable d'exploiter toutes les potentialités des marchés actuels et à venir (agro-industrie, multifonctionnalité).

Tous les moyens européens et nationaux devraient donc être utilisés, non pour conserver des situations passées, mais pour orienter l'agriculture.

Nous proposons les trois axes d'orientation suivants :
    
Des entreprises agricoles authentiques, c'est-à-dire d'abord performantes.

Des débouchés identifiés et une offre maîtrisée qui rémunèrent notre travail et favorisent l'investissement.

Une fonction territoriale pleinement reconnue et rémunérée, c'est-à-dire une agriculture présente en toutes régions, et d'autre part un secteur agro-alimentaire participant au développement globalement équilibré de l'espace rural.

Nous devons asseoir notre action sur une triple ambition :
– garantir une stabilité de l'ensemble des productions ;
– permettre l'adaptation aux évolutions conjoncturelles et structurelles de la demande alimentaire et industrielle ;
– développer la liberté d'entreprendre.

C'est dans le cadre de ces trois objectifs que doivent être définis les montants et les conditions d'attribution des primes et des aides.

Dans chaque secteur de production, nous devons réfléchir à mettre en œuvre les mécanismes destinés à réguler l'offre :
– maîtriser des moyens de production ;
– gestion des aides ;
– objectif de production.

Dans la recherche d'une meilleure cohérence entre les secteurs de production, il convient d'harmoniser ces leviers.

Pour les agriculteurs économiquement debout.

Pour une cohérence entre toutes les productions, les régions.

Pour un territoire équilibré.

Nous voulons nous appuyer :
– sur une Europe forte ;
– sur des prix qui assurent l'essentiel de notre revenu ;
– sur des niveaux de compensation qui orientent les productions et qui soient liés au sol et à une production effective sur le sol.

En terminant, je voudrais vous remercier, vous féliciter, mes chers amis, présidents et acteurs de nos fédérations, vous avez accepté de relever le défi de reconstruire la ferme France. Avec Michel Teyssedou, ce que nous avons voulu, c'est que nos racines syndicales soient un terreau qui nous fournisse la force de vivre, de créer.

Notre responsabilité à tous, c'est notre œuvre.

Notre effort est tourné vers la construction de l'avenir.

Michel Teyssedou, Secrétaire général adjoint

Je veux à mon tour vous remercier toutes et tous, Mesdames et Messieurs les présidents, d'avoir spontanément répondu à notre appel pour ensemble réfléchir, élaborer, construire notre projet.

Nous sommes maintenant réunis pour fixer le cap, pour donner du sens à notre combat, pour mériter la confiance qui nous est faite.

Dans quel contexte sommes-nous ?

Manifestement, nous vivons la fin d'une époque, et ceci dans un contexte international profondément bouleversé, et également de plus en plus mouvant.

Depuis la chute du mur de Berlin, l'Europe se cherche avec difficulté une identité et une organisation nouvelle. L'absence de politique économique commune, révélée par le dumping des monnaies à faible pouvoir d'achat, l'absence de monnaie unique, altèrent son poids politique.

L'Union européenne doit être autre chose qu'un grand marché ouvert aux produits les moins chers venant des pays tiers. Or, nous sommes aujourd'hui sur le plan de la politique agricole dans une situation à la fois subie, nouvelle et inédite : celle de la PAC qui nous a été imposée il y a 22 mois ; l'accord du GATT qui prendra effet le 1er janvier 1995.

L'Europe dans le dossier de la PAC, comme dans celui du GATT, a fait le choix implicite de l'alignement sur les cours mondiaux et finalement a trouvé un accord avec les USA sur le dos du tiers monde. Cet alignement sur les prix mondiaux est révélé par l'abandon de la préférence communautaire contre la tarification.

Mais nous possédons pour réagir certains atouts :
– la puissance agro-alimentaire de notre pays ;
– l'aide que le Parlement et le Gouvernement se disent prêts à nous apporter pour améliorer la compétitivité de nos entreprises agricoles et rééquilibrer les activités économiques sur l'ensemble du territoire.

Ces deux atouts sont de bon augure et essentiels, mais nous en avons un autre tout aussi essentiel, c'est notre débat. C'est sur la qualité de ce débat et sur la force de nos choix stratégiques que nous serons jugés.

Notre choix est guidé par trois objectifs essentiels :

1° Des entreprises agricoles réparties sur l'ensemble du territoire.

2° Des agriculteurs qui conservent une responsabilité économique.

3° Une agriculture qui soit capable d'exploiter toutes les potentialités de marchés actuelles et à venir.

À partir de nos ressources humaines, organisées collectivement, avec nos produits et l'amélioration de leur qualité, l'ensemble de nos territoires peuvent élaborer des projets de développement dont les objectifs seront le revenu, le nombre d'agriculteurs, l'aménagement du territoire.

À travers ces leviers, nous disposons pour orienter, pour réguler, de deux grandes modalités d'intervention.

1. La politique rénovée des structures

Il s'agit de permettre, par le lien entre soutien et sol, la présence sur les territoires à la fois d'une production et d'une économie agro-alimentaire dynamiques.

Nous devons définir les modèles d'exploitation correspondant à nos choix stratégiques.

Par la gestion des droits à livrer et à bénéficier des primes, il est nécessaire d'orienter, de contrôler et de répartir les moyens de production dans un cadre national, tout en définissant au niveau des départements les planchers et les plafonds nécessaires.

2. La gestion des aides et des compensations

Les aides compensatoires de la PAC doivent exclusivement soutenir la fonction de production. Néanmoins elles peuvent selon les cas être utilisées comme moyens de régulation de la production, d'optimisation de la marge, globalement d'orientation pour les secteurs concernés. La cohérence sera à ce prix.

La politique qui consiste à nous faire produire à des prix mondiaux inférieurs à nos coûts de production, signifie en l'absence de compensation, travailler à perte, être en faillite ou bien ne pas avoir de vocation économique.

Cette politique a pour effet de laminer le revenu des agriculteurs, de délocaliser les productions, et enfin d'accélérer la réduction du nombre d'actifs agricoles.

C'est donc par une réduction forte de nos charges que nous pourrons partiellement retrouver la compétitivité dès la cession de printemps.

Au-delà, nous devons concevoir l'élargissement de nos débouchés. Créer de nouveaux produits, c'est aussi créer un nouveau marché et donc de nouveaux débouchés ; à défaut il faut pouvoir ajuster l'offre. Cela peut se faire et doit être développé dans le cadre de produits parfaitement identifiés notamment par la qualité, par la typicité AOC.

Enfin, à très court terme, deux secteurs méritent des réponses concrètes et positives. Il s'agit des productions de fruits et légumes et de porcs.

Voilà, trop rapidement, présenté l'essentiel, à mes yeux, du rapport moral de notre conseil d'administration. Sans oublier notre souci majeur ; la cohérence.

En résumé, l'Europe a décidé de nous imposer des prix de marché inférieurs aux coûts de production. Elle nous oblige à accepter un revenu essentiellement constitué d'aides directes, organisant par-là la négation économique de notre métier.

Cette politique pose le délicat problème de la réactualisation de notre contrat social avec la Nation.

1° Nous devons affirmer que le préjudice que l'on nous fait subir doit être durablement et correctement dédommagé.

2 ° La fonction productive doit être rémunérée à son juste coût puisque c'est la fonction de production qui permet à l'agriculture de remplir d'autres fonctions écologie, paysage, environnement, espace, territoire, nature.

3 ° Nous devons reconnaître que l'agriculture a besoin du soutien de la société.

Nous entrons dans une nouvelle forme de civilisation combinant deux mondes différents ; Nous appartenons au monde des relations humaines, régulées par l'économie et la monnaie : nous sommes aussi du secteur primaire fondé sur les biens matériels ; mais nous appartenons également aujourd'hui de plus en plus au monde du tertiaire, en offrant des services et en remplissant des fonctions immatérielles, voire symboliques. Ce second monde n'existerait pas sans le premier.

Cette analyse nous guide vers un nouveau pacte social

Le modèle productiviste des années 60 est aujourd'hui dépassé pour deux raisons : le mode de production est remis en cause et son efficacité en matière de répartition des revenus est obsolète.

Nous devons donc aujourd'hui :

a) Mettre en avant non seulement notre performance économique de production mais aussi notre utilité sociale.

b) Admettre que le marché ne sera pas le seul "répartiteur" de la richesse.

c) Et prouver que la prise en compte par la Nation des fonctions sociale de l'agriculture peut raffermir sa fonction proprement économique.

Ce rapport moral, en fait, s'adresse d'abord aux pouvoirs publics français.

Il doit constituer le socle de la pensée agricole française, de la pensée politique du parlement et du gouvernement français au moment où s'ébauchent les contours d'une nouvelle PAC.

Ce débat s'adresse aussi à l'Europe : ceux qui président à notre destinée doivent dire s'ils veulent nous conduire, au nom de la logique du libre-échange, dans un schéma où inévitablement notre revenu serait constitué d'aides publiques pour un nombre d'agriculteurs de plus en plus réduit, de plus en plus concentrés sur les terres les plus généreuses.

Si l'Europe refuse le choix du libre-échange, elle doit se faire un devoir : se reconnaître internationalement un droit à mettre en œuvre une politique de la production où les aides compensatoires feraient partie intégrante de la politique agricole, les aides permettraient d'inciter ou de dissuader en fonction du flux de production voulu et aussi du prix du produit souhaité ou souhaitable.

Dans ce débat, quelle orientation la France veut-elle ?

Nous souhaitons qu'au lendemain du GATT et à la veille de la future PAC, le ministre de l'agriculture s'exprime sur ce débat stratégique pour nous. Puisqu'il y aura débat à la session de printemps, le ministre aura déjà certainement affûté ses arguments. Nous les écouterons avec intérêt.

En tout état de cause aucune politique ne pourra être décidée sans que nous, qui sommes les premiers intéressés, soyons contrairement au passé, entendus, consultés.


Mme Mary – SNAE

L'ambition des aînés est d'améliorer la situation des plus défavorisés d'entre nous et d'obtenir ainsi une meilleure intégration au milieu de vie.

Notre priorité essentielle cette année est la situation des veuves d'agriculteurs. Pour certaines d'entre elles, on peut la qualifier de dramatique.

Les veuves d'exploitants qui sont au nombre d'environ 380 000 dans notre pays, ne sont pas toutes au même niveau de ressources. Mais une caractéristique leur est commune : elles n'ont pas le droit au cumul de la pension de réversion de leur mari avec leurs droits propres, système de calcul qui est accordé au régime général.

Pourquoi cette discrimination ?

Ce système de calcul qui leur est défavorable s'exerce surtout à l'encontre de celles dont le conjoint ne relevait que d'un seul régime social.

On nous objecte le coût de cette réforme.

Sachant que dans le cas de veuvage les droits propres du conjoint sont divisés par le nombre de régime du disparu, la moitié seulement des veuves serait concernée par la réforme, ce qui diminue d'autant le coût annoncé de 2,2 milliards pour la collectivité.

Il est indispensable que nous obtenions ces mesures. Seuls, nous ne pouvons obtenir satisfaction mais ensemble avec l'appui total de la FNSEA à tous niveaux, nous obtiendrons la légitime justice pour celles qui ont œuvré toute leur vie au service de tous.

Il serait paradoxal, qu'au moment où Mme VEIL annonce pour les veuves du régime général un taux de réversion passant de 52 % à 60 % de la retraite totale du décédé, on n'accorde pas aux veuves d'exploitant un ajustement.

M. Loyau – SNAE

L'année 1993 a été l'année européenne des personnes âgées et des solidarités entre générations.

Les personnes âgées et des parents notamment sont toujours prêtes à faciliter, à aider l'installation des jeunes.

À un moment où la politique agricole se cherche, s'interroge sur son devenir. Les anciens exploitants ont leur mot à dire pour construire une agriculture plus solidaire où les valeurs humaines priment sur les aspects économiques purs.

Je souhaite en tant que secrétaire général de la section nationale des anciens de la FNSEA que le Congrès mesure bien l'impérieuse nécessité de maintenir et de renforcer l'unité syndicale dans le cadre de la FNSEA.

Les anciens souhaitent un partage des droits à produire et des primes dans un sens d'équité pour l'ensemble des agriculteurs répartis sur le territoire. Il faut trouver des mécanismes à l'image de ce qui avait été fait dans les structures.

La solidarité que notre génération a engendrée ne doit pas rester dans les mots, c'est bien une attitude, des moyens, une volonté pour mettre en œuvre une politique agricole nouvelle.

Cette intervention se veut dépasser nos préoccupations permanentes sur les retraites agricoles, la réversion, la dépendance.

M. Munet – SNBBR

Cet après-midi, Monsieur le président, je voudrais simplement reprendre les points auxquels nous attachons une importance toute particulière.

Depuis plusieurs années déjà, et encore plus aujourd'hui, on prévoit un avenir particulièrement sombre pour les agriculteurs, le monde rural et la société en général.

Il n'est qu'un domaine vraiment bon : c'est celui de l'installation.

Ce à quoi je vous répondrai, Monsieur le président, que les jeunes, compte tenu du contexte actuel, ne peuvent pas ni ne veulent acquérir du foncier. Par ailleurs, ceux qui possèdent ce foncier subissent des charges dont le poids grandit sans cesse.

Il nous semble préférable de privilégier la qualité à la quantité en termes d'installation, pour installer de futurs bons agriculteurs.

Dans le but d'une diminution de charges de chacune des parties, peut-être serait-il opportun de réfléchir à des formules nouvelles entre bailleurs et preneurs ?

Une formule de bail nous paraît particulièrement adaptée à ce type de préoccupation : il s'agit du bail de carrière, contrat précis afin de donner au bailleur l'assurance de disposer librement de son bien à l'issue du bail, et au preneur la sécurité de se livrer sans contrainte à son activité durant toute sa vie active.

Le rôle des bailleurs n'est pas de freiner mais d'encourager son fermier à exercer d'autres activités en vue de dégager un revenu complémentaire. Le statut du fermage, tel qu'il a été conçu, n'a pas envisagé une telle possibilité.

Un débat d'orientation de la politique agricole doit s'engager au Parlement à la session de printemps. Nous souhaitons très vivement être associés à la réflexion d'ensemble de la FNSEA.

D'une part, on affirme d'un côté que l'agriculture doit conserver sa fonction traditionnelle de production de matières premières alimentaires voire même industrielles, tandis que de l'autre on tend à encourager la diversification, la pluriactivité il est même question maintenant de multifonctionnalité de l'agriculture.

On se profile vers un modèle où l'agriculteur tirera une partie de son revenu d'une activité sans lieu direct avec la production agricole. À quoi bon, dans ces conditions, persister avec une location fixée en denrées ?

D'autre part, une référence nationale nous paraît mieux refléter la situation économique de l'activité agricole. En outre, le RBE procure l'avantage de sa transparence et de son caractère officiel reconnu chaque année. La location en argent des bâtiments d'exploitation et son indexation sur l'indice de la construction est bien entendu réclamée par notre section.

Au sujet de la mise aux normes des bâtiments d'élevage qu'impose la réglementation communautaire en matière d'environnement, c'est l'activité de l'exploitant qui déterminera la destination des bâtiments. Mettre à la charge du propriétaire les frais de mise aux normes alors qu'il n'intervient pas dans les choix économiques de l'exploitant nous paraît anormal.

Un autre sujet, toujours en suspens qui soucie l'ensemble de la profession agricole, ne laisse pas de préoccuper les bailleurs : il s'agit des contingents et des primes à la production.

Tant que ne sera pas précisé la nature juridique de ces droits à prime ou autres quotas, le flou persistera. Pour les quotas laitiers, les textes communautaires lient la référence laitière au foncier. C'est bien, à condition que cela ne donne pas lieu à trop de montages destinés à contourner la réglementation.

Pour le droit à prime, si on affirme qu'ils doivent être détenus par l'exploitant, on va tout droit vers des terres sans droits avec le risque de concentration de ces derniers par les agriculteurs sur une faible surface et un abandon encore plus grand de certaines zones rurales.

Je terminerai mon propos par l'évocation des élections aux chambres d'agriculture et aux tribunaux paritaires des baux ruraux. Il nous fait dès maintenant préparer ces élections dans les meilleures conditions en vue d'obtenir une représentation la plus fidèle possible de notre organisation.

En accord avec les preneurs, nous souhaiterons modifier le mode d'élection aux tribunaux paritaires : il nous semblerait plus profitable que chaque candidat puisse se présenter en qualité de titulaire ou de suppléant.

Avec tous les bailleurs, Monsieur le président, nous vous disons la confiance que nous portons à la FNSEA pour faire valoir auprès des pouvoirs publics ces revendications qui nous tiennent à cœurs.

Michel Compiègne, président de la SNFM

Demain ne sera plus comme hier ; Il faut que nous nous en convainquions. Avant, la production agricole n'était pas limitée parce que les débouchés étaient nombreux ; Aujourd'hui, chacun essaie de sortir la tête hors de l'eau et c'est bien naturel, d'autres coulent de plus en plus profondément.

Des débouchés alimentaires importants existent en Afrique et en Asie. Pour des raisons politiques, ces marchés potentiels ne sont pas ouverts. En tout cas, le jour où ils s'ouvriront, il faudra être capable de répondre présent. Cela suppose une agriculture compétitive et des agriculteurs pour l'animer.

Demain se prépare aujourd'hui. Ce congrès d'orientation de l'avenir de l'agriculture où seront posées les véritables questions et émises des pistes de réflexions.

Quelle agriculture voulons-nous demain ? Voulons-nous d'une agriculture reposant sur ses productions traditionnelles, libérale, hypercompétitive, mais forcément restreinte sur les bassins de productions offrant les meilleures potentialités, ou voulons-nous d'une agriculture imaginative répartie sur l'ensemble du territoire, au service des hommes et des femmes qui la font vivre ? Individuellement, sommes-nous prêts à renoncer à un peu de nos acquis pour faciliter l'installation d'un agriculteur, le développement d'une exploitation ?

La SNFM veut garder une agriculture vivante et présente sur l'ensemble du territoire. Cela suppose des règles d'accès aux marchés, une gestion des droits à produire à l'échelon du département et une limitation de ceux-ci par exploitation. Ces limitations doivent être adaptées à chaque type de production, à chaque région.

Nous souscrivons pleinement à la mise en place suggérée par la FNSEA d'une commission départementale de développement et de restructuration, pour assurer plus de cohérence entre les diverses actions agricoles. La SNFM est prête à s'investir dans ce grand dessein.

Je voudrais maintenant aborder plus spécifiquement les problèmes liés à la détermination du prix du bail à ferme qui fera l'objet de discussions à la session parlementaire de printemps. Afin de continuer à maintenir un lien entre agriculture et production, la SNFM demande que le prix des fermages puisse continuer à être exprimé en denrées agricoles. Le prix de ces denrées doit être indexé sur un indice représentatif de l'évolution de l'activité agricole fixé à l'échelon de chaque département par les commissions consultatives paritaires départementales des baux ruraux.

Parallèlement, la suppression définitive de la part communale de la taxe sur le foncier non bâti pour les terres exploitées en faire-valoir direct ou en fermage améliorait la rentabilité du placement foncier. La FNSEA doit réaffirmer sans ambages qu'elle est pour une suppression pure et simple de la part communale de la taxe sur le foncier non bâti sur les seules terres en production. Concomitamment, une meilleure répartition de la DGF permettra aux communes de compenser les recettes qu'elles perdent.

En conclusion, la SNFM ne s'oppose pas à ce que le statut du fermage puisse être aménagé pour faciliter une politique de diversification sur le fonds loué. Je pense tout particulièrement aux activités touristiques, boisement, etc. mais par contre nous nous opposerons à tous ceux qui voudraient profiter de cette occasion pour remettre en cause fondamentalement et vider de sa substance le statut du fermage, véritable outil indispensable à l'équilibre des exploitations et l'aménagement du territoire.

M. Lassus, secrétaire général de la CFA

Alors que se forge dans l'inquiétude et l'incertitude une nouvelle politique agricole européenne sous le double effet de la réforme de la PAC et du GATT, l'aviculture française est particulièrement touchée par les difficultés qui frappent bon nombre de productions.

En janvier dernier, nous avons mené avec la FNSEA une manifestation exemplaire à Rennes pour obtenir un relèvement partiel des restitutions et éviter que le prix payé aux producteurs soient diminués. Ce combat syndical n'est pas terminé puisque la commission et le comité de gestion avicole viennent de décider à nouveau de baisser certaines restitutions avicoles.

Nous comptons sur votre fermeté, Monsieur le président, pour demander au ministre de l'agriculture de tout mettre en œuvre pour obtenir au plus vite réparation de cette décision injuste.

Face aux difficultés rencontrées par les productions avicoles, des mesures d'urgence doivent être rapidement mises en œuvre pour permettre aux producteurs de faire face à leurs difficultés financières et parvenir à un rééquilibre du marché.

Enfin, face aux terribles conséquences du GATT pour l'aviculture, nous proposons un grand plan d'adaptation de notre production pour renforcer notre compétitivité et maintenir notre place sur le marché mondial. En l'absence d'une véritable organisation commune des marchés, la libéralisation des échanges provoquée par le GATT, risque de se traduire par une désorganisation de nos marchés et donc de nos productions (exemple : le foie gras).

Il faut éviter également les troubles introduits par la réforme de la PAC, le renforcement des observatoires économiques avicoles est indispensable pour améliorer l'équilibre de nos marchés et assurer le revenu de toute la filière. Nous comptons sur vous, fédérations départementales, pour ne plus jamais voir nos produits bradés en dessous de nos prix de revient.

Il reste bien sûr d'autres revendications que la CFA s'emploie avec le FNSEA à faire avancer et à défendre. Citons le respect de la politique contractuelle, l'évolution des cotisations sociales, la politique de l'environnement…

Avec de l'ambition et la mobilisation des hommes, nous assurerons l'avenir de l'aviculture dans le cadre de l'agriculture française, avec la ferme volonté de ne produire que ce que l'on peut vendre.

M. Lemaître – FNP

Après quinze mois d'une crise la plus profonde qu'ils aient jamais connue, les producteurs de porcs sont économiquement sinistrés, structurellement et durablement.

Une des raisons du niveau actuel de la production peut se trouver dans les conséquences de la réforme de la PAC. La production porcine est devenue l'une des rares activités agricoles non réglementée, ce qui en fait le refuge d'exploitants dont les revenus ou l'activité se trouvent limités par la PAC.

Face à cette situation, la Commission de l'Union européenne adopte une attitude scandaleusement irresponsable de laisser faire. C'est pourquoi, une nouvelle organisation commune du marché du porc doit être mise en place rapidement.

Un nouveau mécanisme de gestion doit combiner un certain nombre d'ambitions et d'objectifs :

1. Permettre d'adapter l'évolution de la production aux évolutions conjoncturelles et structurelles de la demande alimentaire, exportations sur pays tiers incluses, dans le respect préalable de la préférence communautaire.

2. Inciter les éleveurs à poursuivre leurs efforts de technicité et de compétitivité, seuls garants du maintien de la production porcine française dans la compétition internationale.

3. Permettre aux producteurs de tirer un revenu de leur travail, même en période de crise.

4. Maintenir la présence de la production porcine sur l'ensemble du territoire.

5. Mettre en place une OCM porc impliquant un relèvement conséquent du budget porc du FEOGA, qui devra être complété par un financement des États, et si nécessaire, un prélèvement sur l'ensemble de la production porcine.

Au niveau français, les mesures de soutien à la production ont été très insuffisantes et seuls 20 % des producteurs semblent pouvoir en bénéficier.

La situation catastrophique des éleveurs implique que la production porcine puisse bénéficier des mesures Balladur, comme les autres secteurs en crise.

Par ailleurs, dans un contexte de baisse tendancielle du coût de production du porc, liée à la réforme de la PAC et aux accords du GATT, les producteurs de porcs devront réduire leurs charges.

Tout d'abord le coût d'approvisionnement des élevages : il nous faut, continuer de mettre au point des modalités d'approvisionnement des élevages qui rapprochent davantage le prix payé par les utilisateurs de céréales ou de protéagineux, du prix perçu par les producteurs de céréales.

Mais aussi des charges de structures : le poids des charges sociales devient totalement insupportable pour les producteurs de porcs. La fiscalité doit être adaptée aux fortes fluctuations du revenu que dégagent cette production.

D'autre part, alors que la plupart d'entre eux respectent déjà les normes environnementales, les producteurs de porcs exigent le respect total du principe "non pollueur, non payeur".

Enfin, la FNP s'est opposée avec vigueur aux pratiques de braderie, de solde excessive ou de vente à perte qui se généralisent dans la grande distribution.

Il faut exercer une pression forte sur la grande distribution pour mettre fin à ces pratiques, si nécessaire par des textes réglementaires.

Chers amis, les producteurs de porcs sont des agriculteurs à part entière et veulent être considérés comme tels.

M. Raoult : FNPL

Nombre d'entre vous croient les producteurs de lait, installés sur des quotas et faisant tranquillement… leur beurre. Mais nulle production n'est à l'abri et pour le lait, les perspectives 1994 sont sérieusement compromises à cause :
– de la réforme de la PAC ;
– des accords du GATT ;
– de la politique déflationniste des entreprises.

La réforme de la PAC nous a contraints à diminuer de 11 % notre production : avec les accords du GATT, on nous promet encore 3 à 4 % de baisse et un accroissement de la concurrence intra-communautaire. En même temps, la réforme de la PAC s'est traduite par un démantèlement progressif de l'intervention pour le beurre et la poudre depuis 1986.

Baisse des quantités à produire plus baisse des prix, telles sont les perspectives qui nous sont proposées.

Nous refusons ce défaitisme : nous voulons conserver une filière lait compétitive et rémunératrice.

En obtenant la récupération des quotas morts, la FNPL a obtenu une large couverture des prioritaires. (L'installation et la modernisation).

La mobilité des références est un élément de cette politique : elle doit, bien entendu, s'inscrire dans un cadre départemental, être organisée et encadrée : sur ces trois points, le ministre a rejoint nos positions et nous a donné son accord lors de notre assemblée générale.

La mobilité peut être totalement administrée. Si les contrôles nous garantissent que les magouilles et les montages juridiques bidons sont sévèrement sanctionnés.

Le séminaire ONILAIT du mois d'avril doit nous permettre d'obtenir des solutions négociées inter professionnellement, qui seront mise en œuvre dans les tous prochains mois.

Voilà ce qui a avancé mais il faut se pencher sur l'avenir.

Les quotas doivent évoluer face aux contraintes de la nouvelle PAC et du GATT. Mais cette évolution, tout comme la mobilité, doit être réfléchie en cohérence avec l'évolution de l'ensemble de l'agriculture. Nous approuvons l'idée d'une commission départementale unique avancée par le rapport moral. Nous tenons à ce qu'elle comporte une section laitière à caractère interprofessionnel.

Le combat des prix va être vital. Depuis deux mois, nous avons réussi à faire relever les premiers prix dans 90 % des grandes surfaces. Il faut maintenant mener le combat sur trois fronts.

Nous refusons que les pouvoirs publics réagissent contre les pratiques de concurrence déloyale.

Enfin, dans les prochaines négociations interprofessionnelles : les producteurs ne se contenteront pas des restes : nous avons imposé un maintien du marché, nous avons arrêté les bradages de la grande distribution. Cela doit profiter aux producteurs.

En conclusion, je dirai que s'il faut savoir faire, il est tout aussi indispensable de faire savoir : l'agriculture est un désert pour la télévision française. La seule chose qui intéresse nos médias est de savoir quel dirigeant agricole est en train de faire la place à son collègue. Nous voulons une présentation de notre métier qui ne soit pas ce café du commerce permanent. J'attends donc de la FNSEA qu'elle intervienne pour que France 3 présente à nos concitoyens la réalité de nos problèmes et de notre contribution à l'activité de notre pays.

Mme Pieters – Commission nationale des agricultrices

Les agricultrices sont au cœur de la vie du monde rural où elles apparaissent non seulement comme des "amortisseurs de crise", mais aussi comme des "accélérateurs de vie" pour emprunter un autre mot du langage automobile !

Elles rassemblent les bonnes volontés pour monter des groupes culturels, des activités sportives, etc. Elles font vivre le tourisme en ouvrant leurs maisons, en les rendant accueillantes, en préparant des spécialités gastronomiques…

L'action "Fermes ouvertes" de la FNSEA connaît un succès grandissant grâce aux agricultrices qui ont la vocation, reconnue par les grands sociologues, d'accueil des enfants. Ne parte-t-on pas de confier des enfants en difficulté aux agricultrices.

En portant, dans les faits, les agricultrices semblent constituer un monde à part.

Comment imaginer un actif sans droits dans le domaine social ? Aujourd'hui, les agricultrices sont très défavorisées malgré quelques avancées et je ne citerai que trois exemples : la réversion, la préretraite et la retraite.

Même si nous avons conscience que la préretraite est destinée à aménager les exploitations, il nous semble discriminatoire de ne pas assouplir ce droit dont, dans la réalité, les femmes sont exclues.

Enfin, subsiste le problème des retraites forfaitaires si infimes : 1300 F par mois, est-ce acceptable ?

Un actif, c'est aussi un homme ou une femme qui a une production. Or, aujourd'hui, avant de produire, il faut des autorisations : droits à primes, des droits à commercialisation, des droits à plantation. Accorder des autorisations de production aux conjoints, c'est avant tout reconnaître leur travail, cela ne constitue en rien "un détournement de fonds", dès lors que la définition du mot conjoint est claire. Il s'agit d'une personne travaillant réellement sur l'exploitation.

J'aimerais pouvoir vous confier très bientôt : "les agricultrices, connaît pas". Cela signifierait qu'enfin les agricultrices sont entièrement intégrées à la cause agricole, que "les droits de conjoints sont reconnus sur un plan d'égalité, qu'ils exploitent un fonds commun ou des fonds séparés".

Mon but désormais, et je sais que vous le partagez avec moi, est que "côte à côte, nous soyons à la tête d'entreprises performantes sur un territoire équilibré".

M. Dutoit – FNC

Les sujets de préoccupations pour les éleveurs de chevaux sont graves et nombreux. Les urgences s'accumulent, s'amplifient, s'accentuent, nous pressent et nous oppressent.

Le cheval lourd : Dans le domaine du cheval lourd, nous sommes las, de l'absence de volonté politique pour sortir d'une impasse face à des problèmes soulevés depuis plusieurs années. Régulièrement depuis plusieurs années, nous alertons vos services sur les négligences des abattoirs américains lors des inspections post-mortem des carcasses et de la recherche des trichines, malgré cela, de nouveaux cas de trichinose liés à la consommation de viande chevaline importée ont été constatés en France.

Le cheval doit systématiquement être inséré dans les politiques régionales, nationales et communautaires. Une aide directe type prime à la jument allaitante est indispensable ainsi qu'un renforcement des crédits OFIVAL.

L'équitation en espace rural : L'avenir de l'équitation, compte tenu des demandes et des aspirations des clientèles, passera par la multiplication des pratiques et la diversification des lieux d'activité dont la composante "nature" est sans cesse mise en avant dans les sondages et les enquêtes. C'est un immense marché d'au moins 320 millions d'habitants de la communauté que nous avons à prendre.

Identification : La loi du 22 juin 1989 prévoyait l'identification généralisée des équidés, le décret en précisant les modalités d'application n'est toujours pas paru depuis.

Fiscalité : Là aussi, "bis repetita". Nous redemandons que l'harmonisation et la cohérence de la fiscalité du cheval pour l'ensemble de ses activités, de l'élevage à l'utilisation, soient repensées. Trois comptabilités pour un jeune agriculteur enseignant l'équitation sur la ferme équestre.

Service des Haras : Les bruits et les rumeurs les plus diverses traversent régulièrement nos champs et nos écuries sur un démantèlement possible du service des Haras. La réforme de ce service paraît nécessaire pour lui permettre de s'adapter et de se moderniser. Cette réforme est justifiée tant sont grands les risques et les dangers d'un système libéral à outrance où l'État se serait complètement désengagé et où le chacun pour soi se traduirait par la ruine de la plupart des filières chevalines. C'est d'un partenariat que nous voulons et non d'un pouvoir réglementaire atomisé entre de multiples ministères.

Ce n'est pas au déménagement du territoire que nous voulons contribuer, mais bien à son aménagement. Sachons donc participer, avec nos chevaux, à préserver la réalité d'un monde rural vivant.

La formation : C'est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur, tant est fondamentale aujourd'hui la formation des jeunes et des moins jeunes !

Mais, que l'on reste un tant soit peu concret et cohérent, respectueux des véritables besoins des professionnels et évitons d'être enfermés dans des schémas où tout un chacun doit obligatoirement s'insérer.

M. Martin – FNO

La production ovine qui est rarement citée est en train de disparaître. Sans être oiseau de mauvais augure, attention à ce que les autres productions n'en viennent pas là. J'aimerais aborder trois sujets.

Des compensations existent déjà :

La PCO avec la déviation due à des volontés exclusivement politiques que l'on connaît avec la prime monde rural.

D'autres compensations existent mais doivent être confortées (50 à 60 UGB pour les ICH). Certaines n'ont pas été abordées, je veux parler de la prime à l'herbe qui doit être réétudiée. En effet, n'est-ce pas le moment d'avoir une compensation liée à la terre du type "super prime à l'herbe". Cela correspond à un sujet de fond à la FNO.

Le marché : Alors que dans le cadre de l'interprofession, une stratégie d'identification des agneaux est mise ne place, on constate que les GMS ont décidé de faire des prix bas et d'être ainsi les fossoyeurs de l'élevage ovin. À l'avenir donc des opérations "caddies" seront effectuées sans avertissement.

Le GATT : Il va provoquer un excédent de 80 000 tonnes. Alors qu'est-ce qu'on va faire de ces marchandises qui vont concurrencer les autres viandes ? Mais demandons des compensations politiques même si cela doit résulter en un doublement de PCO.

M. Paul, président de la FNB

Le rapport d'orientation de la FNSEA souligne à juste titre la mutation de l'agriculture et les problèmes qui en résultent dans les domaines économiques, sociaux et politiques.

Or, force est de constater qu'aujourd'hui encore les éleveurs ne savent ni où la Commission européenne veut les emmener, ni comment elle accompagnera cette marche vers l'inconnu. Il faut enrayer la succession désastreuse de démissions françaises face à des instances européennes qui n'appréhendent plus les problèmes de l'élevage qu'au travers d'équations budgétaires et qui sont disposées à tout concéder à leurs interlocuteurs américains. L'accord du GATT en décembre dernier illustre bien cette faiblesse de la communauté.

Certes, nous devons accepter d'examiner la nécessaire maîtrise de l'offre et son adaptation aux réalités de la demande. Mais cela implique que parallèlement à la maîtrise de la production européenne on impose une maîtrise parallèle des productions des pays tiers et une régulation des volumes importés.

Il faut d'urgence également, harmoniser les conditions dans lesquelles évolue l'élevage bovin des différents États membres de la CEE :
– harmonisation des réglementations et des applications sur l'utilisation des hormones de croissance ;
– refus de mesures qui pénalisent diversement les éleveurs des différents pays membres (comme la limitation du poids des carcasses à l'intervention ou la suppression de la référence 1992 pour la prime au bovin mâle qui frapperaient en premier la France) ; les efforts doivent être équitables et solidaires !

Le syndicalisme agricole doit proposer et imposer aux pouvoirs publics français une fermeté qui ne se dissout pas au fil des négociations bruxelloises, grâce à des propositions concrètes et crédibles à présenter pour mieux réguler l'offre et gérer les marchés, par exemple :
– le soutien aux filières veaux de boucherie et veaux sous la mère ;
– le règlement définitif du problème des troupeaux mixtes ;
– des mesures d'orientation et de prévention pour les productions réalisées hors référence ;
– enfin, avec le plan de restructuration que nous proposons.

Il ne s'agir pas pour nous de prôner des cessations d'activité à tout crin : une pyramide des âges déjà très déséquilibrée implique par elle-même des processus de restructuration.

Il faut, par un plan volontaire et raisonné, accompagner cette évolution en donnant aux élevages les moyens de résister aux effets de la réforme de la PAC et de l'accord du GATT (par des aides à la capitalisation notamment).

M. Calleja – FNP Fruits

Trois mots pour le secteur des fruits.

Maîtrise : Nous sommes d'accord pour la maîtrise dans le secteur des fruits mais dans le respect de la préférence communautaire, avec une connaissance réelle du potentiel de production et une identification des acteurs de la filière.

Main-d'œuvre : Il nous faut obtenir une baisse des charges sociales, avec une franchise pour les permanents et 100 jours à charges réduites pour les occasionnels.

Crise : Elle frappe surtout la pomme. Les gelées de 1992-1993 ont provoquées deux crises et des désordres monétaires. Nous avons aussi été confrontés en 1993 à des importations à très bas prix (dumping). Nous avons obtenu une intervention des pouvoirs publics pour soutenir le revenu de 1993. Nous ne pouvons pas assister à une baisse de 63 % sans réagir.

Il faut préparer 1994 avec des moyens efficaces de gestion du marché :
– mise à niveau structurelle du potentiel de production et même des surfaces de production ;
– rester vigilant sur les mesures du gouvernement ;
– vigilance sur le marché français, avec tous les autres producteurs saccagés par la grande distribution ;
– créer des unités de vigilance pour mettre fin à cette politique qui nous mène à la ruine.

Nous serons debout car nous voulons défendre nos produits et notre revenu.

Denis Onfroy – FNP Légumes

La production légumière est entrée, depuis deux ans, dans une crise structurelle dont les causes sont aujourd'hui connues de tous.

Le développement des importations des pays tiers au détriment du respect de la préférence communautaire.

La délocalisation sauvage des productions légumières de plein champ qui ne se font pas forcément de manière très visibles.

Ces deux phénomènes associés ont pour conséquence de réduire fortement les prix de vente et conduisent les producteurs traditionnels à développer leurs propres productions pour compenser leurs pertes de revenu.

Une réflexion engagée sur la réforme de l'organisation commune des marchés (OCM) doit s'accélérer pour aboutir rapidement à une proposition française unitaire.

En tout état de cause, il nous faudra passer par la logique de connaissance et de maîtrise de la production. Nous devrons trouver une gestion astucieuse qui n'obérerai pas la dynamique des marchés tout en cherchant à éviter les crises graves. Je reprends les propositions du CNJA sur la carte professionnelle.

D. Ducroquet – CGB

Alors que la réforme de la PAC est en place et l'Uruguay Round sur le point d'être signé, le débat sur l'avenir de l'agriculture n'est pas clos. Est-ce étonnant ?… Pas vraiment, car en France il n'y a pas qu'une seule agriculture, mais des agricultures qui vivent ces changements de façon très différentes, et là résident les vraies raisons de ces hésitations.

On a beaucoup voulu opposer agriculture économique et agriculture sociale, alors que chaque agriculture peut et doit trouver sa place.

Pour ma part en concernant le secteur betteravier, je parlerai d'agriculture de marché. Nous avons des découchés à satisfaire que sont le sucre, l'alcool, l'éthanol… et, chaque année, nous contractualisons les quantités de betteraves nécessaires à ces débouchés, et, du prix de ces produits et des coûts de transformation, découlent la recette betteravière.

Il faut parvenir rapidement à la mise en place d'une véritable organisation mondiale du commerce. L'OMC est inscrite sur le papier des accords de l'Uruguay Round, il faut maintenant le faire entrer dans les faits. Dans cette harmonisation mondiale des conditions de l'échange, les pouvoirs publics ont une obligation de résultat, car de ce qui sera obtenu, dépendra notre place sur l'échiquier alimentaire mondial.

Par ailleurs, il faut approfondir la réglementation communautaire dans plusieurs domaines au premier rang desquels, le domaine monétaire. Il faut compléter la réglementation communautaire pour mieux organiser certaines filières de production et développer les débouchés non alimentaires à base de produits agricoles.

Enfin et surtout, procéder à d'importants changements en matière de "statut de l'entreprise agricole" pour favoriser restructurations et investissements, et diminuer les charges fiscales et sociales qui n'ont plus de raison d'être.

M. de Benoist- AGPB

Pour les producteurs de céréales la jachère obligatoire est insuffisamment compensée. Nous n'avons jamais voulu de cette politique.

Après Angers, on avait choisi le système de la jachère volontaire indemnisée. On a demandé que cette jachère soit tournante sur deux ans et non sur six ans.

Sur les marchés : la réforme de la PAC a entraîné une baisse de la production communautaire. Les stocks vont baisser car il y a une reprise dans l'alimentation animale : cette reprise est-elle bien structurelle ? Cette année beaucoup de conjoncturel. Les céréales ont été favorisées par rapport au soja. Les PSC continueront d'augmenter en Europe.

Nous avons obtenu des accords permettant de mettre en production deux usines d'ETBE. C'est davantage un symbole.

Perspectives : Les USA ne sont pas invulnérables ? Nous devons redresser la tête et entraîner le reste des Européens face aux Américains. Les Américains discutent le prochain "far bill". Une remise en cause du deficiency paiement est possible. Nous devons profiter des erreurs éventuelles qu'ils pourraient commettre.

Ce que nous voulons tous, une diminution des charges de l'agriculture afin d'avoir des entreprises compétitives.


M. Sapin – FOP

Les oléo protéagineux sont un secteur très chahuté.

Protéagineux : ils ne sont pas repris dans les accords limitatifs du GATT. Le secteur peut être développé mais les règles doivent être changées. Une demande a été déposée à la commission à Bruxelles.

Oléagineux : il y a un problème de calcul de l'aide, la compensation évolue en fonction du marché. En 1992 : prix très bas, or la prime n'a pas augmenté car un seul point de référence choisi. Sous l'action de la FOP, le changement de mode de calcul et l'observation de plusieurs points ont été obtenu de la Commission.

En 1993 : les prix ont augmenté mais la commercialisation s'est surtout faite en début de campagne. Le calcul ne devait pas être fait selon une moyenne arithmétique mais une moyenne pondérée.

Biocarburants : Le Diester a été l'occasion d'un travail considérable de la FOP sur motoristes, pétroliers, écologistes, consommateurs.

Le dispositif est souple, il permet à chaque producteur d'avoir accès à la jachère industrielle.

Mme Pellegrino : FNPHP

"Nous avons besoins des uns et des autres".

Il ne faut pas céder aux chimères d'un particularisme facile et confortable.

Luc Guyau a raison.

Nous ne devons jamais oublier ce qui fait la force de tous les pouvoirs qui cherchent à nous affaiblir : diviser pour mieux régner/

C'est ainsi que nous n'aurions pas dû nous laisser imposer le relèvement de la TVA de 5,5 % à 18,6 % sur les produits horticoles.

Hier le vin, aujourd'hui l'horticulture et demain, les céréales destinées aux bio-carburants ?

Une production comme la nôtre est bien placée pour parler de ces choses. Nous cumulons tous les coûts possibles et devons faire face sur tous les fronts. Employeurs de main-d'œuvre est sous-payée. Utilisateur d'énergie, nous sommes particulièrement sensibles aux moindres variations et luttons ave la dernière détermination pour que nos activités soient épargnées par une éventuelle taxe combinée sur l'énergie et les émissions de CO2. Nos productions enfin, nécessitent des investissements importants, nous rendant particulièrement sensibles au coût de l'argent et à l'attitude des banques à notre égard.

Ces considérations expliquent qu'en moins de 15 ans, la France a pris un retard considérable sur son principal concurrent, les Pays-Bas.

En laissant couler l'horticulture française, se sont aussi de réelles possibilités de diversification que nous laissons disparaître.

Et pourtant, avec une balance commerciale déficitaire de plus de 3 milliards de francs, nos possibilités d'accueil n'étaient pas négligeables.

Alors que faut-il faire ?

1. La première chose est de faire cause commune pour maintenir et développer nos productions partout où cela est possible.

Un agriculteur qui disparaît, ce sont 3 chômeurs supplémentaire de créés.

L'horticulture en particulier, à une responsabilité sociale et économique. À l'égard du pays, c'est une évidence, mais aussi à l'égard des pays tiers.

Sous prétexte d'aider leur développement, nous avons abouti à la situation selon laquelle 80 % des produits horticoles importés dans la CEE ne supportent aucun droit de douane. Mais la précarité sociale la plus extrême continue d'être la règle des agriculteurs de ces nations !

La solution n'est d'ailleurs pas de rétablir ou d'augmenter les droits de douane.

2. Réaffirmer la préférence communautaire, contractualiser les apports sur des calendriers d'importations ou instaurer une taxe sociale pour reverser à ces pays le montant de cette taxe sous la forme d'une aide au développement ciblée, sont des idées à creuser.

3. Il nous faut obtenir des avancées réelles en matière de baisse des charges liées à l'emploi.

En conclusion, je me pose la question, je vous pose la question, de savoir ce que je vais dire à ma base en rentrant de ce congrès.

Nous ne pouvons plus accepter de laisser vendre sur notre dos des mesures dont on ne voit pas l'ombre d'une application avant six mois, comme c'est le cas par exemple des 20 millions de francs annoncés le 17 novembre dernier pour la prise en charge des arriérés de cotisations des exploitants de fruits, de légumes et d'horticulture, qui ne connaissent toujours pas, après plus de 4 mois, de circulation d'application.

La cogestion et le paritarisme sont une chose que nous cautionnions. En revanche, nous ne pouvons plus cautionner la CONGESTION et des mesures qui, la plupart du temps, sont prises malgré nous !

Si nous faisons la liste de toute ce que nous n'avons pas obtenu, c'est un peu comme si les pouvoirs publics entretenaient avec nous une exception agricole et nous remboursaient les seuls médicaments de confort tout en refusant de prescrire les traitements de fond dont nous avons besoin.

Les agriculteurs sont encore 1 million à nous regarder. Donnons-nous les moyens de pouvoir les regarder en face. Sachons sortir de notre réserve, avant d'être enfermés dans une autre réserve, d'indiens celle-là !…

M. Losser – FBP Tabac

Les tabaculteurs sont avant tout des agriculteurs comme les céréaliers, les laitiers ou les éleveurs.

Nos problèmes sont de près ou de loin comparables. Je cite :

OCM tabac :
– son application a fait baisser de 10 à 15 % la production brute ;
– ses contradictions : on encourage la production de tabac de mauvaise qualité dans les pays du Sud.

Après 1997 ? Quelle politique ? Nous ne savons pas ce qui va arriver, d'où la nécessaire mobilisation autour d'un projet.

Problèmes nationaux : en effet nous devons tenir compte de l'évolution obligée des paramètres qui gèrent notre agriculture :
– fiscalité ;
– cotisations sociales ;
– charges liées à l'emploi de saisonniers.

Je demande que, lors de la réflexion que nous allons mener, de nouvelles propositions soient faites dans ces domaines. Nous devons penser à l'impact de ces paramètres sur nos productions, car ils sont directement liés à nos charges trop importantes qui étouffent les petites entreprises.

Dernier point : thème de ce congrès.

"Des entreprises performantes sur un territoire équilibré". Les petites productions, avec leurs diversités, et le tabac en fait partie, doivent impérativement être soutenues car elles participent au maintien et à l'équilibre de notre monde rural, notamment dans un certain nombre de régions de productions traditionnelles.

M. Etefenon – FNEC

Il est une métaphore que l'on pourrait faire avec Astérix car nous sommes une petite production entourée de plus grosses soumises à quotas mais je souhaite aborder deux sujets :
    1. Cela va bien, merci !
    2. Pourvu que ça dure ! Comment ?

Il faut éviter la crise par des prix stabilisés. Il n'existe pas de prix mondial du lait de chèvre et le leadership français sur cette production est incontestable.

Des atouts sont à valoriser :
– pas de concurrence extérieure ;
– bonne image en lien avec le terroir ;
– participe à l'aménagement du territoire ;
– bien intégré dans les stratégies régionales.

2. La crise n'est pas là mais il faut la prévoir

Il faut pour cela connaître (par une contractualisation entre les producteurs et les outils d'aval notamment) et organiser l'interprofession.

Il faut par ailleurs gérer : la diversification est indispensable mais cela ne va pas à l'encontre d'une organisation et la filière qui est indispensable.

Il est important qu'une action professionnelle forte permette que les marges de développement soient exploitées à fond tant au niveau des volumes que des prix.

Notre potion magique sera une bonne organisation professionnelle en renforçant le poids des producteurs.

François Formentin – FNPTC

Bien que les prix atteignent péniblement les coûts de production, les producteurs de pommes de terre sont inquiets sur leur avenir proche et perplexe à échéance plus lointaine.

Avec le GATT et la nouvelle PAC l'environnement économique de nos exploitations a changé. Le principe de la garantie des prix a été abandonné, faisant peser sur notre secteur des menaces de surproduction. Pour fuir la jachère volontaire, quiconque peut cultiver des pommes de terre. Les prix s'effondrent et pourtant d'énormes investissements restent à faire afin de répondre aux attentes bien légitimes du consommateur, de goût, de santé et d'équilibre de vie.

Face à cette situation, la Commission européenne nous propose une organisation commune de marché minimaliste qui ne correspond pas à la réalité des besoins des producteurs mais à la prédominance de la discipline budgétaire communautaire.

Alors de quelle liberté d'organisation disposons-nous ? De celle qui nous est donnée par le Traité de Rome, avec la possibilité légale de coordonner les diverses actions des organisations nationales d'encadrement des marchés. Et cette liberté qui nous est donnée par l'article 40 nous permet de résoudre plusieurs problèmes qui sont au cœur du marché unique de la pomme de terre.

Il faudra ainsi qu'entre interprofessions européennes nous nous mettions d'accord au sujet des outils qui permettrons de connaître le marché européen, de soutenir la demande au moyen d'une promotion générique, la recherche appliquée réseaux européens avec des spécialisations propres à chaque État membre, l'harmonisation des pratiques commerciales et des normes de qualité et la concentration de l'offre selon les formes de groupements typiques à chaque nation.

Puisque le contenu de cette coordination est légal, la Commission ne pourra pas taxer ses actions d'entente ni de concurrence déloyale. Elle devra se résoudre à reconnaître officiellement les interprofessions et mettre fin à la carence des statuts de prélèvement des cotisations. La rigueur budgétaire de la commission compensée doit être composée par une cotisation à caractère obligatoire, coordonnée au niveau européen de façon à ne pas créer de distorsions entre producteurs.

Car il convient qu'une vraie concurrence existe à l'intérieur du marché unique de la pomme de terre. Les remboursements de la TVA encore pratiqués, la possibilité de faire des réserves fiscales pour "fluctuations de coût", la disparité de la longueur des amortissements, les turbulences monétaires, les distorsions liées aux différents taux d'intérêts, les salaires et les régimes sociaux continueront de créer des distorsions de concurrence importante. Or il est clair que les aides directes doivent correspondre véritablement à des handicaps et non à fausser la concurrence.

L'élargissement de l'Union européenne à 16 ravivera le débat entre une agriculture branche économique, et une agriculture sociale faite pour occuper le territoire. De même, la volonté des États membres d'aller vers l'Est permet de supposer que pour notre production des jours difficiles. En attendant, il faut au niveau français, travailler sur trois grands axes pour être cohérents et efficaces.

Le regroupement de l'offre à travers des structures de tri et de conditionnement ou bien dans une démarche régionale de marque.

Sur le plan économique le partenariat avec les industriels et la grande distribution se traduit, dans de nombreux cas, par la vente de pommes de terre au-dessous du coût de production. Il est donc nécessaire de travailler à un cahier des charges à la réception et à un guide bonne pratiques pour la progression de la qualité, tout en maintenant les efforts de logistique et de communication. N'oublions pas que près de 60 % du volume commercialisé de pommes de terre passe par les moyennes et grandes surfaces.

Voilà Mesdames et Messieurs, un bref aperçu de ce que j'aimerai voir aboutir ou conforter dans le futur immédiat.

Rapport des commissions et groupes de travail

Commission fiscale : M. Guignard

Amendements aux résolutions adoptés à l'unanimité

Commission économique

Aucun amendement de fond.

Tous les amendements arrivés en retard ont été adoptés.

Observations : la Commission économique doit avoir un but pédagogique, fournir des analyses économiques objectives à la FNSEA, son bureau et son conseil d'administration. L'économie demeure le moyen incontournable pour maintenir le revenu des agriculteurs.

Commission sociale.

Adoptions des amendements.

Commission employeurs.

Adoption des amendements.

Groupe de travail expropriation-urbanisme : M. Devienne

En termes de perspectives pour le groupe de travail. Les problèmes à résoudre ne manquent pas. C'est tout d'abord l'indemnisation des agriculteurs :
– mise en cause par les effets de la réforme de la PAC ;
– mise en cause par "l'administration des domaines" dans la négociation globale sur tracés des ouvrages linéaires (concertation à renforcer).

Dans le domaine de l'urbanisme, suivre avec attention le projet de loi portant réforme du code de l'urbanisme, débattu lors de la session de printemps (impossibilité d'avoir recours à la procédure de notification du POS pour porter atteinte aux zones agricoles (NC).

Mais !… Ce projet remet aussi en cause certaines garanties octroyées à la profession préalablement dans le domaine de l'urbanisme :
– suppression de l'avis de la commission communale d'aménagement foncier en zone de montagne ;
– contraintes supplémentaires en matière d'autorisation de construire ;
– suppression de la commission départementale de conciliation ;
– moindre protection dans les zones AOC.

La FNSEA demande dans le cadre de cette loi l'introduction d'une disposition imposant la réciprocité des règles de recul entre les maisons d'habitations occupées par des tiers et les installations d'élevage.

Il est anormal que dans les zones agricoles protégées, les collectivités locales s'exonèrent des conséquences dommageables de leur décision d'autorisation et que des agriculteurs soient poursuivis pour des contraintes inhérentes à la vie en milieu rural.

Montagne

Il faut faire avancer les dossiers sur les indemnités haute montagne.

Adoption de l'ensemble des amendements.

Tourisme : Mme Pieters

Plus que jamais, l'année 1993 aura démontré le succès du tourisme en milieu rural. Et les perspectives de développement de cette fréquentation sont plus que prometteuses tant au niveau de la clientèle française, qu'étrangère. Par ailleurs, l'engouement du public toujours plus affirmé envers les formules d'hébergement et de restauration offertes par les agriculteurs démontre notre place et notre rôle spécifique.

Toutefois, il reste beaucoup à faire pour que le tourisme rural devienne un véritable facteur de développement pour les espaces ruraux et que les agriculteurs puissent s'inscrire dans le cadre d'une croissance harmonieuse et raisonnée de ce type d'activité. C'est en ce sens que le groupe tourisme a défini ses grands axes de travail pour 1994 :
– premier objectif, faire reconnaître la place de l'agritourisme au sein des exploitations.
– deuxième orientation : mettre en place des produits touristiques adaptés à une demande de plus en plus diverse et exigeante.

Développement : M. Bros

Le dispositif de recherche-développement est un des outils professionnels indispensables pour mettre en œuvre les orientations dont le Congrès vient de débattre. Il contribue à mettre en adéquation les besoins des agriculteurs et les thèmes de recherches et d'études, à orienter et à coordonner les politiques conduites par chaque organisme.

1994 sera une année décisive pour donner à la chaîne du progrès les moyens qui lui sont nécessaires pour impulser et accompagner l'adaptation au changement. Dans ce sens, la commission syndicale de développement poursuivra son action dans trois directions :

Premier objectif : mettre tout en œuvre pour faire aboutir la réforme du financement du Fond national de développement agricole.

Deuxième objectif : construire l'accord-cadre sur la recherche entre l'État et la profession.

Dernier objectif ; poursuivre et amplifier la politique de restructuration des organismes concourant à la politique de développement.

Machinisme

À un moment où les agriculteurs cherchent à maîtriser leurs charges de productions, les contraintes et les projets de contraintes, entraînant, pour la plupart, des charges supplémentaires, n'ont jamais été aussi nombreux.

Même si ce n'est pas la première fois que l'agriculture doit gérer ce paradoxe, il est inadmissible qu'elle ne soit pas associée à l'étude de mesures qui risquent de handicaper l'agriculture dans sa vie de tous les jours, et constituent autant de freins à la diversification de ses activités.

Avec nos partenaires, nos efforts ont débouché sur des réalisations plus concrètes particulièrement encourageantes.

IMEA (Information sur les matériels et les équipements agricoles) menée en collaboration avec l'AFNOR, le CEMAGREF et le SYGMA est d'ores et déjà opérationnelle. En tapant "3615 IMEA" sur votre Minitel vous avez accès au fichier des matériels disponibles sur le marché français (actuellement tracteurs et épandeurs d'engrais).

Les opérations de type MECAMIEUX (région CENTRE) se multiplient et permettent à la grande majorité des agriculteurs non seulement de prendre conscience de l'importance des charges de mécanisation, mais aussi de s'organiser pour mieux les maîtriser, notamment par la promotion des formes de mécanisation partagée (CEMA, cercle d'échanges, banque de travail…).

Structures

Adoption des amendements

Enseignement – formation : Mme Méhaignerie

1993 a permis des avancées significatives sur de nombreux points. À cet égard, il faut signaler les bourses scolaires où les dotations aux amortissements ne plus ajoutées au revenu agricole. Il y a aussi la poursuite de la rénovation et de l'élévation des niveaux dans l'enseignement agricole. Avancées encore au FAFEA qui a été habilité à percevoir la nouvelle contribution formation collectée pour la première fois par les caisses de MSA fin 1993. C'est aussi la valorisation de ce nouveau financement par les signatures, le 26 mars 1993, d'un nouvel accord-cadre de la formation entre l'État et la FNSEA.

Les chantiers qui se dessinent en conséquence pour les prochains mois vont porter sur les dossiers prioritaires suivants :
– l'école en milieu rural ;
– la capacité professionnelle ;
– le FAFEA ;
– la promotion collective (à coordonner avec M. Devienne).

Viticulture : M. Jean-Pierre Boisson

1993 a été caractérisé par une très petite récolte mais n'a pas évité une distillation obligatoire. La mesure nationale complémentaire à la distillation préventive, amenant le prix de la distillation à 24 F/°/hl a permis de limiter l'impact négatif sur les producteurs.

Grâce à l'intervention de la FNSEA, la viticulture, initialement exclue des mesures Balladur a pu être repêchée en début d'année 1994 et bénéficier des mesures de désendettement pour certaines catégories de vin.

Voilà pour le passé. Que sera-t-il de 1994 ?

1994 devrait être l'année de la réforme de l'OCM viticole.

Cette réforme est aujourd'hui nécessaire car les viticulteurs français ne peuvent plus supporter les conditions actuelles qui sont très pénalisantes, compte-tenu des coûts de production constatés en France. Nos exploitations sont exsangues et l'arrachage intervient essentiellement chez nous.

Sous l'insistance de la France, la Commission a présenté en juillet dernier un document de réflexion. Les grandes orientations mises en avant consistent en un raisonnement tous vins ; un objectif de production serait déterminé par État membre. Les ajustements structurels seraient réalisés par des programmes régionaux d'adaptation de la viticulture. La subsidiarité est donc mise en avant.

Face à cette réforme qui est demandée par la France essentiellement, il est nécessaire que les producteurs présentent un front uni et fassent des propositions représentatives de l'ensemble de la viticulture (vins de table et de pays, AOC, caves particulières ou coopératives).

Ne soyons pas timides. Ne nous réfugions par derrière des préalables. Faisons des propositions et défendons-les.

Certains des points avancés par la Commission peuvent recevoir notre accord. Cependant, il faudra être très vigilant en matière de production nationale de référence. Celle-ci devra prendre en compte les efforts consentis par les viticulteurs français (arrachages, rénovation du vignoble, qualité des produits…).

Nous devrons de plus être en mesure de proposer des aménagements nationaux cohérents pour gérer l'objectif de production qui nous sera assigné. Il faudra également bâtir des programmes d'adaptation. La dimension régionale est une piste qui doit être étudiée mais une cohérence nationale est impérative. Le rôle des interprofessionnels régionales doit être reconnu pour gérer les marchés.

Le projet que nous devons bâtir doit permettre de conserver une viticulture sur tout le territoire.

Environnement

La prise en compte de la protection de l'environnement est devenue une préoccupation constante dans n'importe quelle politique. L'agriculture ne fait pas exception et compte tenu n'importe quelle politique. L'agriculture ne fait pas exception et compte tenu de l'importance des accords internationaux ainsi que de l'élargissement de l'Union européenne, les normes environnementales risquent de se durcir.

Au long de l'année 1994, la FNSEA poursuivra sa politique autour des orientations suivantes :
– réduire les contraintes imposées par la réglementation ;
– rendre cohérents les différents cadres juridiques.

Ces orientations seront rappelées lors des négociations à venir dont voici ici quelques exemples :
– élaboration et suivi de l'application des programmes d'action de la direction "nitrates" ;
– accompagnement de la mise en place de la loi sur l'eau ;
– veiller à la mise en place du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole ;
– obtention d'assouplissements dans la réglementation des installations classées ;
– révision des réglementations existantes dans le domaine des phytosanitaires ;
– garantir la compensation des agriculteurs qui acceptent d'utiliser les sous-produits d'autres activités ;
– suivre la transposition de la directive "Habitats" ;
– généraliser la mise en œuvre d'une politique contractuelle de gestion de l'espace.

À plus long terme, les perspectives sont également préoccupantes : taxes sur la pollution de l'air (azote gazeux, méthane, CO2, ozone…), restriction dans l'utilisation des nutriments (fertilisants et des produits de protection des plantes), contraintes sur l'irrigation, difficultés de gestion des déchets et des emballages, etc.

Intervention des régions

M. Debaudre – Normandie

Le rapport moral de la FNSEA réclame des "entreprises performantes sur un territoire équilibré". Sur le fonds, l'ensemble des acteurs ne peut être que d'accord, mais quels moyens pour y parvenir ?

Nous devons tenir compte de ce que nous vivons depuis deux ans :
– réforme de la PAC ;
– accord du GATT.

La question qui se pose, c'est la notion de "pré carré" ou bien accepter l'internationalisation des échanges et chercher à s'y adapter.

Le premier choix conduit à une baisse importante des volumes avec répercussion en interne : installation des jeunes, délocalisation des productions, désertification, accroissement des inégalités régionales. En externe, nous constatons affaiblissement de l'Europe, pénétration accrue par les pays tiers, perte de nos parts de marché.

Nous sommes contraints d'accepter la logique PAC. Mais attention, car nous avons fragilisé certains secteurs comme les exploitations moyennes. Nous souhaitons pourtant maintenir un tissu rural : ce ne sera pas possible s'il n'y a pas un acte de production.

Si nous voulons nous maintenir sur le marché interne et international, il faut avoir un système qui donne espoir aux productions animales.

Il faut se battre pour affiner la préférence communautaire. Ceci passe par la parité sur le marché monétaire. Mais il y a des craintes car les pays membres ont parfois des monnaies qui varient beaucoup. Nous sommes inquiets quant à l'aspect "frontières" au niveau CEE. Nous ne sommes pas à l'abri d'initiatives malheureuses.

Cette adaptation se fera si nous réussissons à intervenir sur les charges. Ne parlons pas de répartition des productions entre agricultures, départements, régions et, personnellement, compte tenu de mon expérience du secteur laitier, si nous voulons maintenir des agriculteurs, il faut des bases acceptables pour l'accès sur le marché.

Intervention de M. Drouet – Haute-Normandie

Il faut simplifier les déclarations.

Le désendettement est un moyen pour que les exploitations s'adaptent à la réforme. Il faut diminuer les charges sociales.

Il faut prendre les cotisations avec les seuls revenus du travail, comme pour les autres professions.

La mise aux normes des bâtiments d'élevage est un nouveau chantier à attaquer. Son application dans les départements laisse à désirer, il faut essayer d'améliorer la situation. Ensemble, le travail doit continuer !

M. Rouvreau – Poitou-Charentes

Notre région (viticulture, élevage, polyculture) veut que la FNSEA demande avec fermeté :

1. La gestion des droits à produire : la politique qui se met en place ne doit pas aboutir à une délocalisation des productions mais permettre leur maintien et conforter l'économie rurale. Donc mettre en place des outils, notamment un cadre, prenant en compte des spécificités locales.
2. Notre région comprend des productions végétales qui ont nécessité des investissements importants.

Il faut donc des aides compensatoires :
– le tournesol occupe une place importante ;
– les éleveurs sont inquiets et demandent que la prime au monde rural soit étendue à tous, la prime à l'herbe doit être réévaluée car son niveau est bas.

On en peut accepter la règle actuelle quant au 5 b pour la mise aux normes des exploitations et on ne peut admettre un détournement des fonds européens. Il faut trouver un système d'avance. L'État doit prendre ses responsabilités en matière d'équarrissage.

Les charges sont à réduire. Certains aspects sont du domaine politique et les pouvoirs publics doivent s'y intéresser.

Afin de simplifier les formalités liées à l'emploi et permettre la baisse des charges sociales sur les bas salaires, il faut améliorer le système des cotisations sociales et maintenir leur assiette pour tous ceux qui sont visés par l'arrêté du 24/07/1987. Dans le cas contraire, il faudra refuser toute cotisation à la MSA.

La production d'eau de vie doit être volontaire et se fonder sur les excédents. Quant à la loi Évin, on ne peut accepter les mesures discriminatoires.

M. Graciet – Sud-Ouest

Redistribution laitière : les départements du Sud-Ouest sont choqués par la redistribution des quotas départementaux. Il faut s'élever contre le refus de la FNP Lait de prendre en compte les besoins des départements.

Nous demandons à FNSEA de remédier à cette situation afin de rétablir l'équité.

Prime compensatrice : elle doit conserver un caractère économique. Cependant nous ne voulons pas de libéralisme sauvage. Dans chaque département ou canton, il existe de petites zones à côté d'autres plus riches.

Cela s'intègre dans une véritable politique de structure pour les aidés et les non aidés (contrôle du développement de groupes de producteurs par agrément géographique et volume). Ce contrôle doit aller dans le sens de la sauvegarde de l'exploitation familiale.

Mme Crolais – Ouest

Nous soutenons les ambitions du rapport de la FNSEA. Il faut nous projeter dans l'avenir. Nous assistons à une forte mutation en Europe et surtout à l'Est.

Nous voulons des actions concrètes des pouvoirs publics pour favoriser les actions et services en milieu rural.

Le secteur de la pêche est sinistré mais l'agriculture de la région Ouest a des richesses un capital humain, une organisation de productions avec des entreprises de premières transformations compétitives.

Pour préserver ce capital, il faut une maîtrise des charges d'exploitations et je souhaite que nous œuvrions dans ce sens. La production doit s'adapter aux habitudes des consommateurs français et européens et anticiper les besoins. Nous souhaitons que le débat sur la PAC et le GATT s'engage rapidement compte-tenu de la prochaine échéance électorale sur l'Europe.

Ayons beaucoup de courage pour défendre notre agriculture.

M. Cazaubon – Sud-Est

De ce congrès, beaucoup attendent, notamment la presse avide de sensations, du sang et des larmes et nous serons sûrement taxés d'immobilisme si nous arrivons à faire la synthèse nécessaire.

Dire qu'il existe deux agricultures, une sociale et une économique, et les opposer l'une à l'autre est une imbécillité.

L'affaiblissement de la FNSEA, c'est un double risque :
– l'accélération de la disparition des agriculteurs des zones plus fragiles ;
– le champ libre à tous ceux qui, dans l'opinion publique, feront ressentir les compensations comme un véritable scandale.

Nous allons devoir expliquer et justifier ces compensations ou gratifications. Pour éviter cela il faut au contraire redonner à la FNSEA son pouvoir d'arbitrage, son pouvoir de synthèse par rapport aux productions et aux régions.

Il faut redéfinir le type d'exploitations que l'on souhaite. Ce projet est nécessaire de l'appuyer sur les données de la démographie :
– combien d'agriculteurs demain (an 2000) dans nos communes, nos cantons ?
– quel volume de production pour chacun ?

La responsabilité des hommes, on la retrouvera :
– dans un véritable retour à la politique des structures où, à l'intérieur d'un cadre national, chaque département aura à faire ses choix et à tenir compte de ses spécificités. C'est par là que chacun pourra aborder la maîtrise des productions liées au sol ;
– dans un outil de gestion parfaitement transparent et là aussi départementalisé des droits à prime ou droits à produire.

Il nous faut aussi prendre en compte les handicaps spécifiques des zones intermédiaires qui ne doivent pas être confondues avec les zones de montagne. Il faut donc compléter la politique de correction des handicaps par une vaste politique CEE d'aides aux zones intermédiaires.

Réfléchissons également à la non délocalisation de toutes les productions hors PAC.

C'est clair. Ces productions appuyées uniquement sur le marché ne pourront pas demeurer sans organisation permettant de contrôler leurs évolutions :
– dans un premier temps, pas d'aides publiques, à leur développement hors de leurs zones actuelles ;
– par contre, concentration des aides à la qualité et à la démarcation dans les zones de production (fruits, légumes, foie gras, aviculture…).

Reprenons le contrôle des outils économiques pour les mettre au service de cette nouvelle politique. En ce qui concerne ce dernier point enfin, les outils économiques ne peuvent plus, dans une nouvelle donne continuer à se comporte comme avant la réforme PAC. Il y a un débat à instaurer à ce sujet avec les instances coopératives.

Un produit, un pays, des paysans, des paysages, c'est ce que nos outils doivent vendre et non plus simplement une matière première. Gérons les volumes au niveau national mais prenons nos responsabilités au plan départemental. La tâche sera rude et difficile, mais nous allons devoir nous y atteler avec courage et abnégation.

M. Bonneau – Sud-Ouest

Souhaite l'allégement des charges en agriculture et celui des prélèvements sociaux, la justice et l'équité par rapport aux autres secteurs et notamment celui des entreprises sociétés de capitaux. Il rend hommage à la FNSEA, cette année et souhaite que le dossier allégement des charges sociales soit clos l'année prochaine.

M. Le Morehdec – Bretagne

L'Ouest ne veut pas d'une logique, faite entièrement de lois économiques et libérales. L'Ouest ne souhaite pas non plus une agriculture sous perfusion, uniquement faite d'aides. Le choix doit se situer entre ces deux positions externes. Il faut une politique agricole équilibrée combinant des organisations de marché et des aides complémentaires.

Deux questions de fond se posent :
– quel modèle d'exploitation voulons-nous ?
– quels leviers employer pour y arriver ?

Sans une réponse urgente, l'incohérence menace la cohésion du monde agricole. Aujourd'hui, c'est la fin du modèle d'exploitation familiale à 10 ha. La concurrence entre exploitations risque de se développer pour les droits à produire, sur les moyens de production, les aides économiques. Il faut donc définir des priorités : il faut privilégier la notion de chef d'exploitation comme le recommande le rapport moral de la FNSEA et faire pression sur le Gouvernement et les élus pour obtenir enfin des textes législatifs efficaces.

M. Proffit – Centre

Baisse des charges sociales. Prise en compte des réunions de travail, suppression des taxes BAPSA et exclusion des bénéfices réinvestis ou laissés sur l'entreprise.

Baisse des charges fiscales

Provision pour risque climatique.

Provision pour investissement non réintégré.

Taux équivalent pour entrepreneurs et sociétés.

Fiscalité égalitaire avec les autres pays de la CEE.

Baisse des charges financières. Création de prêts à des taux réellement bonifiés. Il faut que le dossier de désendettement aboutisse.

Stopper la baisse des prix pour les productions animales.

Une gestion départementalisée des quotas laitiers et une meilleure gestion pour les secteurs bovin et ovin. Dans le secteur caprin, il est indispensable qu'une maîtrise s'installe grâce à une OCM.

Des compensations sont nécessaires pour dégager un revenu.

Une partie des recettes est à inventer (compensation de handicaps ou fonds d'aménagement du territoire provenant des finances nationales, par exemple).

Dénoncer les dangers de l'importation du PSC.

Obtenir la jachère rotationnelle à 15 % sur deux ans et un taux de jachère diminué de 3 %, et défendre l'utilisation des jachères à fin cynégétique ou industrielle.

Pour la surface primable, je suis très inquiet quant au dépassement des 13 millions d'hectares de la surface SCOP nationale.

Les agriculteurs devraient obtenir une référence individuelle :
– soit une surface SCOP n'incluant que les cultures actuellement primables sans possibilité de revenir en arrière :
– soit une prise en compte de toute la surface labourable avec une obligation de jachère.

Cependant, si nous faisons l'analyse du comportement des agriculteurs, il paraît impossible pour les céréaliers d'aller vers la référence individuelle. Il faut donc que toutes les productions soient traitées de la même façon avec une compensation départementale ou nationale.

M. Cochonneau – Pays de La Loire

Les accords du GATT ont été dictés par les Américains. L'Europe n'existe pas réellement pour faire le poids face aux Américains et à leurs négociateurs.

Il est clair que l'Europe n'était pas mûre pour ces négociations. Toutefois, on peut espérer. Des règles du jeu clair doivent être appliquées. Nous devons nous engager dans une démarche de gestion de la production. Ceci repose sur la responsabilité des exploitants. Il faut affirmer la préférence communautaire. Nous devons nous engager avec détermination dans une démarche de gestion des marchés et des productions. Il faut lier notre revenu au volume que nous produisons. Mettre en place des OCM pour l'ensemble des productions et engager des moyens provenant des filières, des États, de l'Europe.

Nos FDSEA sont confrontées chaque jour à ce problème. Les hommes et les femmes sont prêts à relever ce nouveau défi : la relation production/territoire doit être mise en avant.

M. Pinta – Nord - Bassin Parisien

Notre grande région Nord-Bassin parisien a subi, de plein fouet, les effets pervers de la nouvelle PAC en attendant ceux, encore plus pervers, des accords du GATT. Cela s'est traduit par des baisses de revenu de 30 à 50 %.

Cela s'explique par l'importance de la jachère, la mauvaise compensation de la baisse de prix et le 1/3 national. Sans vouloir remettre en cause de 1/3 national, nous n'accepterons en aucun cas que le système actuel de compensation soit revu à la baisse. Les quintaux livrés au-delà de la référence historique doivent être considérés comme des productions hors compensation.

Il pourrait en être de même pour la production de lait, en ouvrant la possibilité de produire hors quotas, en garantissant les mécanismes qui permettent de maintenir les niveaux de prix du lait sous quota.

Par ailleurs, compte-tenu de notre déficit en protéines, nous pensons qu'il faut développer la production de protéagineux afin de contrer l'importation du soja. Il est donc indispensable d'augmenter les indemnités sur les protéagineux.

Nous sommes également très inquiets pour la production de luzerne déshydratée. Si cette production venait à disparaître, elle se transformerait en céréales, ce qui ne ferait encore qu'augmenter la sole céréalière.

Notre ambition pour l'avenir est celle du meilleur revenu pour un maximum d'entre nous, malgré les contraintes de la PAC et du GATT. Ceci doit passer, en priorité et dès 1994, par une baisse très importante des charges franco-françaises. Mais aussi en stoppant la spirale de la baisse des prix de nos produits. Nous défendons l'agriculture d'entreprise de type familial et c'est en tant que chef d'entreprise que nous devons faire des propositions.

Notre raison d'exister, de prospérer, d'occuper le territoire doit se faire principalement sur des bases économiques. L'économie peut très bien cohabiter avec l'aménagement du territoire, à condition de ne pas poursuivre divers objectifs avec un seul budget. Aider au maintien des zones de montagne, des régions défavorisées nos paraît capital et personne n'a jamais remis en cause l'ISM par exemple.

Mais attention aussi de ne pas créer des distorsions de concurrence à l'intérieur de la France. L'exemple de la production ovine nous paraît l'expérience à ne pas renouveler, car aujourd'hui, il devient de plus en plus difficile économiquement de produire du mouton en zone de plaine.

En ce qui concerne la gestion de l'espace, la prime à l'herbe généralisée et substantielle nous paraît une bonne voie. Elle impliquera certes de baisser l'aide à l'UGB mais aussi et surtout d'exiger une envelopper bruxelloise réévaluée. La gestion de l'espace c'est aussi le développement de la jachère agro-industrielle.

Toujours pour rester dans une logique économique, nous refusons, pour ce qui est de la réforme de la PAC, toutes formes de plafonnement arbitraire individualisé. N'oublions pas que les pertes ne sont pas plafonnées.

L'agriculture doit d'abord et avant tout avoir une vocation économique. Si, sous le prétexte de la gestion de l'espace ou de l'aménagement du territoire, des moyens trop importants y sont consacrés, alors très rapidement certains s'apercevront que d'autres pourront remplir à meilleur compte cette fonction d'aménagement, et que ça coûterait moins cher à la société s'il y avait beaucoup moins d'agriculteurs.

Chassez l'économie, elle reviendra au galop.

Enfin, dernier point en ce qui concerne les déclarations d'assolement. On nous avait promis une simplification ; or, nous constatons qu'il en est tout autrement. La FNSEA doit refuser l'envoi du plan gel et celui du relevé MSA sans contrepartie.

Enfin, au niveau du paiement des indemnités, nous exigeons un calendrier pour les productions animales et un paiement à la récolte pour les productions végétales.

M. Pruvost – Nord - Bassin Parisien

La réforme de la PAC a réduit les marges de manœuvre de l'agriculture régionale. Une politique de réduction des charges est une priorité absolue.

Il est inadmissible de constater les dysfonctionnements dus à la double assiette : il faut plafonner au maximum ce qui devra être payé en fin de réforme. Le projet BAPSA 94 ne prévoit que 15 % de baisse pour les taxes sur les produits.

Il faut obtenir que seuls les revenus du travail soient pris en compte pour le calcul des cotisations sociales. Autre aspect, les charges sociales sur l'employeur de main-d'œuvre doivent être allégées, notamment pour les productions spécialisées.

Sur le plan fiscal, il faut obtenir la progressivité de l'impôt des plus-values. Nous demandons des provisions pour les conditions climatiques. Nous demandons également que les aides compensatoires à la jachère soient considérées comme des dommages et intérêts avec les exonérations fiscales s'y attachant.

Il faut aussi supprimer le verrou de 200 000 francs ou 30 % du chiffre d'affaires. Il est nécessaire d'élargir l'accès aux prêts bonifiés. Enfin, il faut cesser d'assimiler à une vente les apports en sociétés quand il y a continuité de l'activité. Il faut créer un statut d'entreprise multifonctionnelle. Ceci permettra de maintenir une activité en milieu rural. Le foncier non bâti est intolérable. Mais il ne faut pas rompre l'équilibre des communes.

M. Torcol – Bourgogne Franche-Comté

Trois points sont évoqués.

Zones intermédiaires et fragiles en général

Il existe des céréaliers qui n'ont pas les mêmes chances que d'autres et qui doivent être pris en compte. Nous devons nous intéresser aux zones intermédiaires et les défendre.

Mise aux normes dans les zones extensives : En général les bâtiments ne sont pas aux normes :
– il s'agir certes d'une nécessité légale ;
– cependant est-ce vraiment une nécessité écologique ?

Ce n'est pas en imposant la mise aux normes qu'on dégagera un revenu !

Prime à l'herbe : C'est une nécessité pour les élevages extensifs. Cependant il y a des contraintes préoccupantes comme les 75 % d'herbe. Il faut aussi s'intéresser plus précisément au problème du chargement.

M. Benel – Midi

Après le débat sur l'aménagement du territoire en juillet dernier, les gens de la Lozère sont inquiets. Comme au temps des grandes réformes, la finalité économique est la condition irremplaçable de notre activité. Nous recevons des aides. Nos productions ont besoin de références supplémentaires pour rentrer sur le marché.

Cela veut dire aussi la nécessité de moderniser les installations. L'aménagement du territoire se fera avec les gens sur place, les agriculteurs.

M. Boisson – Midi

Les accords du GATT et la nouvelle PAC aboutissent à une délocalisation des productions et une concurrence avec d'autres pays sans filet protecteur ni compensation.

Que les choses soient claires : dans un monde où les frontières sont perméables, où "prix" signifie exploitation pour les uns et faillite pour les autres, où l'Europe n'est pas une réalité, la logique économique n'est pas viable.

C'est pourquoi la région approuve le rapport moral :
– oui à l'OCM viticole et fruits et légumes ;
– oui à la maîtrise des productions.

Cependant, encore faut-il que soient instaurés des filets protecteurs. Par exemple, il faut des compensations européennes sur les prix.

De même quand les décisions sont prises ou des fonds européens débloqués, la région demande qu'il n'y ait pas détournement de ces fonds et que leur utilisation soit conforme à leur finalité originelle.

M. Mathieu – Centre

La prime à l'herbe doit avoir un niveau équivalent aux autres compensations : 1 000 F est un niveau minimum.

Elle doit revalorisée, liée au sol et au produit. Elle contribuera ainsi à l'aménagement de 5 millions d'ha en France, 5 ha compétitif et productifs.

M. Bertholet – Est

La gestion des vaches allaitantes doit se faire sur une optique de solidarité pour permettre de maintenir une activité économique pour l'avenir. Nous devons cependant être très prudents quant à la restructuration et privilégier l'épanouissement humain qui est la finalité du combat syndical.

M. Defloraine – Est

Produire exige trois conditions :
– être compétitif ;
– mener une politique de qualité ;
– élargir les débouchés.

Nous refusons de rentrer dans un schéma pérennisant le gel de 15 % alors que les Américains viennent de supprimer leur jachère.

Développer la filière bio-carburant est une opportunité et un débouché important. Ainsi, il s'agirait de supprimer le gel stérile des terres et mettre à disposition des éleveurs nos propres PSC.

La lorraine s'est laissé enfermer dans des quotas ISR pour les oléagineux. Le GIE Grand Ester, il nous faut implanter cette usine au cœur même de la région, première productrice de colza. Nous ouvrons les bras à tous pour nous rejoindre sur le projet Lorrain.

Il faut nous battre pour obtenir la rotation de la jachère sur trois ans. Il ne faut pas concentrer la jachère dans les régions intermédiaires SCOP. Lorraine et Moselle ont participé au développement de la sidérurgie. Aujourd'hui, plus rien, ni mines, ni mineurs. Les indemnités compensatoires. Pour quelle raison la France laisserait-elle tomber son fer et son charbon et subventionnerait-elle son agriculture ? Il faut que les aides soient économiques.

M. Forni : Est

La luzerne couver une surface de 85 000 ha en Champagne-Ardenne, et son volume de production représente 1 million de tonnes. La luzerne est une production encouragée par la Communauté européenne, développée par la profession qui a construit les coopératives de déshydratation. Il y a eu création de 1 000 emplois en milieu rural.

Or, le nouveau paquet prix envisage une réduction de soutien. Il y a un risque de transfert de ces surfaces en luzerne vers la production de céréales, alors que l'Union européenne a besoin de protéines.

La FNSEA doit appuyer les actions de la filière à Paris et à Bruxelles pour la maîtrise de la production française de la luzerne. Petite précision de langage : il faut parler d'indemnités compensatoires et non d'aides ou de primes ou encore de Deficiency payements.

M. Gremillet – Est

Les réponses du ministre doivent être claires. Les responsables syndicaux sont en effet les seuls à aller expliquer l'inexplicable sur le terrain.

Il faut un échéancier clair, précis, concernant les dates de versement. Une chose est choquante dans notre métier : sous prétexte de contrôle on retarde le versement or, contrôler ne signifie pas qu'on soit coupable !

Un échéancier est primordial par rapport à ce qu'on vit tous les jours. Cependant, il faut aller plus loin : où est passé le bon sens pays ? Aujourd'hui on assiste à une véritable agression dans notre métier.

Il faut retrouver des espaces de liberté :
– jachère : est-ce normal de parler de taux, de rotation, etc. ?
– environnement : est-ce normal de parler de pente dans les textes ?

Il faut changer ce qui se passe au niveau français et européen notamment. L'Europe a dérapé dans sa fonction et la France en rajoute. Il est temps de lancer un plan de restructuration de la Communauté européenne.

Liberté en effet ne s'oppose pas à maîtrise et responsabilité.

M. Bros – Massif Central

La région approuve les objectifs du congrès :
– des entreprises performantes sur territoire ;
– une agriculture capable d'exploiter toutes les possibilités du marché.

Mais le maintien de la politique en faveur des zones de montagne doit être renforcée et affirmée par la FNSEA. L'agriculture de montagne à une fonction économique essentielle pour le maintien d'un tissu en milieu rural.

Les indemnités de compensation de handicap doivent être dissociées des autres aides. Nous demandons une revalorisation de 30 % de l'ISM et je m'insurge contre l'amendement déposé par le groupe Montagne. La mauvaise volonté des pouvoirs publics est inadmissible. Les aides sont inaccessibles car trop compliquées.

Les aides prévues doivent être payées au plus vite. Nous demandons le rétablissement des aides supprimées par la montagne. Les financements des constructions doivent être augmentés notamment compte tenu des conditions climatiques.

Je m'insurge contre la position du groupe Montagne qui demande que la prime au monde rural pour les ovins soit étendue à tout le territoire. Elle doit rester limitée aux zones de montagne.

Nous demandons aux dirigeants de la FNSEA de porter ces revendications aux responsables politiques nationaux et européens.

M. Schneider – Alsace

La profession agricole va se battre contre une attitude qui consiste à utiliser l'écologie contre l'agriculture. La FNSEA a fait accepter le principe "non pollueur, non payeur".

Les promesses des ministres de l'agriculture et de l'environnement ne nous mettent pas à l'abri de recours contentieux car les aménagements imposés par la réglementation ne pourront être réalisés.

Le syndicalisme doit débattre et défendre que l'agriculture participe à l'écologie. Nos terres sont trop précieuses pour devenir les poubelles des cités.

L'urgence des réformes sociales et fiscales conduit à des situations intolérables. La FNSEA doit imposer des corrections sur les réformes en cours.

Les pouvoirs publics doivent s'y engager cet après-midi.

M. Renevier – Franche-Comté

En Franche-Comté, le constat a fait apparaître une problématique différente entre le secteur de l'élevage et les céréales. Pour l'élevage, les résultats sont moins catastrophiques que prévu. Pour les céréales, les exploitations sont sinistrées car les rendements individuels sont de 15 à 20 quintaux par hectare dans notre département.

La position actuelle qui vise à l'accompagnement de la tendance démographique est dangereuse. On risque un affaiblissement du tissu économique global. Quand les prix baissent, c'est le consommateur qui en profite.

Les 3 thèmes de la réflexion en Franche-Comté : consolider, répartir, équilibrer. La logique GATT impose la compétitivité d'entreprises consolidées :

– il faut répartir les droits à produire ;
– il faut équilibrer le territoire, donc des agriculteurs partout et une aide aux zones fragiles ;
– il faut préserver la place de l'homme et ne pas céder à l'économisme ambiant !
– il faut diminuer les charges ;
– il faut une politique structurelle rénovée pur y conjuguer performance économique et aménagement.

Les aides compensatoires sont à préserver car indispensables. L'SM doit être renforcée, voire étendue aux zones intermédiaires. S'il y a lisibilité des aides, il faut lisibilité des acquis syndicaux.

Il faut préserver la place de l'homme et ne pas céder à l'économise ambiant.

M. Ducrey : Haute-Savoie

L'agriculture française, européenne et mondiale, vit actuellement de grandes remises en cause. Nous avons été secoués le 22 mai 1992 et le 15 décembre 1993 par deux réformes. Nous dénonçons le lissage de la politique montagne dans la politique nationale depuis quelques années. Il faut une politique de compensation des handicaps naturels. Tous les producteurs ne sont pas situés dans les mêmes conditions de production. Que voulons-nous ? Il est inadmissible que les aides aux handicaps naturels touchées par le plafond communautaire disparaissent : les aides sont plafonnées à l'hectare, à l'UGB ou autre.

La maîtrise de production doit s'organiser par des volumes, par des politiques de qualité des produits. La compensation des handicaps, la pluriactivité doivent être maintenues.

L'aménagement du territoire passera par nous ou ne passera pas. J'approuve totalement la position de M. Bros tout à l'heure.

Mme Martin Peulet – Rhône-Alpes

Sur une exploitation, il faut reconnaître tous les actifs : hommes et femmes, côte-à-côte. Il faut donc des droits à produire supplémentaires quand les deux travaillent sur la même exploitation. Il faut aussi relever les plafonds. Mêmes droits, mêmes devoirs pour hommes et femmes.

La même chose vaut pour les aînés, la Fédération Rhône-Alpes soutient d'ailleurs les revendications de la SNAE.

La femme sur une exploitation, c'est : la comptabilité, l'aide aux décisions, les enfants, la transmission de la culture paysanne et l'animation de la vie rurale.

C'est un centre d'équilibre de la famille, "ce que femme veut, la FNSEA le veut".

M. Capgras – Martinique

Obtention de l'OCM banane permettant aux producteurs de vivre de leur production.

Demande d'une appellation contrôlée pour le rhum martiniquais

Travailler à la reconquête d'un marché intérieur par une régulation des importations proportionnelles à la progression de la production maraîchère locale.

Faire tomber les barrières douanières entre la Martinique et la Guadeloupe distante de 50 km seulement !

Demande un Monsieur DOM à la FNSEA afin de faire avancer les dossiers et mettre en œuvre une mécanique.

M. Gérard Seigle-Vatte – Haute-Savoie

Le rapport moral n'exprime pas suffisamment notre détermination à rester maître de notre destin.

La réforme de la PAC et le GATT représentent un tournant majeur. Le débat d'aujourd'hui est d'une autre nature. Comment transformer une crise en opportunité ?

Il ne faut pas limiter le débat centre sur les seules productions et leur maîtrise, il faut adapter l'offre à la demande.

Il faut que tous les agriculteurs puissent vivre du revenu de l'entreprise.

On ne peut reprendre la logique des compensations telle qu'elle est conçue dans la PAC : de nature politique, sa pérennité n'est pas assurée et nous n'en sommes pas maîtres.

Quatre points sont importants :

1. La place de l'homme dans la gestion des volumes et des compensations : il faut mettre l'économie au service l'homme et non le contraire.

L'homme, le territoire et la production : voilà le triptyque à prendre en compte.

2. Il faut une approche globale des productions et instaurer une OCM adaptée par produits.

3. Concernant la nature du lien entre le sol et les productions, il y a deux enjeux :

Premier enjeux : La gestion des potentiels de production sur une zone, pour éviter la délocalisation et les spéculations.

Deuxième enjeu : La gestion des volumes et compensations à appliquer à toutes les productions.

4. La responsabilité et la compétitivité.

L'agriculteur doit conserver sa dignité et sa liberté d'initiative. Il pourra optimiser sa gestion par l'extensification, aussi exigeante que l'intensification.

L'agriculture a besoin de tous, il faut gérer des compromis constructifs qui ne peuvent être des "statu quo", sinon la Commission européenne serait en position de force.

M. Hoarau – Réunion

La mise en œuvre des 20 mesures pourra aider grandement à améliorer les conditions d'exploitation. Cependant, il faut continuer d'accompagner l'agriculture de la Réunion ;
– exonération totale des charges sociales ;
– détention de l'agrément de l'interprofession volaille ;
– éviter l'arrêt de prêts bonifiés fonciers au 31 décembre prochain et obtenir sa reconduite pour 10 ans au moins.

M. Banc – Rhône-Alpes

Viticulture, fruits et légumes réalisent depuis 1991 de forts aléas climatiques.

En 1992, ils ont subi une première crise économique et ils sont aujourd'hui dans une crise sans précédent. Les dernières inondations nécessitent des crédits exceptionnels et le soutien FNSEA pour les obtenir.

Des mesures d'urgence nationales sont indispensables. Des mesures sociales d'abord avec une vraie baisse des charges.

On a attribué 4 milliards d'aides financières aux collectivités locales avec une politique de baisse des taux d'intérêt pour consolider la situation financière des agriculteurs.

Pour la fiscalité, il faut de la transparence. Il faut faire la différence entre revenu du travail. Nous devons faire le forcing au Parlement européen à ce sujet.

Parallèlement pour ce qui est de la valeur ajoutée horticole, il faut une épreuve de force pour un retour au taux initial. Il faut des mesures pour les charges main-d'œuvre et aussi pour les coopératives et les GIE. Pour les charges d'irrigation, il faut réduire le taux de financement et allonger la durée des amortissements. Pour la grêle, le dossier va dans le sens mais sur le terrain il apparaît que le champ est trop limité.

Pour la grande distribution, la situation est scandaleuse. Pour les importations, il faut une politique réelle de régulation au niveau mondial. Il faut relancer la consommation de jus de fruits et pas seulement de jus d'orange.

La FNSEA doit être arbitre par rapport aux organisations économiques.

Le syndicalisme représente l'unité, la solidarité, la responsabilité.

M. Schaeffer – Comité de coordination des AS

Après le PAC et le GATT, il faut une réflexion prospective sur l'avenir de l'agriculture. L'unité syndicale ne suppose pas obligatoirement l'unité des unités, mais elle nécessite une synthèse et le respect de la démocratie.

Jusqu'à aujourd'hui, l'agriculture était le seul secteur où les unités économiques n'étaient pas concurrentes entre elles. Aujourd'hui, sévit une concurrence entre les exploitations, les régions et les productions.

Il fallait une réflexion horizontale pour faire prévaloir l'intérêt général de l'agriculture sur les intérêts particuliers.

Attention au piège qui consisterait à opposer une agriculture économique à une agriculture sociale. L'arbitrage de la FNSEA en congrès, au conseil d'administration et au bureau est nécessaire. Cet arbitrage est d'autant plus indispensable que la période est incertaine.

L'Union européenne a démontré qu'elle pouvait changer les règles du jeu quand elle le voulait. En cas de dérapages, la réaction syndicale doit être prompte.

Le rapport moral doit être adopté par le gouvernement puis appliqué. La complémentarité entre les associations spécialisées et la FNSEA est utile et indispensable aujourd'hui.

La cohérence, l'unité du syndicalisme agricole doit aujourd'hui prévaloir.

Rapport des groupes de travail

Groupe 1 : Claude Cochonneau.

Question n° 1 : non.

Question n° 2

2-1. Nous avons affirmé la nécessité des OCM pour toutes les productions.

La cohabitation de productions maîtrisées et organisées avec d'autres productions non organisées n'est pas admissible (délocalisation, transfert des terres…).

Qui devra se charger de l'organisation des productions :
– la profession ?
– les politiques ?
– la grande distribution ?

Les professionnels doivent s'engager et réaffirmer leur position.

Nécessité pour les producteurs de s'organiser face à l'omnipotence de la grande distribution et des centrales d'achat. Notamment sur le lait, UHT et plus difficile sur d'autres produits. Le rapport de force avec les grandes surfaces a été évoqué.

Parallèlement, information de l'opinion publique pour la sensibiliser à la nécessité d'acquérir des produits français voire communautaire. Il y aura du travail à faire.

Le prix de vente payé au producteur est largement inférieur au prix d'achat payé par l'éleveur (exemple du céréalier et du producteur de porcs).

2-2. Ok pour une OCM mais il faut observer une discipline : profiter des avantages mais aussi en supporter les contraintes.

Pour une meilleure efficacité, les OCM doivent se faire au niveau européen. La notion de préférence communautaire est essentielle.

Il faut arrêter de donner des aides au défrichement alors que par ailleurs on limite le volume des productions.

Il convient de privilégier l'extensification.

Une suggestion dans la gestion des droits à produire : en faire des droits de carrière gratuits.

Question n° 3

Nos perspectives de développement en terme de marché se feront principalement au détriment du tiers monde comme les accords du GATT se sont faits sur son dos.

Le double prix que nous voulons : seulement un prix unique (de marché) avec une partie compensée.

Nous avons un paradoxe à gérer :
– volonté de maîtrise les volumes produits par la communauté ;
– volonté d'affirmer une réelle capacité d'exportation.

Donc, si on laisse un espace de liberté aux productivistes à outrance, ils ne doivent pas gêner les autres.

Groupe 2 : M. Marteau

Le monde change, c'est la fin d'une époque et la logique de la liberté économique nous entraîne de toute évidence vers la baisse des prix, voire à leur alignement sur les cours mondiaux.

Les conséquences d'une telle politique constituent un réel danger pour toutes les agricultures et leurs filières économiques. De plus, ce choix risque de provoquer l'effondrement et la ruine des économies des pays en voie de développement. Notre laxisme peut provoquer leur déstabilisation politique voire la remise en cause de leur démocratie.

Les accords du GATT, qui viennent d'être acceptés à Genève, risquent d'accentuer la libéralisation des échanges. Face à ces réalités, il est souhaitable de maintenir et de renforcer l'organisation des marchés :
– pour que les agriculteurs vivent décemment du fruit de leur travail ;
– pour assurer l'indépendance et la sécurité alimentaire du pays ;
– pour aménager l'ensemble du territoire.

Les moyens pour parvenir à ces objectifs sont :
– l'instauration d'une véritable politique de la préférence communautaire qui soit réellement pratiquée et respectée ;
– l'éradication des distorsions de concurrence entre les pays, les régions et les productions ;
–  l'établissement d'une parité fiscale, sociale et financière ;
– la maîtrise des fluctuations des monnaies entre les pays et des fluctuations du dollar qui règlent la grande majorité des échanges ;
– enfin, la baisse des charges.

Le groupe a rappelé avec force l'intérêt d'organiser aux niveaux international, national et régional, le marché.

Cette organisation du marché doit, dans le même temps, limiter les délocalisations et protéger les exploitations à taille humaine. La baisse des prix doit être compensée par des aides économiques qui doivent prendre en compte le coût de production. Cette gestion doit préserver des espaces de liberté et encourager le goût d'entreprendre.

Mais le groupe n'a pas sous-estimé la capacité exportatrice de notre agriculture et, s'il est nécessaire de réguler la liberté de production à l'intérieur de nos frontières, il faut aussi renforcer notre capacité exportatrice.

Aussi, pour conquérir de nouveaux marchés à l'export et pour encourager l'agro-industrie, il faut une véritable politique et financière qui se concrétise par des programmes semblables aux EEP américains.

Toutefois, des voix se sont exprimées pour souligner le danger de produire demain à des niveaux de prix proches de ceux des cours mondiaux. Ces cours sont bas dans la mesure où le marché mondial est considéré comme un marché de dégagement et de bradage. Les quantités produites sur jachère ou à la marge, doivent être encadrées et contractualisées pour éviter tout dérapage et toutes distorsions de concurrence.

La vigilance doit être de mise pour éviter la baisse des prix généralisée, en effet, la tentation est grande d'aligner les prix du marché intérieur sur les prix pratiqués à l'export.

Le groupe a longuement débattu de la destination économique ou sociale des compensations et de leur justification vis-à-vis du grand public. La volonté était d'éviter de voir le contribuable payer deux fois au travers de la fiscalité, mais aussi au travers du produit dont la baisse du prix n'est pas toujours répercutée sur l'étal et dans le panier de la ménagère.

Les aides doivent servir à compenser la baisse des prix dans certains secteurs d'activité agricole, tout en permettant un acte de production pour aménager le territoire.

Qu'on le veuille ou non, les droits incorporels représentent une valeur pour la production concernée mais surtout pour l'entreprise. Toute la question est de savoir comment nous pouvons organiser, orienter et surtout maîtriser les droits incorporels tout en limitant leur valeur. La tendance majoritaire a souhaité une valeur symbolique, ainsi qu'une organisation de la distribution pour assurer une juste répartition de ces droits et leur accessibilité pour les jeunes agriculteurs.

À la question : "quels droits conférer aux conjoints exploitants ?". Le groupe s'est prononcé très clairement et sans ambiguïté pour des droits identiques en rappelant : même droit, même devoir. C'est-à-dire participation active à la vie de l'entreprise.

Enfin et avant de se quitter, l'Assemblée n'a pas éludé la question portant sur la valorisation de l'exploitation à 2 UHT. Là aussi, la majorité s'est prononcée pour des entreprises réalisées à partir des hommes et non des seuls capitaux.

Groupe 3 : M. Madaule

1. La seule logique de liberté économique ne convient pas. Il faut donc engager une réflexion sur l'équilibre à trouver entre soit une organisation assez rigide de type quota, soit une organisation souple permettant des marges de liberté individuelle et d'expansion sur les marchés.

2. L'organisation de la liberté passe par la baisse des charges, la préférence communautaire (la maîtrise n'a pas de sens) et la monnaie unique. L'ensemble doit être organisé mais il n'y a pas de modèle unique : il faut une OCM à géométrie variable et un équilibre offre/demande.

3. La préservation de la cohérence impose de ne pas déstabiliser des productions mais prévoir des passerelles entre droits à produire, à commercialiser…

4. Une réglementation est nécessaire pour assurer la cohérence entre productions et territoire (au cas par cas…).

5. La création de la commission départementale de développement a reçu un accord global de la profession. Certains ont demandé de revitaliser le réseau cantonal structures pour en faire un réseau d'orientation des droits à commercialiser. Le projet départemental doit être l'instrument de synthèse entre les différents intérêts des filières.

6. Les OPA à vocation générale ne peuvent se contenter de faire des discours, d'établir des projets théoriques mais doivent faire la démonstration que l'on ne parle pas pour ne rien dire mais que ce que l'on dit à un sens.

Groupe 4 : Mme Berthommier

Se poser la question de savoir si la liberté économique est la seule réponse possible dans un monde où les frontières deviennent de plus en plus perméables aux productions implique d'abord que l'on réponde à d'autres questions.

Combien voulons-nous d'agriculteurs, quel type d'agriculture voulons-nous, comment voulons-nous que cette agriculture soir répartie sur l'ensemble du territoire ?

La liberté économique telle qu'elle est conçue dans le libellé de la question n° 1 est impossible pour l'agriculture française et pour son économie à laquelle elle rapporte, faut-il le rappeler, 53 milliards d'excédents à la balance commerciale. La liberté économique "à l'état pur" tuerait l'agriculture française. Une liberté économique conduit donc à ce que des paysans éliminent d'autres paysans. Telle n'est pas notre éthique.

Le groupe a fait remarquer que l'agriculteur européen et français en particulier ne pouvait pas être concurrentiel par rapport aux agriculteurs d'autres pays où les coûts fiscaux et sociaux notamment sont relativement bas. Le groupe constate que l'agriculture française et européenne s'inscrit dans le cadre d'une économie de marché insérée dans un système libéral. Ces bases ne doivent pas être remises en cause au profit d'un système administré et dirigiste. Le groupe a donc conclu la première question en considérant que la liberté économique n'était pas la seule réponse à apporter et qu'il convenait de favoriser la mise en place de mécanismes de régulation de cette liberté économique.

Le groupe s'est ensuite penché sur la question 3 et a d'abord disserté sur le maintien ou non d'un prix unique interne à la CEE.

Le groupe a tout d'abord posé comme préalable au maintien d'un prix unique dans la CEE la mise en place d'une monnaie unique, d'une fiscalité unique et d'un régime social unique. Le groupe a insisté pour, qu'au-delà du principe, soient pris les véritables moyens assurant le respect de la préférence communautaire.

Le groupe souhaite le maintien d'un prix unique interne à la communauté supérieure au prix mondial. Ce prix unique qui rémunère la fonction de production de l'agriculteur n'est pas incompatible avec la prise en compte d'une plus-value pour le développement d'un produit labellisé par exemple, avec une politique complémentaire d'aide liée à une compensation de handicaps naturels.

Dans le prolongement de cette question, le groupe a abordé le problème de l'exportation co-responsabilisée. En préambule, il constate que les accords du GATT conduisent à une baisse de 21 % des exportations subventionnées et à un accroissement de la surface en jachère. Face à ce scénario malthusien, le groupe s'est prononcé véritablement pour un maintien, voire même une conquête de nouvelles parts de marchés mondiaux afin de ne pas laisser aux seuls Américains le soin de s'accaparer ce marché mondial.

Sur les moyens à prendre, des points de vue différents se sont exprimés (politique de prix bas à l'exportation pour être compétitifs, maintien des prix à des niveaux corrects pour éviter une chute encore plus importante des cours mondiaux, exportations réalisées dans un cadre contractuel prévenant toute répercussion sur le marché intérieur…).

La coresponsabilité à la charge des producteurs, ne doit pas être linéaire. Elle doit s'appliquer au-delà d'un certain seuil de production par UTH. Le petit producteur n'a pas à payer une part de coresponsabilité. Il faut mettre en place une politique des structures efficace pour éviter la disparition d'un nombre important de petites exploitations.

Le groupe a ensuite abordé la question n° 4 relative aux nouveaux marchés à conquérir. Le groupe s'est montré favorable à la mise en place de nouveaux marchés qui aient pour support l'exploitation agricole. Le groupe souhaite que soit opérée une distinction entre les marchés existants qui sont à développer et de nouveaux marchés potentiels. Chacun a insisté sur les effets induits pour l'ensemble des agriculteurs de ces nouveaux marchés. Ainsi, des agriculteurs qui se livrent à une activité touristique apportent un potentiel de clientèle à d'autres agriculteurs qui produisent des AOC, des produits labellisés ou qui font de la vente directe.

Tous les participants de groupe ont insisté sur la nécessité de réaliser des études de marché avec toute mise en place de nouveaux marchés. Le groupe a souhaité qu'une véritable volonté professionnelle pousse à la mise en place de ces nouveaux marchés qui nécessitent des moyens financiers bien supérieurs à ceux qu'offrent les actuelles mesures agro-environnementales.

Groupe 5 : M. Giroud

Question 1 : Non, la logique de la liberté économique n'est pas la seule réponse. Ceux d'entre nous, les plus exposés à cette logique, qui ne bénéficient d'aucune organisation et aucune protection pour leur production sont ceux qui réclament le plus des modes de régulation des modes de marché.

La liberté économique n'a pas de syndicalisme. Elle est ingérable. Cependant, nous ne pouvons ignorer le marché et ses lois. La réponse à cette question est essentiellement politique.

Que veut l'Europe ? Une zone de libre échange ou un espace économique et social organisé ? La réforme de la PAC et les accords du GATT confortent une vision anglo-saxonne libre échangiste.

Question 2 : Liberté doit être organisée, dans un souci de permettre une rémunération correcte de la production par le prix, en rapprochant au mieux l'offre à la demande. Oui, toutes les productions doivent être organisées. Mais pas de mode d'organisation unique, il nous faut nous garder d'uniformiser.

La préférence communautaire est un préalable à cette organisation. La communauté devrait être redevable et compenser tout déséquilibre de l'offre qui est de son fait. Il est capital de trouver une cohérence d'ensemble. Les instruments de ces OCM qui visent à équilibrer offre et demande communautaires doivent permettre d'assurer une agriculture répartie sur les territoires.

Dans ce système généralisé d'organisation communautaire :
– la préférence communautaire est un préalable indispensable ;
– une réglementation doit favoriser la mobilité des droits trans-productions ;
– permettre la gestion et la restructuration des exploitations ;
– être la plus locale possible pour ménager dans le cadre d'ensemble le plus de souplesse possible.

Pour parvenir à la cohérence de notre système, il y a lieu d'agir à la fois à travers la réglementation, l'incitation (financement, développement, aides) mais aussi par l'information.

Je me dois de souligner quelques paradoxes qui ressortent de nos débats :
– comment préserver notre marché intérieur et vouloir une présence sur les marchés extra-communautaires ;
– comment maintenir une capacité d'exportation et se fermer aux importations des pays tiers.

Question 5 : Bien entendu, nos entreprises doivent pouvoir bénéficier d'une adaptation juridique, fiscale et sociale. En ce qui concerne les droits incorporels, nous devons en reconnaître le principe, reconnaître leur existence. D'ailleurs ils existaient déjà, sans statut, mais avec une valeur économique reconnue via le foncier (pas de porte, etc.).

Le groupe s'accordait à dire qu'il n'y a pas lieu de créer une rente de situation pour les agriculteurs à qui on a octroyé un jour des droits. À l'heure de la réduction des charges, la cession des droits doit se faire à une valeur réduite.

Droits des conjoints

Quel que soit la situation matrimoniale, les conjoints doivent bénéficier des mêmes droits s'ils participent l'un et l'autre à la gestion de l'exploitation et en partagent les risques financiers. La question est de savoir si l'ensemble des droits est multiplié ou divisé par deux. Selon les départements, les marges de manœuvre sont différentes et l'octroi de droits aux conjoints très variable.

Nombre d'UTH

Le groupe convient que le nombre d'UTH souhaitable est celui qui permet à l'agriculteur de pouvoir se libérer de son travail. Il n'a pas tranché sur la place des salariés et leur prise en compte pour les droits et les compensations.

Par contre, il insiste pour que l'on en perde pas de vue les valeurs d'engagement et de responsabilité qui caractérise l'exploitation familiale même si le lien d'exploitation famille se distend.

Groupe 6 : M. Petitpas

Le groupe 6 avait à répondre aux questions 1, 3 et 6, mais le foisonnement des échanges n'a pas réellement permis de différencier des réponses nettes entre la premières et la troisième question, c'est pourquoi le rapporteur s'est permis une réponse globale.

Questions 1-3. : Dans un monde où les frontières deviennent de plus en plus perméables – aux productions – la logique de la liberté économique est-elle la seule réponse possible ?

Et l'ouverture vers les marchés mondiaux tirant les prix des produits agricoles vers le bas, peut-on, d'une part, maintenir un prix unique interne à la CEE, et d'autre part, que penser de l'exportation "coresponsabilitée" ?

Le groupe 6 s'est exprimé pour un non plutôt nuancé à une logique de liberté économique.

À cette réponse, le groupe a avancé un certain nombre de justifications :
– le cours mondial n'a aucun fondement économique ;
– la politique de distorsion de concurrence tant au sein de l'Union européenne que dans le cadre international, ne rend pas possible une politique excessivement libérale ;
– les prix pratiqués sont inférieurs aux prix de revient ;
– la préférence communautaire n'est pas respectée ;
– les politiques de soutien apparaissent indispensables comme politiques d'accompagnement et d'adaptation ;
– pas de liberté économique tant que règne l'anarchie des marchés. Le libéralisme doit respecter des règles minimums ;
– enfin, le groupe voit une ambiguïté entre l'économie libérale qui, par principe éliminera certains agriculteurs du marché, et l'objectif du maintien d'un maximum d'agriculteurs sur le territoire.

Ceci étant, le groupe est favorable à une ouverture sur le marché mondial. Le prix mondial serait, pour certains, un prix de marché tenant compte du prix de revient accompagné d'une politique de soutien qui serait alors justifiée (aux yeux de l'opinion publique) par les distorsions existantes entre les pays.

Il a été proposé de différencier deux types de prix :
– un prix destiné pour l'Union européenne ;
– et un prix destiné à l'exportation, soumis à la compétitivité internationale, avec ou sans soutien.

Une action sur le prix semble préférable.

Le groupe est favorable à une maîtrise des productions, dans le cadre d'un équilibrage entre l'offre et la demande.

Les participants ont reconnu que "l'organisation commune des marchés" est un outil de maîtrise et qu'il serait bon de l'étendre aux productions qui n'en bénéficient pas (fruits, légumes, viandes porcines, volailles…), certains étant déjà en négociation.

Mais le groupe a conscience que la mise ne place d'une OCM implique un risque de délocalisation. Il ressort des débats que le groupe ne refuse pas la compétitivité, mais refuse de ne faire que de l'aménagement du territoire.

À la question 6 : Le rapport propose la création d'une commission départementale de développement et de restructuration qui assurerait :
– la gestion rénovée des structures :
– la gestion des droits à livrer et à bénéficier des primes ;
– la gestion des aides compensatoires, mais aussi le financement des exploitations, l'installation, l'aménagement du territoire.

Question 6-1. : comment voyez-vous le fonctionnement de cette commission ?

Question 6-2. : quelle liaison voyez-vous entre le travail de cette commission et le projet départemental que votre FDSEA/UDSEA a élaboré ?

Il ressort un consensus dans la recherche d'une cohésion nationale d'orienter et d'organiser l'équilibre entre les productions, les régions et les hommes. La cohérence entre l'organisation syndicale et les organisations économiques doit être exprimée.

Cette commission pourrait permettre de reprendre des pouvoirs à l'administration en la construisant mieux qu'aujourd'hui.

Quelques-uns estiment que cette proposition de la FNSEA va trop loin.

Réponse des secrétaires généraux

M. Gérard Lapie – Secrétaire Général

Chers amis, quelques mots de réponse.

Pour rendre l'efficacité économique à l'agriculture, deux leviers sont importants : les prix et les charges (fiscales, sociales et financières).

Il faut tout mettre en œuvre pour que les entreprises individuelles que nous représentons soient traitées de façon équitable par rapport aux sociétés de capitaux. La fiscalité et les cotisations sociales doivent permettre l'exercice de la liberté dont on a beaucoup parlé lors de ce congrès.

Nous savions tous que le débat me serait pas clos à ce congrès. Au contraire c'est le début d'une nouvelle route, d'un nouveau chemin syndical basé sur le "oui" comme l'a dit Michel Teyssedou.

Ce qui nous appartient de faire est de réguler ce qui nous oppose, nous rend concurrent et dans lequel l'ensemble des agriculteurs peuvent se retrouver.

Il faut retrouver le sens le combat syndical.

Notre combat syndical est celui des hommes et de l'intégration de l'activité agricole dans l'ensemble de la société pour qu'elle reconnaisse sa fonction économique et d'aménagement du territoire.

La liberté si elle n'est pas régulée est oppression. La globalité de notre combat en fait la grandeur.

Dès la fin du congrès il faut aller voir les parlementaires pour que nos 20 propositions et les 10 sur l'aménagement du territoire avance.

Il faut poursuivre notre travail et le faire vivre !

M. Michel Teyssedou, Secrétaire général adjoint

Le sens de notre combat ; se battre pour les hommes, ce combat doit prévaloir à tout instant.

Ne pas confondre le pourquoi et le comment. Ce qui nous rassemble, ce qui nous fait avancer, ce sont nos différences.

Aujourd'hui, il faut tenter d'être "pour", c'est plus difficile que d'être "contre". Il faut se repositionner, tenir compte du contexte : produire pour un marché, répondre à une demande.

Or, les pouvoirs publics nous demandent de vendre à un prix intérieur au coût de production. Nous subissons donc un préjudice qui doit être compensé. Ce qui constitue notre revenu, c'est donc le marché et les compensations de ce préjudice.

Il faut aussi, aujourd'hui, ensuite, mettre en exergue ce que nous produisons gratuitement depuis des siècles : du non alimentaire, des services, de l'aménagement.

Mais, il faut le répéter : la fonction première d'un paysan n'est pas de faire de l'aménagement du territoire, mais de produire.

Ces missions induites doivent cependant être valorisées. C'est ce qui a conditionné le changement du texte du rapport moral sur la rémunération de la gestion de l'espace.

Il n'existe pas deux types d'agriculteurs, ceux qui aménagent et ceux qui produisent de manière compétitive. Mais tous produisent avec des niveaux de compensation nécessaires différents. Le soutien est un élément du revenu. Il faut donc organiser entre nous l'accès au marché et la répartition de la production. Si ce n'est pas nous qui le faisons, le marché le fera et plus douloureusement.

Il faut garder le plus possible d'actifs agricoles sur l'ensemble du territoire. Cette présence forte rendra plus facile la prise en compte de toute ce que l'agriculture peut apporter à la société.

Nous sommes pour une politique européenne qui renforce la préférence communautaire. Ce qui fera notre unité, c'est la cohérence, la synthèse de la prise en compte de nos différences, traitées de manière différente.

Il ne faut pas confondre les compensations de handicaps naturels et celles qui compensent un préjudice subi. Mais, nous ne sommes pas là pour inventer des concepts de politique agricole mais pour faire appliquer ces politiques. La commission départementale doit faire appliquer concrètement cette politique dans le respect des uns et des autres.

Notre avenir ne se bâtira pas sur le dos de notre voisin, il faut faire en sorte que l'action collective soit la règle de l'action de tous les jours. Ce rapport est un point de départ pour construire un véritable projet dans les années à venir.

M. Luc Guyau – Président de la FNSEA

Le rapport présenté est un document d'orientation qui doit être parfait par la suite.

Le rapport d'orientation est adopté à l'unanimité moins 5 abstentions.

Bon travail. Merci.