Interviews de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, dans "La Vie" le 25 juin 1998 et "Témoignage chrétien" le 2 juillet, sur le bilan de son action au sein du gouvernement depuis un an et les priorités pour l'avenir, notamment en matière d'emploi des jeunes, 35 heures, politique familiale et égalité professionnelle, dépenses de santé, droits fondamentaux et lutte contre l'exclusion.

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Média : CFTC La Vie à défendre - La Vie - Témoignage chrétien

Texte intégral

La vie – 25 juin 1998

La vie : La gauche est revenue au pouvoir il y a un an, avec pour objectif principal de faire reculer le chômage. Diriez-vous aujourd’hui : mission accomplie ?

Martine Aubry : Nous allons dans le bon sens : le chômage a baissé de 150 000 demandeurs d’emploi depuis octobre. Quand nous sommes arrivés, notre pays semblait asphyxié, avec une consommation étale, des niveaux d’investissements extrêmement faibles, une confiance limitée des Français dans l’avenir. Nous avons redonné du pouvoir d’achat à ceux qui en avaient le plus besoin et relancé une dynamique de croissance. La France a repris confiance et s’est remise en marche. Elle va mieux aujourd’hui, mais un certain nombre de Français n’en ressentent pas les effets positifs. On peut comprendre l’impatience, la déception et parfois même le sentiment d’injustice de ceux qui ne trouvent pas encore leur place dans la société. Aujourd’hui, tous les médias disent : « Ça va mieux, les indicateurs s’améliorent, on consomme, le moral est bon, les gens partent en vacances, etc. »
Mais il y a des hommes et des femmes pour lesquels rien ne change. C’est à ceux-là qu’il faut penser en priorité. Nous le faisons.

La vie : Quelle part la croissance doit-elle à l’action du Gouvernement, et quelle part à l’environnement international ? On dit souvent que ce Gouvernement a de la chance…

Martine Aubry : On a la chance qu’on mérite ! Bien évidemment, l’environnement international joue. Mais nous avons su saisir cette chance, utiliser un contexte qui n’était pas non plus défavorable lorsque la droite était au pouvoir. Nous avons redonné du pouvoir d’achat par l’augmentation du Smic, le transfert des cotisations salariales sur la CSG, l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire…

La vie : Contrairement à l’idée reçue, vous pensez qu’il y a bien une marge de manœuvre politique ?

Martine Aubry : J’en ai toujours été convaincue, sinon je ne ferais pas de politique. Si on pense que la fatalité ou des mécanismes automatiques indépendants de la volonté des hommes règlent nos sociétés, il ne faut pas faire de politique.

La vie : La loi sur les 35 heures vient d’être votée. Pensez-vous que le patronat va jouer le jeu de la négociation ?

Martine Aubry : Je le crois pour de nombreuses raisons. Les chefs d’entreprise sont des hommes et des femmes réalistes, qui prennent des risques tous les jours. Ils ont lu le texte de loi. Beaucoup d’entre eux en ont compris les opportunités : on peut changer l’organisation du travail pour mieux utiliser les équipements, mieux adapter les horaires, pour répondre mieux aux besoins du marché. Les aides de l’État y concourent. Ils savent aussi à quel point le chômage coûte cher. Il y a une forte prise de conscience chez certains chefs d’entreprise qui sont décidés à essayer. Pour un chef d’entreprise se dire : « Chiche, je négocie les 35 heures », c’est prendre un risque raisonné et qui peut être positif pour tout le monde. J’aurais été extrêmement étonnée qu’il y ait de leur part une réaction d’attentisme ou de refus dès lors qu’existent des opportunités positives.

La vie : Vous êtes en-dessous de l’objectif chiffré pour les emplois jeunes. À quoi attribuez-vous ce retard ?

Martine Aubry : Je ne crois pas qu’on soit en-dessous des chiffres annoncés. En six mois, nous sommes déjà à 100 000 emplois créés, avec 65 000 jeunes en poste. Le dispositif démarre très bien. Contrairement à ce qu’on dit, la moitié des jeunes recrutés sont en-dessous du bac et 25 % en dessous du CAP. Un certain nombre de jeunes, environ 25 %, sont payés au-dessus du Smic, preuve que nous créons des emplois de qualité. Enfin, on voit énormément d’expériences innovantes, portées notamment par les associations et par les communes rurales qui se regroupent pour créer ensemble des emplois autour du tourisme, de l’environnement, de l’accueil des enfants, par exemple. Le point le plus faible, c’est qu’un certain nombre de villes ne s’y sont pas encore mises autant qu’on aurait pu l’espérer.

La vie : Vous avez renoncé à la mise sous conditions de ressources des allocations familiales. Si un gouvernement Balladur ou Juppé avait fait cela, on aurait dit : « Il recule. » Là, on dit : « C’est intelligent. » Est-ce l’effet de la méthode Aubry, ou de la méthode Jospin ?

Martine Aubry : Sur le fond, nous n’avons pas changé. Il y a un an, face aux 12 milliards, de déficit de la branche famille, il fallait prendre des mesures de solidarité. Certains s’en sont émus au nom de l’universalité des allocations familiales, et nous avons accepté de retravailler la question. Le quotient familial est moins brutal et plus juste. Le Premier ministre a accepté de modifier la technique. Cette année, nous avons donc retenu une mesure de solidarité encore meilleure. Nous avons travaillé avec les associations familiales. Chacun a fait un pas, et nous sommes arrivés à des solutions sur lesquelles tout le monde se retrouve. C’est une bonne démarche démocratique.

La vie : Peut-on dire qu’il y a une politique familiale de gauche ?
La famille ne peut être récupérée par personne. C’est la cellule naturelle de base et qui relève de la sphère privée. Mais il peut y avoir une politique familiale de droite ou de gauche, cette dernière étant plus sensible à l’accès de tous à un certain nombre de droits : le logement, les modes de garde, une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale, l’accompagnement des familles qui n’arrivent pas à remplir leur mission et, pour financer le tout, plus de justice sociale.

La vie : Le dossier des sans-papiers est-il une épine dans le pied de la gauche plurielle ?

Martine Aubry : Je partage tout à fait les termes de la circulaire de Jean-Pierre Chevènement. Il y a des recours possibles, qui seront examinés avec la volonté de prendre en compte la situation de chaque personne, et avec humanité, ce qui ne veut pas dire avec laxisme. Nous ne souhaitons pas stigmatiser ceux qui n’ont pas été régularisés, mais les aider à rentrer dans leur pays dans des conditions convenables, de la manière la plus douce possible. Je ne dis pas que c’est facile. Si un sujet comme ça était facile, ça se saurait.

La vie : La gauche de la gauche vous reproche de gérer la crise, d’accompagner le système libéral. Craignez-vous l’émergence d’un courant de radicalité ?

Martine Aubry : J’entends beaucoup de cris, de manifestations, mais peu de propositions. Faire de la politique, ce n’est pas seulement s’opposer. C’est aussi proposer. Je parlerai de pensée radicale lorsqu’il y aura de riches propositions et la volonté d’en discuter.
Il existe, dans cette mouvance, des associations qui se battent sur le terrain, depuis des années, avec les gens en difficulté. Elles nous ont beaucoup appris, notamment pour la loi contre les exclusions. Elles nous aident à mettre le doigt sur des vérités qui font mal, et que nous devons traiter. Cela est sain qu’elles existent dans une démocratie.

La vie : De l’autre côté de l’échiquier politique, vous vous heurtez à la montée du Front national.

Martine Aubry : Les gens qui votent pour des mouvements extrêmes sont souvent des hommes et des femmes qui ont l’impression que la Nation les a oubliés. Il faut que la République parle à tous. Nous devons aller vers eux afin que chacun soit reconnu pour ce qu’il est. Si chacun se sent partie prenante de notre projet, même si toutes les réponses ne sont pas là demain, les citoyens auront une autre attitude vis-à-vis de la politique et seront davantage tournés vers l’amélioration de la société que vers la radicalité. La meilleure réponse à apporter aux extrêmes de tous ordres, c’est d’être capable de faire monter le plus grand nombre de gens dans le train du mouvement.

Témoignage Chrétien le 2 juillet 1998

Témoignage Chrétien : À propos des emplois jeunes, la grande question reste leur financement à terme : l’Éducation nationale, qui en est encore le plus gros pourvoyeur, va-t-elle en faire des fonctionnaires et les associations et collectivités locales trouveront-elles les fonds nécessaires ?

Martine Aubry : D’abord, je ne connais pas aujourd’hui une entreprise en France qui est sûre de ses emplois pendant cinq ans. Quand vous parlez avec ces jeunes, cinq ans c’est inespéré par rapport à ce qu’ils avaient jusqu’à présent.
Sur le fond nous sommes dans une logique de pérennisation de ces emplois en solvabilisant la demande, c’est-à-dire que les clients paieront un certain nombre de services, ce qui ne veut pas dire que tous seront payants.
Je vous donne un exemple, puisqu’à Lille j’avais déjà lancé ce type d’emplois en 1995 : les médiateurs du livre qui ont été embauchés par la bibliothèque pour aller vers des personnes qui ne peuvent pas se déplacer ou qui n’iraient pas spontanément vers le livre. Ils travaillent dans des classes primaires en difficulté et ça c’est évidemment gratuit. Mais ils louent aussi leurs services auprès de cliniques privées ou de maisons de retraite ou les personnes paient ce service. Cela permet ainsi de financer ces emplois pour remplir des tâches dont certaines sont gratuites.
En revanche, en ce qui concerne l’Éducation nationale, la logique est différente : il ne s’agit pas d’emplois qui vont être tenus pendant cinq ans par les mêmes jeunes. Ce sont des emplois qui vont permettre à ces jeunes d’acquérir une expérience, de préciser ce qu’ils veulent faire. Ils vont avoir droit à une formation importante soit pour passer les concours publics, soit pour chercher d’autres voies. Ces emplois vont donc être proposés à plusieurs jeunes tout au long des cinq ans. Ils n’y resteront pas forcément cinq ans (mais on ne va pas les mettre dehors s’ils ne trouvent rien). Par ailleurs, le poste continuera à exister une fois qu’ils seront partis et pourra être proposé à d’autres jeunes.

Témoignage Chrétien : Pour les autres emplois, comment les jeunes acquerront-ils une expérience professionnelle qui sera valorisable ensuite sur le marché ?

Martine Aubry : D’abord je pense qu’une bonne partie de ces emplois vont perdurer après cinq ans, donc beaucoup de ces jeunes ont vocation à rester dans ces emplois. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne vont pas les enrichir. Ils peuvent commencer sur un emploi moins qualifié dans un métier, se professionnaliser et grimper dans l’échelle de ce métier.
Ainsi quand on aides les personnes âgées, il y a ceux qui portent des repas, ce n’est pas un travail très qualifié, et il y a ceux qui peuvent faire des soins à domicile après avoir suivi une formation, ce qui est un métier beaucoup plus qualifié. Il faut donc regarder ces emplois de manière dynamique et ouverte.
Par ailleurs, nous mettons à la disposition de ceux qui le souhaitent des formations. Certains réseaux, comme l’Éducation populaire ou le Tourisme vont organiser leur propre formation et nous allons mettre en place des plates-formes régionale de formation pour ceux qui ne sont pas pris en charge par un circuit particulier. Elles vont aider les petites communes à créer des emplois, suivre les évolutions professionnelles, organiser les formations.

Témoignage Chrétien : La loi sur la réduction du temps de travail va entrer en vigueur. Comment voyez-vous sa mise en route, quelles sont vos craintes ou même vos regrets face à cette loi ?

Martine Aubry : Pour l’instant je n’ai pas de regrets sur la loi, elle a été votée en un temps record malgré toutes les oppositions et je crois qu’elle est équilibrée. Elle laisse des souplesses aux négociateurs, et c’est nécessaire car la réduction du temps de travail ce n’est pas une chose facile. Peut-être nous rendrons-nous compte qu’elle présente des difficultés, mais dans ce cas-là nous les corrigerons dans la deuxième loi en 1999. Notre rôle maintenant c’est d’informer, de faire circuler de l’information, de faire connaître les expériences innovantes. Je crois qu’elle peut être aussi l’occasion d’un apprentissage de l’action collective et de la négociation dans les entreprises.

Témoignage Chrétien : La loi sur l’exclusion a reçu un accueil plutôt favorable, mais nous sommes restés sur notre faim concernant l’augmentation plus que modeste des minimas sociaux, l’assurance universelle et une prise en charge des jeunes de moins de 25 ans sans ressources. Pourquoi ne pas avoir été plus loin dans la loi ?

Martine Aubry : Tout dépend quelle société on veut construire. Me donner bonne conscience en donnant un peu plus à ceux qui sont en panne ne me satisfait pas. Je préfère tourner le dos à l’assistance et donner à chacun des droits, c’est plus exigeant et d’ailleurs également plus coûteux. Nous avons choisi de rattraper d’abord quelques retards et quelques injustices sur les minimas sociaux, ensuite d’utiliser les cinquante milliards prévus par la loi à des dépenses actives, comme l’allocation de rentrée scolaire, les cantines, les inscriptions gratuites au sport et à la culture pour les enfants, l’aide au logement, etc. Ces allocations vont permettre d’accroître le budget des familles qui auront moins à dépenser sur ces minimas qui, nous en sommes tous d’accord, sont insuffisants pour vivre. Ma conviction c’est que ces gens ont besoin non d’une augmentation ponctuelle mais d’un accompagnement long pour pouvoir rentrer dans le circuit de l’emploi.
Pour les jeunes de moins de 25 ans, je n’ai pas la même opinion que les associations de chômeurs, mais peut-être que nous ne voulons-nous pas construire la même société. Je ne me satisfais pas d’une société qui donne un chèque aux jeunes en s’excusant de ne pas leur trouver une vraie place. Je connais bien les jeunes des quartiers en difficulté, je sais combien ils sont désespérés de ne pas avoir de place dans la société et je préfère me battre pour leur en faire une. C’est pourquoi j’ai choisi de les remettre dans le circuit de la qualification et de l’emploi par des programmes qui coûtent d’ailleurs plus chers que le RMI. Ce sont des programmes « sur mesures » qui s’adaptent à chaque jeune et demandent donc beaucoup de moyens : il y aura, par exemple, dès septembre sept cents personnes de plus dans les missions locales.
Pour ce qui est de l’assurance universelle, nous avons travaillé sur une couverture maladie universelle : mon objectif c’est que personne, en France, ne renonce à se faire soigner parce qu’il n’a pas d’argent. Pour cela, il nous a fallu reprendre le dossier avec toutes les institutions qui traitent ce problème, ce qui a pris du temps. Il faut aussi faire le lien avec la loi de financement de la Sécurité sociale les deux lois seront donc votées à l’automne. C’est donc pour moi un des gros dossiers de la rentrée.

Témoignage Chrétien : Geneviève Fraisse, Déléguée interministérielle aux droits des femmes, s’est plainte récemment que les réformes faite par le gouvernement Jospin ne prenaient pas assez en compte les problèmes des femmes. Comment réagissez-vous ?

Martine Aubry : D’abord j’espère que la Déléguée interministérielle n’est pas là seulement pour soulever les problèmes mais aussi pour m’aider à y apporter des réponses !
Le dossier pour moi le plus délicat c’est la question de l’égalité professionnelle et en particulier celui de l’égalité dans les entreprises. La loi Roudy a constitué une avancée ; on a maintenant besoin d’autres outils et nous travaillons avec plusieurs groupes pour réfléchir à une véritable égalité dans les entreprises en matière de conditions de travail, de carrière et de salaires. Mais sur le fond, je pense que dans la plupart des cas, nous ne devons pas favoriser les femmes sauf quand elles sont en retard. Par exemple pour la durée du travail, si je propose des conditions particulières pour les femmes, nous retombons dans le travail à temps partiel et je ne veux pas qu’on condamne les femmes au temps partiel. Pour moi, les 35 heures c’est aussi donner la possibilité aux pères de remplir leur rôle et pas seulement libérer les femmes pour qu’elles s’occupent des enfants et des tâches ménagères. Ne créons pas nous-mêmes des discriminations !

Témoignage Chrétien : Pour l’avenir quelles sont vos priorités ? La Sécurité sociale ?

Martine Aubry : Je ne pense pas que ce soit un dossier prioritaire. D’abord parce qu’on a fait des progrès dans ce domaine et qu’il n’y a pas besoin d’un énième plan. Plutôt d’une politique cohérente qui utilise mieux les ressources. Mais sur le fond, je crois que les dépenses de santé vont continuer à augmenter parce que notre pays se développe et que l’âge moyen augmente.
Mais ma priorité va être de penser à ceux qui ne ressentent pas encore l’amélioration due à la reprise de la croissance. Le pays va mieux mais je sais qu’il reste trois millions de chômeurs et beaucoup de gens désespérés. Donc pour moi l’action essentielle des deux années à venir va concerner les jeunes loin de l’emploi et les chômeurs de longue durée pour lesquels je vais mettre en place des procédures d’accueil, d’accompagnement et des projets individuels sur le moyen terme pour les mener vers la qualification et l’emploi.
L’accès de tous aux droits fondamentaux est également une priorité. Je crois que les citoyens qui se tournent vers l’extrême droite ou qui s’abstiennent, sont des gens qui croient que la République ne veut plus rien leur donner. L’action du Gouvernement doit donc redonner un sens à la République et au service public. Dans ce cadre pour moi le chantier majeur c’est la santé. Le second chantier qui dépasse évidemment ce ministère c’est tout ce qui touche à l’organisation géographique : les villes et l’aménagement du territoire. Reconstruire des vraies villes sans ségrégation sociale où toutes les catégories sociales se rencontrent et où tous les quartiers bénéficient de tous les services auxquels tous les hommes ont droit. C’est une condition du maintien de la démocratie dans ce pays.
En termes de méthode il s’agit pour moi d’être à l’écoute de la société et même si certains mouvements peuvent agacer, il est bon qu’ils existent parce qu’ils mettent le doigt où ça fait mal. La pire des choses serait une société atone, qui ne bouge pas. Mais en même temps il faut que ces gens-là puissent faire des propositions. Certains le font, c’est le cas des associations humanitaires qui ont porté la loi sur l’exclusion.

Témoignage Chrétien : Voulez-vous dire que les associations de chômeurs ne sont pas porteuses de propositions ?

Martine Aubry : Cela dépend lesquelles et cela dépend des niveaux. Je les connais depuis longtemps, j’ai sans doute été la première personnalité politique à plaider pour leur reconnaissance. Dans le Nord, à Lille, nous travaillons avec les associations de chômeurs, avec AC ! en particulier, et je n’ai jamais eu de problème avec eux sur le travail de terrain. Mais au niveau national, ils portent des revendications que je trouve un peu faciles : c’est plus simple de demander le RMI pour les jeunes que de chercher à les reconduire vers la qualification et l’emploi. Mais chacun son rôle et ce n’est pas moi qui regretterai que la société se mette en marche, même si parfois ça bouscule.

Témoignage Chrétien : Plus globalement, ce n’est pas la première fois que vous êtes à ce ministère, avez-vous le sentiment de disposer vraiment des moyens de la politique que vous souhaitez mener ?

Martine Aubry : Oui, vraiment. D’abord je suis associée à toutes les grandes décisions économiques, ce qui pour moi est essentiel. Ce n’est pas seulement le ministère des maux ou des dépenses. Je l’avais souhaité, Lionel Jospin s’y était engagé, il respecte totalement son engagement. Ensuite, c’est vraiment la priorité du Gouvernement et notre mode de fonctionnement très collectif permet à chaque fois une amélioration des projets. Enfin, je trouve qu’on travaille beaucoup mieux avec le Parlement, très en amont avec l’ensemble des groupes politiques, ce qui permet d’enrichir les projets, de mieux se comprendre et d’avoir des vrais débats politiques.