Texte intégral
Notre engagement syndical pour nos valeurs et nos métiers au service des jeunes et du public
"Le syndicalisme a pour finalité l'émancipation de chaque femme et de chaque homme. Son action quotidienne pour améliorer le sort des travailleurs doit participer de cet objectif global. Les exigences du syndicalisme de transformation sociale n'ont de sens que si elles s'inscrivent dans une vision de la société qui place l'Homme au cœur de toute démarche."
Extraites du préambule aux statuts de la FEN, ces phrases à elles seules définissent le sens de notre démarche syndicale réformiste et la placent résolument sous le signe des droits de la personne humaine et des libertés.
1. – Notre syndicalisme pour les droits de la personne humaine et les libertés
1.1. Un bouleversement du monde, porteur d'espoir mais aussi de dangers nouveaux.
Porteur d'espoir, ce siècle aura vu naître, s'épanouir puis s'effondrer l'idée même que le communiste était une solution d'avenir pour l'humanité. "Le modèle communiste" qui s'était autoproclamé comme étant la seule alternative possible à l'exploitation capitaliste, a échoué dans tous les domaines. Il n'a apporté ni la prospérité économique, ni la justice sociale, ni la liberté. Son effondrement prouve combien les systèmes produits par cette idéologie ont perverti l'immense espérance en un monde de progrès, d'égalité, de paix, de justice et de liberté.
Ce sont bien les exigences de liberté, de solidarité, de responsabilité et de dignité qui ont permis aux femmes et aux hommes de se débarrasser du joug totalitaire. C'est encore une fois le principe du Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes qui s'est imposé. La liberté a triomphé dans l'effondrement de l'idéologie communiste. mais le capitalisme et le libéralisme, loin de se confondre avec la liberté entravent l'émancipation de l'Homme et le syndicalisme de transformation sociale dont nous nous réclamons.
Nous vivons dans un monde incertain qui doit rechercher des voies nouvelles de développement économique et social. L'interdépendance économique des états, les formidables moyens de communication et d'information imposent, plus que jamais, l'élaboration de projets de société qui dépassent largement le cadre des nations. Le terrain est libre pour de grandes avancées si nous savons ne pas confondre idéal et illusion, mais, hélas, aussi pour de nouvelles erreurs et de nouvelles déceptions. Le syndicalisme, quant à lui, doit inscrire ses propositions dans le cadre d'un projet de transformation sociale, prenant en compte les évolutions du monde et les aspirations à la laïcité, au progrès social, à la justice, à la liberté, à la paix et au développement.
1.2. Répondre aux vrais enjeux
Les bouleversements intervenus au cours des deux dernières décennies ont substitué le doute aux utopies mobilisatrices d'hier, estompé les repères, déstabilisé les systèmes de valeurs. Aucune société ne peut vivre sans repères, sans valeurs et sans idéal. Il faut organiser Les solidarités et particulièrement la solidarité syndicale dans un monde qui se divise de plus en plus entre riches et pauvres. Cette division existe à l'intérieur de tous les états. Les inégalités s'aggravent dans tous les domaines (santé, éducation, libertés, communication…) et menacent la cohésion sociale. Cette situation est contraire à tous les principes qui fondent les Droits de l'Homme et dont se parent toutes les démocraties. Elle constitue un facteur de tension internationale, un terrain favorable au développement des dictatures, du racisme, de la xénophobie et des fanatismes qui se nourrissent du sous-développement et de l'ignorance.
1.3. Promouvoir la solidarité
Le syndicalisme doit affirmer une exigence de progrès et de solidarité pour renforcer la démocratie partout dans le monde. La mondialisation de l'économie impose une internationalisation du syndicalisme. Elle lui impose également un devoir de solidarité en direction des pays les moins avancés. Les salariés des nations développées ne peuvent envisager de défendre leurs intérêts indépendamment de ceux des trois quarts des habitants de la planète, La coopération syndicale internationale doit s'attacher à former les citoyens, à développer une conscience civique, à combattre les exclusions et à refuser l'intolérance et les extrémismes religieux, politiques et nationalistes, le racisme et la xénophobie, en un mot, elle doit promouvoir la laïcité.
1.4. Défendre la paix
1.4.1. Une chance nouvelle
La fin de la guerre froide a supprimé les risques d''affrontement direct entre les deux superpuissances. Elle a également mis fin à leur affrontement indirect dans les conflits locaux de nombreux pays d'Amérique Latine, d'Afrique, d'Asie… mais la paix est toujours aussi menacée, sinon plus. Une chance nouvelle s'ouvre pour que les instances internationales, et en particulier l'ONU, jouent pleinement le rôle pour lequel elles ont été créées. Le respect des décisions prises par ces instances doit reposer sur un droit international reconnu et accepté par tous les pays du monde mais aussi sur des moyens financiers et logistiques suffisants.
De même, il est urgent de formaliser le droit d'ingérence. Il ne peut avoir un caractère uniquement humanitaire ou n'être qu'une opération de maintien de l'ordre imposée de façon partisane. Nous nous prononçons pour un renforcement du rôle de l'ONU, notamment dans la recherche négociée et préventive aux conflits, pour une réduction et une reconversion des industries d'armement, pour un accord international sur l'arrêt des essais nucléaires, mais il est indispensable d'améliorer le fonctionnement de L'ONU, de faire en sorte que tous les États soient plus largement impliqués dans ses prises de décisions et, que lui soient donnés véritablement les moyens indispensables à leur application.
Profondément attachés à la paix, nous rappelons notre condamnation absolue du terrorisme et de ceux qui bafouent les droits de la personne humaine partout dans le monde. Nous soutenons tous les peuples qui luttent pour la démocratie.
1.4.2. Un niveau de défense nécessaire et un service national plus égalitaire
Si La logique d'affrontement entre les deux blocs a disparu, la paix est toujours menacée : conflits ethniques ou intercommunautaires qui révèlent des nationalismes exacerbés, dissémination nucléaire par l'exode des spécialistes et revente des matériels, situation favorisée par les nécessités économiques et La logique du profit. Un système de défense est donc encore nécessaire.
Ce système de défense doit reposer sur le principe républicain de la conscription. Chacun doit accomplir le service national dans des conditions comparables. Nous avons approuvé la diminution du temps du service militaire et demandons l'extension de cette mesure à l'ensemble des formes civiles à condition qu'elles revêtent un réel caractère social, qu'elles n'empêchent pas la création des postes nécessaires dans les différents ministères concernés et qu'elles soient proposées à tous les niveaux de qualification.
Nous demandons également de retarder d'un an l'âge du recensement pour diminuer le nombre de recensés d'office qui perdent leur droit au report d'incorporation.
1.5. Promouvoir la laïcité et les droits de la personne humaine, renforcer l'éducation à la citoyenneté, facteurs essentiels de cohésion sociale
1.5.1. Restaurer la citoyenneté
Nous réaffirmons que dans une authentique démocratie, le pouvoir appartient au Citoyen. Dans un monde en pleine mutation, il est décisif pour l'avenir de redéfinir une notion moderne d la citoyenneté fondée sur les valeurs républicaines. La laïcité reste la différence majeure de notre conception de la citoyenneté ; elle est une éthique de la vie sociale fondée sur les exigences de liberté, d'égalité, de fraternité, de responsabilité, de respect d'autrui. C'est un principe constitutionnel. La laïcité est le fondement des libertés.
Nous rappelons que la République ne connaît que des citoyens libres et égaux en droits, quelles que soient leurs origines, quels que soient leurs sexes, quels que soient leurs choix idéologiques, religieux ou philosophiques. C'est pour cette raison que nous rejetons aussi bien l'uniformisation des individus qu'un État conçu comme la juxtaposition de communautés. Nous rappelons, à cet effet le rôle déterminant du Service public d'éducation pour l'apprentissage et le développement de la citoyenneté et nous nous prononçons ur un renforcement, en son sein, de l'éducation aux Droits de l'Homme et du Citoyen. Notre objectif est de lutter contre toutes les formes d'exclusion et de ségrégation. Nous estimons prioritaire d'assurer l'intégration de tous à égalité de droits et de devoirs. Nous réaffirmons notre attachement aux principes républicains de la citoyenneté notamment en ce qui concerne le code de la nationalité fondé sur le droit du sol et la garantie du droit d'asile définis par la Convention de Genève. Nous réaffirmons aussi notre volonté de voir accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales ; nous souhaitons que soient prises toutes dispositions destinées à favoriser l'accès à la nationalité française.
Dans le cadre des principes républicains et dans son combat général contre toutes les formes d'exclusion et de discrimination, nous luttons contre le racisme et la xénophobie dont nous rappelons le caractère délictueux.
1.5.2. Engager une politique de la ville ambitieuse
La volonté de restaurer le principe de citoyenneté et d'en favoriser l'exercice, oblige l'État à engager une politique de la ville ambitieuse.
Notre pays est aujourd'hui urbanisé à 70 %. Or, les villes, et particulièrement certaines banlieues, sont des lieux symptômes du "mal à vivre" de notre société. Le tissu social se délite, la citoyenneté perd son sens,
S'appuyant sur une politique équilibrée d'aménagement du territoire, la politique de la ville nécessite une ambition forte, des moyens financiers spécifiques, des procédures de mise en œuvre simplifiées.
Pour être efficace, cette politique doit s'inscrire dans la durée et agir sur tous les aspects de la vie quotidienne des habitants : emploi, logement, éducation, culture, justice, loisirs, transports… Pour ce faire, elle doit s'appuyer sur les acteurs de terrain et associer les habitants à la démocratisation de la vie locale. Les Services publics doivent être proches des usagers. II est impératif que les administrations à tous les niveaux œuvrent ensemble et en partenariat. Nous demandons un effort de clarification, de cohérence et d'harmonisation entre les interventions de l'État et des Collectivités territoriales, notamment dans le cadre des contrats de plan et des contrats de ville. L'émiettement de celles-ci est sans doute un frein à cette exigence.
Les pratiques du travail social doivent également s'harmoniser. Il s'agit de favoriser la coordination de tous les acteurs dans le respect de leur fonction et de leur métier, de leur permettre de conduire à, la fois des actions individualisées et des actions collectives dans le cadre de projets plus globaux, avec l'objectif d'une intégration réelle de tous les citoyens. Soulignons à ce propos la nécessité de bien prendre en compte la dimension urbaine des problèmes et des solutions.
La prévention et le traitement de la délinquance et de la récidive ne peuvent que s'inscrire dans cette perspective pour éviter les filières définitivement ségrégatives. Rappelons notamment que pour les mineurs délinquants l'éducation est prioritaire. Elle doit être aussi une priorité pour les adultes dans le cadre d'une politique pénale visant avant tout la réinsertion, voire l'insertion.
Lutter contre la ségrégation par l'habitat, le cadre de vie, l'éducation, la justice… c'est traiter de façon différenciée les quartiers et communes défavorisés par une discrimination positive se traduisant notamment par des moyens supplémentaires en personnel et en fonctionnement. C'est aussi prendre en considération les sujétions particulières des personnels qui y exercent.
1.5.3. Poursuivre la lutte pour les Droits des Femmes
L'égalité entre les citoyens est inscrite dans la constitution. Toutefois des inégalités persistent au détriment des femmes et certains de leurs acquis sont contestés.
1.5.3.1. Assurer l'égalité devant l'emploi
Bien que l'écart diminue, le taux de chômage féminin reste plus élevé que le taux masculin. À qualification égale, les femmes restent victimes de discriminations sur le marché du travail. L'inégalité des salaires demeure.
Compte tenu de l'évolution technologique et des métiers, il est indispensable, à travers la formation initiale et continue, de diversifier l'orientation des filles et de leur permettre d'acquérir une qualification qui débouche sur l'insertion professionnelle Dans cette période de fort chômage où certains préconisent des solutions passéistes, nous réaffirmons le droit au travail pour les femmes.
Si l'égalité devant l'emploi est pratiquement acquise en droit, il reste à l'inscrire dans la réalité des faits, en combattant fermement tous les blocages et comportements qui empêchent l'accès des femmes à certains emplois. Nous souhaitons des mesures permettant aux femmes et aux hommes de concilier vie professionnelle et vie familiale.
Dans la Fonction publique, nous constatons qu'il demeure un fort déséquilibre dans la répartition entre femmes et hommes, au niveau de l'auxiliariat, des situations hiérarchiques et de l'exercice des responsabilités. Exigeons ensemble des mesures visant à combler ce déséquilibre.
Dans le domaine de la formation continue, nous réclamons la mise en place des formules diversifiées et déconcentrées ouvrant largement aux femmes les possibilités de promotion.
1.5.3.2. Accroître la participation des femmes dans instances syndicales
L'accès des femmes aux responsabilités dans la FEN est insuffisant. Nous nous engageons à créer les conditions nécessaires pour permettre aux femmes de militer et d'assumer des responsabilités à tous les niveaux de I 'organisation. Cela implique entre autres une gestion plus rigoureuse du temps, du partage des tâches, du travail en équipe, un changement des pratiques dans la vie syndicale, des solutions d'accueil pour les enfants. Sur ces bases, nous engageons les syndicats nationaux ainsi que toutes les instances de la fédération à assurer leur réelle et équitable représentation à tous les niveaux, pour atteindre Ia parité Hommes-Femmes.
1.5.3.3. Militer en faveur de la dignité des femmes
Les militantes et les militants de la FEN doivent s'engager à développer l'éducation et l'information sexuelles, à assurer par l'éducation les actions de prévention contre les abus sexuels et aider au changement des mentalités et des attitudes en luttant contre les stéréotypes sexistes. Nous condamnons les manifestations du sexisme sous toutes ses formes violence conjugale, violence dans la rue, harcèlement sexuel sur les lieux du travail ainsi que toute atteinte à l'intégrité physique et morale de la femme.
Nous réaffirmons le droit fondamental de la femme à disposer de son corps et de sa vie. Dans plusieurs pays dont la France, des groupes de pression tentent de remettre en cause le droit à l'IVG et à la maîtrise de la procréation. Ceci passe en tout premier lieu par sa prise en charge à 100 % par la sécurité sociale des méthodes de contraception existantes.
1.6. Pour un meilleur Service public de la justice
Au pays des Droits de l'Homme, la justice aujourd'hui se porte mal en tant qu'institution et en tant que Service public. Il est fortement critiqué par les usagers ou les professionnels eux-mêmes. Difficulté d'accès, lenteur mais aussi manque de repères quant à ses missions (Protection judiciaire de la jeunesse, administration pénitentiaire).
Un État de Droit ne peut se satisfaire d'une telle situation. Le besoin de Justice n'a jamais été aussi fort, à un moment où l'institution judiciaire souffre d'une véritable crise d'identité. La Justice est contestée par le citoyen. Elle se rend pourtant au nom du peuple français. Il faut que les citoyens puissent reconnaître leur Justice et s'y reconnaître. Cela implique, au moment où elles s'imposent que les réformes se fassent après un très large débat de société et que les moyens soient affectés à leur mise en œuvre.
La part du budget de l'État pour ce secteur reste trop insuffisante. Notes réaffirmons notre volonté d'une loi d'orientation et de programmation pour la Justice, qui dans le respect des principes républicains, notamment celui de la séparation des pouvoirs, rende la Justice plus accessible, plus démocratique et plus juste. Au sein de la politique pénale une grande place doit être dévolue à la prévention et à la réinsertion, seuls moteurs réels de la lutte contre la récidive. Une réflexion de fond doit porter sur les alternatives à l'incarcération, de sorte que l'enfermement ne soit plus la sanction de référence en développant, par exemple, les centres de semi-liberté, rattachés au milieu ouvert. Nous nous opposons à tout ce qui conduit tout carcéral. Nous dénonçons toute politique qui ré-instaurerait les quartiers de sécurité renforcée (QSR), les quartiers de plus grande sécurité {QPGS), la peine de mort, l'incarcération à vie… Nous demandons qu'ait lieu une réflexion de fond sur les longues peines. En outre, toutes les expériences et pratiques qui permettent un rapprochement entre le citoyen et le système judiciaire sont à développer (maisons de justice, médiation pénale, etc.).
2. - Notre syndicalisme solidaire des peuples du monde
Le syndicalisme international est un espoir et une base solide pour la défense de la paix et des intérêts des travailleurs partout dans le monde. Il doit redonner espoir dans un avenir meilleur pour tous – pour les jeunes en particulier – un monde de plus grande justice et d'équité. Il doit peser sur les choix politiques, économiques, sociaux et culturels.
Les grands organismes internationaux sont des lieux de pouvoir : ils conditionnent à court ou à long terme le sort de milliard d'individus. Les politiques se définissent aussi à ces niveaux : elles s'appliquent ensuite dans les pays.
Partout le syndicalisme international doit être présent, actif et fort. C'est, en particulier, le rôle de la Confédération internationale des Syndicats Libres (CISL).
2.1. Notre syndicalisme présent PARTOUT dans le Monde
Notre syndicalisme vient de se renforcer considérablement avec la création de l'Internationale de l'Éducation (I.E.) satisfaisant notre revendication ancienne et permanente. La structure de l'I.E. existe. Il convient désormais de la faire fonctionner au maximum des intérêts de tous et de renforcer ainsi la solidarité internationale par une meilleure cohésion interne, par une plus grande efficacité et par l'engagement concret de coopération.
Elle doit revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail pour tous, une amélioration de la qualité de l'éducation pour tous, le développement de la plénitude des droits des personnels de l'éducation, la défense et la promotion du droit à l'éducation dans les pays les plus démunis. En ce sens, nous revendiquons l'application de la Convention internationale des Droits de l'Enfant.
La consolidation, le renforcement de l'I.E. est un objectif majeur que nous nous emploierons à atteindre par tous les moyens que nous confèrent notre audience et notre engagement notamment en multipliant les relations bilatérales. Nous nous attacherons à ouvrir de nouveaux champs de relation avec l'Internationale du Service public.
Elle doit défendre la paix dans le monde en travaillant activement a une meilleure compréhension et à une meilleure coopération entre les peuples, notamment par la promotion des valeurs laïques. Elle doit proposer une action internationale pour obtenir un plan concret et réaliste de transformation de l'industrie d'armements et l'arrêt définitif des essais nucléaires. Cette reconversion devrait être orientée vers des productions et des activités favorisant le développement économique des pays du tiers monde.
2.2. La construction européenne
L'Europe se construit. Certes, elle ne satisfait pas pleinement nos aspirations à plus de justice, d'équité, d'égalité entre les européens. L'Europe sociale reste encore embryonnaire. le déficit démocratique demeure, l'Europe des citoyens ouverte a tous n'est pas encore une réalité Pour constituer une avancée significative vers plus Je droit et de protection sociale, une réelle volonté politique européenne exprimée par les états membres doit prévoir l'application volontariste de la Charte Sociale. Il est de la responsabilité du syndicalisme européen d'obtenir, dans l'unité et par une action résolue, la prise en compte de la dimension sociale de l'intégration européenne afin d'obtenir l'unification par le haut des conditions de travail, de rémunération, de protection sociale et de qualité de vie.
Nous réaffirmons notre volonté de contribuer activement à la construction européenne et de promouvoir tout ce qui peut développer la citoyenneté européenne dans le respect de la pluralité des cultures. Dans le cadre de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), au travers du Comité Syndicale Européen de l'Éducation (CSEE), nous militerons pour imposer une meilleure prise en compte de la dimension sociale.
La Communauté, touchée par la récession économique, connait un nombre élevé de chômeurs sans perspectives immédiates de réduction. Nous sommes déterminés à tout meure en œuvre avec nos partenaires syndicaux, avec la Confédération Européenne des Syndicats (CES), pour combattre les dérives protectionnistes et obtenir une politique économique concertée et solidaire.
L'ouverture des frontières, la libre circulation des salariés est désormais possible entre les pays de l'Union Européenne. Il faut en mesurer les conséquences, assurer le contrôle de cette mobilité dans le respect du volontariat, du libre arbitre et de la protection des droits des salariés.
Pour faire face à ces nouveaux enjeux, à ces nouveaux défis, nous renforcerons notre rôle et notre action au sein du Comité Syndical Européen de l'Éducation (CSEE) qui, lui-même, doit évoluer pour devenir une organisation plus efficace, entendue par ses interlocuteurs.
2.3. La francophonie
Avec les organisations francophones, regroupées dans le Comité Syndical Francophone de I'Éducation et de la Formation (CSFEF), des pays développés d'Europe, d'Amérique du Nord, il nous faut accroître nos actions de diffusion, d'aide, de soutien et d'échanges à destination des pays d'Afrique, de la Caraïbe, notamment Haïti, mais aussi du Sud-Est astatique.
Les revendications qui se dégagent des rencontres auxquelles nous participons activement, doivent être plus volontaristes et mieux présentes lors des Sommets des Chefs d'État et de gouvernement pour une meilleure prise en compte de l'éducation dans tous ses aspects et de la formation dans leurs programmes. Nous revendiquons pour toutes les formes de créations culturelles et en particulier les productions audiovisuelles, une autre approche que le libre échange sauvage.
2.4. La Coopération et le Développement
Les inégalités Nord-Sud se creusent. Entre l'Est et l'Ouest elles ne sont pas résorbées par les seuls changements de régime politique. Les jeunes démocraties sont fragiles et menacées par les pressions nationalistes. L'allègement du poids de la dette, voire son annulation pour les pays les plus pauvres, doit s'accompagner de nouvelles relations avec le Sud : politiques, économiques et sociales. Il faut fonder la coopération sur des bases qui favorisent la démocratie et le développement au bénéfice des peuples. L'accroissement de l'aide aux Pays en Voie de Développement s'impose et doit régulièrement dépasser 0,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB).
Mais, on ne peut plus se satisfaire d'un indicateur purement économique tel le PIB, il faut lui substituer l'indice de Développement Humain (IDH) plus apte à apprécier l'état de progression des droits de l'Homme, le développement de la démocratie et l'application des principes fondamentaux qui permettent la citoyenneté. Nous développerons nos relations avec les syndicats de ces pays auxquels nous attachent des liens anciens et une tradition de lutte commune pour la démocratie et les libertés.
Nous renforcerons également nos coopérations avec les syndicats des pays de l'Est de l'Europe pour les aider, notamment, à s'imposer comme un élément essentiel de la construction ou de la reconstruction démocratique.
La réalisation d'une grande œuvre de solidarité, de coopération et d'éducation au développement, au sein du Comité Laïque pour l'Éducation et le Développement – Éducateurs sans Frontière (CLED – ESF) et de Solidarité Laïque, appelle à une structuration dans un grand organisme commun donnant à notre organisation syndicale et à ses partenaires le support indispensable à une politique ambitieuse et efficace.
3. – Notre syndicalisme pour un développement économique solidaire dans un environnement préservé
3.1. Un développement économique solidaire
Depuis le début des années 90, l'économie mondiale est entrée dans une phase de récession après un regain artificiel d'activités limitées aux pays développés. Cette nouvelle période se traduit : par une intensification de la concurrence entre les pôles de la triade (USA, Japon, Europe) provoquée par l'absence de volonté à promouvoir des politiques économiques de coopération :
– par l'autonomisation d'une sphère financière transnationale qui donne libre court à la spéculation ;
– par une mutation profonde des modes de production consécutive aux progrès technologiques : autonomisation des tâches, transport de l'information en temps réel… ;
– par le développement des délocalisations de la production des biens et des services.
À l'heure actuelle, aucune volonté de régulation politique n'est intervenue dans un système où prédomine le libéralisme économique.
Cette nouvelle configuration est génératrice de plusieurs fractures. Elle hypothèque les possibilités de développement des pays du Sud, écrasés par le poids de la dette et l'écroulement des prix des matières premières. Elle entrave le processus de démocratisation des pays d'Europe centrale et orientale et accentue la dualisation des sociétés développées.
C'est ici que les gains de productivité obtenus principalement par la stabilisation des coûts salariaux trouvent leurs limites. Les politiques économiques menées n'ont pas permis d'éviter la multiplication des exclusions. Or leur coût social remet en question les attributions naturelles de régulation économique et sociale de l'État-providence, qu'il s'agisse de l'emploi, du logement ou de la protection sociale. Dans l'immédiat, il faut s'employer de façon radicale à lutter contre le chômage, facteur d'exclusion et de désintégration de tout lien social. Nous sommes en train de vivre dans le domaine de l'emploi une véritable mutation de civilisation.
Rien ne serait pire que de croire que des politiques traditionnelles pour l'emploi qui depuis plus de 20 ans échouent seraient à même de résoudre aujourd'hui les immenses problèmes qui se posent.
Cette lutte contre le chômage suppose que l'on agisse essentiellement dans 3 domaines :
– Engager une politique de relance de la croissance tant au niveau interne qu'au niveau européen.
– Mettre en place les financements adéquats afin de rendre solvable la demande de services en tous genres qui existe dans ce pays.
– Réduire de façon massive la durée du temps de travail.
Une telle réduction du temps de travail conduira à terme à une nouvelle répartition du temps avec une alternance entre temps de travail, temps de loisirs et de formation.
Pourrait ainsi être instituée la semaine de 32 heures ou de 4 jours.
Cette réduction du temps de travail doit faire l'objet de négociations avec les partenaires sociaux, suivie d'une mesure législative pour donner la pulsion nécessaire.
Cette réduction du temps de travail doit s'inscrire dans le cadre d'une réorganisation des méthodes de travail dans l'entreprise et dans les Services publics. Cette réduction ne doit pas s'accompagner d'une baisse des salaires, mais il faudra étudier toutes les modalités qui permettront aux entreprises de ne pas supporter seules ce surcoût au moyen d'une politique de redistribution des revenus.
Cette réduction massive doit s'accompagner de mesures complémentaires :
– lutte conte les heures supplémentaires ;
– développement du temps partiel choisi ;
– développement du droit individuel de formation.
Pour initier et encadrer ces innovations économiques et sociales, nous réaffirmons comme un principe que les États doivent conserver leur rôle de régulateur, d'incitateur et de correcteur des inégalités sociales par des politiques adaptées.
En ce sens, nous entendons que l'État en France, mobilise tous les moyens dont il dispose et notamment une planification cohérente et démocratique, fixant des objectifs à moyen terme qui trouvent leur traduction dans les choix budgétaires. Cette stratégie doit nécessairement s'articuler avec la construction de l'Europe Sociale. Cette volonté doit s'accompagner d'une réforme de la fiscalité véritablement équitable, fondée sur la recherche d'une plus grande transparence des revenus, salariaux et non salariaux.
3.2. Un service public de la recherche
La Recherche conduite dans les Universités et dans les établissements publics scientifiques, et notamment la Recherche publique est indispensable au développement économique, social et culturel du pays. Le budget de la Recherche doit retrouver une place prioritaire dans les préoccupations de l'État. Il ne peut y avoir de recherche appliquée et de transfert de technologie sans une recherche fondamentale dynamique.
De même, nous ne pouvons concevoir le Service public de la Recherche sans des liens étroits avec l'Enseignement Supérieur. Sans perdre leur caractère national et interdisciplinaire, les grands organismes de Recherche doivent renforcer leur contribution au développement régional.
Il est nécessaire de poursuivre le processus de démocratisation des instances assurant la représentation des Chercheurs, des ITA et des enseignants chercheurs car ils sont aussi force de proposition.
3.3. Un environnement préservé
L'environnement recouvre les relations dialectiques d'interdépendance qui existent entre l'Homme et les composantes physiques, chimiques, biologiques, économiques, sociales et culturelles du milieu dans lequel il évolue. Tout développement économique solidaire, durable, doit donc être un développement qui préserve l'environnement.
Sauvegarder l'environnement que nous laisserons à nos descendants est un défi essentiel que notre société se doit de relever. Il concerne la vie, le travail, et l'avenir de tous. ll implique l'engagement permanent du citoyen. Il nécessite donc éducation et formation à cette nouvelle responsabilité qui constitue un nouveau devoir.
Il nécessite aussi la prise en compte de tous les aspects de l'environnement dans l'étude des équipements, dans toutes les constructions et dans les conditions de travail.
Nous développerons notre activité pour impulser de nouvelles politiques économiques, sociales, éducatives et culturelles incluant l'environnement, pour défendre résolument un environnement sain, pour améliorer les conditions de travail de tous par un environnement professionnel favorable, développer la recherche en ce domaine, favoriser une meilleure déontologie de l'information, former les personnels d'éducations dont les enseignants, à cette nouvelle réalité, faire passer dans les faits, au sein du système éducatif, l'acquisition des savoirs, des savoir-faire et des comportements en ce domaine.
4. – Notre syndicalisme pour la cohésion sociale par l'aménagement du territoire
4.1. Cohésion sociale et aménagement du territoire
L'aménagement du territoire doit avoir pour objectif une politique corrective des inégalités ou des disparités de développement. Il doit contribuer à l'amélioration de la cohésion sociale et contribuer au développement durable des territoires Cette politique doit être le garant territorial d'une croissance équilibrée et d'une nécessaire cohésion sociale s'inscrivant dans une dynamique européenne. Elle doit assurer sur la totalité du territoire, une réelle égalité d'accès aux Services publics. Pour garantir l'intérêt général et l'intérêt de la Nation et jouer pleinement son rôle de coordination, de régulation et l'État doit assurer la cohérence entre les contrats de Plan État-Régions, les contrats de ville et la loi d'orientation sur l'aménagement du Territoire.
L'intégration économique et sociale fondée sur la solidarité des régions les plus riches envers les plus pauvres est une idée forte à mettre en œuvre. Un effort accru de l'État dans les dotations budgétaires en faveur des régions les moins favorisées, dans le cadre de programmes planifiés d'équipements et d'aides financières doit être accompli. Cela passe par la mise en place de projet visant par un traitement différencié à rétablir l'égalité sociale. L'aménagement du territoire doit viser, entre autres, à une meilleure répartition des activités économiques.
La décentralisation et l'aménagement du territoire doivent, être complémentaires et assurer conjointement une véritable égalité d'accès aux services publics tout en préparant un développement économique et social harmonieux et solidaire soutenu par une planification démocratique.
4.2. Aménagement du Territoire et Service public d'Éducation
Nous affirmons que l'Éducation nationale doit être le premier secteur d'intégration et de réduction des inégalités. Elle a donc une place centrale dans une politique d'aménagement du territoire visant à la correction des déséquilibres constatés tant au plan local que régional où les axes de développement passent aussi par l'égalité d'accès au Service public d'éducation et à sa qualité assurant à tous une réelle égalité des chances.
Nous proposons que le collège et le lycée soient considérés comme des pôles culturels, des centres de ressources de la zone à habitat dispersé, dotés des moyens nécessaires.
"Un lycée, dans la mesure où il offre des possibilités de formation plus professionnalisée aux élèves, où il impulse un réel partenariat avec des entreprises locales, où il représente en soi un équipement structurant, devient une pièce maîtresse de l'économie locale et participe de fait aux équilibres territoriaux."
Nous considérons que des moyens particuliers sont indispensables pour la prise en compte de situations spécifiques liées à la surconcentration urbaine ou a la désertification profonde sur la base d 'une contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales.
Nous pensons d'autre part, que la formation professionnelle des jeunes doit être qualifiante, validée par un diplôme national et leur permettre une insertion rapide et une adaptabilité aux évolutions de leur(s) métier(s) tout au long de leur vie professionnelle par la formation continue. Dans le cadre d'une politique nationale de formation professionnelle le niveau régional est un lieu géographique pertinent de partenariat entre les différents acteurs (état, régions, partenaires sociaux et économiques). Il doit permettre d'assurer la cohérence entre l'ensemble des dispositifs de formation tout en répondant aux besoins économiques et sociaux locaux.
Dans le domaine de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, les inégalités des chances subsistent entre les régions et entre zones urbaines et rurales dans les taux de réussite au baccalauréat ou l'accès à I'enseignement post baccalauréat ou supérieur long. Il convient de diversifier les structures post baccalauréat ainsi que leur répartition géographique et en particulier de mettre en place des filières de métier complètes et cohérentes entre elles.
Le souci de répartition harmonieuse des structures d'enseignement supérieur et de recherche doit conduire à la création d'unités d'enseignement pluridisciplinaires de taille intermédiaire. La mobilité des étudiants est un facteur d'enrichissement de leur cursus, il convient donc de favoriser leur parcours au sein d'un réseau national mais aussi européen, tout en conservant l'avantage de diplômes reconnus au plan national.
La notion de pôle spécialisé est à bannir d'autant plus s'il s'agit de ne répondre qu'à des besoins spécifiques à une entreprise ou une seule activité. Les chances de mobilité et de reconversion des jeunes ne sont favorisées que s'ils reçoivent une formation générale et polyvalente. La spécialisation dans un souci d'adéquation à l'environnement économique devrait surtout concerner les troisièmes cycles.
La recherche apporte des contributions importantes à la sphère socio-économique et participe de façon importante aux transferts de technologie. Il n'en demeure pas moins que si l'on veut se préoccuper de recherche appliquée, il importe de développer au préalable la recherche fondamentale et d'une manière plus générale les travaux destinés à faire progresser les connaissances.
4.3. Décentralisation – déconcentration – rôle de l'État
D'autre part l'État doit assurer toutes ses responsabilités de garant de l'intérêt général et de l'intérêt de la Nation et jouer pleinement son rôle de coordination et de régulation.
La décentralisation doit être équilibrée par une déconcentration fondée sur des pouvoirs renforcés des services déconcentrés de l'État, dotés de moyens humains et financiers de nature à assurer un véritable partenariat avec les collectivités territoriales et lui permettant réellement d'assurer ses missions.
Toute délocalisation doit s'inscrire dans le cadre d'une politique globale d'aménagement du territoire conduite nationalement et recherchant complémentarités et synergie à tous les niveaux. Elle doit s'accompagner de mesures sociales négociées pour faciliter l'installation des personnels concernés et de leur famille. Nous désapprouvons les délocalisations autoritaires effectuées en l'absence de toute concertation. Tout comme nous désapprouvons le déséquilibre constamment renforcé au profit de I'Île-de-France et au détriment des provinces.
La politique de développement rural doit faire partie intégrante d'un projet de territoire. Le premier objectif est d'assurer la revitalisation du bassin de vie notamment en renforçant l'action des Services publics. Au-delà d'une redistribution de moyens il est important d'initier des projets et actions innovantes (intercommunalité, bassin d'emploi, Centre Régional d'Innovation et de Transfert Technologique CRITT). Une recherche constante doit s'effectuer dans la mise en synergie des moyens existants et la distribution de moyens supplémentaires. La contractualisation est une nécessité pour pérenniser les projets. Les zones touchées par la désertification, les zones de montagnes, les zones posant des problèmes économiques et sociaux particuliers, les zones frontalières, doivent être considérées spécifiquement. Compte tenu des déséquilibres économiques et sociaux des DOM-TOM un traitement spécifique leur sera réservé.
Nous rappelons que les départements d'Outre-Mer par leurs retards structurels sont définis "régions d'objectif n°1" par la communauté européenne. Nous affirmons qu'au plan national, la priorité dans la politique d'aménagement du territoire de ces départements doit être la mise en œuvre rapide d'une loi de programmation permettant de combler leurs retards structurels tant en terne d'équipements qu'en terme de créations d'emplois et de formation des hommes.
Il faut tenir compte de leur éloignement et de l'impossibilité d'implanter immédiatement toutes les structures universitaires générales et professionnelles nécessaires. Une nouvelle vision de la mobilité en termes de formation prévoyant le retour et l'insertion au pays doit se faire en particulier en partenariat avec les régions avoisinantes ou métropolitaines. La coopération régionale doit, d'une manière générale, tenir compte de ces impératifs.
Par ailleurs, pour ce qui est de la Réunion, une réflexion doit se mener afin de rapprocher les centres de décisions territoriaux des citoyens par le biais d'un découpage cantonal et communal mieux approprié.
L'aménagement du territoire doit prendre en compte :
- le désenclavement, la valorisation et la création de pôles de développement avec une véritable gestion des ressources humaines et naturelles,
- l'adaptation des structures de formation,
- la lune contre l'exclusion et la marginalisation de certains groupes sociaux.
En Guyane : la régionalisation des Services publics, en particulier celui de l'Éducation nationale, passe par une forte déconcentration, voire la mise en place d'un Rectorat.
5. – Notre syndicalisme par la solidarité sociale
Réduire les inégalités passe par la redistribution du revenu national pour répondre aux besoins concernant : la formation, l'emploi, la santé, la famille, la vieillesse.
Dans la société française au bord de l'éclatement quand le chômage ne cesse de croître et les formes d'exclusion de se multiplier, il est impératif que l'État et l'ensemble des collectivités territoriales, mais aussi les citoyens, fassent de la solidarité un des axes majeurs de leur action.
5.1. Réformer le financement de la protection sociale
Essentiellement basé sur les salaires, le financement de la protection sociale est aujourd'hui inadapté. Sa réforme est une nécessité absolue pour répondre à l'accroissement des besoins tout en assurant à moyen et long terme l'équilibre des comptes. Cette réforme doit s'appuyer sur les principes suivants :
– distinguer ce qui relève de la solidarité nationale de ce qui est du domaine de la solidarité professionnelle afin que le Budget de l'État prenne en charge ce qui relève de la solidarité nationale ;
– outre les prélèvements sur le travail salarié, doivent aussi participer à son financement tous les revenus mobiliers et immobiliers ainsi que les plus-values générées par les investissements non directement créateurs d'emplois.
La Contribution Sociale Généralisée (CSG) instaurée en décembre 1990 a constitué un début de réponse à la nécessité d'assurer la diversité et l'équité des contributions. La CSG doit être accompagnée d'une véritable réforme fiscale, tout en restant non déductible de l'impôt. Nous demandons que la CSG soit calculée en fonction d'un principe de progressivité et que les revenus inférieurs ou égaux au SMIC soient exonérés. Nous nous opposerions à la création d'une TVA sociale.
La nécessité de réformer structurellement le financement de la protection sociale ne saurait exonérer l'État ni de la compensation des marges qu'il fait indûment supporter au régime général, ni du versement régulier des cotisations qui lui incombent en tant qu'employeur.
5.2. Répondre aux besoins
5.2.1. La sécurité sociale
La Sécurité sociale demeure une conquête essentielle qui protège contre les aléas de la vie, met en œuvre le principe de solidarité entre générations, entre malades et bien-portants, et reste un facteur primordial de cohésion nationale.
Nous réaffirmons notre attachement à cette institution, condamnons et combattons toute tentative susceptible de remettre en cause le rôle indispensable et irremplaçable qu'elle joue dans notre société.
5.2.1.1. La santé
Les dépenses de santé connaissent une évolution préoccupante qu'il convient de maîtriser. Assurés sociaux, pouvoirs publics, professionnels de la santé sont concernés ; l'assurance maladie ne peut continuer à couvrir des dépenses sur lesquelles elle n'aurait pas de prise. Ainsi, il ne peut être possible de poursuivre dans le domaine des remboursements et de la diminution du nombre des médecins à honoraires conventionnels, faute de quoi, des inégalités insupportables s'instaureraient.
Afin d'assurer a tous des soins de qualité, des mesures s'imposent qui concernent : la convention médicale, le mode de rémunération des médecins, la généralisation du dossier médical tenu par l'omnipraticien, l'évaluation précise des actes médicaux, l'adaptation des tarifications et la réforme de la nomenclature, la formation et l'information des personnels médicaux, de santé et des assurés sociaux, Ia concertation entre les prescripteurs et les caisses, la politique du médicament, la politique hospitalière dans le but de rationaliser les dépenses de santé, d'éradiquer les gaspillages et les abus.
Opposés à l'existence du secteur à honoraires libres (secteur 2), nous estimons que chaque fois que l'égalité d'accès aux soins est compromise par l'absence d'offre au tarit-conventionnel, le Service public de santé doit prendre le relais (établissements hospitaliers, centres de santé…) Dans un souci de justice et de cohérence du système, les assurés sociaux ne sauraient être les seuls à faire des efforts.
5.2.1.2. La famille
Il n'existe aucune justification à un financement des prestations familiales assis sur les salaires. La politique familiale ne relève pas de la solidarité professionnelle mais nationale, elle doit être prise en charge par le Budget de l'État, Dans le cadre d'une politique de redistribution, des moyens doivent être engagés pour aider les familles en compensant dès la première naissance les charges créées et pour mettre en place des services aux familles (garderies, crèches…) sur tout le territoire national. Dans le même esprit, nous demandons la possibilité d'opter pour un congé parental rémunéré dès le premier enfant.
Aucune politique familiale ne saurait se concevoir sans respect du droit fondamental de l'être humain à disposer de son corps et de sa vie. Ceci passe par la maîtrise et la procréation qui implique :
– une large information du public ;
– la prise en charge à 100 % des moyens de contraception.
Nous dénonçons les restrictions budgétaires visant à réduire les capacités d'accueil et de fonctionnement des centres IVG, Nous exigeons du ministère de tutelle qu'il mette tout en œuvre pour le respect du droit à l'IVG, en particulier en le reconnaissant en tant qu'acte médical pris en charge à 100 %.
Nous revendiquons, dans chaque département, la mise en place de Commissions de Recours Amiable (CRA) pour régler les litiges de prestations familiales et de supplément familiale de traitement concernant les fonctionnaires.
5.2.1.3. La vieillesse
Un système de protection sociale solidaire fonde les régimes de retraite sur la répartition et non sur la capitalisation, cette dernière doit être réservée aux compléments-retraite auxquels il est souscrit volontairement dans le cadre de l'épargne à long terme.
L'allongement de la durée de vie, l'entrée plus tardive dans la vie active et l'abaissement de l'âge de la retraite nécessitent que soit revu le financement des retraites, que soit conforté le régime de base.
La solidarité, notamment entre actifs et retraités, doit permettre de faire évoluer le pouvoir d'achat des retraités en indexant celles-ci sur les salaires.
5.2.2. Les domaines spécifiques
5.2.2.1. La Prévention et l'Éducation
Toute politique humaniste de santé publique pour être cohérente et efficace doit s'appuyer sur la prévention et l'éducation, afin de changer les comportements individuels, de limiter les risques et réduire les dépenses de santé.
La prévention et l'éducation sanitaires doivent aussi se faire à l'École et tout au long du cursus scolaire et universitaire comme dans la vie professionnelle. Le système éducatif doit participer au développement de la notion de santé globale. Il doit collaborer avec les familles, les jeunes, les collectivités locales pour proposer les programmes de prévention les mieux adaptés. La participation active des jeunes est une condition de leur efficacité. Prévention et éducation sont notamment prioritaires dans le domaine de la lutte contre les toxicomanies. Celle-ci doit faire l'objet d'une politique visant à développer les centres d'accueil et de traitement. Face au SIDA, toute attitude moralisatrice est à bannir et la plus grande attention doit être apportée pour le respect et la dignité des malades. La prévention du SIDA, dans l'attente de solutions médicales pour lesquelles doivent être accordés d'importants moyens de recherche, doit faire l'objet d'une politique volontaire d'information et de diffusion des moyens de prévention existant actuellement. L'usage du préservatif doit être facilité notamment auprès des jeunes. À l'égard des toxicomanes, une politique volontariste doit l'emporter sur la tentation répressive. Nous demandons au ministère de la Santé d'institutionnaliser la distribution gratuite de seringues dans les pharmacies et dans les institutions concernées par ce problème.
L'École doit participer à la protection de l'enfance, dénoncer les mauvais traitements, les abus et les mutilations sexuels et développer des programmes d'éducation au respect de soi et des autres.
5.2.2.2. Le handicap
La loi créant des obligations quant à l'embauche des handicapés et quant à l'accessibilité des lieux et structures, l'État et les Collectivités Territoriales devraient donner l'exemple.
Pour les agents de l'État et des collectivités territoriales, victimes d'un handicap au cours de leur carrière, leur réadaptation, leur réemploi, leur reclassement dans un autre emploi doivent être assurés notamment par la création de postes et d'équipements spécifiques qui font cruellement défaut. Nous revendiquons l'application par l'État et les collectivités territoriales de la législation et de la réglementation existantes.
L'intégration scolaire et universitaire des jeunes handicapés est une priorité. Elle constitue la dimension première de l'intégration des personnes handicapées dans notre société. Les structures publiques d'enseignement, d'éducation et de soins des différents départements ministériels concernés doivent y contribuer. Dans cet objectif, les infrastructures doivent être aménagées, une aide personnalisée doit être apportée par la mise à disposition éventuelle d'outils appropriés, voire de tierce personne. Les personnels de ces structures doivent être préparés par une formation spécifique.
Intégrer ne consiste pas à faire disparaître toutes les structures spécialisées mais celles-ci doivent ménager des activités communes avec les structures non spécialisées.
5.2.2.3. La dépendance
Les problèmes de dépendance ne se posent pas seulement pour les personnes âgées. Toutefois, ce problème nécessite un examen tout particulier pour celles-ci.
Nous considérons que la solidarité nationale en faveur des personnes dépendantes doit s'affirmer comme un droit fondamental de la personne humaine et non comme une simple assistance.
Compte tenu de la modification de la structure familiale et de l'allongement de la durée de vie, le problème de la dépendance des personnes âgées se pose en termes nouveaux. Les degrés de dépendance, allant de la perte d'autonomie à la dépendance absolue, génèrent besoins et charges nouvelles.
Il convient de développer les solutions alternatives à l'hospitalisation notamment par les services d'aide et de soins à domicile y compris en cas d'accueil par les familles. Des emplois de proximité peuvent être créés pour assurer sécurité, transport, mobilité à ces personnes.
5.3. Gérer la Sécurité Sociale
La solidarité professionnelle ne saurait faire l'objet d'une partition au sein d'un même régime et sa gestion être fractionnée en sériant les risques. Nous réaffirmons notre attachement à l'universalité et à l'unicité qui, à sa création, ont fondé la Sécurité Sociale. Nous demandons que la gestion du fonds de solidarité institué par l'État en 1993 ne soit pas isolée de celle de la Sécurité Sociale.
Nous estimons cependant qu'il est nécessaire de repenser l'organisation actuelle de la gestion de la sécurité sociale. Multiplicité des conseils d'administration, tutelle gouvernementale, décisions législatives ne favorisent ni la prise de responsabilité, ni la cohérence du système. Il est nécessaire qu'en ce domaine les représentants des assurés syndicalistes et mutualistes se concertent pour faire des propositions communes ; nous nous y emploierons.
Concernant le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle, nous demandons son maintien dans l'attente de l'instauration, au niveau national, d'un régime unique assurant des garanties identiques.
6. – Notre syndicalisme pour l'accès de tous à la connaissance et aux pratiques culturelles et sportives
Il revient à l'État d'assumer pleinement sa mission et sa responsabilité en matière d'Éducation.
L'État se doit de garantir à tous l'instruction et l'accès aux savoirs, ainsi que l'accès à la culture et à l'information dans le respect de la laïcité.
Afin de faire prévaloir la logique du Service public, il y a nécessité de clarifier les rôles respectifs de l'État et des Collectivités territoriales et d'identifier la nature, l'origine, la destination des financements. Pour cela, le seul cadre scolaire ne suffit pas. Il appartient à l'État d'assumer une politique d'éducation populaire sur l'ensemble du territoire et auprès de l'ensemble de la population, notamment par le développement de l'Éducation Permanente, des réseaux d'information, pour le développement de pratiques participatives : pratiques et expressions culturelles, sportives, civiques, de solidarité qui constituent des espaces d'Éducation et de Socialisation. Pour l'exercice de cette responsabilité, l'État doit prendre appui sur ses services déconcentrés et ses établissements, structures qu'il a le devoir de conforter tant sur le plan du patrimoine immobilier que des moyens humains, matériels et financiers.
Par l'apprentissage de l'environnement social et institutionnel, ces pratiques contribuent à ce que nous considérons comme une priorité : l'émergence d'une citoyenneté active pour une démocratie participative. En ce sens, l'État se doit de favoriser l'exercice du droit constitutionnel d'association.
La volonté politique de couvrir l'ensemble des champs de l'Éducation à la citoyenneté doit se traduire par une loi-cadre sur l'Éducation Populaire et par une loi-cadre sur le Sport.
6.1. La Culture
Assurer l'égalité d'accès à la culture sous toutes ses formes, tant patrimoniales (Musées, monuments…) que de création (arts plastiques, spectacles…) et d'accès au savoir (bibliothèques, médiathèques…) doit être l'axe prioritaire de toute politique culturelle. La réduction des inégalités passe aussi par la culture, une culture vivante et ouverte aux pratiques contemporaines. La production des biens culturels (livres, disques, films, vidéos) et leur diffusion ne peuvent obéir aux seules lois du marché et ne doivent pas être traitées comme de simples produits de consommation.
C'est la participation des publics, et en particulier des jeunes, aux arts et aux pratiques culturelles, qui sert de référence à notre appréciation sur la politique culturelle et, par conséquent, sur les moyens qui sont attribués à cette politique. Pas de développement culturel, de réduction des inégalités sociales, de possibilités d'insertion dans la vie professionnelle et sociale sans priorité accordée à la lutte contre l'illettrisme. La télévision peut aussi y contribuer par la création de programmes éducatifs disposant de moyens financiers leur permettant d'être attractifs.
L'État et les collectivités doivent mettre à la disposition de tous un réseau d'institutions culturelles qui obéissent à une logique de Service public, en garantissant, en particulier, l'accès du plus grand nombre. En matière de lecture, une loi-cadre sur les bibliothèques s'avère nécessaire pour offrir à tous un service de qualité, assurant un maillage cohérent du territoire national. Les questions d'horaires d'ouverture, de tarification, de services disponibles, de programmation sont des éléments facilitants.
Il convient de mieux protéger les œuvres de l'esprit, de mieux garantir les droits de diffusion, de mieux favoriser la création pour mieux se prémunir d'une standardisation des industries culturelles.
L'école a un rôle important à jouer dans la formation culturelle, et dans l'accès de tous à la Culture. La pratique culturelle est un élément fondamental du développement de l'individu et de sa personnalité. Elle constitue avec les enseignements artistiques des outils pédagogiques et éducatifs utilisables non seulement auprès des enfants lors de leur scolarité mais aussi auprès des populations jeunes et adultes en difficulté d'insertion (sociale, scolaire, professionnelle), voire marginalisées. L'insertion sociale et professionnelle par la culture (théâtre, musique, peinture, ateliers d'écriture…) doit devenir une réalité pour les jeunes et les adultes en difficulté. L'éducation culturelle et les enseignements artistiques doivent être dispensés à tous.
6.2. Les activités physiques et sportives
La pratique des activités physiques et sportives pour tous – y compris les handicapé – est facteur de santé, de développement personnel, d'éducation à la citoyenneté et aussi d'insertion.
Les pratiques sportives, de loisirs ou compétitives, du niveau le plus modeste au plus haut niveau, diffèrent tout en cohabitant par le niveau des performances, mais aussi dans le matériel, les conditions d'entraînement, la différenciation sociale.
Entre le sport de masse et le sport de haut niveau, un fossé s'est creusé. Le risque est grand d'un sport à deux vitesses. Il faut imaginer une réelle solidarité entre les deux. Nous nous élevons contre la part grandissante et exagérée du poids de l'argent dans certains sports de compétition et contre toutes les perversions que cela génère : dopage, violence, corruption, hyper-médiatisation. De ce point de vue, le sport de haut niveau ne doit pas être condamné au nom de ces perversions.
Il faut garantir aux sportifs de haut niveau une scolarité qui concilie les exigences de ce niveau de pratique sportive et celles de leur réussite scolaire. Il faut aussi leur proposer un réel plan de formation pour leur permettre de vraies possibilités d'insertions professionnelles.
Quant à la pratique sportive, elle est porteuse de valeurs éducatives dans la seule mesure où elle repose sur une éthique exigeant le respect de soi et d'autrui.
À cet égard, l'EPS, de l'école à l'université, comme élément de formation et d'éducation, est le maillon indispensable de l'égalité d'accès à la culture sportive et à ses pratiques.
Le développement des activités motrices à l'École doit exclure toute spécialisation précoce.
Il faut soutenir le sport associatif en recherchant un "statut" pour les bénévoles et leur assurer une formation. Ces objectifs doivent devenir ceux du ministère de la Jeunesse et des Sports.
6.3. L'Éducation populaire
Le rôle que nous accordons à la Mission Éducatrice de l'État pour développer la citoyenneté et garantir l'Égalité sociale ne se limite pas à l'enseignement dans sa fonction de transmission des connaissances. Cette mission éducatrice s'entend dans la diversité des interventions et des méthodes utilisées. Ainsi, en complément de l'enseignement scolaire, l'Éducation populaire a pour fonction d'assurer l'accès de tous aux savoirs sociaux, aux pratiques sociales et culturelles, indispensables à la maîtrise de son environnement.
Son champ d'intervention est le temps non scolaire des enfants et des jeunes. Pour les adultes et les jeunes actifs, il est le temps libéré par la réduction du temps de travail, résultat de 150 ans de luttes sociales. Il en est aussi, malheureusement, le temps inemployé du chômage.
La fonction de l'Éducation populaire est de faire de ce temps libre, gagné ou subi, un temps d'épanouissement et de création de liens sociaux à travers notamment, une pratique du loisir protégé des enjeux (mot illisible) et un développement de l'Éducation permanente.
Proposer un sens au temps libéré, au travers d'une politique du loisir, des vacances éducatives pour les jeunes, de l'engagement associatif, voilà un des enjeux de cette fin de siècle.
L'Éducation populaire réhabilitée peut aussi constituer après l'école, une seconde chance de formation ou bien encore une ouverture sur le monde contemporain. Pour ce faire, il faut multiplier les offres de formation de qualité, les populariser et en faciliter l'accès, en particulier, aux plus défavorisés.
Pour mener à bien ces différentes missions en matière d'accès à la culture, aux activités physiques et sportives, à l'éducation populaire, il faut une ambition politique forte se traduisant notamment par des structures appropriées, des personnels (fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et personnels associatifs) mieux formés et valorisés, des associations et organismes laïques partenaires de l'État et des collectivités territoriales, des budgets dotés de moyens adéquats en fonctionnement et en interventions publiques.
7. – Notre syndicalisme pour les services publics des personnels reconnus au service de la nation
7.1. Moderniser, rénover, démocratiser
7.1.1. L'État premier garant de la cohésion sociale
En ces années de crise, la cohésion de notre société importe plus que jamais. L'État, au travers de l'action des Services publics, a un rôle majeur à assumer. Il faut, que soient affirmés son rôle et sa place dans notre société.
La notion même de Service public est inséparable de la conception républicaine de l'État. Elle est indispensable à la mise en œuvre des principes de liberté, d'égalité, de fraternité, de solidarité. C'est un garant essentiel de l'unité nationale. Elle procède des fondements mêmes de la conception laïque de l'État républicain.
7.1.2. Le développement des Services publics, une idée d'avenir
L'État républicain doit mettre en œuvre une politique qui assure l'égalité d'accès aux Services publics com- me aux emplois publics. Nous voulons promouvoir la modernisation et la rénovation des Services publics. Les usagers et les personnels doivent être associés à cette démarche.
Une réponse globale et cohérente est apportée par les Services publics qui seuls, garantissent l'égalité d'accès pour tous aux besoins collectifs de la Nation. C'est pourquoi toute politique de privatisation des Services publics est à proscrire. Toute décentralisation mal maîtrisée, toute régionalisation remettant en cause le rôle nécessaire de régulation de l'État sont également à rejeter. Un bilan des mesures de décentralisation s'impose au même titre qu'une recherche d'une plus grande cohérence dans les compétences imparties à chaque collectivité.
7.1.3. Rénover les Services publics et les moderniser
Faire que les Services publics soient, en permanence, en phase avec les évolutions de la société, de l'organisation du travail et des techniques, qu'ils répondent aux besoins collectifs nouveaux qui s'expriment, c'est l'objectif de la modernisation.
Cette modernisation passe par :
– l'information qui implique la consultation des personnels, en particulier, au travers de leurs organisations syndicales représentatives et des instances paritaires, leur association à la mise en œuvre de la modernisation au niveau national comme au niveau déconcentré ;
– le développement des nouvelles technologies et leur introduction à tous les niveaux des Services publics. Leur utilisation doit permettre d'humaniser davantage les relations avec les usagers ;
– l'aménagement de l'organisation du temps de travail qui devra répondre aux besoins des usagers vis-à-vis des Services publics ainsi qu'à la nécessaire amélioration des conditions de travail des personnels. Nous estimons que l'amélioration du fonctionnement des Services publics, implique une modification importante des relations dans le travail et la stricte limitation da recours aux heures supplémentaires ;
– la généralisation d'une formation professionnelle initiale à tous les agents publics. La formation continue, quant à elle, doit faire l'objet d'un investissement majeur afin que ce droit ouvert par le statut général devienne effectif pour tous les fonctionnaires et qu'elle soit reconnue dans les carrières. Les accords signés dans la Fonction publique et dans les différents ministères vont dans ce sens. Le suivi des accords, pour qu'il soit effectif passe par la mise en place des structures de concertation ministérielle et locale, là où elles n'existent pas ;
– la déconcentration qui doit rapprocher les services publics des usagers et équilibrer, au plan territorial, les pouvoirs décentralisés des collectivités afin que notre pays ne dérive pas vers une forme d'État fédéral ;
– L'évaluation permanente de l'efficacité des Services publics. C'est l'un des enjeux de la modernisation. C'est par la prise en compte d'une multiple cause. En liaison avec la Fédération Générale des Retraités (FGR), nous agirons pour défendre ces principes essentiels, en particulier ceux de péréquation et d'assimilation.
Nous devons nous tourner vers les personnels et l'opinion publique pour expliquer le bien-fondé des mécanismes qui régissent nos pensions et défendre cet acquis important pour une Fonction publique de carrière.
7.2.4. Les droits sociaux des fonctionnaires
7.2.4.1. Des droits à respecter
La participation à la définition et à la gestion de l'action culturelle sportive et de loisirs prévus par le statut général doit être effectivement mise en œuvre et les compétences du Comité Interministériel des Services Sociaux renforcées. La situation actuelle est insatisfaisante.
7.2.4.2. Un fonctionnement à améliorer
Le développement harmonieux des droits sociaux exige l'articulation entre les prestations interministérielles et ministérielles. La place et le rôle de la Mutualité dans tous les organismes sociaux doivent être affirmés et renforcés. La transparence de la gestion de l'action sociale doit être consolidée.
7.2.4.3. Des crédits à développer
L'augmentation programmée et garantie d'une part de la masse salariale consacrée à l'action sociale permettra seule d'assurer plus d'égalité entre les fonctionnaires, de développer les prestations existantes (aide au logement, à la restauration, à la famille, aux vacances…) et d'en créer de nouvelles. Nous demandons que soient corrigées, par des dotations accrues, les disparités importantes qui existent dans les crédits engagés par les différents ministères au titre de l'action sociale. Elle exige une politique programmée d'amélioration des moyens.
8. – Notre syndicalisme pour la démocratisation du Service public d'éducation – des personnels unis pour éduquer
Pour faire vivre les valeurs de laïcité, de justice, de liberté, d'égalité, de fraternité, sur lesquelles se fonde notre République, pour maintenir la cohésion sociale, pour lutter contre toutes les formes de l'exclusion sociale ou économique, pour respecter la diversité des jeunes, nous devons maintenir à l'École sa mission d'éducation. Cette mission doit être partagée par tous les Services publics qui concourent à la formation de la jeunesse, chacun étant complémentaire des autres.
Congrès après congrès, nous avons œuvré à l'éducation pour tous, à la démocratisation de l'enseignement, à l'éducation permanente, à la continuité éducative entre tous les ordres d'enseignement.
La démocratisation de l'éducation est notre combat permanent. Porter tous les jeunes au plus haut niveau de savoir, de connaissance et de qualification, tel est l'engagement qui donne tout son sens à notre action. Faire vivre aux enfants et aux adolescents dans les établissements les valeurs qui donnent sa cohérence à notre combat : laïcité, fraternité, tel est aussi, au quotidien, notre commun engagement dans les équipes pédagogiques et éducatives.
La démocratisation de l'éducation n'est pas encore gagnée. La loi d'orientation sur l'éducation de 1989 que nous avons revendiquée concrétise un certain nombre d'avancées. Aujourd'hui, renaissent les tentatives d'exclusion précoce, de marginalisation sans issue contre lesquelles nous devons lutter pour éviter les ségrégations scolaires porteuses de futures fractures sociales. Aujourd'hui comme hier, il faut combattre les causes et compenser les effets des différentes inégalités sociales et géographiques ce qui passe notamment par l'aménagement et le développement des bourses et allocations.
L'École de la République est sans cesse à réinventer. Contre les dérives communautaires et la sélection par l'argent, elle est l'École de la diversité. C'est un lieu d'appropriation des savoirs et des techniques, un lieu où se construisent les compétences, mais aussi la pensée libre des jeunes en formation qui devront apprendre à garder, face aux pouvoirs, "experts", médias… leur autonomie de jugement et d'intervention. Toute intervention éducative, dans et en dehors de l'École, prépare le jeune à réussir sa vie d'Homme, de citoyen et de travailleur.
8.1. Un service public laïque
Instruction et éducation sont deux missions complémentaires et indissociables du Service public. Car en effet, quelle liberté avons-nous sans la connaissance, et que faire du savoir sans l'éveil à la citoyenneté, sans l'adhésion à des valeurs partagées, sans le respect des individus et des lois, sans la compréhension réciproque des sociétés ?
La mission d'éducation doit préparer les jeunes à entrer dans la vie publique, sociale et économique, à exercer librement leurs choix, à trouver leur épanouissement au sein de la société et à contribuer à son évolution. Elle n'a de sens que si elle est placée en dehors des appétits partisans et des dogmatismes, des prosélytismes. La mission d'éducation doit être une mission de Service public laïque, elle doit recevoir le soutien des familles, de leurs représentants et de tous les usagers.
La Nation a besoin plus que jamais d'un enseignement qui rassemble et assure sa cohésion autour des valeurs de citoyenneté. Tout enseignement à caractère propre qui sépare est contradictoire avec cette mission.
Les différentes catégories de personnels concourent, chacune en ce qui la concerne, à l'acte éducatif dans et hors des écoles, des établissements, les universités, par-delà leur spécificité professionnelle…
Ensemble il nous faut agir là où nous exerçons, depuis la maternelle jusqu'à l'université, lieux d'étude et d'éducation mais aussi de vie des jeunes. Agir sur l'organisation et le contenu des études. Agir pour que la continuité éducative devienne effective et lutter contre toutes les exclusions et les marginalisations. Agir sur l'ouverture maîtrisée de l'école à son environnement économique, géographique, social et culturel, afin d'assurer à tous les jeunes une formation débouchant sur une qualification reconnue et participer à leur insertion sociale et professionnelle. Agir pour que les bibliothèques relevant de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche deviennent un lieu d'accès au savoir, pour tous, et que ce principe soit exprimé dans une loi-cadre. Nous mandatons le Bureau Fédéral National pour qu'il organise une réflexion fondamentale sur les finalités de l'école ainsi que des assises de la transformation du système éducatif. Pour atteindre tous ces objectifs le budget de la Nation doit consacrer à l'investissement éducatif une place à la mesure de son importance. Le Congrès rappelle la nécessité de porter la dépense intérieure brute d'éducation à 10 % du PIB.
8.2. Les écoles et les établissements : lieux d'exercice de nos métiers, lieux de vie ET D'ÉDUCATION des jeunes.
8.2.1. Pour la réussite des jeunes, des équipes pour éduquer
Les équipes éducatives et pédagogiques sont des synergies de compétences qui apportent à tous et à chacun un enrichissement humain et professionnel.
Elles peuvent permettre d'apporter des réponses communes aux problèmes de vie collective dans les établissements scolaires, elles peuvent favoriser les actions interdisciplinaires et interprofessionnelles qui permettent de construire des réponses diversifiées pour que les jeunes construisent leurs savoirs et valoriser les projets collectifs qu'elles conçoivent et conduisent.
C'est en équipe que nous pourrons agir sur la vie scolaire, sur les problèmes de santé, de violence, de handicaps, favoriser l'apprentissage de la citoyenneté, développer leur sens des responsabilités, faciliter l'exercice des droits des élèves et des étudiants dans les instances, sensibiliser aux questions de société.
Il faut que l'État, mais aussi les collectivités territoriales dans le cadre actuel de leurs responsabilités, donnent aux équipes les espaces de liberté et les moyens de leur fonctionnement (crédits, personnels, matériel).
Une attention particulière doit être portée au cadre de vie, au respect des rythmes biologiques, à la qualité des relations humaines afin que chacun, adulte et élève, se sente bien dans son établissement, les uns pour accomplir leur mission éducative, les autres pour s'épanouir tout au long de leur scolarité.
8.2.2. L'école : une ambition nationale
L'État doit demeurer garant du caractère national des diplômes et responsable du recrutement, de la formation et de la rémunération des personnels. Il doit définir une ambitieuse politique éducative construite sur la réalisation d'objectifs dont la définition doit associer l'ensemble des acteurs et des partenaires du Service public d'éducation. La loi d'orientation de 1989 donne un cadre qu'il convient de confirmer et, sur de nombreux points, de mettre en pratique. Encore faut-il l'accompagner d'une programmation. L'organisation de la formation professionnelle, celle des structures de formation et d'enseignement supérieur et des laboratoires de recherche ne peuvent être efficaces dans l'aléatoire. Il faut de même définir les objectifs à tous les niveaux du système éducatif et prévoir une programmation pluriannuelle de financement des équipements et des postes. Les projets d'écoles, les projets d'établissements, les contrats d'université quadriennaux entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur peuvent permettre de développer une politique éducative sur le long terme et de favoriser la responsabilisation des équipes, condition nécessaire à l'autonomie des établissements.
L'organisation des actions à long terme comme il y en a dans toutes les Zones d'Éducation Prioritaires (ZEP) en milieu urbain et en milieu rural, les établissements sensibles, nécessitent également des engagements budgétaires pluriannuels afin de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin et pour favoriser l'existence d'équipes stables et motivées.
L'équilibre des compétences partagées entre l'État et les Collectivités Territoriales doit être maintenu. La responsabilité de l'État dans le domaine pédagogique – notamment les programmes et les diplômes – doit être conservée. Éduquer est un acte collectif, chacun des intervenants, chaque corps de métiers en est partie prenante. Tous les personnels du Service public d'Éducation doivent donc appartenir à la Fonction publique de l'État.
8.2.3. L'évaluation, un instrument au service du système éducatif
Faire de l'évaluation un instrument de régulation garantit la cohérence du Service public d'Éducation et participe de la démocratie et de la solidarité sur l'ensemble du territoire. Le Service public d'Éducation participe à la réduction des inégalités. Il garantit à tous un libre accès à la culture et à la formation débouchant sur une qualification. Cela nécessite des moyens en postes et en équipements mais aussi des procédures de régulation. Instaurer la concertation pour définir les critères, les méthodes et les procédures d'évaluation du système et des personnes, c'est tenter de dépasser les appréciations subjectives et partielles, c'est se rendre indépendant des groupes de pression.
Par l'évaluation, on doit maintenir la cohésion autour des objectifs nationaux car l'autonomie donnée par les textes aux écoles, aux Établissements Publics Locaux d'Enseignement (EPLE), aux universités ainsi qu'aux enseignants, ne doit pas conduire à l'atomisation du système éducatif.
Mesurer les écarts et procéder aux arbitrages sont autant d'actes d'expertise qui équilibrent les effets de la déconcentration et assurent la continuité éducative.
Conjointement aux programmes Éducatifs nationaux et aux projets d'écoles et d'établissements, il est nécessaire de développer une politique de l'évaluation et du conseil dans une perspective formative. Il faut former les équipes éducatives à évaluer les projets. Il faut rendre cohérentes les missions d'évaluation et de conseil, des corps d'inspection à chaque niveau d'enseignement et d'un niveau à l'autre. Il faut donner du contenu qualitatif aux évaluations du système éducatif qui prennent en compte la sociologie et la géographie des écoles, des EPLE et des Universités.
8.2.4. Des personnels mieux formés
Parce que la mission d'éducation est interdisciplinaire et intercatégorielle il est nécessaire de préparer tous les personnels à l'assumer.
Les instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) doivent demeurer des établissements d'enseignement supérieur associant formateurs du terrain, formateurs d'IUFM et universitaires. Les enseignants débutants doivent bénéficier d'un service horaire aménagé.
Par concours à l'entrée en IUFM, les futurs enseignants doivent être recrutés au même niveau. Leur formation doit étroitement articuler théorie et pratique, dimension disciplinaire et dimension professionnelle. Des temps de formation communs doivent permettre aux futurs enseignants d'élaborer des objectifs communs. Les personnels doivent être aussi préparés à exercer dans les milieux difficiles, à assurer la mission normale de formation permanente et à accueillir les jeunes handicapés en milieu scolaire. Les IUFM doivent participer pleinement à la formation continue de l'ensemble des enseignants. Des plans de formation continue doivent être élaborés pour tous les personnels, quels que soient leur fonction et leur lieu d'exercice. Les plans de formation doivent permettre à tous les participants d'élaborer les outils d'évaluation de leur projet.
Il faut développer la communication et les échanges entre les enseignants eux-mêmes et entre toutes les catégories de personnels pour favoriser la création des équipes éducatives. Dans les départements ruraux, il est indispensable de développer des établissements de formation, centre de ressources en documentation et en nouvelles technologies. La mise en synergie des différents réseaux existants (CDDP, IUFM…) est une priorité.
8.3. La continuité éducative pour lutter contre toutes les exclusions
Scolariser tous les enfants et conduire chacun d'eux au plus haut niveau possible de formation générale et professionnelle constitue une exigence éthique, sociale et économique. Elle nécessite de poursuivre l'effort de démocratisation du système éducatif afin de répondre positivement à la situation de chaque jeune et de lui permettre de valoriser le maximum de ses potentialités.
8.3.1. Par la continuité éducative
Au cours de son développement intellectuel, psychologique et physiologique, le jeune devra passer d'une structure à une autre. Nous demandons que ces passages soient aménagés au mieux de ses intérêts.
Il faut que cessent les ruptures brutales entre les différents niveaux scolaires, ruptures fondées uniquement sur la quantité de savoirs disciplinaires oubliant totalement que les jeunes acquièrent aussi des savoir-faire et des savoir-être.
Le rythme d'acquisition des connaissances, comme le degré de maturité des jeunes étant variables pour chacun, nous refusons l'évaluation annuelle et uniforme des progressions individuelles, accompagnée du redoublement-sanction. Il faut fixer des objectifs et des évaluations par cycle et améliorer la continuité éducative. Mettre le jeune au cœur du système éducatif comme nous le revendiquons, c'est respecter sa progression sans lui imposer des à-coups pour se conformer à des structures imaginées idéales. Dans cette perspective, nous jugeons nécessaire, pour assurer la continuité éducative, la mise en œuvre concrète des cycles (objectifs, évaluations) à l'école, au collège, au lycée et dans l'enseignement supérieur. Il faut que les cycles dans le second degré et le supérieur ne soient plus étanches.
Mais réaliser la continuité éducative et la progressivité des apprentissages exige qu'on prenne en compte les réalités du système éducatif et qu'on respecte les capacités d'initiative des équipes pédagogiques.
Davantage de temps dégagé pour la concertation, une plus grande liberté laissée aux enseignants pour faire des choix et fixer des étapes, des outils pédagogiques plus nombreux, des contenus appropriés sont nécessaires pour faciliter l'adaptation des réponses à la variété des rythmes d'acquisition des jeunes.
À l'école, au collège, au lycée, à l'université, les cycles doivent être déterminés en fonction d'objectifs qui prennent en compte les niveaux de connaissances disciplinaires et les aptitudes physiques – psychologiques – sociologiques – créatives, etc. Les contenus ne peuvent être conçus en dehors de ces objectifs intermédiaires et terminaux.
Ce sont les jeunes qui subissent directement l'incapacité de l'Éducation nationale à gérer les transitions d'une structure à une autre. La multiplicité des passerelles doit rendre possibles et effectives les réorientations. À l'université, le maintien du passage d'un cycle à l'autre après la validation de 80 % des enseignements requis ne doit pas être systématiquement remis en cause, il évite aux étudiants des redoublements inutiles. Cette formule pourrait être envisagée dans le second degré.
8.3.2. Pour la réussite de l'école
L'école doit être le lieu où, dès la maternelle, l'enfant s'initie aux langages de base, construit peu à peu ses savoirs grâce à une démarche d'apprentissage, d'éveil et à des pratiques pédagogiques diversifiées. La démocratisation de l'enseignement commence à la maternelle : égalité des chances et réduction des inégalités.
Le cycle 2 assure la continuité avec l'école maternelle dont l'identité doit être respectée. Il institue et développe les apprentissages fondamentaux qui seront approfondis et élargis au cours du 3e cycle et poursuivis au collège.
Nous réaffirmons notre revendication du collège pour tous où les élèves doivent atteindre les objectifs généraux d'une formation commune à tous. Lieu privilégié de l'intégration sociale de tous les jeunes, c'est au sein même du collège que doivent être trouvées les solutions permettant de prendre en compte leurs attentes, leurs besoins, leur diversité et éviter l'exclusion, la relégation ou l'orientation prématurée.
Les méthodes, les contenus, l'organisation doivent être conçus pour permettre à tous les jeunes d'atteindre le terme du collège en continuant un projet personnel qui leur assure une orientation positive vers l'une des trois voies du lycée.
Le projet d'orientation du jeune doit se concrétiser au lycée. Ce dernier doit être le moment d'une diversification progressive des formations et d'un choix qui ne soit jamais irréversible.
À égale considération, les trois voies du lycée – générale, technologique, professionnelle – participent toutes à un double objectif : assurer une voie de succès à chaque jeune en permettant l'élévation nécessaire de la formation générale et des qualifications mais aussi en utilisant des démarches et outils pédagogiques permettant de surmonter les difficultés rencontrées par certains élèves. Leur développement doit rendre possible l'accès pour la totalité d'une classe d'âge au niveau V minimum de qualification et au plus grand nombre d'accéder au niveau IV permettant soit des poursuites d'études immédiates ou ultérieures, soit l'insertion dans la vie professionnelle.
Les lycées d'enseignement agricole participent à cet objectif. Pour cela, il faut que la loi qui fixe leurs missions et leurs objectifs (9 juillet 84) s'applique pleinement. Le rapprochement avec l'Éducation nationale au niveau de la formation des enseignants et de l'orientation des élèves est nécessaire. L'enseignement agricole ne peut pas rester en vase-clos, alors que seulement 35 % de ses élèves sont issus de familles d'agriculteurs. Il doit prendre en compte les nouvelles données économiques, les nouvelles préoccupations qualitatives de co-usage de l'espace rural.
La démocratisation de l'enseignement supérieur doit être poursuivie afin que davantage de jeunes accèdent à des formations diplômantes de qualité. Pour cela, il faut développer des premiers cycles d'accueil et d'orientation, ainsi que des passerelles dans l'ensemble des formations post- baccalauréat. Les seconds cycles doivent articuler un caractère préprofessionnel ou professionnel avec une base fondamentale suffisamment large pour que les diplômés s'adaptent aux évolutions quantitatives et qualitatives des professions.
La qualité de l'enseignement supérieur dépend de son étroite interaction avec les activités de recherche et la formation par la recherche à tous les niveaux.
Les conditions de vie et d'études sont des éléments importants de la réussite des étudiants. L'égalité des chances dans l'enseignement supérieur doit être garantie par des aides financières adaptées à chaque situation et l'existence de services sociaux et de médecine préventive sur tous les sites universitaires.
C'est, enfin, développer et aménager les bourses et allocations pour permettre à un plus grand nombre de jeunes et d'étudiants d'acquérir une qualification, c'est contribuer par la formation à la lutte contre toutes les inégalités et contre tous les risques, d'exclusion sociale ou économique.
8.3.3. Par l'éducation permanente
Assurer la continuité entre la formation initiale et la formation continue c'est préparer l'ensemble des personnels à assurer cette mission, c'est la faire prévaloir dans les négociations avec les collectivités territoriales dès la construction et l'équipement des établissements scolaires en demandant l'amélioration des normes actuelles. C'est aussi permettre la validation et la capitalisation des acquis scolaires et professionnels, c'est valider les savoirs et les compétences à chaque niveau, pour ne laisser aucun jeune démuni à sa sortie de scolarité, c'est reconnaître la formation continue dans la carrière de tous les salariés.
8.3.4. Par l'orientation
Il faut que cesse l'orientation négative des jeunes. Le collège en est le niveau le plus sensible puisqu'il est le dernier parcours de la scolarité obligatoire et qu'il accueille tous les jeunes sans discrimination.
En discussion avec les conseillers d'orientation-psychologues, les enseignants, les autres membres de l'équipe éducative, les branches professionnelles, chaque jeune doit être mis en mesure de pouvoir choisir un parcours scolaire et professionnel qualifiant qui valorise ses compétences. Chaque jeune doit pouvoir recevoir l'aide nécessaire à l'élaboration d'un projet personnel notamment par une bonne connaissance du monde du travail.
"Notre système d'orientation doit veiller à ne pas conforter la reproduction des mêmes catégories socio-professionnelles. Il doit aussi s'attacher à diversifier l'orientation des filles en les aidant à entrer dans les filières scientifiques et techniques".
Pour aider les jeunes en difficulté même passagèrement, il faut les moyens de développer des pédagogies différenciées et individualisées tout en sachant qu'elles ne peuvent être l'unique outil de la démocratisation.
8.3.5. Par la prise en compte de la réalité des écoles et des établissements
Pour combattre et compenser les effets des inégalités individuelles, sociales économiques et géographiques, il faut dépasser la notion d'égalité des droits pour rechercher l'égalité des chances, ce qui suppose d'aller vers l'inégalité des aides pour donner plus aux jeunes qui ont le plus de besoins, plus aux établissements les plus en difficulté.
Le collège est confronté durement aux réalités économiques et sociales de l'environnement des élèves. La réflexion sur le collège doit permettre de déterminer en concertation, les structures et les axes d'action qui lui permettront de remplir pleinement sa fonction de promotion et d'orientation.
Il faudra donner, à la hauteur des décisions prises, les moyens en crédits et en personnels formés qui seront nécessaires à l'accomplissement des objectifs fixés.
L'école, le collège, le lycée ne peuvent pas faire face, seuls, à tous les problèmes de violence qui se développent dans les quartiers en difficulté.
Avec les autres services publics, les associations périscolaires, l'éducation populaire, la protection judiciaire de la jeunesse et l'administration pénitentiaire, les actions communes doivent être facilitées et développées afin de trouver des solutions adaptées aux situations et aux jeunes. Ce n'est pas une formation purement disciplinaire qui peut préparer les enseignants à affronter les problèmes des zones sensibles. La professionnalisation de la formation des enseignants est indispensable pour cela. Tous les personnels travaillant en zone sensible doivent avoir une formation spécifique.
8.4. L'ouverture maîtrisée de l'école sur son environnement
L'école ne vit pas isolée de la société et ne reste pas indifférente aux interrogations des corps sociaux. Nous sommes favorables à cette nécessaire ouverture à condition qu'elle soit maitrisée et contrôlée par la collectivité publique et que soit garanti le principe de laïcité.
8.4.1. Un partenariat négocié
L'expérience passée témoigne de notre détermination à avancer sur ce dossier du partenariat que ce soit avec les associations périscolaires comme avec les branches professionnelles, les entreprises ou les collectivités territoriales.
L'école ne peut s'ouvrir sans que soient instaurées des règles qui lui conservent son caractère et sa qualité. Elle ne pout prétendre préserver les enfants et les jeunes de toutes les tensions sociales. Par contre elle doit les aider à réussir la transition vers la vie publique. Il est aujourd'hui nécessaire de préparer les jeunes à leur insertion économique et sociale afin de favoriser leur indépendance et leur exercice de la citoyenneté.
Pour que les partenariats ne risquent pas d'entraîner l'école et l'université vers une perte d'identité et de responsabilité, il faut instituer des conventions et des cahiers des charges qui garantissent le Service public laïque ainsi qu'une régulation nationale pour maintenir la cohérence et l'égalité d'accès à la formation.
8.4.2. Un Service public de la formation professionnelle
"La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État. Chacun a le droit de travailler et le droit d'obtenir un emploi". C'est une garantie constitutionnelle.
L'État doit assurer à tous les jeunes, élèves et étudiants un Service public de formation quelle que soit la filière choisie, généraliste, technologique ou professionnelle. On ne peut plus revenir au laisser-faire du XIXe siècle.
Nous n'accepterons pas la disparition du caractère national de la définition des contenus de formation, des diplômes et du statut de fonctionnaire d'État des personnels. L'État doit veiller à l'équité de l'offre de formation sur le territoire. Nous n'accepterons pas non plus le démantèlement du Service public par sa régionalisation, ni le développement de l'apprentissage au détriment des formations en alternance sous statut scolaire. Nous dénonçons le retour des "classes préparatoires à l'apprentissage" qui constitue une remise en cause du droit au collège pour tous.
La Formation professionnelle est étroitement liée à l'évolution des qualifications et des emplois. Il serait dangereux de ne la lier qu'à l'emploi comme de la rendre trop généraliste. Pour passer de la formation à l'emploi il faut que se multiplient toutes les formes d'adaptation au plus près de la réalité économique. L'État doit cependant veiller à ce que celles-ci ne soient pas utilisées par les employeurs, profitant de la conjoncture économique pour engendrer désordre dans les rémunérations des nouveaux recrutés ou multiplier le turnover de ces derniers. L'école a pour mission de former pour l'avenir. Elle n'a pas failli à sa tâche. Elle a su rénover avec la participation de ses personnels et en liaison avec le milieu professionnel l'ensemble de ses formations en moins de dix ans. Il est nécessaire de promouvoir l'ensemble de la voie professionnelle.
Objet d'enjeux et de convoitises, la formation professionnelle est éclatée entre des structures de nature et de juridiction très différentes et complexes. S'il faut garder à certains métiers des parcours de formation spécifique, dans l'intérêt des jeunes, nous proposons la création de pôles professionnels qui rassembleraient les formations du niveau V (CAP, Brevet d'Étude Professionnel), au niveau IV (Bac Professionnel, Bac Technologique, Brevet de Technicien, Brevet Professionnel) et III (BTS) sur quelques secteurs d'activités complémentaires qui se confortent l'un l'autre, en utilisant le savoir-faire des Lycées Professionnels et des Lycées Technologiques. Sur ces lycées prendraient appui ces pôles professionnels qui deviendraient alors des lycées polytechniques. Au-delà d'une meilleure gestion des équipements, nous visons, pour une même structure, l'ouverture de l'éventail des carrières possibles pour les jeunes.
Cette conception doit permettre de mieux associer formation initiale et formation continue, mission normale du Service public. Elle permettrait d'offrir une diversification des démarches pédagogiques alliant en complémentarité et non en concurrence, l'alternance sous statut scolaire et l'alternance sous contrat de travail.
Le lycée polytechnique doit permettre l'accès pour tous les jeunes à des niveaux différents de qualification pour un même métier et favoriser le développement et le renforcement de l'attractivité des voies professionnelle et technologique.
8.4.3. Une ouverture européenne
L'enseignement des langues doit être développé, depuis la sensibilisation à l'école jusqu'à la pratique de deux langues dont au moins une langue européenne sur l'ensemble du cursus scolaire et universitaire.
Les élèves et les étudiants font massivement candidature aux programmes de la Communauté Européenne, les réseaux entre les enseignants se multiplient. Il reste à démocratiser cet effort en soutenant économiquement les jeunes.
Dans le cadre de la libre circulation des personnes nous aurons à veiller à la reconnaissance mutuelle des qualifications et au respect du système diplômant de chacun des pays et à établir des critères d'équivalence entre les diplômes délivrés par chaque état.
9. – Notre syndicalisme au service de la reconstruction du mouvement syndical en France
9.1 Construire un mouvement syndical réformiste
Le syndicalisme est essentiel pour promouvoir la justice sociale et l'émancipation. Nous travaillons à son renforcement aux échelons européen et international et ne nous résignons pas à son émiettement en France.
Nous avons contribué à construire I'UNSA (Union Nationale des Syndicats Autonomes), pôle de regroupement ouvert qui se veut une aiguillon pour une dynamique de rassemblement plus large sur les valeurs qui fondent notre engagement.
Cette initiative s'inscrit dans notre démarche de dialogue et de coopération avec les fédérations de fonctionnaires et avec les confédérations. Notre objectif est de contribuer à construire un regroupement confédéral du mouvement syndical réformiste fondé sur les valeurs de solidarité, de liberté et de laïcité, renonçant aux vaines utopies révolutionnaires, œuvrant pas à pas pour changer l'ordre économique et social du monde dans le sens de la justice sociale
Nous voulons un syndicalisme proche des salariés, développant et renforçant le militantisme au niveau décentralisé, impliquant directement les personnels dans la vie syndicale et professionnelle, permettant d'établir le rapport de forces sur le terrain du métier.
9.2. Renforcer et développer la FEN
Pour faire aboutir notre projet syndical, nous avons besoin d'un syndicalisme fort. En priorité, nous devons continuer de promouvoir l'identité de la FEN tout en modernisant son image et sa communication tant aux plans interne que médiatique. La FEN se doit également d'accueillir en son sein de nouveaux syndicats. Les associations professionnelles nationales qui se développent dans la Fonction publique territoriale peuvent constituer des partenaires susceptibles de se rassembler dans la FEN sous forme de nouveaux syndicats nationaux. En outre, la FEN, consciente des enjeux et des perspectives ouverts par la décentralisation, s'engage activement à développer son action dans la Fonction publique territoriale. Elle mettra notamment en œuvre tous les moyens nécessaires pour réussir les prochaines élections aux commissions administratives et comités techniques paritaires afin de faire de la FEN un interlocuteur privilégie de la Fonction publique territoriale. Pour renforcer la FEN, nous avons la responsabilité d'organiser la vie et l'action fédérales sur les lieux de travail et à tous les échelons. Prenant en compte les réalités locales, régionales, voire nationales, cette action peut conduire ponctuellement à agir ou à prendre des initiatives localement, régionalement, ou nationalement sur des objectifs précis et des modalités déterminés en commun avec des forces dont par ailleurs nous ne partageons pas toutes les analyses. Nous nous attacherons d'autre part à développer une vie syndicale riche, démocratique, respectueuse des diversités.
Nous réaffirmons notre volonté de prendre notre part à la reconstruction du syndicalisme français. Notre objectif reste, à terme, la construction et le rassemblement confédéral du mouvement syndical fondé sur les valeurs de solidarité, de justice sociale, de liberté et de laïcité qui nous rassemblent et la conception réformiste du syndicalisme et des pratiques syndicales. À cet effet, nous nous engageons à resserrer le dialogue et la coopération avec les confédérations qui y sont prêtes pour préparer la voie de l'unité la plus large sur ces bases.
9.3. Consolider l'UNSA
Dans cette perspective, le regroupement des forces syndicales réformistes autonomes au sein de l'Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA) est une étape positive qu'il convient de renforcer et de consolider. Nous proposons de passer de l'Union en forme de cartel à une structure apte à fédérer la représentativité de chacune de ses composantes dans tous les secteurs d'activité et notamment dans les Services publics relevant des trois Fonctions publiques. Dans cette structure, la FEN conservera son identité, nous engagerons le débat dans l'UNSA afin que les syndicats de ces différentes fédérations constitutives n'entrent pas en conflit sur des champs de syndicalisation communs pour les élections professionnelles. Nous proposons de donner à l'UNSA capacité d'être une organisation syndicale à part entière, forte, efficace et reconnue. Cette ambitieuse démarche exige des adhérents de la FEN qu'ils soient de plus en plus nombreux à s'impliquer dans un militantisme actif et renouvelé.
Rapport de la commission de la Résolution générale présenté par Alain Olive
Chers camarades, chers amis.
Je vais vous présenter le rapport de la commission de la résolution générale, c'est-à-dire notre projet syndical pour les trois ans qui viennent.
Et tout d'abord quelques mots sur l'élaboration de cette résolution, de ce projet syndical.
La démarche que nous avons adoptée pour élaborer ce texte est nouvelle et tranche avec ce qui se faisait précédemment dans la FEN.
Nous avons essayé, de façon encore imparfaite c'est vrai, de faire de l'élaboration de ce projet syndical, de cette résolution générale, une œuvre collective ou par le biais des amendements, émanant soit des syndiqués eux-mêmes, soit des Syndicats nationaux soit des Sections régionales ou départementales, nous avons essayé que soit prise en compte toute la diversité de nos approches.
Avons-nous atteint l'objectif que nous nous étions fixé ?
Reconnaissons-le, pas tout à fait.
Il a paru parfois fastidieux à beaucoup de nos adhérents et à certains de nos militants de se plonger dans un texte très fourni, peut-être déjà trop élaboré.
Nous aurons donc, pour le prochain Congrès, à améliorer cet outil, à améliorer sa méthode de conception. Peut-être conviendrait-il par exemple de limiter notre réflexion à quelques grands thèmes et de ne pas réexaminer à chaque congrès la totalité de notre projet.
Mais constater que des améliorations sont nécessaires ne doit pas occulter tous les côtés positifs induits par la nouvelle méthode d'élaboration de ce texte.
Nous avons eu dans ce congrès, soit en commissions soit en plénière, de vrais débats sur de vrais sujets et une liberté de ton retrouvée où les arguments des uns et des autres ne passent pas systématiquement par le tamis du marqueur idéologique.
Ce projet syndical que je vous présente ici c'est aussi notre façon d'essayer de travailler autrement, c'est l'affirmation d'une FEN que nous voulons nouvelle ; d'une FEN que nous avons souhaitée à Perpignan et qui aujourd'hui est en train de prendre corps.
Vous êtes nombreux à venir dire cela à cette tribune.
Cela n'est pas et ne sera pas simple. À nous de faire la preuve que nous pouvons relever un tel pari.
Les défis qui s'offrent à nous seront difficiles, et nous devrons les affronter dans un contexte syndical nouveau.
Nous aurons à vivre désormais dans un monde de l'Éducation, de la Culture et de la Justice transformé, et les récentes élections professionnelles chez les enseignants nous ont montré tout le travail qu'il nous faut accomplir.
Que ces résultats soient pour nous un stimulant et non un handicap. Comme l'a rappelé Guy dans son rapport moral, cette situation de concurrence syndicale, qui pour nous est inédite, est chose courante dans le monde ouvrier.
Cette situation de concurrence et de défiance, nous la vivions déjà au sein de la FEN.
Et si la FEN de 1946 s'est déchirée c'est bien qu'il y avait en elle deux conceptions du syndicalisme qui ne pouvaient plus coexister et qui entrainaient la paralysie totale de toute action fédérale.
La FEN a été rattrapée par l'histoire du syndicalisme français et par l'existence en son sein de deux pôles, de deux cultures qui encore aujourd'hui semblent antagonistes. Depuis 1946 les mutations productives ont secoué les identités salariales. Le modèle ouvrier s'est progressivement effacé et le syndicalisme a évolué au rythme de ces mutations. Depuis la crise économique de 1973 cela est évident.
Ainsi, avec les mutations technologiques et humaines de nouveaux clivages et de nouveaux axes de recomposition sociale et syndicale sont en train d'apparaître. Et si le monde de l'Éducation, de la Culture et de la Justice n'a pas échappé à ces bouleversements ; ces clivages, soyons en certains, n'épargnent aucune organisation syndicale.
Et nous ne pouvons plus nous reconnaître chez ceux qui font du bon vieux slogan "les patrons gèrent, les syndicats contestent" l'axe majeur de leur action syndicale.
Mais, au-delà, la question qui est posée à la FEN, comme à toutes les organisations syndicales, est bien celle de la redéfinition d'un projet revendicatif syndical.
C'est à partir de ce projet que se mettront en place les conditions de développement de l'action et les nouveaux liens sociaux. C'est à partir de ce projet que pourront se nouer de nouvelles alliances.
Nous n'avons jamais rejeté la fonction "tribunitienne" ou protestataire du syndicalisme, et l'immense manifestation du 16 janvier dernier en témoigne, mais nous souhaitons mettre cette fonction au service d'un projet syndical.
Et s'il fallait retenir de ce projet un mot, un seul : je choisirai sans hésiter le mot solidarité.
Solidarité avec les exclus du travail, de la citoyenneté, de la société. Nous sommes convaincus que si le syndicalisme, aujourd'hui affaibli, veut de façon plus active redevenir un acteur de transformation sociale il doit déborder de son cadre strictement corporatif.
La FEN n'a jamais été aussi forte et respectée que quand elle incarnait une conscience morale. "Être militant disait Denis Forestier c'est porter en permanence l'inquiétude des autres".
Ici dans ce Congrès, cette pensée nous la faisons nôtre.
Voilà pourquoi Guy, le Congrès a si bien répondu à l'appel que tu lançais dès lundi en faveur de Sarajevo et de la Bosnie martyre.
Voilà pourquoi une place importante a été accordée dans ce Congrès au drame du chômage. Le chômage, qui directement ne touche pas la majorité d'entre nous ici, est pourtant en permanence dans nos têtes, et constitue une obsession quotidienne.
Car qui dans nos familles, qui chez nos amis, qui dans nos établissements ou nos services, n'est pas atteint par ce fléau ?
Voilà aussi pourquoi l'aménagement du territoire comme facteur d'égalité a été aussi un de nos sujets de fond. Le syndicalisme que nous voulons doit aussi essayer d'appréhender la complexité d'une société dont les mutilations sont profondes. Il doit s'interroger sans cesse sur lui-même, sur ses méthodes, ses objectifs.
Ce long travail de lucidité, sur nous-mêmes, sur le monde qui nous entoure, commencé à Perpignan, poursuivi ici à Tours, doit donc continuer. mais pour se déployer, ce travail de lucidité doit se faire plus encore qu'hier à l'écoute des militants, des adhérents de tous ceux qui nous sont proches.
Et à cet égard, je le redis, la gigantesque manifestation du 16 janvier constitue pour nous un formidable, un magnifique, un salutaire encouragement.
Au-delà de la défense de la laïcité et de l'École de la République, cette manifestation prouve que l'esprit public n'a pas disparu et qu'un certain nombre de femmes et d'hommes pensent encore qu'il est utile de se mobiliser sur une démarche collective.
Cette manifestation marquera-t-elle, comme cela a été écrit, "un tournant culturel et politique qui pourrait bien modifier le paysage national" ? Peut-être.
Est-elle le signe que la vague néolibérale est derrière nous et que le tout fric, le tout individuel vont s'effacer et laisser la place à des valeurs de solidarité, d'égalité, de travail collectif : valeurs qui sont les nôtres ? Souhaitons-le et battons-nous pour cela.
Mais je viens à l'essentiel du travail de la commission c'est-à-dire à la définition de nos grandes orientations syndicales.
– Le problème de l'emploi
– La défense de la laïcité, des Services publics en général et du Service public d'Éducation nationale et le rôle que peut jouer une politique bien conduite d'aménagement du territoire.
– Notre avenir dans le syndicalisme français.
1. – La FENet le problème de l'emploi
Et à ce propos, je voudrais vous donner des chiffres. Ces chiffres vous les connaissez bien sûr. mais je veux les répéter car s'il y a poésie de chiffres c'est Marc Ripoll qui disait cela, je crois – il y a aussi une dramaturgie des chiffres.
Nombre de chômeurs :
1963 : 113 000
1974 : 500 000
1977 : 1 000 000
1983 : 2 000 000
1993 : 3 200 000
Et pour 1994 on annonce 3 500 000 chômeurs, malgré une croissance espérée de 1,4 % du PIB.
Cette marée ne connait aucun reflux.
Et rien n'y fait.
Et ce ne seront pas les dernières mesures annoncées par le gouvernement qui pourront en quoi que ce soit inverser la tendance.
Quant au traitement social du chômage, il ne peut même plus masquer cette dégradation continue.
Au contraire se constituent des poches de précarité d'emplois qui viennent fragiliser les emplois stables. Et nous avons là un élément auquel nous devons être extrêmement attentifs.
Nombre de Rmistes : 765 000 avec une progression de 8 000 allocataires par mois ; 650 000 contrats emplois solidarité sont prévus au budget 1994 (qui sont venus remplacer les TUCS).
Et on estime à 400 000 le nombre de SDF
De plus en plus de nos concitoyens vivent d'emplois précaires, ce qui renforce chez eux un sentiment de vulnérabilité.
Il est vrai que ce relâchement du lien social n'est pas chose nouvelle. mais depuis 1945 les inégalités, même fortement accusées, se pensaient à partir d'un cadre général d'intégration. Tous les membres de la société appartenaient à un même ensemble. Or, aujourd'hui ce que nous constatons c'est que le cadre général d'intégration qui s'était laborieusement construit depuis 1945 est en train d'exploser.
De plus en plus de salariés ne passent pas de la vie active à la retraite mais cessent toute activité à 55 ans.
Cette société expulse donc par le bas – les jeunes – et par le haut, les plus de 55 ans.
Ajoutons l'existence d'un chômage déguisé pris en compte bien évidemment par aucune statistique et qui est constitué par toutes celles et tous ceux qui ne recherchent même plus un emploi.
Voilà le terrible bilan. Avec bien sûr toutes les conséquences de cette situation sur notre système de protection sociale, mais aussi sur la cohésion de notre société et sur les risques que cela fait courir à tout régime démocratique.
Car nous pensons que pour longtemps encore, le travail sera le premier facteur d'intégration sociale.
Exclure donc une femme, un homme de son travail équivaut à une destitution, à une destruction de son honneur de citoyen.
Face à cela deux attitudes possibles. Tabler seulement sur une reprise de la croissance et avoir une politique consistant à faire baisser le coût du travail, en estimant que la crise que nous traversons est avant tout une crise de l'offre et non de la demande. C'est d'ailleurs la philosophie qui sous-tendait la loi quinquennale sur l'emploi.
Cette politique du chien crevé au fil de l'eau, nous semble suicidaire. Elle ne peut qu'engendrer encore plus de chômeurs et approfondir les fractures sociales.
Elle s'inspire d'une vision libérale et part d'un postulat : le chômage est le résultat de la rigidité du marché du travail. Il faut donc encore et toujours plus de flexibilité qu'il s'agisse des salaires ou de l'imposition d'un temps partiel non choisi. Il faut encore et toujours développer la mobilité géographique et professionnelle des salariés.
Cette politique a déjà été appliquée dans deux pays : les États Unis de Reagan et Busch et la Grande-Bretagne de Thatcher et Major. mais pour quels résultats ?
Alors soyons clairs, tous ceux, et je dis bien tous ceux qui, conservateurs de tous poils, s'accommodent de cette situation acceptent sans le dire une société française éclatée ou existeraient à côté des salariés 5 à 6 millions de nos concitoyens sans emploi.
Pour nous, je le redis, ce choix de société, que certains appellent duale, est inacceptable.
Et notre combat pour le Service public d'Éducation voulait aussi dire cela.
L'autre attitude consiste à considérer que nous sommes en train de vivre une mutation de civilisation et qu'une véritable rupture vient de s'accomplir dans notre relation au travail. Et ne pas prendre en compte cette mutation et cette rupture, c'est risquer à coup sûr de se tromper d'échelle.
Car nous vivons une époque ou même quand il y a croissance, cette croissance est moins productive d'emplois que dans les époques précédentes. Les recettes traditionnelles face à cette nouvelle donne sont donc totalement inefficaces.
Et nous sommes là au cœur d'un problème qui n'est plus seulement technique mais qui est un problème de valeurs.
Dans quelle société voulons-nous vivre ?
La commission vous a fait hier des propositions.
Elle a défini trois grandes lignes d'action :
1. Engager une politique de relance de la croissance tant au niveau interne qu'au niveau européen.
2. Mettre en place les financements adéquats afin de rendre solvable la demande de services en tous genres, demande qui existe sans ce pays. Un seul exemple : l'aide aux personnes dépendantes ; personnes âgées ou personnes atteins d'un handicap.
3. Réduire de façon massive le temps de travail.
Cette question de la réduction du temps de travail a été trop vite enter- rée. C'est vrai qu'elle soulève d'énormes problèmes et bouscule bien des conceptions traditionnelles dans notre façon de nous situer par rapport au travail. mais ce n'est pas parce c'est difficile que nous devons renoncer.
Nous pensons qu'elle constitue un des outils essentiels pour lutter contre le chômage.
Car enfin, certains ont la mémoire courte. Il faut rappeler qu'historiquement la réduction du temps de travail a toujours été un moyen de réguler le volume du travail.
La durée annuelle effective du travail en France qui était de 3 021 heures en 1851, était de 2 035 heures en 1963, et est tombée à 1 642 heures en 1991.
Ce qui est clair c'est qu'aujourd'hui comme au XIXe siècle, mais pour d'autres raisons, la réduction de la durée de travail devient une mesure de prophylaxie sociale. S'il fallait au XIXe siècle faire passer la journée de travail de 10 à 15 heures pour, autant que faire se peut, préserver la santé des salariés, il faut aujourd'hui par cette mesure préserver notre société de toute explosion sociale. C'est cela aussi le réformisme
Si vous en êtes d'accord ce mandat nous le porterons dans les services publics mais aussi au-delà.
II. – Défense de la laïcité : des Services publics et en particulier du Service public d'Éducation nationale et la politique d'aménagement du territoire
Plus que jamais doit être réaffirmée la laïcité de la République, inscrite dans l'article 2 de notre Constitution.
Et d'ailleurs notre projet rappelle avec force que : "la laïcité reste la référence majeure de notre conception de la citoyenneté ; elle est une éthique de vie sociale fondée sur les exigences de liberté, d'égalité, de responsabilité, du respect d'autrui." mais un État laïque fort suppose que l'on donne à cet État les moyens de jouer son rôle. Nous avons toujours combattu cette idée économiquement fausse et socialement dévastatrice que la compétitivité d'un pays est fonction de la réduction de ses dépenses publiques.
Un État plus pauvre c'est une société qui se déchire. Voilà pourquoi nous pensons que seuls les Services publics peuvent apporter une réponse globale et cohérente aux besoins collectifs de Nation.
Nous refusons donc toute privatisation des Services publics, comme nous refusons une décentralisation mal maitrisée qui vise à remettre en cause le rôle de régulation joué par l'État. mais l'État et les Services publics ne pourront jouer le rôle qu'on leur assigne qu'à une triple condition :
– que les Services publics soient au service des usagers et tiennent compte des évolutions qui sont intervenues dans la façon de vivre de nos compatriotes. Il faut donc des Services publics plus nombreux, mieux répartis sur le territoire, ouverts plus longtemps avec un accueil amélioré. Tout cela passe par un effort accru de modernisation et de rénovation. Et sur ces points je vous renvoie au texte de la Résolution.
– il n'y aura pas de Services publics de qualité au service des usagers sans des personnels motivés et respectés.
Cela ne sera possible que si les personnels sont bien rémunérés et que si leur statut n'est pas mis en cause.
– que l'on en finisse avec la seule approche comptable de la vision que l'on a des Services publics et que l'on donne enfin à ces services les moyens d'accomplir leur missions.
Plusieurs sections posent aussi le problème des non-titulaires. Car la précarité dont nous parlions précédemment existe aussi dans la Fonction publique et les Services publics, par le recours massif aux non-titulaires et aux contrats emplois solidarité.
Nous refusons de cautionner la dérive des contrats-emplois solidarité qui nient l'insertion professionnelle des personnes concernées.
La solidarité, elle s'exprime aussi dans notre conception du Service public d'éducation.
Poursuivre la démocratisation de l'enseignement et défendre les valeurs de l'École publique et laïque. Voilà notre mandat. Ce combat est permanent.
La Nation, avons-nous écrit, a besoin plus que jamais d'un enseignement qui rassemble et assure sa cohésion autour des valeurs de citoyenneté. Tout enseignement à caractère propre qui sépare est contradictoire avec cette mission.
Cette mission d'instruction et d'éducation, toutes les catégories de personnels y sont associées.
Et pour mieux définir les finalités de l'École que nous souhaitons nous allons réunir les assises de la transformation du système éducatif. Cette ambition qui est la nôtre ne pourra aboutir que si les moyens nous en sont donnés. Nous réclamons donc que la dépense intérieure brute d'éducation soit portée à 10 % du PIB et que soit votée une loi de programmation. Un effort particulier devra être fait dans les ZEP en milieu rural et en milieu urbain.
L'égalité des chances pour tous les jeunes ne sera possible que si on aide en priorité les jeunes qui en ont le plus de besoins.
Cela nous amène à condamner le développement de l'apprentissage au détriment des formations en alternance sous statut scolaire. Nous dénonçons le retour des classes préparatoires à l'apprentissage qui constitue une remise en cause du droit au collège pour tous.
Solidarité avec les jeunes en difficulté, solidarité entre les régions par l'aménagement du territoire.
L'Éducation nationale a dans ce domaine un rôle majeur à jouer.
Faisons des collèges et des lycées des pôles culturels, des centres de ressources de la zone à habitat dispersé, dotés des moyens nécessaires. Dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche nous proposons de diversifier les structures post baccalauréat ainsi que leur répartition géographique et en particulier de mettre en place des filières de métier complètes et cohérentes entre elles.
Une attention particulière doit être portée au développement rural. Et les Services publics doivent jouer dans ce domaine un rôle essentiel en revitalisant les bassins de vie.
III. – La FEN dans le syndicalisme français
Dernier point abordé : la FEN et sa place dans le syndicalisme français. Dans l'introduction de ce rapport j'ai essayé de montrer comment par vos amendements et par le travail de la commission avait été posé le problème de notre projet syndical, de sa spécificité de son originalité. Dans la dernière partie de cette intervention se pose la question du comment. Comment faire vivre ce projet ? Cette question a été au centre de ce Congrès.
Beaucoup sont venus dire que la FEN ne doit pas douter d'elle-même. Voilà pourquoi vous avez décidé que la priorité était le renforcement de notre identité. Cela passera entre autres par le développement de notre action dans la Fonction publique territoriale. Cette identité renforcée n'est en rien contradictoire avec la consolidation de l'UNSA. Il a été ainsi décidé, si les autres parties prenantes de l'UNSA en sont d'accord, de passer de l'Union en forme de cartel à une structure apte à fédérer la représentativité de toutes les composantes.
Mais notre objectif reste à terme le rassemblement du mouvement confédéral autour de valeurs qui nous sont communes.
Cela passe par un dialogue et une coopération avec les confédérations qui y sont prêtes.
Voilà chers amis, chers camarades, les axes fondamentaux autour desquels nous allons déployer notre action.
Voilà le projet syndical qui va nous permettre d'aborder les nouvelles échéances.
Sachons, comme nous l'a demandé Christine Bonnefon, à le faire connaître, à le faire partager.
Sachons que les élections ne se gagnent pas sur un bilan mais sur des espérances.
Tournons-nous désormais vers l'avenir et finissons-en une fois pour toute, de vivre avec un passé douloureux qui nous meurtrit au risque de nous transformer en statues de sel.
Les lignes d'action sont désormais bien identifiées ; elles sont ambitieuses, elles sont généreuses. Alors battons-nous pour que ces objectifs aboutissent.
Battons-nous en étant nous-mêmes, sans crainte, avec optimisme, avec ardeur, avec confiance.
Battons-nous avec au fond de nous-mêmes un grain de folie, car il en faut en ces temps de repli sur soi pour s'engager dans le syndicalisme, ce grain de folie qui, pour citer Nietzsche, fait danser les étoiles.
C'est tout cela que je nous souhaite.
Alain Olive