Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, ministre du budget et porte parole du gouvernement, sur la mise en place de la TVA intracommunautaire, les remboursements de créances de TVA aux entreprises et le bilan du contrôle fiscal 1993, Paris le 23 mars 1994.

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Circonstance : Conférence de presse de Nicolas Sarkozy sur l'action de la direction générale des impôts et le nouveau régime de la TVA intracommunautaire, à Paris le 23 mars 1993

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

J'ai souhaité vous réunir pour vous présenter l'action de la Direction générale des impôts dans trois domaines essentiels pour notre économie.

I. – La mise en place de la TVA intercommunautaire

Le grand marché intérieur s'est traduit par la suppression des frontières fiscales au 1er janvier 1993.

Formidable simplification des échanges au sein de l'Union Européenne, cette suppression remettait en question tout notre système de TVA et de statistique de commerce extérieur sur les opérations communautaires c'est-à-dire sur 60 % de nos échanges.

L'action déterminée de la Direction Générale des Impôts a assuré le succès de cette mutation et me permet aujourd'hui d'apaiser les craintes qu'elle a pu susciter.

1°) La mise en place administrative et l'information des entreprises ont été faites en temps utile

La réorganisation du ministère du Budget est réalisée ; la DGI est désormais en charge de la TVA interne et de la TVA communautaire.

Les textes législatifs et réglementaires nécessaires ont tous été publiés.

Toutes les entreprises (2,5 millions) ont reçu leur numéro d'identification TVA.

Un effort considérable d'information a été mené.

2°) Les montants de TVA déclarés sont conformes aux prévisions

Les prévisions de TVA communautaires pour 1993 étaient de 82 MdsF.

Les montants constatés sont de 83,7 MdsF ;

Les craintes sur des pertes massives de TVA liées à la fraude qui se sont exprimées ici ou là ces dernier temps (on a parlé de 30 MdsF, voire 50 MdsF de fraude) ne sont donc pas fondées.

Elles résultaient de la mauvaise utilisation d'une estimation de 120 à 130 MsdF publiée en 1992.

Mauvaise utilisation car cette estimation :
– comprenait la TVA sur produits pétroliers, qui reste perçue par la douane : 23 MsdF en 1993 ;
– ne prenait pas en compte le décalage, la seule première année, du mois de TVA : 8 MsdF ;
– était calculée sur des données de 1991 : chacun connaît la dégradation de la conjoncture en 1993.

3°) Les règles de contrôle ont été adaptées à la nouvelle situation et sont déjà opérationnelles

Les contrôles ont été adaptés à la nouvelle donne :
– création d'une nouvelle procédure, le droit d'enquête, pour vérifier les facturations ;
– contrôle à la circulation des marchandises sur l'ensemble du territoire ;
– mise en place d'une assistance administrative entre États : des banques de données informatisées permettent des recoupements rapides ;
– coopération renforcée de deux directions du ministère du Budget.

la DGI qui a l'expérience des contrôles internes et la douane qui a celle des opérations transfrontalières, ont mis en commun leurs moyens et leurs expériences pour surveiller et contrôler la TVA communautaire.

On aurait pu penser que 1993 serait toute entière occupée par la réorganisation du système et que son contrôle n'interviendrait que plus tard.

En réalité, l'importance de l'enjeu a conduit la DGI à commencer les contrôles dès le printemps 1993 :
– 2 800 enquêtes dans le cadre de la nouvelle procédure dont 578 réalisées par la douane qui ont conduit à engager 200 vérifications ;
– 1 600 contrôles à la circulation réalisés bien entendu par la Douane ;
– les vérifications de comptabilité, instrument "classique" du contrôle des entreprises, ont déjà intégré l'examen de la nouvelle législation TVA ;
– plus de 18 000 consultations de données de nos partenaires.

4°) Un nouvel instrument fiable par les statistiques du commerce extérieur

Là aussi la suppression des frontières imposait une refonte de notre organisation.

Aux déclarations aux frontières succède Intrastat, basé sur une déclaration mensuelle par les entreprises, la déclaration d'échange de biens.

Tout a été fait pour que ce changement soit le plus simple pour les entreprises :
– contrairement à la plupart de nos partenaires, un seul document rassemble les informations statistiques et fiscales ;
– la situation des petites entreprises a été prise en compte avec une déclaration simplifiée et l'instauration d'un seul déclaratif (250 000 F).

Comme vous le savez, les statistiques du commerce extérieur ont fait apparaître de bons résultats pour 1993. Comme pour les recettes de TVA, des interrogations ont alors été formulées sur la qualité du nouvel appareil statistique. Elles ne sont pas fondées.

Les contrôles des déclarations, engagés dès 1993, ont confirmé les informations données.

Peu de rapprochements ont pu été effectués avec nos partenaires car, à l'exception de l'Italie, leurs statistiques ne sont pas complètes. Mais avec l'Italie, la confrontation des statistiques bilatérales fait apparaître une bonne cohérence, meilleure même que par le passé.

La comparaison avec l'Allemagne pose certes un problème, mais celui-ci réside dans les difficultés des Allemands à mettre en place leur nouveau système : à ce jour, seules les statistiques des deux premiers mois de 1991 ont été produites par les Allemands, ce qui leur ôte toute valeur comparative.

L'évolution comparée de nos échanges européens et de nos échanges avec les autres pays est cohérent.

En revanche, les statistiques publiées chaque mois ont dû faire l'objet de rectification les mois suivants. Bien que d'ampleur limité (2 à 4 %), ce phénomène n'est pas satisfaisant. Il résulte du retard dans le dépôt des déclarations difficilement évitable dans la phase de mise en place. Il sera corrigé.

La mise en place du nouveau régime s'est donc bien déroulée : il n'y a pas eu de développement de la fraude et le nouvel appareil statistique est fiable.

Bien entendu, les efforts de surveillance et de contrôle devront être maintenus à haut niveau pour garantir les recettes fiscales. Ce sera une orientation prioritaire de la DGI en 1994.

Comme l'a fait la Commission de l'Union Européenne dans son rapport d'étape du 25 novembre 1993, il convient de souligner la bonne acceptation d'ensemble du nouveau régime par les entreprises : la réduction des délais et des coûts de transports grâce à la suppression des formalités douanières a largement compensé l'accroissement des obligations comptables et déclaratives.

Mais cet investissement administratif et financier de départ a été lourd. Or, ce régime a été conçu comme transitoire, dans l'attente d'un régime définitif de taxation des échanges entre les États membres qui doit intervenir au 1er janvier 1997. L'examen de ce régime devra intégrer la nécessité de ne pas entraîner, à brève échéance, de nouvelles perturbations et de nouveaux coûts pour les entreprises.

II.  – Le remboursement de la créance de la TVA

La suppression de la règle du décalage d'un mois a été l'une des mesures essentielles décidée par le Gouvernement pour soutenir l'activité et l'emploi en renforçant la trésorerie des entreprises.

Votée dès juin 1993 elle devait conduire à rembourser un montant estimé à 46 MsdF aux entreprises.

Dès juillet 1993, 11 MdsF ont été remboursés, ce qui a notamment permis le remboursement intégral de 2 millions de petites entreprises, soit 82 % des entreprises.

En octobre, un remboursement de 25 % de la créance des autres entreprises avec un minimum de 150 000 F a été décidé.

C'est une opération exceptionnelle par son importance économique, part les sommes en jeu et par le nombre d'entreprises concernées. Il s'agissait de rembourser un montant estimé à 35 MdsF à plusieurs centaines de milliers d'entreprises sur tout le territoire.

Lors de mes vœux à la presse en janvier, j'avais fait part des premiers résultats encourageants de cette opération et indique que j'en ferais le bilan en mars.

Ce bilan confirme mes premières indications : grâce à l'exceptionnelle mobilisation de la DGI, cette opération a été menée efficacement :
– la prévision du montant à rembourser était bonne : pour une évaluation de 35 MdsF à l'été 93, les remboursements s'avèrent proches de 34 Mds ;
– au 15 mars 1994, plus de 340 000 entreprises ont reçu 31,1 MdsF ;
– dans les prochaines semaines environ 15 000 entreprises recevront 1 MdsF.

L'opération est donc en voie d'achèvement : seuls quelques milliers de dossiers représentent environ 1 MdsF ne soit pas encore soldés. Ces dossiers font l'objet d'études au cas par cas et concernent en particulier des entreprises qui ont disparu.

Le dispositif mis en place était donc bien adapté et, surtout, il a été appliqué par la DGI avec la volonté de faire réussir cet élément essentiel de la politique de soutien aux entreprises.

III. – Le bilan du contrôle fiscal en 1993

Le bilan du contrôle fiscal vous a été présenté tous les ans par le directeur général des impôts. J'ai souhaité, pour la première fois, que le ministre du Budget fasse cette présentation.

Pourquoi ? Parce que le contrôle fiscal est indispensable pour garantir une équitable répartition des charges publiques entre les contribuables et pour assurer l'égalité des conditions de concurrence entre les entreprises.

L'intense majorité des contribuables qui accomplissent bien leurs obligations ne doivent pas payer plus d'impôts pour compenser les pertes liées à la fraude et les entreprises scrupuleuses ne doivent pas être pénalisées par celles qui ne le sont pas.

Mais le contrôle fiscal doit respecter le droit des contribuables et leur occasionner le moins de contraintes possibles. C'était le but de la charte du contribuable qui a profondément rénové notre droit en 1987.

Cet équilibre entre le nécessaire contrôle et le respect du contribuable se reflète aussi dans l'action de l'administration fiscale : le renforcement de l'efficacité du contrôle passe par un meilleur ciblage et par la modernisation de l'administration.

Les résultats du contrôle fiscal de 1993 traduisent cette orientation : un contrôle plus efficace.

Le total des redressements est de 47,6 MdsF (+ 9,2 %).

Le montant des redressements en contrôle sur place augmente plus (+ 10,6 %) que celui du nombre de contrôles (1,6 %).

Un contrôle adapté à la situation des contribuables.

Le contrôle sur pièces, procédure légère, pour vérifier, depuis les bureaux de la DGI, la cohérence des dossiers, est adapté à la surveillance générale du système déclaratif et à la détection des dossiers qui nécessitent un examen plus poussé : en 1993 les contrôles sur pièces ont porté sur 450 000 entreprises et 1 500 000 particuliers.

En IR, 1/3 des redressements ont concerné des revenus supérieurs à 400 000 F (3 % des personnes imposables) et 10 % des contrôles représentent 2/3 des rappels.

Les contrôles sur place, plus lourds, sont nécessaires pour les situations complexes : en 1993, ils ont porté sur 39 400 entreprises et 3 600 particuliers.

Le 1/3 des redressements vient de grandes entreprises (CA inférieur à 400 MF) 2,5 des contrôles représentent 40 % des redressements.

10 % des contrôles se terminent sans redressement et dans près de 2/3 des cas, il n'y a pas de pénalités de mauvaise foi.

La fraude caractérisée est sévèrement sanctionnée.

783 dépôts de poursuites pénales autorisées par la commission des infractions fiscales.

978 condamnations rendues par les tribunaux correctionnels.

Une administration hautement qualifiée et modernisée.

Les 6 000 vérificateurs sont des inspecteurs des impôts c'est-à-dire des cadres qui après une formation universitaire bac +3 minimum passent le concours de l'École Nationale des Impôts où ils reçoivent une formation d'un an à la fiscalité suivie de 6 mois de stage.

Le développement des techniques de traitement de l'information pour les entreprises impliquant une modernisation de l'administration.

Les 2/3 des 500 brigades de vérifications sont dotées de micro-ordinateurs fixes et portables avec des logiciels d'investigation et de calcul de l'impôt.

9 brigades de vérification de comptabilités informatisées viennent en appui sur l'ensemble du territoire.

Conclusion

Sans doute avons-nous encore des progrès à réaliser pour améliorer sans cesse les relations entre les contribuables et l'administration fiscale. Beaucoup, toutefois, a été fait. En voici trois preuves :

1. Le médiateur de la République, en remettant récemment son dernier rapport, a déclaré que c'est avec l'administration fiscale qu'il obtenait le meilleur taux de réussite.

L'administration fiscale reçoit facilement les contribuables, et reconnait volontiers ses torts, a-t-il constaté, en précisant même que cette découverte avait été pour lui, une grande révélation.

2. L'administration des impôts est appréciée du public. Un sondage B.V.A. réalisé en février à la demande du ministère indique que 64 % des français en ont une bonne ou très bonne opinion. Le degré de satisfaction est même plus élevé (74 %) pour les personnes ayant eu à effectuer une démarche directe auprès de leur Centre des impôts.

Qu'elles aient eu un contact téléphonique, ou par courrier, ou qu'elles se soient déplacées auprès de leur centre, les personnes interrogées considèrent en grande majorité que les personnels de l'administration fiscale sont compétents, courtois et répondent clairement à leurs demandes.

La fraude fiscale est considérée comme un délit condamnable par 71 %. Et l'image du contrôle fiscal a largement changé au fil des années : les français sont de moins en moins nombreux à voir dans le contrôle fiscal les méfaits d'une administration trop tatillonne (ils ne sont plus que 22 % dans ce cas contre 32 % en 1991).

Ils sont de plus en plus nombreux, en revanche, à considérer les contrôles comme un gage d'une plus grande justice fiscale (33 % aujourd'hui contre 19 % en 1991).

3.  L'administration, enfin, multiplie les efforts pour se mettre au service des citoyens. La Direction Générale des Impôts a, cette année, élargi et amélioré encore son dispositif destiné à aider les contribuables à remplir leur déclaration d'impôt. 20 000 agents ont été mobilisés durant 15 jours précédant la date limite de souscription.

En liaison avec la Comptabilité Publique et la Direction de la communication, des permanences ont été ouvertes dans des mairies, des maisons de retraite, dans le métro, etc.

Le service Minitel 3615 IR Service, accessible dès le 4 février, a rencontré un vif succès avec plus d'un million d'appels.

Au total, plus de 4,7 millions de personnes ont eu un contact avec l'administration fiscale durant cette période, soit 1/3 de plus qu'en 1993.

Ainsi, mesdames et messieurs, qu'il s'agisse de la mise en place de la TVA intracommunautaire, du remboursement de la créance de TVA, de l'efficacité du contrôle fiscal et, plus globalement, de l'amélioration des relations avec des contribuables, les engagements ont été tenus, et dans les meilleures conditions.

Je m'en réjouis et je suis prêt à répondre à vos questions.