Texte intégral
France Inter - 6 octobre 1998
France Inter : Avec le président de la République ou contre lui ? Telle est la question qui se pose aujourd’hui au RPR à travers le débat sur l’Europe. Le président du mouvement, Philippe Séguin, dont on n’a pas oublié les oppositions au traité de Maastricht, tente néanmoins aujourd’hui une synthèse du mouvement gaulliste avant la ratification du traité d’Amsterdam et les élections européennes de juin prochain. Cette synthèse serait, dit Nicolas Sarkozy, l’expression de la cohérence du mouvement gaulliste. Mais Charles Pasqua, conseiller politique au RPR et président du mouvement « Demain, la France », se place en situation de rupture, pose la question de la souveraineté de la France et continue d’exiger un référendum sur le traité d’Amsterdam. Nos convergences sont plus fortes que nos divergences, disait hier Pierre Lellouche. Pas sûr…
Vous voilà donc seul contre tous, y compris peut-être contre le président de la République ?
Charles Pasqua : Écoutez, seul contre tous, nous verrons bien le moment venu. Je vous ai écouté très attentivement. Vous avez parlé d’un référendum sur le traité d’Amsterdam. Pour le moment, nous n’en sommes pas là. Ce qui est en cause, c’est la révision de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a considéré que le traité d’Amsterdam ne pouvait pas être ratifié puisqu’il entraînait un certain nombre d’abandons de souveraineté et, par conséquent, il fallait modifier la Constitution. Il y avait donc deux solutions, à la suite de l’avis du Conseil constitutionnel. La première eût été de ratifier le Traité ; et la seconde, effectivement si on veut ratifier le Traité, il faut réviser la Constitution. Alors le problème devant lequel nous sommes, au-delà des hommes – ce qui est relativement secondaire –, c’est un problème de fond. II y a depuis des années une démarche que je qualifierais un peu de sournoise qui tend progressivement à instituer une Europe fédérale. Ce que je souhaite, c’est qu’au moins les choses soient claires. On peut très bien être fédéraliste, mais il faut avoir le courage de le dire.
France Inter : Vous êtes trop fin politique pour cela, vous savez bien que la question des hommes n’est pas indifférente. Le président de la République, Jacques Chirac, est favorable à la ratification du traité d’Amsterdam. Vous dites, vous : non, il faut consulter les Français. Vous êtes en situation…
Charles Pasqua : Attendez.
France Inter : Quand même, c’est un peu cela que vous dites !
Charles Pasqua : Vous permettez, Stéphane Paoli ! Vous ne pouvez pas faire à la fois les demandes et les réponses. Le président de la République, naturellement, il a signé le traité d’Amsterdam. Il est donc favorable à sa ratification. Mais la question qui se pose avant même la ratification du traité d’Amsterdam, c’est la révision de la Constitution. C’est sur ce point que porte le débat pour moi. Je dis : cette révision de la Constitution ne peut pas être faite autrement que par les Français puisqu’il y a abandon de souveraineté. Ce serait tout de même paradoxal que François Mitterrand – qui n’était pas gaulliste ainsi que vous le savez probablement – ait soumis le traité de Maastricht à la ratification des Français – la révision aux Français – et que Jacques Chirac, qui se réclame de nos idées, ne consulte pas les Français. Je suis prêt à m’incliner devant le verdict des Français. Il n’y a aucun problème. Mais qu’on les consulte. La souveraineté nationale appartient au peuple, à personne d’autre !
France Inter : Imaginons que ce référendum puisse avoir lieu, quelle question poseriez-vous Charles Pasqua ? Un référendum, il faut que ce soit une question très lisible et très simple : on est pour ou contre la monnaie européenne ? Sur la révision de la Constitution ? Qu’est-ce qu’on propose comme question ?
Charles Pasqua : Acceptez-vous les abandons de souveraineté qui vous sont proposés ? Ce n’est pas plus compliqué que cela. Oui ou non. Et voilà, la question, elle est simple et ma réponse à moi aussi. Voilà.
France Inter : Et là, imaginons que les Français disent : le monde a changé, on vit dans un espace différent. Vous vous inclinez ? Vous dites très bien ?
Charles Pasqua : L’avantage du référendum, tout le monde le sait. D’abord, je rappelle que la révision de la Constitution par la voie du référendum, c’est la procédure normale, aussi bien par l’article 89 que par l’article 11, c’est le référendum. Ensuite on dit : toutefois, le président de la République peut soumettre au Congrès. Mais chacun sait que là, il s’agit de réformettes, pas de problèmes qui portent sur des points essentiels. L’avantage du référendum, c’est que le débat a lieu devant le peuple. Est-ce qu’aujourd’hui, les Français savent ce qu’il y a dans le traité d’Amsterdam ? Personne n’en sait rien ! En dehors des spécialistes et de quelques hommes politiques, la plupart des Français ne le savent pas. Alors il faut le dire. Lorsqu’on dira aux Français, par exemple, nous allons transférer nos responsabilités en matière de contrôle de l’immigration, en matière de justice, en matière de sécurité, nous allons transférer les responsabilités qui sont les nôtres à l’Europe. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu’on pense que l’Europe sera plus compétente et plus qualifiée que nous pour régler ces problèmes ?! Moi, je ne suis pas contre la coopération européenne, naturellement, mais je ne crois pas du tout qu’on puisse régler ces problèmes autrement que par la coopération entre les États et non pas en transférant nos responsabilités aux bureaucrates de Bruxelles.
France Inter : Il n’y a guère que la réponse des Français qui pourrait apporter une solution à la question que vous posez-là. Néanmoins, vous ouvrez au sein de votre propre parti – au moment où il est quand même assez fragilisé – un débat qui risque de le faire exploser. Vous vous en rendez bien compte ?
Charles Pasqua : Le problème n’est pas de savoir si ce débat risque de faire exploser le RPR ou pas.
France Inter : Ce n’est pas une petite question quand même !
Charles Pasqua : Naturellement. Mon ambition, ce n’est pas de faire exploser le RPR. Mais je l’ai dit hier, le RPR a été créé… Je suis un de ceux qui l’ont créé, le RPR. Au moment où le mouvement gaulliste était bien malade, nous avons fait en sorte qu’il renaisse de ses cendres ; mais pour rester fidèle à un certain nombre de principes. Bien sûr que le monde a changé, bien sûr que les choses ne sont pas les mêmes. Mais les principes, c’est-à-dire la souveraineté nationale et l’existence de la France, c’est toujours d’actualité ! Alors le problème, donc, est de savoir si au-delà même de l’appartenance à un mouvement politique et des ambitions légitimes qui peuvent s’exercer dans la classe politique, on reste fidèle à un certain nombre de valeurs et de principes. Quant à moi, la réponse est oui.
France Inter : Cela veut dire que vous iriez jusqu’à la rupture ?
Charles Pasqua : Nous verrons bien. Pourquoi voulez-vous avoir une vision…
France Inter : On ne peut pas dire ce que vous dites, ce matin, à l’antenne et ne pas envisager la question de la rupture. C’est-à-dire de quitter le mouvement si vous n’êtes pas d’accord !
Charles Pasqua : Moi, je ne quitterai pas le mouvement ! Cela veut dire qu’à ce moment-là, le mouvement tel qu’il a été créé ne répondrait plus aux objectifs qui ont été les siens. Nous serions dans une situation tout à fait différente.
France Inter : Et la question de l’anachronisme ? Quand vous dites au fond, l’euro – parce que c’est un des éléments du débat aussi – c’est la ligne Maginot ; l’euro, on croit que cela nous protège, c’est une illusion, c’est une rigolade.
Charles Pasqua : Je n’ai pas dit « une rigolade », j’ai dit : c’est une illusion.
France Inter : Est-ce que vous n’avez pas le sentiment tout de même que les Français sont assez rassurés aujourd’hui par l’existence de l’euro, et qu’à travers les grosses difficultés économiques que nous traversons aujourd’hui, l’Europe encaisse plutôt mieux les chocs que les autres ?
Charles Pasqua : Si j’en juge par ce qui s’est passé à la Bourse de Paris, elle a davantage accusé le choc que celle de Wall Street. D’autre part, si je regarde la dégringolade d’un certain nombre de valeurs françaises, on voit bien les conséquences de la mondialisation et ce n’est pas l’euro qui a protégé Alcatel, ni Paribas. Alors, je ne me réjouis pas du tout de cela, n’est-ce pas ! Il ne faut pas se tromper. Je dis simplement – et la question m’était posée hier par une militante ; elle me disait : qu’est-ce que vous feriez si vous aviez la responsabilité du pouvoir ? Cette éventualité ne risque pas de se produire. Mais je disais : si on veut lutter contre la crise monétaire actuelle… j’entends bien Dominique Strauss-Kahn et un certain nombre de ministres faire de belles déclarations, mais ils n’ont aucun moyen pour agir puisque, notamment au travers du traité de Maastricht, nous avons confié à la Banque centrale européenne le soin de gérer la monnaie. Donc, le gouvernement est hors d’état de dire : il faut baisser les taux d’intérêt ou il faut les augmenter. Ce n’est pas de sa compétence.
France Inter : Il y a peut-être la réponse des citoyens, les Européens qui sont aujourd’hui des consommateurs. Il y a cet immense marché qui entretient la consommation intérieure et qui nous protège.
Charles Pasqua : L’immense marché, il existait avant Maastricht, il existe encore après. Cela n’a pas changé. Je ne suis pas contre le principe d’une monnaie européenne. Là aussi, c’est un faux débat. Je suis contre le fait que l’on confie le soin de gérer cette monnaie à des gens qui sont des fonctionnaires irresponsables, sans aucun contrôle du pouvoir politique. Il est là le problème, il n’est pas ailleurs.
France Inter : Et quand Michel Barnier vous oppose le fait qu’aujourd’hui peut-être l’enjeu c’est plus le positionnement de l’Union européenne face à la puissance américaine, vous lui répondez quoi ? Ce n’est pas un débat médiocre, cela non plus !
Charles Pasqua : Ce n’est pas un débat médiocre, mais c’est un faux débat. Je veux dire par là que pour avoir moi-même participé à un certain nombre de réunions ministérielles, je sais très bien que la vision que défend Michel Barnier et que soutient un certain nombre de nos amis – vision à laquelle je suis tout à fait prêt à me rallier qui est celle de l’Europe indépendante, de l’Europe européenne – c’est une vision idyllique et irréaliste parce que nous sommes les seuls à avoir cette idée. Parmi tous les pays européens, nous sommes les seuls à penser que l’Europe doit être indépendante par rapport aux États-Unis, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas essayer d’y parvenir. Mais enfin, il faut mesurer les difficultés.
France Inter : Quel regard portez-vous sur Philippe Séguin – car le débat se poursuit cet après-midi – qui a été si longtemps si proche de vous, notamment sur la question de Maastricht et de l’euro, plutôt en position de défense – et qui aujourd’hui, vous dit : Charles, la synthèse ou on se sépare ?
Charles Pasqua : D’abord, il ne dit pas cela. Il est assez intelligent pour savoir qu’il ne peut pas y avoir de synthèse. En réalité, il essaye de dégager les grandes lignes de ce qui devrait être, de ce qui pourrait être, si nous avions les responsabilités, une politique de l’Europe, une politique européenne conforme à nos souhaits. Il est dans son rôle de président du rassemblement en faisant cela. Je n’en disconviens pas. Cela n’enlève rien aux échéances et aux points essentiels sur lesquels il faudra bien se déterminer : oui ou non aux abandons de souveraineté ?
TF1 - Dimanche 11 octobre 1998
Michel Field : Bonsoir à toutes, bonsoir à tous. Merci de nous accueillir pour un numéro de « Public » dont l’invité principal est Charles Pasqua. Charles Pasqua, bonsoir. Merci d’être avec nous. Sénateur RPR, président du conseil général des Hauts-de-Seine. C’est évidemment une figure historique du mouvement gaulliste qui dit son opposition aujourd’hui à son propre mouvement sur la question européenne. Ça, on en parlera dans la deuxième partie de l’émission. Et puis dans la première, je vais tenter de vous faire réagir à une actualité de la semaine assez chaude, à la fois sur le plan social, les manifestations de lycéens, les manifestations et les grèves dans les transports publics pour les questions de sécurité, l’intervention du Premier ministre l’autre soir et puis évidemment ce cafouillage socialiste à propos du PACS. Le Premier ministre, vous l’avez regardé devant votre télévision ?
Charles Pasqua : Ah oui ! Oui, oui.
Michel Field : Et vous l’avez trouvé…
Charles Pasqua : Oh ! Je l’ai trouvé, quant à l’expression et à la présentation, je l’ai trouvé assez bon. J’ai failli dire très bon, ce qui eût été excessif. Mais je dois dire que ce qui m’a étonné, c’est qu’alors que le monde est confronté à une crise économique, monétaire, financière très grave, il n’a parlé pratiquement que de problèmes franco-français et j’ai été tenté de penser à la fin de sa prestation, qu’on aurait pu entendre cette chanson qu’on entendait il y a longtemps : « Tout va très bien Madame la Marquise ».
Michel Field : Est-ce que vous avez été touché de la une de « France Soir » le lendemain : « Jospin fait du Pasqua » ?
Charles Pasqua : Je crois que d’autres ont été plus touchés que moi, probablement.
Michel Field : C’est un hommage…
Charles Pasqua : Moi ça ne me gêne pas…
Michel Field : C’est un hommage du vice à la vertu ou réciproquement…
Charles Pasqua : Ce n’est pas la première fois qu’un dirigeant socialiste indique que la sécurité est une valeur de gauche. Ça change avec l’époque où on parlait des fantasmes sécuritaires. Non, je crois que la sécurité est un problème réel et que le gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche, il est confronté à ces problèmes et il faut qu’il essaie de les résoudre dans la meilleure des situations et le plus rapidement possible, voilà.
Agenda de la semaine.
Michel Field : Charles Pasqua, on reviendra dans un instant sur le PACS. Je voudrais qu’on fasse un petit point avec des invités et des acteurs de ces différents mouvements qui ont marqué la semaine. Les lycéens d’abord : il y a quelques lycéens qui sont venus de Nîmes, qui a été un peu le mouvement important de début de semaine. Hélène par exemple, vous avez été en grève cette semaine, vous avez arrêté, mais c’est pour mieux repartir. J’ai envie de vous demander : comment avez-vous réagi aux déclarations du ministre de l’éducation, Claude Allègre, qui a dit qu’il comprenait ce mouvement et que c’était en gros la faute de son administration et aux lenteurs de cette administration si les réformes attendues n’avaient pas encore lieu ?
Hélène Boyer, comité des lycéens nîmois : Réellement, ce qu’il dit, on n’y croit pas trop parce qu’il y a un an, en 1997, ils nous ont distribué un questionnaire de 60 questions très pertinentes. Nous y avons tous répondu consciencieusement. Et on leur a laissé un an, mais ce que nous avons réclamé, on ne l’a pas obtenu. Donc, il y a un vrai problème ici. On aimerait que quand on nous laisse croire certaines choses, ce soit exécuté.
Michel Field : C’est comme une attente qui a été déçue ?
Hélène Boyer : Oui, exactement. On nous a mis l’eau à la bouche et on n’a rien obtenu.
Michel Field : Et dans les revendications, c’est très multiple. On a l’impression en plus que ce n’est pas du tout un mouvement unifié ou en tout cas pas encore. Dans votre cas, c’était quoi les revendications qui vous ont poussés à défiler dans la rue ?
Hélène Boyer : Il y a plusieurs revendications qu’on a faites à l’éducation nationale, c’est-à-dire qu’il y a des problèmes d’effectifs. Les problèmes d’effectifs, ça veut dire qu’il existe des lycées où il y a des classes de 52 élèves, en langues. C’est des conditions de travail impossibles. Il y a un manque de profs, c’est-à-dire qu’il y a des élèves qui n’ont pas encore leurs profs depuis le début de l’année. Ce n’est pas possible quand même, on a un bac à la fin de l’année, il serait temps de penser à certains remplacements. Ensuite, il y a des problèmes de locaux. Il y a des gens qui sont obligés de travailler dans des conditions qui ne sont pas acceptables, du genre… il pleut depuis vingt ans dans des classes ; il y a des élèves, lorsqu’il pleut, il y a de l’eau comme ça, ils sont obligés de travailler sur des bureaux, ce n’est pas acceptable. Ensuite, il y a un manque… ça c’est notre mot d’ordre, il y a un manque de moyens financiers de la part de l’État. On n’a pas assez de budget pour en fait réaliser nos revendications. Et ensuite, il y a un énorme problème, c’est le problème des emplois du temps, qui résulte de toutes nos revendications. Problème d’emplois du temps… il y a des gens, des lycéens qui font des journées de huit heures – 14 heures non-stop. Ils mangent quand ? Ce n’est pas possible ! Et ensuite il y a un autre problème qui sera sûrement résolu mais c’est quand même inacceptable, ça aurait dû finir avant les vacances, c’est les problèmes de travaux…
Michel Field : De travaux dans les établissements pendant que vous êtes en cours ?
Hélène Boyer : De travaux dans les établissements. Il y a quand même une certaine sécurité à avoir et elle n’y est pas. Il y a des élèves qui se sont pris des faux plafonds sur la tête.
Michel Field : Et est-ce que vous allez vous remettre en grève demain ?
Hélène Boyer : On leur a laissé un sursis. Et il y a une grève prévue dans le Gard demain où il y aura plusieurs lycées qui reprendront les manifestations.
Michel Field : Charles Pasqua, votre réaction à ces mouvements lycées ? On a le sentiment qu’on les accueille plus favorablement quand on est dans l’opposition que quand on est au gouvernement.
Charles Pasqua : Oui, ça c’est probablement vrai. Mais au-delà de ces attitudes, ce qu’il faut remarquer, c’est qu’il est inacceptable quel que soit le gouvernement… il est inacceptable et difficilement explicable qu’il y ait des classes aussi nombreuses et des absences aussi importantes de professeurs. Alors je dirais à cette demoiselle qui vient d’intervenir, par contre l’État n’est pas entièrement responsable puisqu’en ce qui concerne les lycées, ce sont les régions qui ont la responsabilité à la fois l’investissement, c’est-à-dire des constructions et des rénovations et aussi de l’entretien. L’État, en ce qui le concerne, est responsable pour la partie enseignante. Mais pour tout ce qui est conditions matérielles, c’est aux régions d’assumer leurs responsabilités, de même qu’en ce qui concerne les collèges, c’est aux départements. J’ai entendu d’autre part Monsieur Allègre, pour des problèmes qui ne sont pas directement du ressort des régions comme ceux de la sécurité, etc., demander le soutien ou la participation des régions… Je crois qu’en face de ces problèmes, il ne faut pas jouer à se renvoyer la balle, dire ce n’est pas nous, c’est l’État. Mais non ce n’est pas l’État, c’est la région, etc. Je crois que chacun doit faire tout ce qu’il peut pour régulariser ce type de situation qui est inacceptable. Je pense aux adolescents. Ils ont déjà des inquiétudes pour leur avenir, à plus forte raison s’ils ne sont pas dans de bonnes conditions de préparation de leurs examens.
Michel Field : Vous accueillez favorablement cette tentative de Claude Allègre… alors un petit peu contrarié en ce moment par les événements, mais de secouer le mammouth comme il disait ?
Charles Pasqua : Vous savez, je crois que les choses sont compliquées parce que l’éducation nationale, c’est quelque chose d’énorme à gérer ! Vous avez près d’un million cinq cent mille personnels. Comment voulez-vous gérer cela d’une manière centralisée ?! Je crois qu’on ne peut espérer obtenir une solution qu’en déconcentrant très largement.
Michel Field : C’est son souhait à lui.
Charles Pasqua : Oui, mais il a raison !
Michel Field : Et vous le soutiendrez ?
Charles Pasqua : Ah oui, absolument. Il a raison. Je crois qu’il faut aller dans cette voie, autrement c’est ingérable. Il n’est pas possible de gérer depuis Paris de tels effectifs et de tels problèmes. Alors on arrive à des situations absurdes, c’est-à-dire que dans des zones prioritaires où d’autres font des efforts, dans le même temps, la gestion des personnels est telle qu’on supprime des enseignants. Alors c’est compliqué. Moi je ne jette pas la pierre à Monsieur Allègre, ce n’est pas ça du tout. Je dis simplement que par rapport aux problèmes qui se posent, il faut mettre tout le monde autour d’une table, tous les responsables, qu’ils soient ceux de l’État, des régions, des départements, etc., essayer de trouver des solutions les meilleures, voir ce qu’il faut faire.
Michel Field : Autre thème d’actualité : les grèves dans les transports, à la RATP d’abord, à la SNCF ensuite. Sophie Morand, vous êtes machiniste, Autonome. Vous étiez en grève vous-même. Est-ce que vous pouvez nous raconter en quelques mots, parce que c’est la loi du genre, pourquoi vous vous êtes mis en grève ?
Sophie Morand, machiniste RATP, syndicat Autonome : Pourquoi ? Pour un ras-le-bol un petit peu d’aller travailler avec la peur au ventre. Un collègue qui se fait poignarder… Maintenant je dirais… ça nous laisse perplexes… Et par solidarité par rapport au collègue surtout et j’espère qu’il va bien aujourd’hui. Mais quelque part, ça met en colère. Donc quand ça met en colère, on s’arrête.
Michel Field : Vous, en tant que femme, vous subissez plus particulièrement cette détérioration des rapports, cette violence dans les bus ?
Sophie Morand : Oui… Physiquement parlant, non par contre. J’ai un petit peu plus de chance que mes collègues. Par contre, verbalement, c’est vrai que ça reste compliqué. Mais bon, c’est très, très compliqué à gérer comme situation. Ça peut dégénérer très, très vite. La chance que j’ai, voilà, c’est d’être une femme, donc ça passe un peu mieux. Automobilistes, pas du tout par contre. Donc c’est aussi beaucoup d’agressions. Ce n’est pas que les usagers des transports en commun. C’est aussi les tiers en voiture.
Michel Field : Et quelles solutions, parce que finalement ce mouvement s’est arrêté très brutalement sans qu’il y ait vraiment de satisfaction non plus sur des revendications qui n’étaient pas toujours très faciles à cerner non plus.
Sophie Morand : Les revendications aujourd’hui, c’est de l’effectif parce que je crois qu’on a un réel problème d’effectifs à la RATP, aussi bien bus qu’ailleurs, de sécurité, de machinistes, de personnel d’ambiance aussi pour tout ce qui est relationnel avec les voyageurs. Maintenant c’est vrai que le mouvement s’est arrêté à mon goût trop rapidement ; solidarité oblige, certains syndicats se sont permis eux, par contre, d’arrêter le mouvement en espérant pouvoir négocier quelque chose. Je ne pense pas qu’aujourd’hui, c’est le moyen le plus rapide de l’obtenir. C’est pour ça que je faisais partie des syndicats qui appelaient au maintien de la grève. Donc bon, c’est arrêté… en espérant quand même quelque part que l’on puisse obtenir nos effectifs et ce qu’on réclame.
Michel Field : Dominique Malvaud, même son de cloche si j’ose dire du côté SNCF, des questions d’effectifs ?
Dominique Malvaud, cheminot, syndicat Sud-Rail Saint-Lazare : Tout à fait ! Même son de cloche, tout à fait ! Question d’effectifs. Ça fait des années… nous, on parle de la région Paris – Saint-Lazare par exemple, il y a dix ans, nous étions huit mille. Aujourd’hui, nous sommes six mille. C’est-à-dire 25 % de l’effectif en moins, un quart de l’effectif. On ne peut pas comme ça indéfiniment retirer du personnel et puis ensuite s’étonner d’un manque de sécurité et d’une peur peu à peu qui s’installe dans le ventre des agents. Chez nous aujourd’hui, les conducteurs ont peur sur certains trains. Ils voient quand ils montent dans le train que leur train va être un train à problèmes et là ils rentrent dans le train avec la peur au ventre. Et là, eh bien il y a un mouvement de ras-le-bol. Et si ce mouvement de ras-le-bol s’arrête maintenant, on peut dire aujourd’hui qu’il repartira demain. À la moindre agression, les cheminots arrêteront le travail parce que les solutions qui nous ont été proposées en termes d’effectifs de police, on pourra peut-être en reparler, mais également en termes d’effectifs par la direction de la SNCF et par le Premier ministre, aujourd’hui sont très, très loin du compte.
Michel Field : Charles Pasqua, comment vous rapporter à ce mouvement, vous qui faites quand même partie d’une famille politique qui a toujours prôné une sorte d’allégement des gros services publics, voire même certains de vos confrères dans l’opposition prônent une privatisation des services publics.
Charles Pasqua : Pas moi, Monsieur Field, pas moi !
Michel Field : Pas vous.
Charles Pasqua : Non. J’ai toujours été favorable au maintien du service public parce que je considère que seul le service public permet d’apporter un certain nombre de satisfactions et surtout il permet d’assurer l’égalité entre les citoyens, ce qu’aucun autre service ne permettrait. Là, nous sommes devant un problème particulier qui est celui de l’insécurité. L’insécurité dans les trains, dans les moyens de transport en commun, qu’il s’agisse de la RATP ou d’autres compagnies, ces problèmes, d’autres pays les ont eus avant nous et ils les ont résolus. On a donc tout de même un certain nombre d’exemples qui nous montrent ce qu’il faut faire. La première des choses à faire naturellement, c’est qu’il faut mettre du monde, et je crois qu’on est allé trop loin dans la voie de l’automation, dans la recherche d’un certain nombre de résultats et tout ça, on le paie très cher. On le paie par les conséquences de ce qu’on appelle un peu légèrement l’incivilité et qui se transforme très rapidement en agressions. Donc je crois qu’il faut renforcer… renforcer en personnel…
Michel Field : Ça veut dire des effectifs en plus et ça veut dire que vous ne pourrez plus reprocher – si jamais le gouvernement vous écoutait – au gouvernement d’augmenter les dépenses publiques pour… un État trop lourd. Vous êtes un peu pris dans une contradiction là, non ?
Charles Pasqua : Il y a certainement des secteurs dans lesquels on peut diminuer les effectifs. Il y a d’autres secteurs dans lesquels au contraire il faut les renforcer. Alors n’essayez pas de me faire dire lesquels…
Michel Field : Si, je l’espère…
Charles Pasqua : Non, mais j’ai quelques exemples bien précis à l’esprit. Alors je vais revenir deux minutes sur le ministère de l’éducation nationale, bon. Dieu sait que j’ai beaucoup de considération et d’estime pour les enseignants qui font un métier difficile ; et dans mon département, je les aide dans la mesure de mes moyens. J’ai l’habitude d’aller d’ailleurs très au-delà de nos propres responsabilités et personne ne nous le reproche. Mais la construction des collèges est désormais du ressort des départements. La construction des lycées est du ressort des régions. À ma connaissance, il y a toujours une direction de la construction des collèges, une direction de la construction des lycées au ministère de l’éducation nationale, avec combien de personnel, combien sont-ils ? Peut-être pourrait-on les affecter ailleurs. Alors je crois qu’une chose est la théorie – moi je suis pragmatique, je ne suis pas un théoricien, je ne suis pas pour le libéralisme, pour le dirigisme, tout ça ne veut pas dire grand-chose… Je crois qu’il faut faire preuve de pragmatisme et se donner les moyens de résoudre les problèmes quand ils se présentent. Il est clair qu’on est allé trop loin et qu’on a commis un certain nombre d’erreurs. Il faut le reconnaître, quels que soient les gouvernements. Des erreurs ont été commises. Il n’y a pas suffisamment de personnels. Il n’est pas possible que quelqu’un qui conduit un bus, soit tout seul et qu’il assure plusieurs tâches à la fois, premièrement ; dans les trains, c’est pareil et donc il faut renforcer en personnel. Et il faut le faire rapidement, tout de suite. Il y a suffisamment de gens qui cherchent du travail, on peut les former assez rapidement. L’Allemagne s’est trouvée dans la même situation : en un an et demi, le problème a été résolu. Les agressions ont diminué de près de 80 %. On l’a vu aussi dans d’autres pays, donc les recettes sont connues. Alors ne disons pas la droite va protester. Eh bien elle protestera si elle le veut ! Quand on est au gouvernement, on prend ses responsabilités. On ne se détermine pas en fonction des cris de l’opposition.
Michel Field : Alors non seulement tout à l’heure on parlait de Jospin fait du Pasqua, mais là c’est Pasqua fait du Jospin quasiment !
Charles Pasqua : Non, je ne fais pas du Jospin. J’ai été au gouvernement, je sais moi-même comment on doit se comporter quand on est au gouvernement. C’est-à-dire qu’on dirige. En fonction des problèmes, on prend les décisions nécessaires.
Michel Field : Dominique Malvaud, juste un mot. Les propositions gouvernementales plutôt du côté du renforcement des policiers en aide aux agents de la SNCF plutôt que l’ouverture finalement d’effectifs supplémentaires, ça vous paraît une solution insatisfaisante ?
Dominique Malvaud : Tout à fait insatisfaisante même si les cheminots sont plus rassurés d’avoir quelques policiers avec eux, etc. Le problème, c’est que ça fait dix ans qu’on nous met des policiers à chaque agression. Une semaine, quinze jours après, ces policiers disparaissent parce qu’ils sont appelés hier parce qu’entre parenthèses, ce n’est pas des policiers en plus tout ça. C’est des policiers qu’on enlève d’autres régions, d’autres cités, etc. Donc dans un mois, il y aura peut-être un problème dans une cité et nos policiers s’en iront. Donc le problème n’est pas réglé comme ça. L’important effectivement… alors Monsieur Pasqua a raison quand il dit « il faut remettre du personnel ». Monsieur Jospin l’a dit également, Monsieur Gallois également, mais maintenant il faut de l’argent. Les lycéens parlaient tout à l’heure de budget. Je crois qu’il est vraiment extrêmement important aujourd’hui que des vrais budgets soient mis. On nous a annoncé huit cents embauches aujourd’hui, quatre cents salariés au statut, quatre cents emplois jeunes. On est en train de préparer les grèves générales de dans dix ans avec ça ou de dans cinq ans puisque les emplois jeunes, ce n’est que cinq ans. Donc arrêtons les fausses demi-solutions, les petits bouts de solutions, mettons vraiment de l’argent pour les services publics. Le chemin de fer bien sûr, les transports par bus mais également les lycées.
Michel Field : Charles Pasqua, les cheminots, les agents de la RATP, les lycéens, on aurait pu parler des gardiens de prison dans la prison de Nanterre, de votre département, il y a eu des mouvements de personnels… des gardiens, les agriculteurs. Vous avez le sentiment qu’il y a un climat social qui se détériore à vue d’œil ces jours-ci ?
Charles Pasqua : Je crois que globalement l’inquiétude augmente, l’inquiétude est perceptible. Et cette inquiétude est un peu diffuse. Alors, il y a l’inquiétude liée à des situations ponctuelles dans tel ou tel secteur dont on parle. Mais il y a autre chose. Il y a la situation économique. Il y a un certain nombre de pays qui sont frappés de plein fouet et on sait bien qu’à l’heure actuelle, les effets de la mondialisation d’une part, d’une libéralisation excessive de l’économie sans aucun contrôle, ont conduit à un certain nombre d’excès. Et puis, il y a un autre élément qu’on n’a pas encore suffisamment mesuré : on parle des fonds de pension et je ne sais pas, vous avez dû voir comme moi dans un certain nombre de journaux, préciser le pourcentage du capital détenu par les fonds de pension américains dans un certain nombre de grandes entreprises françaises. On a vu les conséquences d’ailleurs puisque ces fonds de pension ont décidé de partir un beau matin et il y a eu un effondrement de la bourse, disons les choses telles qu’elles sont. Alors pourquoi ? Il y a une chose que l’on oublie un peu trop facilement, c’est que les fonds de pension sont destinés à rémunérer les retraites et les retraités naturellement n’ont pas beaucoup de temps devant eux pour profiter. Et donc ce qu’ils souhaitent, c’est que pour les capitaux qu’ils ont placés, qu’ils ont investis, ils aient une rentabilité rapide. Ce qui amène les gestionnaires des fonds de pension à rechercher et arbitrer en permanence au profit des endroits dans lesquels il y a un rendement plus élevé et ils le font sans aucune précaution et sans état d’âme et sans scrupule. Alors ça a une conséquence, c’est que naturellement ça privilégie la rente par rapport à l’investissement et que ça ne permet en aucun cas de préparer l’avenir. Donc là je pense que même si les Français ne sont pas en mesure d’analyser cette situation pour le moment, globalement, on sent bien que les choses se déglinguent un peu sur le plan mondial. Et comme d’autre part, la règle a été de dire « laissons faire les marchés », moi je n’ai jamais été de cet avis, mais enfin il est vrai que j’appartiens à une sensibilité qui n’a pas tout à fait cette démarche, il est bien évident qu’à partir du moment où on dit : « on laisse faire les marchés », on voit les résultats.
Michel Field : Je vous propose qu’on se retrouve dans un instant après la pub, on parlera du PACS et puis on en viendra à votre combat pour l’Europe qui va sans doute vous occuper dans les mois qui viennent. À tout de suite.
Michel Field : Retour sur le plateau de « Public » avec Charles Pasqua, mon invité. Nous continuons à vous faire réagir, Charles Pasqua, sur l’actualité de la semaine avec évidemment, actualité politique oblige, c’est cette bévue de la gauche sur le PACS et cet incident de séance. Est-ce que vous vous réjouissez comme Nicolas Sarkozy qu’on a vu tout à l’heure dans « La semaine en images » ? Est-ce que vous avez vraiment l’impression que c’est une embellie pour l’opposition qui va modifier substantiellement le climat psychologique ou vous êtes un peu plus prudent ?
Charles Pasqua : Il ne faut rien exagérer ! Je crois que l’opposition a des raisons de se réjouir, d’abord parce que c’est de bonne guerre. Elle combattait ce projet… elle combattait cette proposition de loi. Son devoir était de faire en sorte qu’elle ne soit pas examinée. Elle a déposé une proposition d’irrecevabilité, la faute est dans le camp des socialistes. Ce sont eux qui auraient dû être là ! Alors à partir de là, on peut se lancer dans une exégèse : pourquoi est-ce qu’ils n’étaient pas là ? Est-ce que c’est à cause de la grève des transports parce qu’ils n’avaient pas de train, pas de bus, etc. ? Ou est-ce que tout simplement, c’est parce que la plupart d’entre eux ou un certain nombre d’entre eux n’avaient aucune envie de voter ce texte ? Je ne sais pas. Ce que l’on peut dire en tous les cas, c’est que très probablement ils ne se sont pas sentis mobilisés. Ils n’ont été mobilisés ni par le Parti socialiste ni par le gouvernement qui n’a pas apporté au soutien de cette affaire un dynamisme exceptionnel. Voilà ce que je vois de l’extérieur. Moi je ne suis pas député. Je suis sénateur. Nous aurons ça au Sénat dans quelque temps.
Michel Field : Catherine Tasca, vous êtes députée et évidemment présidente de la commission des lois et surtout grande artisane, si j’ose dire, de cette proposition de loi. Vous y avez joué un rôle…
Catherine Tasca : Avec beaucoup d’autres…
Michel Field : Avec beaucoup d’autres… donc j’imagine votre déception vendredi soir. Alors est-ce que vous pouvez répondre à Charles Pasqua qui s’interrogeait sur les causes et est-ce qu’évidemment l’attitude des commentateurs qui consiste à dire : finalement les députés socialistes ont voté avec leurs pieds en ne venant pas ou une partie d’entre eux, est-ce que c’est une explication qui vous semble crédible ? Elle est dérangeante évidemment.
Catherine Tasca, présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale : Oui, oui. Je crois qu’elle n’est pas globalement crédible. Je pense, parce qu’il faut dire les choses, qu’il peut y avoir des comportements personnels de réserve à l’égard de ce texte, mais nous en avons débattu suffisamment longtemps dans le groupe socialiste pour que des réserves aient été exprimées et si elles avaient été telles que les gens ne veuillent pas du texte, le texte ne serait pas venu à l’Assemblée. Nous y travaillons depuis des mois. Donc je pense vraiment que ça ne peut pas être l’explication globale. Mais il y en a une autre qui à mon sens est au moins aussi décevante, c’est qu’au fond, comme vient de le dire Charles Pasqua, un certain nombre de députés ont estimé qu’ils avaient des choses plus importantes à faire à ce moment-là et ça, ça veut dire véritablement une attitude d’irresponsabilité par rapport à un texte qui, pour nous, est symbolique, qui doit accompagner l’évolution de notre société. C’est comme ça que nous concevons notre rôle de législateur. C’est un texte important qui était attendu par beaucoup de nos concitoyens. Donc je considère que c’est un très mauvais coup pour la majorité et un coup qu’elle s’est porté à elle-même. J’espère que la leçon va porter et que nous nous retrouverons très vite puisque vous le savez, nous redéposons une proposition de lois pour faire aboutir une réforme sur laquelle nous nous sommes engagés depuis très longtemps.
Michel Field : Il y a eu une sorte d’affolement quand même vendredi ; d’un seul coup, vous avez avancé la date des 24 et 25 octobre et puis immédiatement on a vu que ce n’était pas possible. Est-ce que vous pouvez dire maintenant quand, dans quels délais, cette proposition de loi va repasser à l’Assemblée ?
Catherine Tasca : Il n’y a pas du tout d’affolement sur la date. Ce qui est sûr, c’est que nous avons la ferme décision de reprendre ce texte le plus vite possible. Les dates que nous avons citées à chaud vendredi, je vous révèle un petit peu les coulisses de l’Assemblée, sont des dates que nous avions déjà envisagées en conférence des présidents parce que le calendrier de la semaine, avec l’examen de la loi d’orientation agricole, rendait très, très difficile la poursuite de l’examen normal de la proposition de loi sur le PACS. Alors maintenant le gouvernement qui fixe l’ordre du jour, va bien évidemment chercher une date aussi proche que possible et elle sera proche pour le réexamen du PACS, mais des dates qui soient les meilleures possibles dans la semaine parlementaire et qui ôtent tout risque d’alibi d’absence.
Michel Field : Est-ce que vous avez l’impression qu’il y a eu pour la première fois peut-être depuis que la majorité plurielle est majoritaire au Parlement, une vraie bourde politique qui affaiblit considérablement Lionel Jospin comme Philippe Séguin l’a dit aux journées parlementaires du RPR. C’est le Premier ministre qui sort affaibli de cette affaire ?
Catherine Tasca : Une vraie bourde, oui. Je crois qu’elle incombe vraiment aux parlementaires, aux députés. C’est un mauvais coup porté à Lionel Jospin qui peut tout de même attendre autre chose de sa majorité parlementaire que l’absence, mais je ne pense pas du tout qu’il sorte considérablement affaibli. Il n’en sort pas affaibli. Il en sort sûrement très, très mécontent, mais c’est à nous parlementaires, maintenant, de nous remettre au travail sur un texte que nous avons collectivement porté pendant des mois.
Michel Field : Charles Pasqua, sur le fond, est-ce que ce n’est pas dommage finalement pour un texte qui ouvre un vrai débat de société sur les nouvelles formes de coexistence entre les individus, avec en plus ce qu’on sait, c’est-à-dire des cas difficiles dans les couples homosexuels dont l’un des deux est, par exemple, touché ou emporté par la maladie du sida, tous ces cas finalement concrets et douloureux que cette proposition de loi tentait de résoudre ? Est-ce que ce n’est pas un petit peu dommage que l’opposition en ait fait un cheval de bataille, je dirais, de façon très uniforme et apparaisse quand même à la traîne d’une vraie réflexion sur un débat de société ?
Charles Pasqua : Je crois que… évidemment vous n’avez pas le temps, mais si vous aviez le temps, je vous conseillerais de lire l’intervention que le professeur Mattei a faite à l’Assemblée nationale lorsqu’il défendait l’exception d’irrecevabilité. Et si vous l’aviez lue, vous auriez vu que nous ne contestons pas le fait qu’il y ait un certain nombre de problèmes, qu’il faut tenter d’y apporter des solutions, mais la façon dont le Parti socialiste a voulu traiter cette affaire, a eu comme conséquences, à tort ou à raison, en tous les cas c’est ainsi qu’une grande partie de l’opinion l’a ressenti… elle a ressenti cela comme la volonté du Parti socialiste et d’un certain nombre de responsables politiques d’aller vers le mariage… une sorte de mariage des homosexuels qui, à terme, comme cela s’est passé dans d’autres pays parce que nous avons des exemples – en Hollande par exemple, on a commencé par accepter une sorte de mariage des couples homosexuels et puis dans une deuxième étape, on est passé à l’adoption – je sais très bien que le gouvernement a dit qu’il n’en est pas question, etc.
Michel Field : Et Lionel Jospin l’a réaffirmé très fermement jeudi soir.
Charles Pasqua : Naturellement, mais il peut affirmer tout ce qu’il veut. Je veux dire que c’est une affaire qui est tellement chargée de symboles et tellement lourde de sens, qu’il ne fallait pas s’attendre à ce que cela passe sans crispation et sans que beaucoup de gens s’interrogent. Alors je redis que si les problèmes existent et c’est vrai qu’ils existent, on aurait pu essayer de les résoudre différemment sans entrer dans un système qui a comme conséquence de porter un coup à l’institution du mariage. Là je veux parler du mariage civil. Le mariage religieux, c’est un autre problème…
Michel Field : Quoique vous avez eu des députés de l’opposition brandir les évangiles en pleine séance, ce qui est assez bizarre aussi dans un État laïc et républicain…
Charles Pasqua : C’est vrai, c’est vrai, mais le fait d’être laïc, ça n’empêche pas de croire. Chacun est libre de croire ce qu’il veut !
Michel Field : Mais la bible dans l’hémicycle, ce n’est pas quelque chose qui vous étonne un peu ?
Charles Pasqua : Un peu, oui, quand même, un petit peu.
Michel Field : Vous me rassurez !
Charles Pasqua : Partant de là donc je crois que cette affaire n’aurait pas dû être traitée sous l’angle de l’engagement d’un parti politique que l’on veut absolument satisfaire, tout en heurtant les convictions et les sentiments profonds d’une grande partie de la population. Je crois qu’il faut se méfier des sondages, il faut faire très, très attention.
Michel Field : Si le texte revient, il viendra forcément devant le Sénat, vous voterez contre si c’est à peu près le même texte ?
Charles Pasqua : Ah oui, je voterai contre. Je voterai contre parce que je crois que c’est un mauvais texte.
Michel Field : Alors évidemment le débat se poursuivra. Catherine Tasca, merci d’être intervenue. C’est évidemment l’Europe qui va occuper les prochains mois de votre activité politique. Vous étiez venu déjà à « Public » face au ministre des affaires européennes et on avait à ce moment-là entendu vos arguments notamment sur la perte de souveraineté que représente à vos propres yeux le traité d’Amsterdam. Mais finalement vous vous êtes battu pour un référendum. Ce référendum, il n’aura pas lieu. Il y aura un congrès le 21 décembre.
Charles Pasqua : Le 21 décembre, le congrès ? Ça serait amusant ! Remarquez le conseil des ministres a examiné ça le 29 juillet, on pourrait réunir le Parlement le 25 décembre pour qu’il y ait le moins de gens possible !
Michel Field : Est-ce que, oui ou non, vous pensez que cette bataille du référendum est une bataille que vous avez perdue ?
Charles Pasqua : Alors je ne pense pas ça du tout ; et de toute façon, le problème n’est pas de savoir si cette bataille sera perdue ou si elle sera gagnée. Le problème se pose en termes tout à fait différents. D’abord, il y a le traité d’Amsterdam et le traité d’Amsterdam implique de la part de la France de nouveaux abandons de souveraineté et notamment dans des secteurs que le traité de Maastricht avait préservés, c’est-à-dire tout ce qui concerne la sécurité, le contrôle des frontières, l’immigration, etc., qui étaient restés du ressort de la coopération intergouvernementale. Donc le Conseil constitutionnel, saisi pour avis par le président de la République et le Premier ministre conjointement, a répondu : le traité d’Amsterdam ne peut pas être ratifié en l’état parce qu’il entraîne des abandons de souveraineté qui sont contraires à la Constitution. Partant de là, le président de la République avait le choix entre deux démarches… et le gouvernement… La première démarche consistait à dire : contraire à la Constitution, donc on ne le ratifie pas. Bien. Deuxième démarche, effectivement, l’exécutif a le droit de dire : on va décider de modifier la Constitution. Dès lors qu’on veut modifier la Constitution, et c’est là que le problème se pose, la ratification du traité de Maastricht, on peut l’examiner différemment… On peut considérer que, pour la ratification, le gouvernement et le président de la République ont parfaitement le droit de choisir la voie parlementaire pour la ratification. C’est ce qui se fait sur beaucoup de traités. En ce qui concerne la révision de la Constitution, là, la réponse est simple : c’est non, parce qu’aussi bien l’article 89 que l’article 11 sont formels : la voie normale pour la révision de la Constitution, c’est le référendum et rien d’autre. D’ailleurs, l’article 89 dit : la révision devient définitive lorsque le texte ayant été adopté en termes identiques par les deux assemblées, est soumis au référendum. Toutefois le président de la République peut soumettre au Parlement réuni en congrès, etc. Mais…
Michel Field : C’est bien ce qui va se passer, vous le savez, ne faites pas comme si vous ne le saviez pas !
Charles Pasqua : Monsieur Field, si je me bats, c’est parce que j’espère que ça ne se fera pas.
Michel Field : Mais vous seriez déçu si moi je prends le pari que cela ne se fera pas.
Charles Pasqua : Ah ! Je ne serais pas du tout déçu que vous preniez le pari ! J’espère que vous le perdrez ! C’est tout à fait différent. En tous les cas, moi je ne m’arrêterai pas. Je veux dire par là que le refus de consulter les Français, par la voie du référendum, constituerait par rapport à l’esprit des institutions de la Ve République un très grave manquement. Et je considère que les parlementaires qui s’associeraient à une démarche qui consisterait à réviser la Constitution par la voie parlementaire, commettraient également un très grave manquement par rapport aux institutions.
Michel Field : Mais c’est l’un des vôtres qui est chef de l’État, Charles Pasqua. C’est très grave ce que vous dites…
Charles Pasqua : Merci de me le rappeler, Monsieur Field…
Michel Field : Oui, mais vous semblez l’oublier…
Charles Pasqua : Non, je n’oublie rien du tout.
Michel Field : S’il y a vraiment un manquement à la tradition gaulliste, à l’esprit de la Ve République, vous êtes en train de me dire : Jacques Chirac trahit la Ve République ?
Charles Pasqua : Moi je n’emploie pas de terme aussi abrupt ; et puis je comprends parfaitement que Jacques Chirac ait une autre approche. Et moi je ne me prétends pas détenteur d’un morceau de la croix de Lorraine. Mais nous avons un certain nombre de textes là. Ils émanent du général de Gaulle lui-même. Nous savons ce qu’il pensait. Il l’a dit lui-même et Peyrefitte l’a rappelé. Peyrefitte a rappelé trois choses lors de la convention du RPR sur l’Europe, permettez que je les lise ?
Michel Field : Si ce n’est pas trop long, oui.
Charles Pasqua : Non, ce n’est pas trop long, mais c’est intéressant. Première citation du général de Gaulle : « Chaque peuple est différent des autres avec sa personnalité incomparable, inaltérable, irréductrice. Si vous voulez que des Nations s’unissent, ne cherchez pas à les intégrer comme on intègre des marrons dans une purée de marrons ». Deuxième citation : « Cette Europe prendra naissance si les peuples dans leur profondeur décident d’y adhérer. Il ne suffira pas que des parlementaires votent une ratification, il faudra des référendums populaires ». Dernière citation : « Pour une modification sérieuse de la Constitution, il faut le référendum. Il faut que le peuple se prononce lui-même. Il est le seul à pouvoir transformer ce qu’il a fait »… Voilà, moi je reste fidèle à cet esprit. Et donc je continuerai à me battre pour qu’il y ait le référendum. D’ailleurs je constate que cette idée du référendum transcende les partis politiques et d’ailleurs mon action ne se situe pas dans le cadre des partis politiques. L’action que je mène pour le référendum, elle ne se situe pas à l’intérieur du RPR ni de l’Alliance, etc. Lorsque je dis : « il faut un référendum », je m’adresse aux Français, je ne m’adresse pas aux partis politiques. Évidemment, je commence par le dire chez moi, c’est clair, dans ma propre formation, mais je m’adresse à l’ensemble des Français.
Michel Field : Alors mettons que cette bataille, vous ne la gagniez pas. La prochaine échéance, elle sera celle des élections européennes. Est-ce que – et on a eu ce sentiment-là en vous écoutant à la convention sur l’Europe que le RPR a tenu la semaine dernière –, est-ce que vous allez y allez tout seul, ou avec d’autres mais en tout cas sans le RPR ou à côté de lui ou contre lui ?
Charles Pasqua : Nous verrons bien. D’abord que fera le RPR ? Personne n’en sait rien pour l’instant. En ce qui concerne la révision constitutionnelle, Philippe Séguin a déjà indiqué que chacun serait libre de voter en son âme et conscience. C’est bien la moindre des choses. Mais je lui donne volontiers acte de cette décision qui est importante. Je pense d’ailleurs qu’il devrait en être de même pour la ratification. Ça, ce sont des sujets qui touchent à la conscience personnelle de chacun d’entre nous. La discipline de partis n’a rien à voir dans cette affaire. Deuxièmement, aura-t-il un référendum ou pas ? Alors ce que je ne comprends pas très bien, c’est pour quelle raison le président de la République – je ne parle pas du gouvernement, le principal concerné, c’est le président de la République –, pourquoi le président de la République et le mouvement auquel j’appartiens, qui se réclame du gaullisme comme d’ailleurs un certain nombre de formations politiques, serait contre le référendum ? Après tout, le référendum, ça consiste en quoi ? Ça consiste à débattre devant le peuple français et à lui dire : c’est à vous de décider. Une fois que le peuple a décidé, chacun s’incline. Alors en quoi est-ce que le fait de revendiquer ou de demander un référendum peut gêner qui que ce soit ? Sauf si on veut traiter ce problème à la sauvette. Alors si on veut le traiter à la sauvette sans dire aux Français ce qui va réellement se passer, en quoi ça consiste ces abandons de souveraineté, alors là effectivement il vaut mieux le faire au Parlement.
Michel Field : Mais cette série des abandons de souveraineté, est-ce que ça n’a pas commencé, ou en tout cas il n’y a pas eu une date marquante à vos propres yeux au moment de la signature de l’acte unique européen ? Vous étiez ministre à ce moment-là. On ne vous a pas entendu démissionner.
Charles Pasqua : Non, mais l’acte unique, c’était tout à fait autre chose. Nous sommes passés…
Michel Field : C’est une logique aussi : l’acte unique, Maastricht, Amsterdam, c’est une même logique.
Charles Pasqua : Oui, mais nous n’avons jamais tranché, ni nous ni quiconque, nous n’avons jamais tranché sur l’essentiel. Il est bien clair que l’acte fondateur qui est le traité de Rome, est un traité d’inspiration fédérale. Alors vous me direz : mais pourquoi le général de Gaulle a-t-il décidé de l’appliquer ? Parce que lui se faisait fort de mettre un terme à cette dérive fédérale. Et c’est vrai qu’en réalité, tant que le général de Gaulle a été au pouvoir et ses gouvernements, ils n’ont pas hésité notamment à pratiquer la politique de la chaise vide. C’est ainsi qu’on est arrivé à obtenir, au travers du compromis de Luxembourg notamment, que lorsque les intérêts vitaux d’un pays sont mis en cause, il y ait une sorte de droit de veto.
Michel Field : Cette détermination, Jacques Chirac ne l’a pas ?
Charles Pasqua : Manifestement, il l’a moins. Je veux dire par là qu’il a une autre conception de choses. Peut-être pense-t-il que le monde a changé. Peut-être pense-t-il qu’il faut s’adapter. Tout ça, je le comprends.
Michel Field : Vous êtes un peu paléo quoi…
Charles Pasqua : Oui, mais ça, ça ne me gêne pas du tout. Le problème n’est pas là. Le problème, c’est que lorsqu’on croit à des idées, lorsqu’on a des convictions, on se bat pour elles.
Michel Field : Alors est-ce que vous irez jusqu’au bout y compris avec une liste à vous aux élections européennes ?
Charles Pasqua : Nous verrons bien le moment venu.
Michel Field : Non, non répondez-moi !
Charles Pasqua : Oui, eh bien je vous réponds : je n’en sais rien.
Michel Field : Alors on va jouer un peu, vous n’avez droit qu’à une réponse, oui ou non. Aurez-vous une liste…
Charles Pasqua : Vous ne pouvez pas poser des questions sous cette forme, ou alors c’est que vous êtes pour le référendum.
Michel Field : Est-ce que oui ou non, il y aura une liste Pasqua aux élections européennes ?
Charles Pasqua : Vous verrez bien le moment venu. Je ne l’exclus pas. Je n’ai rien décidé du tout. Je ne dis pas que je ferai une liste. Je dis simplement qu’à partir du moment où le mouvement auquel j’appartiens, aurait accepté qu’en définitive cette révision de la Constitution se fasse par la voie parlementaire, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas de débat dans notre peuple, alors nous serions dans une situation qui amènerait chacun d’entre nous à prendre ses responsabilités. Je ne le souhaite pas. Je ne le souhaite pas et je sais d’autre part les efforts que fait Philippe Séguin pour essayer de maintenir l’unité du mouvement et aussi au travers d’amendements qui seraient votés par le Parlement… d’amendements à la Constitution, d’essayer de trouver des solutions. Mais il ne peut pas y avoir de solution ! Je veux dire par là qu’à partir du moment où on accepterait la ratification du traité d’Amsterdam, cela voudrait dire qu’en dehors des abandons de souveraineté dont j’ai parlé, on accepterait que le droit européen l’emporte sur le droit français, y compris sur la loi fondamentale qu’est la Constitution. C’est donc un changement complet. Et c’est la raison pour laquelle j’ai écrit à Jacques Chirac, auquel m’unissent des liens d’amitié anciens, pour le mettre en garde et pour lui dire ce que je pense.
Michel Field : Et ça c’est un combat que vous mènerez jusqu’au bout même si ça devait par… je ne sais pas, par une crispation de l’appareil, entraîner votre exclusion du RPR, par exemple ?
Charles Pasqua : Pourquoi ? Parce que vous pensez que le fait que l’on brandisse un sabre de boit peut m’impressionner ?
Michel Field : Le sabre de bois, c’est celui qu’on vous prête dans le livre d’Éric Zemmour, « Le livre noir de la droite », c’est ça… c’est-à-dire que même autour de vous, on dit, sauf le respect que je vous dois : Pasqua, il est un peu grande gueule, mais il est un peu velléitaire, il ne va pas toujours jusqu’au bout de ses combats !
Charles Pasqua : Nous verrons bien !
Michel Field : Mais rassurez-nous !
Charles Pasqua : C’est un pari, nous verrons bien ! Je n’ai pas fait, Monsieur Field, pour terminer sur une note un petit peu plus sérieuse si j’ose dire… je n’ai pas fait tout ce que j’ai fait depuis plus de cinquante ans… j’ai rejoint le général de Gaulle dans la Résistance, je n’avais pas tout à fait seize ans, je n’ai jamais changé d’idées. J’ai toujours été fidèle à une certaine conception de la France. Je ne changerai pas, quoi qu’il arrive.
Michel Field : Et comment comprenez-vous que le RPR soit finalement si peu nombreux à vous soutenir ?
Charles Pasqua : Mais je n’attends pas le soutien du RPR, ce n’est pas mon problème ! Je pense simplement que si des efforts avaient été faits depuis dix ans pour rappeler à ceux qui nous ont rejoints, ce qu’est réellement le gaullisme, nous n’en serions pas là.
Michel Field : Et c’est douloureux pour vous, non, qu’un gaulliste à la tête de l’État soit finalement celui qui abandonne ou qui brade l’héritage gaulliste.
Charles Pasqua : Non, je ne dis pas qu’il abandonne ou qu’il brade, mais je dis que nous sommes engagés dans une voie – je ne sais pas si mes amis, si mes compagnons s’en rendent compte –, mais nous sommes engagés dans une voie, si elle va jusqu’à son terme, la France en tant que Nation souveraine n’existera plus, et que ce soit des membres du mouvement gaulliste qui s’associent à cette démarche, pour moi effectivement, c’est d’abord difficile à comprendre et ensuite difficile à accepter.
Michel Field : Charles Pasqua, je vous remercie. Merci à toutes, merci à tous. La semaine prochaine, c’est Claude Allègre justement, le ministre de l’éducation nationale qui sera l’invité de « Public ».