Interview de M. Alain Juppé, Premier ministre, à France 2 le 10 décembre 1995, sur ses décisions concernant le plan de réforme de la Sécurité sociale, les régimes spéciaux de retraite et le contrat de plan de la SNCF et sa volonté d'organiser un sommet social avec les partenaires sociaux.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

M. Mano : Bonsoir.

Un rendez-vous exceptionnel pour une situation exceptionnelle. Monsieur le Premier ministre, bonsoir…

M. Juppé : Bonsoir.

M. Mano : Et merci d’avoir accepté notre invitation.

Q. : Cela fait dix-sept jours que le pays est paralysé en partie par un mouvement social important. Et la question qu’on se pose ce soir, c’est : comment en sortir ? Je voulais vous demander d’abord si vous avez trouvé les moyens de répondre au message que le pays semble vous avoir envoyé ? Est-ce que ce message de mécontentement ou d’inquiétude, vous l’avez entendu ?

M. Juppé : Bien sûr. Je l’ai écouté, je l’ai entendu et je suis très attentif, jour après jour, à la situation de ceux qui souffrent de cette situation, précisément. Je l’ai évoquée déjà à plusieurs reprises : ceux qui veulent travailler, qui ont beaucoup de difficultés à rejoindre leur lieu de travail, ceux qui sont en grève – ce n’est jamais facile de prendre une telle décision – et puis, aussi, je pense à la situation dans certaines villes où, par exemple, on ne ramasse plus les ordures ménagères, où la situation est très difficile. Donc, il faut en sortir.

Quand j’entends parler ici ou là de « pourrissement », c’est un mot, une idée qui me sont odieux. Il faut en sortir et on ne peut en sortir que par le dialogue, la discussion, la concertation. C’est que j’avais annoncé mardi dernier. Mes ministres sont montés en première ligne. Ils ont beaucoup travaillé cette semaine, ils ont vu les organisations syndicales. J’ai désigné à la SNCF un médiateur, une personnalité importante, monsieur Mattéoli, qui a également travaillé. Mes ministres et monsieur Mattéoli sont venus me rendre compte cet après-midi et je suis maintenant prêt, sur la base des informations qu’ils m’ont communiquées, à recevoir dès demain chacune des organisations syndicales qui le souhaiteront et j’espère, je suis sûr, qu’elles viendront au rendez-vous que je leur fixe ce soir.

M. Duhamel : Si elles le désirent, si elles vous le demandent, vous êtes prêt aussi à les recevoir ensemble, peu de temps après, ou pas ?

M. Juppé : J’ai entendu parler, par certaines d’entre elles, « de sommet social » ; pour reprendre cette expression, moi, je ne suis fermé à aucune solution, à aucune hypothèse. Je vais leur parler demain, j’ai des choses à leur dire. Je voudrais surtout les écouter également. Et puis s’il apparaît que, en fixant un calendrier, un ordre du jour, une rencontre de tous les partenaires, organisations syndicales, organisations professionnelles, est utile pour sortir de cette crise par le haut, pour faire en sorte que ce qui n’est pas un bien, hélas ! puisque devenir un bien, un révélateur, bien sûr, j’y suis prêt.

M. Duhamel : Au départ de toute cette affaire, il y a ce qu’on a appelé le plan Juppé, c’est-à-dire un plan de réforme du financement de la Sécurité sociale.

Ce plan, le maintenez-vous ? Le retirez-vous ? Ou le modifiez-vous ?

M. Juppé : Quand j’ai présenté le 15 novembre dernier, c’est-à-dire il y a un peu moins d’un mois ce plan, tout le monde l’a salué parce qu’il était global et cohérent. On a dit : « C’est la première fois que l’on s’attaque aux problèmes de la Sécurité sociale avec une telle ambition ».

Il comporte bien des aspects. D’abord, il consiste à clarifier les responsabilités parce que, comme je l’ai dit, on ne sait plus très bien qui fait quoi dans ce vaste domaine qu’est la Sécurité sociale. Et mon idée, c’est de confier au Parlement, qui est l’expression de la souveraineté populaire, la possibilité de fixer chaque année les règles du jeu. Pour cela, il faut une révision constitutionnelle, elle aura lieu. Le texte est en préparation, la discussion se fera au mois de janvier.

Il y a, ensuite, la vaste réforme de l’assurance-maladie sur laquelle, quand on regarde bien les déclarations des uns et des autres, on se rend compte en vérité qu’il y a une sorte d’accord général. Toutes les propositions alternatives qui ont été faites consistent à reprendre en vérité mon plan. Eh bien, cette réforme est urgente parce que, si on ne l’a fait pas, on risque une cessation de paiement de la Sécurité sociale, et on va donc la faire. Pour cela, j’aurai recours à des ordonnances, comme on l’a fait souvent dans le passé. Il me faut une loi d’habilitation. Elle doit être votée dans les délais nécessaires, c’est-à-dire avant Noël.

Vous avez – je crois qu’on l’a vu au journal tout à l’heure – observé qu’il y avait obstruction à l’Assemblée nationale. J’ai pris les chiffres. Sur un texte qui n’est pas très long – il fait moins d’une page – qui a donné lieu d’ores et déjà à 39 heures de débats à l’Assemblée nationale, il y a plus de 5 400 amendements et sous-amendements. Alors, il faut en sortir et – tout à l’heure, j’irai à l’Assemblée nationale pour en sortir, en utilisant les instruments de procédure qui conviennent.

M. Mano : Sur quoi va se prononcer l’Assemblée nationale ? Qu’est-ce qui est indispensable, qu’il faut faire dans l’urgence ? Et qu’est-ce qu’il est possible de différer, de discuter pour ouvrir cette négociation, cette discussion ?

M. Juppé : Sur les thèmes que je viens de rappeler, les principes ont été fixés, le Parlement a délibéré. Il a voté à une très, très large majorité. Mais maintenant, bien sûr, il faut passer à l’application. Je vais prendre deux exemples :

Il y a d’abord le remboursement de la dette, qu’on connaît, on connaît les chiffres. Pour cela, il faut aller vite et ce sera la première ordonnance qui sera préparée d’ici la fin de l’année.

Deuxième exemple, la réforme de l’hôpital qui donnera lieu aussi, dans le premier trimestre de l’année prochaine, à une ordonnance. C’est très compliqué : j’ai fixé les principes, maintenant il y a toutes les modalités d’application à discuter. Et, ça, je souhaite les discuter, d’une part, avec les commissions permanentes du Parlement et, d’autre part, avec les organisations syndicales et professionnelles. Vous voyez donc que, sur les modalités, il y a beaucoup de grain à moudre aussi.

M. Duhamel : En ce qui concerne le contrôle de l’augmentation des dépenses de santé ?

M. Juppé : C’est une des modalités à mettre au point. Le principe est fixé, je ne vais pas rentrer dans le détail des réformes que j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer ici. Mais pour passer aux modalités concrètes, il y a, là aussi, à discuter.

M. Mano : Est-ce que, par exemple, sur la question de la tutelle du Parlement, en tout cas du contrôle du Parlement sur la Sécurité sociale, c’est quelque chose qui se discute ?

M. Juppé : Ce n’est pas une tutelle, comme vous le dites, c’est un contrôle. Nous sommes dans un pays démocratique…

M. Mano : …Certains disent « tutelle ».

M. Juppé : Oui, mais, moi, je ne dis pas : « tutelle », je dis : « contrôle ». Nous sommes dans un pays démocratique et je pense que tous les Français veulent rester dans un pays démocratique : qui peut s’offusquer, de ce que le Parlement qui a été élu démocratiquement puisse, comme il le fait sur le budget de l’Etat, donner son avis et ses décisions sur les grandes orientations de notre politique de santé et sur l’équilibre prévisionnel des comptes ? il y a, là, quelque chose qui tombe sous le sens, en démocratie. Mais une fois que le Parlement s’est prononcé, il y a ensuite la gestion au quotidien et, là, il faudra définir la place des partenaires sociaux, d’où, là encore, discussion et concertation.

M. Mano : Vous avez expliqué à plusieurs reprises que ces réformes étaient pour que cela aille mieux…

M. Juppé : …Bien sûr.

M. Mano : Que cela aille bien pour les Français.

M. Juppé : Bien sûr.

M. Mano : Or, un certain nombre d’entre eux ont le sentiment qu’on risque un peu de leur faire du mal.

Qu’est-ce qui ne passe pas !

Qu’est-ce qui ne marche pas ?

M. Juppé : Il faut s’expliquer davantage et je ne cesse de le faire. Cette réforme est faite pour sauver la Sécurité sociale. Si la Sécurité sociale était en bonne santé, en pleine forme, on ne ferait rien. Mais qui peut dire aujourd’hui que la Sécurité sociale n’est pas menacée, demain, de graves difficultés ? Tout le monde est d’accord sur ce constat. Il faut donc faire quelque chose et c’est à cela que je veux m’attaquer.

Je voudrais insister sur un point : c’est que, dans ma réforme, il n’y a aucune diminution de remboursements au profit des assurés sociaux. C’est la première fois que, dans un plan Sécurité sociale, il n’y a pas de diminution des remboursements. On agit autrement. On agit en essayant de faire en sorte que la qualité des soins soit maintenue, mais que l’offre de soins soit mieux organisée pour qu’il n’y ait pas de gaspillage et qu’il y ait de meilleurs contrôles. Qui peut refuser cette idée ? Je crois que c’est une idée de bon sens et beaucoup de spécialistes de bonne volonté, qu’ils soient de droite ou de gauche, y adhèrent. Vous avez vu qu’un grand nombre d’intellectuels de gauche ou de spécialistes, comme de droite bien sûr, ont adhéré aux principes généraux de ma réforme.

M. Duhamel : Vous disiez à l’instant que la gauche multipliait les amendements à l’Assemblée. Il y a aussi une partie de notre majorité qui a des doutes et des craintes. Comment faites-vous pour que les choses aillent vite et bien ?

M. Juppé : Je ne comprends pas cette expression « doutes et craintes »…

M. Duhamel : …On essaie de dire les choses comme elles sont.

M. Juppé : Je vous dis que je ne comprends pas ! …Il y a en démocratie un baromètre très simple : c’est le vote à l’Assemblée nationale. Il y a eu un premier débat, souvenez-vous : toute ma majorité s’est mise debout pour applaudir le discours que j’avais fait le 15 novembre et tout le monde a voté comme un seul homme dans la majorité. Il y a eu ensuite une motion de censure : personne ne m’a fait défaut. Et ainsi de suite. Donc, la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat me soutient sans la moindre hésitation. Qu’ici ou là, telle ou telle personnalité veuille faire des suggestions, c’est bien normal en démocratie.

M. Mano : L’idée d’un référendum vous a effleuré, vous effleure ?

M. Juppé : Non, je crois que le Parlement est là pour jouer son rôle. Et, je le répète, il aura des pouvoirs considérablement étendus grâce à la révision constitutionnelle que nous allons mettre en place.

Mais, là, nous n’avons parlé que de certains aspects de la réforme, il y en a beaucoup d’autres…

M. Duhamel : …On va y venir.

M. Juppé : Qui concernent la réforme de la Sécurité sociale ou d’autres raison qui expliquent le blocage social actuel. Je pense, par exemple, à la situation de la SNCF.

M. Mano : On va venir à la SNCF. Mais les dirigeants syndicaux que vous allez recevoir vont tous être contents parce que cela fait un moment qu’ils le demandent…

M. Juppé : Permettez-moi de vous interrompre, ils ont été reçus pendant toute la semaine par Monsieur Barrot, par Monsieur Perben, par Monsieur Pons, par Monsieur Mattéoli. Alors, je serai heureux de les voir demain, comme je les ai vu d’ailleurs dans le passé, parce que je les ai vus très souvent depuis que je suis Premier ministre.

M. Mano : Ils avaient envie de vous voir.

M. Juppé : J’en serai ravi.

M. Mano : Le champ de la discussion avec eux, cela commence où ? Cela s’arrête où ?

M. Juppé : Jusqu’où ils voudront aller. Moi, je n’ai aucune limite au champ de la discussion ! – J’ai parlé des principes de base de la réforme de la Sécurité sociale. Il y a un deuxième domaine très important sur lequel, je crois, il faut faire la clarté – si on pouvait la faire, ce soir, une bonne fois pour toutes…

M. Mano : …Essayons !

M. Juppé : Je crois que l’on aurait bien travaillé – c’est l’affaire des régimes spéciaux de retraite.

M. Duhamel : On va y venir…

M. Juppé : Ah ! on y vient plus tard ?

M. Duhamel : Oui, on va y venir. Dans pas très longtemps.

Il y a un mot qui fait figure de tabou jusqu’à présent, c’est le mot de « négociation ». Est-ce que, en rencontrant les principaux responsables syndicaux, d’abord seul, peut-être ensuite, ensemble, vous allez négocier avec eux ?

M. Juppé : Ne jouons pas sur les mots : se concerter, dialoguer, discuter, négocier, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de se mettre autour d’une table et de trouver des solutions. Alors qu’on utilise le mot qu’on voudra, moi, je veux trouver des solutions. On ne peut pas rester dans la situation actuelle qui va avoir, qui a déjà et qui risque d’avoir encore plus, demain, des conséquences économiques catastrophiques. On l’a vu tout à l’heure, pendant votre journal télévisé, avec la préparation notamment de Noël et ce qui se passe dans les commerces ou dans les petites et moyennes entreprises. Il faut trouver des solutions et, moi, je suis prêt à y mettre toute ma bonne volonté.

M. Mano : Parlons des régimes spéciaux. Il y a une commission qui s’appelle la commission Le Vert – c’est le nom de son animateur – qui fait manifestement un peu peur parce que beaucoup de gens pensent qu’ils vont devoir travailler plus longtemps avant de partir à la retraite. Est-ce que, sur les régimes spéciaux, vous pouvez leur apporter un certain nombre d’assurances ?

M. Juppé : Je crois, parce qu’il y a eu là aussi malentendu. D’abord, je voudrais dire (pour ceux qui ne savent pas très bien de quoi il s’agit), que les régimes spéciaux concernent les fonctionnaires et puis un certain nombre d’entreprises publiques : la SNCF, la RATP et d’autres encore.

J’ai lu, ici ou là qu’on allait mettre en cause ces régimes spéciaux. Il n’est pas question de les remettre en cause, il n’est pas question de les supprimer, il n’est pas question de les aligner sur le régime général. Il n’est pas question, par exemple, de changer l’âge de départ à la retraite de certaines catégories de personnels qui ont des contraintes spéciales.

M. Duhamel : Justement… les cheminots – c’est peut-être le symbole en ce moment. Les cheminots ont un type de retraite très particulier : les roulants partent tôt mais en même temps les conditions de cotisations sont complexes et ils n’ont pas facilement leur pension pleine. Alors, que pouvez-vous leur donner comme vraie garantie ?

M. Juppé : Je dis deux choses très précises ce soir :

1. Il n’est pas question pour le personnel roulant, auquel vous faites allusion, de la SNCF et de la RATP d’ailleurs de remettre en cause l’âge de 50 ans qui se justifie compte tenu des suggestions particulières que subit ce personnel.

2. Il n’est pas question non plus de remettre en cause les modalités de calcul de la retraite. Vous savez que, dans ce secteur-là, on calcule la retraite sur les six derniers mois d’activité. Et jamais, dans aucun de mes propos, je n’ai évoqué la remise en cause de ces deux points.

Vous parliez tout à l’heure de la commission Le Vert, du nom de celui qui la préside, monsieur Le Vert, c’est vrai qu’elle n’est pas bien comprise, en tout cas qu’elle n’est pas comprise par tout le monde. Eh bien, j’ai décidé de suspendre cette procédure de façon à pouvoir discuter d’abord avec les organisations syndicales pour définir la méthode de nos réflexions.

Mais je voudrais ajouter un mot là-dessus, et là encore il faut revenir à l’essentiel, y aura-t-il, dans quelques années, oui ou non, des difficultés dans les régimes spéciaux ? Il y en aura. Il faut le dire, il faut avoir le courage de le dire aux Français. Ce serait tellement simple pour moi de dire : « Eh bien, non, tout va bien, parce que c’est vrai que, en 1996, et 1997, en 1998, il n’y aura pas de problème. Il ne s’agit, en aucune manière, de toucher à ce qui va se passer dans les deux ou trois ans qui viennent, mais je le redis, parce que je crois profondément, là encore de bonne foi, que si on ne fait rien, dans dix ans, alors, il y aura des problèmes. Alors, prenons le temps de nous mettre autour de la table avec les organisations professionnelles et syndicales pour en parler. C’est tout ce que je souhaite, rien de plus.

M. Mano : Il y a beaucoup de gens qui vont se dire aussi, pas les mêmes forcément, que si on ne fait rien là-dessus, il faudra de nouveaux prélèvements.

M. Juppé : Bien sûr.

M. Mano : Pouvez-vous donner l’assurance aux Français qu’il n’y aura pas de nouveaux prélèvements ?

M. Juppé : Bien sûr.

M. Mano : Pouvez-vous donner l’assurance aux Français qu’il n’y aura pas de nouveaux prélèvements ?

M. Juppé : Non. Mais vous ne pouvez pas me demander des choses contradictoires ! Si on ne fait rien, les retraites dans dix ans, on ne pourra plus les payer. Alors, je dis simplement : « Mettons-nous autour de la table, d’abord, pour faire le diagnostic. Si tout le monde n’est pas d’accord sur le diagnostic, il faut commencer par là. Et puis, ensuite, pour chercher des solutions ». Mais quoi, je ne veux pas mentir aux Français. Je ne vais leur dire : « Dans dix ans, on rasera gratis ». Et pourtant, ce serait tellement simple, à ma place ; dans dix ans, je ne serai plus là. Alors, je pourrais promettre pendant dix ans…

M. Mano : …Oh !

M. Juppé : C’est une des certitudes qu’on peut avoir.

M. Duhamel : Le contrat de plan SNCF qui, lui aussi, est au cœur des discussions en ce moment, est-il ajourné ? Ou est-il suspendu ?

M. Juppé : Je vous ai dit tout à l’heure que j’avais confié à monsieur Mattéoli une mission de médiation, Je ne sais pas si les Français connaissent beaucoup monsieur Mattéoli. C’est une personnalité éminente, il est président du Conseil économique et social…

M. Duhamel : …qui a été ministre du Travail…

M. Juppé : …ministre du Travail du général de Gaulle, et président d’une grande entreprise publique, les Charbonnages de France. Il a été sur place. Il a reçu pendant trois jours les organisations syndicales et il m’a remis son rapport, cet après-midi à 16 heures (le 10/12/1995 – NDLR). Et de ce rapport ressort quelque chose que nous savions, mais qui est là, vraiment écrit noir sur blanc, c’est que le dialogue social à l’intérieur de la SNCF ne fonctionne pas bien. Cela ne marche pas. On ne se parle pas suffisamment.

Ce fameux contrat de plan, il aurait dû être signé à la fin de l’année 1994. Puis on a laissé passer le temps, on ne l’a pas fait. Il y a eu des discussions entre le ministre compétent et l’entreprise. Mais à l’intérieur de l’entreprise, on n’a pas vraiment discuté. Il n’y a pas eu le travail d’élaboration, de discussion, de compréhension qui est nécessaire. Alors, je dis aujourd’hui, pour répondre précisément à votre question : « il faut prendre du temps nécessaire pour que, à l’intérieur de l’entreprise, la compréhension nécessaire s’établisse ».

M. Duhamel : Donc, il n’est plus question simplement de repousser d’une semaine. Vous reprenez les choses…

M. Juppé : …Je crois qu’une semaine, ce n’est pas suffisant, loin de là, pour engager ce dialogue. Le contrat de plan – il est fait pour aider la SNCF – il n’est pas fait pour la gêner. Il est fait pour définir la façon dont elle va se développer dans les cinq ans qui viennent. C’est dans l’intérêt de l’entreprise.

Ce qui est aujourd’hui inacceptable, c’est que ce ne soit pas compris, que cela n’ait pas été préparé. Je suis persuadé que si on l’explique, les cheminots comprendront que l’Etat est là pour tendre la main à l’entreprise et pour l’aider à sortir des difficultés qui sont les siennes.

M. Mano : N’est-ce pas un problème bien français, l’idée qu’on décide et puis qu’on discute ensuite ? Quand les Allemands nous regardent, par exemple, ils disent : « Nous, nous discutons jusqu’au bout, puis nous nous fâchons vraiment quand il faut nous fâcher ».

M. Juppé : Nous avons toujours tendance à considérer que c’est toujours mieux ailleurs. Il y a des grandes grèves en Belgique. Il y en a eu en Allemagne. Cela pourrait être mieux chez nous, c’est vrai ! Et puis, précisément, on n’a pas décidé le contrat de plan, il n’a pas été signé. Il était en cours de préparation. Je me rends compte que cette préparation n’a pas été suffisante à l’intérieur de l’entreprise et je dis : « On va prendre le temps nécessaire pour qu’il y ait cette préparation ».

M. Duhamel : Il y a aussi un autre endroit où on a vu des images de violence des jours et où donc, visiblement, le dialogue social ne s’est pas très bien passé. C’est ce qui touche aux mineurs de Lorraine. Comment passe-t-on, dans ce cas précis, de la violence au dialogue ?

M. Juppé : En dialoguant… Excusez-moi de dire cette vérité d’évidence ! Là aussi, le dialogue avait été interrompu. Il s’agit de l’accord salarial dans cette entreprise, Les Houillères de Lorraine, et on ne discutait plus depuis plusieurs mois. Eh bien, j’ai demandé qu’on reprenne le dialogue. De nouvelles propositions ont été mises sur la table. Et on s’en sortira, je l’espère, par le dialogue.

M. Mano : Dans les services publics, les gens se demandent si on ne va pas supprimer les services publics ou au moins changer leur vocation. Pouvez-vous là aussi donner des garanties sur l’attachement, votre attachement, celui du Gouvernement aux services publics français ?

M. Juppé : Ce qui me frappe dans la situation de la France aujourd’hui, et cette crise de ce point de vue est une sorte de révélateur, c’est qu’il y a des inquiétudes très profondes, des peurs qui vont très au-delà de la simple actualité et qu’il va falloir essayer de dissiper.

L’exemple que vous prenez est très révélateur. Sur les services publics, l’une des premières déclarations que j’ai faite à l’Assemblée nationale, au mois de juillet, a été de dire : nous défendrons les services publics à la française. Nous ne les laisserons pas remettre en cause, par qui ? Il faut être clair, par Bruxelles, par la Commission de Bruxelles qui a souvent une approche très idéologique de ce problème et qui est de dire : il faut casser les services publics pour introduire le système privé et la concurrence dans tous ces domaines. J’ai dit que nous ne le laisserions pas faire. Eh bien, je le dis avec humilité : je n’ai pas été entendu. Je le répète ce soir, je le dis aux Françaises et aux Français qui nous écoutent – et je suis prêt même à aller plus loin – je suis prêt à le faire inscrite dans la Constitution.

Nous allons faire une révision constitutionnelle bientôt, j’en ai parlé tout à l’heure. A cette occasion, le gouvernement est prêt à faire une proposition pour que, dans le préambule de la Constitution, c’est-à-dire ce texte qui fixe les grands principes sur lesquels est fondée notre société, on écrive noir sur blanc que : « La France ne laissera pas démanteler par qui que ce soit le service public ».

Le service public, cela veut dire quoi ? Cela veut dire « égalité des citoyens dans le service public ». Cela veut dire « qualité du service public ». Selon qu’on habite dans une ville d’un million d’habitants ou dans un village de 30 habitants, on a droit à la même qualité d’électricité, d’énergie, de service postal et un certain nombre d’autres caractéristique de ce type. Donc, vous voyez que je suis prêt à solenniser cette affirmation pour que, dans la tête de chaque Française et de chaque Français, cette idée, « le gouvernement défendra nos services publics », ne soit plus une promesse en l’air mais qu’elle soit vraiment concrète.

M. Duhamel : Avez-vous les moyens de vous faire entendre de la même façon à Bruxelles ? Autrement dit, en dehors du fait indispensable de vous faire entendre des Français, est-ce qu’ensuite vous pourrez faire passer ces décisions-là à Bruxelles ?

M. Juppé : J’en suis convaincu. Et, d’ailleurs, je pourrais dire que le message est passé. Il est passé fort ! Monsieur Borotra, qui est le ministre compétent, était, il y a quelques jours encore à Bruxelles, et il l’a dit.

Il va y avoir là aussi des négociations entre les membres de l’Union européenne, ce qu’on appelle « une conférence intergouvernementale en 1996. Nous sommes prêts là aussi à poser le problème pour qu’on inscrive également dans le traité de l’Union européenne que l’on respecte les services publics.

M. Duhamel : Vous ne serez pas mis en minorité par la pression libérale qu’on trouve chez beaucoup de nos partenaires ?

M. Juppé : Il y a eu une pression libérale formidable pour casser ce qu’on appelle « l’exception culturelle » et pour dire : « les programmes à la télévision, c’est comme les savonnettes ou les petits pois, libre concurrence ». Sur ce sujet, nous avons gagné.

Je voudrais tout de même ajouter un mot sur les services publics. Je viens de dire les choses – je l’espère – de manière aussi claire que possible. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune évolution possible, aucune adaptation possible. Il y a des cas où il faudra naturellement des adaptations parce que le monde change. Nous ne pouvons pas non plus rester à l’heure de 1900 ou de je ne sais quelle période. Donc, dans le respect des principes que je viens de rappeler, il y aura aussi évidemment des évolutions.

M. Mano : L’autre pression formidable que vous allez voir, c’est celle des petites et moyennes entreprises qui ont souffert de la grève, qui font souvent leur chiffre d’affaires au mois de décembre. Allez-vous les voir elles aussi et essayer de les aider ?

M. Juppé : Il y a quelques jours, c’était le 28 novembre, si je me souviens bien, j’ai présenté, pour les petites et moyennes entreprises, un plan, là encore, qui était extrêmement ambitieux et qui traitait de beaucoup de sujet : leur accès au crédit – elles ont beaucoup de mal, parfois, à se faire financer par les banques –, leur fiscalité, leurs relations avec l’administration qui sont souvent très complexes, l’urbanisme commercial, c’est-à-dire le développement souvent anarchique des grandes surfaces et puis les règles de concurrence qui sont souvent déloyales. Et, là, j’ai toute une série de propositions qui sont maintenant à l’étude.

Malheureusement, ce qui se passe depuis quinze jours ou trois semaines a cassé cet élan. Et on l’a bien vu, j’y reviens, je le disais tout à l’heure, derrière la crise sociale est en train maintenant de se profiter une crise économique qui risque de remettre en cause les progrès que nous avions faits en matière d’emploi. Nous avions marqué quelques points sur le chômage de longue durée. Après ce qui se passe, nos résultats dans les prochaines semaines ne seront pas bons. Eh bien, là aussi, c’est un sujet de discussion avec les organisations syndicales.

Il faut que nous organisations une grande rencontre, une grande discussion sur l’emploi, sur l’aménagement du temps de travail, sur la réduction. Je l’ai dit déjà à plusieurs reprises : le mot de « réduction du temps de travail » ne me fait pas peur. Egalement sur l’insertion des jeunes et leur formation professionnelle. J’ai appelé à plusieurs reprises à un grand rendez-vous sur l’insertion des jeunes dans l’entreprise. Eh bien, lorsqu’on sera sorti de la phase la plus chaude de cette crise – et j’espère que, dans le courant de la semaine, les choses vont pouvoir commencer grâce au dialogue que je propose à s’améliorer – c’est à ces sujets-là maintenant qu’il faut se donner avec toute notre bonne volonté.

M. Duhamel : Pour relancer la consommation dont ont besoin tous ceux qui investissent, les petites entreprises, les grandes aussi, mais en particulier en ce moment les commerçants et les artisans, peut-on y parvenir sans des augmentations des salaires ?

M. Juppé : On a fait beaucoup de choses pour stimuler la consommation. Souvenez-vous le Smic a été augmenté de 4 % en juillet. On a beaucoup parlé des mesures…

M. Duhamel : …Il y a eu la TVA…

M. Juppé : …Oui, on a beaucoup parlé de la TVA, on n’a pas parlé de l’augmentation du Smic. Les fonctionnaires ont été augmentés de 1,4 % le 1er novembre. La prime de rentrée scolaire a été versée il y a quelques mois…

M. Duhamel : …Ne faut-il pas faire plus ?

M. Juppé : La prime à la casse des véhicules a été également remise en vigueur. Ce qu’il faut d’abord, c’est rétablir la confiance, le moral, c’est là que ça se passe. Je suis persuadé qu’en ce qui concerne la consommation, c’est dans l’esprit des Françaises et des Français que se passent les choses, et je les comprends. Ils ont peur…

M. Duhamel : …C’est une question de pouvoir d’achat, tout de même.

M. Juppé : Quand vous regardez les chiffres, le pouvoir d’achat, en France, a augmenté en 1995.

M. Duhamel : Oui, mais il y a l’augmentation des prélèvements.

M. Juppé : Le pouvoir d’achat net a augmenté, mais il y a une peur de l’avenir. Et je dis cela en le comprenant. Moi aussi, je suis père de famille et je vois bien comment les choses se passent pour nos enfants. On se dit : « Même s’ils font de bonnes études, auront-ils du travail ? » C’est cela qui bloque, à l’heure actuelle, la consommation, beaucoup plus que des problèmes strictement financiers. Et c’est le problème du chômage. Quand on a peur du chômage, on ne consomme pas et on n’investit pas. C’est cela qu’il faut changer. C’est pour cela que j’appelle – alors, oui, je n’hésite pas à utiliser le mot – ce « sommet social sur l’emploi » est nécessaire et il est nécessaire vite.

M. Mano : Des millions de gens ne peuvent pas faire grève, j’allais dire : parce qu’ils sont au chômage. Vous avez dit tout à l’heure que, sur le front de l’emploi, les choses allaient moyennement bien. Une réduction a été acquise mais, du point de vue des jeunes, en revanche, cela s’est un peu aggravé. Pouvez-vous leur dire à ces jeunes que, en 1996, cela peut être meilleur ? C’est à notre portée ?

M. Juppé : Bien sûr, que c’est à notre portée parce que la France, même si elle présente toutes ces difficultés que nous venons d’évoquer, reste un pays fort qui a beaucoup de ressources en elle-même.

J’ai dit que, sur le front du chômage, nous avions marqué quelques points. Le chômage de longue durée, depuis plusieurs mois, diminue grâce au « contrat initiative emploi » qui était un des grands engagements de Jacques Chirac et qui est une réussite : tout le monde le reconnaît. En revanche, je le répète comme je l’ai dit il y a quelques jours, sur le front du chômage des jeunes, cela ne va pas bien. Eh bien, il faut que ceux qui peuvent prendre des initiatives dans ce domaine – le gouvernement, les entreprises, les organisations syndicales – se remettent autour de la table. Et c’est un de thèmes que je propose à ces rencontres qui vont avoir lieu au-delà du règlement des problèmes d’extrême urgence que j’évoquais tout à l’heure.

Il y a des solutions. J’ai parlé tout à l’heure d’aménagement du temps de travail et de réduction du temps de travail. Je pense aussi au devoir d’insertion des jeunes dans l’entreprise. Nous avons fait, c’est vrai, beaucoup d’efforts pour alléger les charges de l’entreprise. Chaque fois que je suis interviewé, on me parle de la hausse de la TVA. On ne me parle jamais des allègements de charges considérables que nous avons faits, sur les PME, qui sont aujourd’hui en vigueur. Eh bien maintenant, il faut qu’en échange de ces allègements des charges, nos entreprises soient accueillantes à notre jeunesse. On ne peut pas la laisser dans les difficultés qu’elle connaît aujourd’hui.

M. Duhamel : Il y a quelque chose qu’on entend beaucoup dire, c’est qu’avec le calendrier des accords de Maastricht, de toute façon, on est obligé de faire, en trop peu de temps, trop d’efforts nouveaux supplémentaires et que ce sont les Français qui les paient. C’est vrai ou c’est faux ?

M. Juppé : Je crois que ces efforts sont à notre portée. C’est vrai qu’on a pris du retard. C’est vrai que si nous avions commencé à faire ces efforts il y a trois ou quatre ans, cela irait mieux.

Mais sur Maastricht, je voudrais dire quelque chose. Maastricht ou pas Maastricht, si on dépense plus pour l’assurance-maladie qu’on ne touche de cotisations, comment fait-on ? Ce n’est pas Maastricht qui est en cause, là. Un pays ne peut pas vivre à crédit. J’ai quelques convictions fortes en politique, je veux que la France soit un pays sérieux, et un pays heureux.

Un pays sérieux, cela veut dire quoi ? Cela veut dire un pays qui ne vit pas à crédit. On l’a fait dans notre histoire. Vous êtes historien de la chose politique, monsieur Duhamel, vous le savez bien – il y a une période pas si lointaine de notre histoire où l’on a vécu à crédit. On allait faire nos fins de mois à l’étranger. On voit où ça mène ! Moi, je ne veux pas de ça. Et c’est la raison pour laquelle il faut réduire les déficits. On me parle parfois de « l’autre politique », moi, j’ai une politique qui consiste à faire que la France soit prise au sérieux, parce qu’elle réduit ses déficits.

M. Duhamel : « L’autre politique », c’est un mythe ?

M. Juppé : Est-ce que « l’autre politique », ce serait de laisser filer les déficits ? Je pose la question. Donc, il faut les réduire parce que, comme ça, nous serons forts.

Regardez ce qui se passe autour de nous : la Chine (elle paraît bien loin aujourd’hui dans les difficultés que nous avons) : plus de 10 % de croissance chaque année. Que sera la France, dans 10 ans, si elle n’est pas dans un ensemble économique fort ? C’est cela ma première conviction : une France, pays sérieux.

Et puis une France qui soit un pays heureux aussi, c’est-à-dire un pays qui retrouve sa cohésion sociale, où il faut remettre en place des mécanismes de dialogue social, y compris dans l’administration et les entreprises publiques, pour que le chômage puisse reculer, pour que la convivialité, la fraternité entre les Français sont des gens généreux et solidaires et, dans le même temps, nous avons aujourd’hui une violence qui monte. Eh bien, il faut casser la violence, l’interrompre et il faut développer la fraternité et la solidarité. C’est cela que je veux dire quand je parle d’un pays « heureux ».

M. Mano : Vous avez répondu assez directement, même franchement, à nos questions. Cela m’encourage à vous poser une question directe : avez-vous encore du temps à Matignon ? Avez-vous l’assurance de durer ?

M. Duhamel : Avez-vous la stabilité de l’emploi ?

M. Juppé : Oui, c’est un sujet trop grave, je pense aux chômeurs. S’il y a bien une certitude qu’on a ici, c’est qu’on est dans un emploi précaire. L’esprit des institutions, c’est le Premier ministre et sa charge sont à tout moment à la disposition du président de la République – à tout moment, bien entendu – et les candidats à la succession ne manquent pas. Mais ce n’est pas un problème de personnes aujourd’hui, ce ne sont pas les hommes qui sont en cause, c’est un problème de politique.

Moi, je vous ai dit la politique à laquelle je croyais. La France pays sérieux, la France pays heureux. Pour cela, il faut faire des efforts, mais avec une perspective de réussite qui est à notre portée. Alors, je le redis, puisque je pense que nous arrivons à la fin de cette émission : nous sommes dans une crise grave. Il faut en sortir vite. Et il faut que cette crise nous donne l’occasion d’un nouvel élan, d’un rebond, si je puis dire, qu’elle soit un révélateur et qu’elle nous permette de prendre notamment à bras-le-corps ce problème de l’emploi, de l’emploi des jeunes, de l’emploi des autres aussi.

Et c’est de cela dont j’aimerais parler, demain, avec les confédérations syndicales et professionnelles pour que nous nous fixions un ordre du jour, un calendrier et des ambitions.

M. Duhamel : Dans cette crise, avez-vous pu vous appuyer sur la solidarité politique de vos amis autant que vous le souhaitiez ?

M. Juppé : Oui, je vous l’ai dit. Chaque fois que j’ai fait appel à leur vote à l’Assemblée nationale, ils ont été au rendez-vous et j’ai senti, au cours des derniers jours, depuis que j’ai présenté mon plan sur la Sécurité sociale, une vraie cohésion de la majorité.

M. Duhamel : Et en ce qui concerne la 49-3 ?

M. Juppé : Ça, c’est l’opposition, permettez-moi de vous le dire, qui s’est livrée à ce travail d’obstruction systématique que j’évoquais tout à l’heure. 5 000 amendements ou un peu plus sur un texte d’une page et des heures et des heures de débats qui se bloquent. Alors, il faut en sortir parce qu’il faut faire cette réforme. Si je ne fais pas cette réforme, je le dis aux Françaises et aux Français, comment va-t-on payer les remboursements demain ? Il faut la faire. Et je vais, dans la concertation, dans le dialogue, notamment pour tout ce qui concerne les modalités, tenir le cap que l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté et dont le pays sent bien dans ses profondeurs – parce que, croyez bien que je ne reste pas enfermé dans ce bureau, je vois beaucoup de gens, j’essaie de discuter avec eux, à Bordeaux et ailleurs – qu’il est nécessaire. Il faut le faire mieux comprendre. Je vais m’y efforcer et je compte beaucoup sur ces entretiens de demain et sur les jours qui vont suivre.