Texte intégral
Inauguration des nouveaux locaux de l’Institut de formation des restaurateurs d’œuvres d’art - Jeudi 1er février 1996
Monsieur le président (M. Lecat),
Monsieur le préfet (M. Duport),
Monsieur le député-maire (M. Braouezec),
Monsieur le directeur (M. Bady),
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Je suis heureux de venir aujourd’hui inaugurer les nouveaux locaux de l’Institut de formation des restaurateurs d’œuvres d’art, qui constitue désormais un nouveau département de l’École nationale du patrimoine, à Saint-Denis.
J’ai le plaisir de vous saluer, Monsieur le député-maire, dans votre cité. Elle est illustre, par un passé dont témoignent encore les inestimables richesses de votre patrimoine. Elle est vivante, de nos jours, puisqu’elle va accueillir le grand stade de France. Elle voit les efforts que vous accomplissez, pour revivifier un tissu social et urbain complexe et difficile, avec l’appui du préfet du département de la Seine-Saint-Denis, que je sais être un responsable averti des problèmes des banlieues et un acteur infatigable de leur nécessaire rénovation architecturale et humaine.
Si je viens aujourd’hui vous rendre visite, c’est d’abord pour inaugurer les nouveaux locaux de l’institut de formation des restaurateurs d’œuvres d’art, désormais situé à Saint-Denis.
Le sigle de cette institution, – l’IFROA – n’a pas changé, même si son appellation est aujourd’hui différente. Elle a été créée par vous, Monsieur le président, lorsque vous étiez ministre de la culture et de la communication, dans les années 1978 à 1981.
Fondée sur la base des recommandations du rapport de M. Dehaye et avec l’appui de Monsieur Maurice Aicardi, l’institution naissante s’était installée dans les locaux du mobilier national, alors dirigé par Monsieur Jean Coural, qui fut pendant de longues années, parallèlement le directeur de l’IFROA. Ces locaux, progressivement aménagés dans l’enceinte des Gobelins se sont rapidement révélés insuffisants.
C’est pourquoi la délégation aux arts plastiques, au temps de mon prédécesseur Jacques Toubon, avait activement cherché, au cours de l’année 1994-1995 de nouveaux espaces pour accueillir l’IFROA.
Comme les recommandations de l’aménagement du territoire incitaient mon ministère à ne pas rechercher une implantation dans le centre de Paris, le site de Saint-Denis fut trouvé et retenu. Il correspondait à plusieurs exigences : à la périphérie de Paris, dans une cité à l’histoire et au patrimoine prestigieux, dans un quartier en restructuration, où ne manquent pas les équipements culturels – par exemple, l’« atelier archéologique d’Utica » - les futures réserves du centre national des arts plastiques et dont n’est pas éloignée l’Université de Saint-Denis.
Des craintes s’exprimèrent, alors, sur la possibilité d’implanter en ces lieux l’ancien IFROA. Les professeurs viendraient-ils ? Les élèves auraient-ils les mêmes chances de formation que leurs aînés ? La décision fut prise. Je la confirmai après avoir consulté, sur ce point précis et sur d’autres, Jean-Philippe Lecat.
Aujourd’hui, le nouvel institut de formation des restaurateurs d’œuvres d’art dispose de bâtiments de quatre mille mètres carrés au total, disposés en équerre autour d’une vaste cour centrale.
D’un côté, des ateliers et des laboratoires, modernisés et disposant d’espaces et de conditions exceptionnelles de travail ; de l’autre, un bâtiment administratif regroupant les bureaux, les salles de cours, la bibliothèques, riche de plus de quinze mille documents et livres concernant la conservation et la restauration.
Cette bibliothèque était, il y a peu, séparée des ateliers puisqu’elle était installée boulevard Raspail, assez loin du quartier des Gobelins ; désormais, professeurs, élèves, chercheurs, spécialistes français et étrangers y auront accès dans d’excellentes conditions, sans être éloignés des ateliers et des lieux de formation.
Le ministère de la culture a consenti d’importants crédits pour l’adaptation et la modernisation de ceux lieux. Outre les travaux directement réalisés par le propriétaire M. Miller, que je salue, le service national des travaux, sous l’autorité de son directeur, M. Godderidge, a, avec un grand succès, préparé un programme, défini un projet, mené à bien sa réalisation dans un temps record, puisque les travaux ont pu être achevés en moins de cinq mois.
Je tiens à remercier M. Barda, architecte programmateur, M. Laffond, ingénieur, M. Rodier, architecte du propriétaire, M. Garillon, architecte de l’École nationale du patrimoine et les différentes entreprises concernées, d’avoir conduit et achevé un tel chantier, dans des délais aussi brefs, avec des résultats aussi satisfaisants, en respectant des coûts peu élevés, par rapport à ceux d’autres opérations de réhabilitation.
La délégation aux arts plastiques, la direction de l’administration générale et l’École nationale du patrimoine, qui a exercé depuis juillet 1995 la maîtrise d’ouvrage du chantier, ont su coordonner leurs crédits et leurs modes d’intervention, grâce à l’action du service national des travaux. Que leurs responsables respectifs en soient, ici, remerciés.
Désormais, l’Institut de formation des restaurateurs d’œuvres d’art dispose de locaux dignes de ses activités. S’ils susciteront, à mon avis, une certaine envie d’institutions étrangères comparables, je suis certain qu’ils contribueront à l’amélioration de la formation de nos futurs restaurateurs. C’est là un atout essentiel pour l’avenir de ces métiers de la restauration.
Je ne suis pas seulement venu pour inaugurer de nouveaux locaux. Je viens aussi saluer les débuts de l’importante réforme qui s’est traduite par le rattachement de l’ancien IFROA à l’École nationale du patrimoine. En ce sens, il s’agit d’une vraie rénovation. Oserais-je parler, devant M. le député-maire de Saint-Denis, d’une véritable « refondation » ?
J’avais en effet adopté en juillet dernier les conclusions du rapport que mon prédécesseur, M. Toubon, avait confié à M. Lecat, président du conseil d’administration, et j’avais demandé à M. Bady, directeur de l’école, de les traduire dans les textes et dans les faits, pour la fin de l’année 1995.
Là encore, le pari a été tenu, puisqu’en moins de cinq mois, une opération complexe sur les plans administratif, financier, pédagogique, a pu être menée à bien. Les orientations étaient bonnes. J’en remercie M. Lecat. Leur traduction dans la réalité a pu être faite. J’en remercie le M. Lecat. Leur traduction dans la réalité a pu être faite. J’en remercie le directeur de l’École nationale du patrimoine, auquel j’associe M. Georges Brunel, devenu auprès de lui directeur des études de la restauration, depuis le 1er janvier 1996.
L’Institut de formation des restaurateurs d’œuvres d’art est désormais un département de l’École nationale du patrimoine, qui s’en trouve ainsi, à mon sens, consolidée. Outre la charge du recrutement et de la formation initiale et permanente des conservateurs du patrimoine, qu’elle assure depuis sa création en 01990, l’école est, désormais, responsable, de la sélection, par concours, et de la formation en quatre ans, des futurs restaurateurs de peinture, de sculpture, de textile, etc.
Je tiens à remercier les différentes directions patrimoniales du ministère qui ont soutenu l’évolution de la pédagogie de l’Institut. Je dis ma reconnaissance aux professeurs, anciens et nouveaux responsables d’enseignements théoriques, restaurateurs, chefs de sections et d’ateliers, responsables de laboratoires, d’avoir adhéré à ces nouveaux principes de les mettre en application dans le contenu et le calendrier concrets des enseignements.
Je suis certain que les élèves actuels de deuxième, troisième et quatrième année de l’IFROA sauront de leur côté en tirer profit et feront utilement profiter la direction de leurs remarques.
Je n’insisterai pas longuement sur les mesures administratives et financières qui ont été nécessaires, pour rendre ce rattachement opérationnel au début de l’année 1996.
J’attache une particulière importance à la création prochaine d’un comité d’orientation, dont la mission est de prévoir l’évolution des métiers de la restauration en France et en Europe, et d’en tirer les conséquences sur le plan pédagogique. Son président et ses membres sont en cours de désignation ou d’élection. Sa première réunion devrait se tenir avant Pâques.
Un conseil des études, de son côté, se constituera auprès du directeur des études de restauration, pour suivre l’application concrète du programme pédagogique. Je souhaite qu’il permette une véritable et utile concertation entre la direction, le corps enseignant, les élèves.
Le concours 1996, sera très rapidement ouvert. Il n’avait pas été possible, compte tenu des circonstances, d’ouvrir un concours en 1995 ; j’avais annoncé qu’il se déroulerait au cours du premier semestre 1996, pour toutes les sections : les candidats qui auraient dépassé la limite d’âge, compte tenu du report décidé l’année dernière, pourront se présenter en 1996.
Je puis déjà vous indiquer que le président du jury sera M. Jean-René Gaborit, conservateur en chef du département des sculptures du Louvre. Il associera, à ses travaux, de plus nombreux restaurateurs que par le passé. Progressivement, seront ouvertes de nouvelles sections : ainsi, dans le domaine du patrimoine écrit – livres et archives – ou dans celui des documents cinématographiques.
Mesdames et messieurs, l’ouverture du nouveau département de l’École nationale du patrimoine à Saint-Denis me paraît un événement important.
Il n’est, d’abord, pas indifférent qu’une institution d’enseignement patrimonial quitte le cœur de Paris et s’installe à Saint-Denis. J’attends de cette implantation des conséquences intellectuelles, humaines, sociales, importantes. Je vous sais gré Monsieur le député-maire, d’y avoir déjà contribué, en accueillant les cadres et les élèves de cette institution nouvelle dès leur arrivée chez vous. Je suis certain que vous continuerez à leur porter attention.
Cette décision s’inscrit, aussi, dans un plan national de la restauration, dont je rappelle les points principaux : c’est la création d’un service de recherche et de restauration des musées de France à Versailles c’est la création d’une commission nationale de restauration, au sein du futur conseil supérieur des musées : c’est la définition d’un réseau national des ateliers de restauration : c’est la réflexion engagée sur les conditions d’exercice du métier de restaurateur.
La formation des restaurateurs constitue, de son côté, l’un des éléments essentiels de ce plan. Grâce au rattachement à l’École nationale du patrimoine, grâce aux conventions que celle-ci pourra passer avec d’autres institutions, en particulier avec l’Université de Paris I, Panthéon – Sorbonne, le rôle et la place des restaurateurs seront mieux pris en compte dans la conservation du patrimoine. Les conditions de leur dialogue avec les conservateurs, dans le respect de leurs spécificités, seront désormais, à mon avis, mieux assurées.
Mesdames et messieurs, nous sommes, tous, conscients de vivre un moment important qui allie la formation et l’art : c’est cela, que la culture. Je vous remercie de l’avoir vécu avec nous.
Allocution à l’occasion de sa rencontre avec les chefs des services départementaux de l’architecture et du patrimoine - vendredi 2 février 1996.
En vous conviant aujourd’hui pour la première fois depuis que vous avez été de nouveau rattaché au ministère de la culture, qui pour beaucoup d’entre vous est votre ministère d’origine et que vous n’aviez jamais vraiment quitté, j’ai le sentiment d’organiser une sorte de réunion de famille.
Mais, comme toutes les familles, la nôtre connaît ses joies et ses peines. Ainsi notre première rencontre est-elle lourdement marquée par un deuil qui nous frappe douloureusement.
Nous venons de perdre l’un d’entre vous, Emmanuel Payen, architecte des bâtiments de France chef du service départemental d’architecture de la Dordogne, qui s’est tué accidentellement dans l’exercice de ses fonctions, le 9 janvier, à l’âge de quarante et un ans. Je n’avais pas eu l’occasion de le rencontrer personnellement, mais on m’a rapporté sa réputation de grande compétence professionnelle, sa passion pour le patrimoine.
Il s’était totalement dévoué à ce beau département au patrimoine si riche, dont il était chargé depuis plus de sept ans, se faisant en particulier le propagandiste de la procédure des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager dont il avait mis en place plus d’une vingtaine.
Il laisse à tous le souvenir d’un homme enthousiaste, actif et volontaire, qui a mérité notre estime et notre reconnaissance. Aussi ai-je obtenu du président de la République sa nomination à titre posthume au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Nos pensées émues et affectueuses vont à son épouse Anne, à ses quatre enfants et à sa sœur Corinne.
Je vous invite à respecter une minute de silence en hommage à sa mémoire.
Le vide soudain laissé par celui qui vient de nous quitter nous fait prendre conscience, précisément, de la place que vous tenez, chacun à votre manière parmi nous.
Vos services départementaux constituent en effet, pour le ministère chargé du patrimoine monumental, architectural et urbain, responsable également de l’architecture, la « ligne de front », si vous me permettez cette image militaire. Mais vous êtes mieux placés que moi pour savoir quel combat quotidien, combien de vigilance, d’énergie, d’efforts d’explication et de persuasion impliquent tant la sauvegarde de notre patrimoine que la promotion d’une architecture et d’un urbanisme de qualité. Telles sont en effet les deux grandes missions spécifiques de vos services départementaux.
Ces missions, vous les exercez désormais dans le champ de compétence de deux départements ministériels : la culture qui est responsable de l’ensemble des enjeux concernant l’architecture et le patrimoine et à laquelle vos services sont rattachés ; l’environnement auprès duquel vous êtes mis à disposition pour ce qui concerne les enjeux paysagers.
J’insiste, parce que cela me paraît important, sur cette dimension interministérielle de votre rôle, qui vous place à l’articulation de deux grandes démarches de protection et de gestion de l’espace, que celui-ci soit naturel ou aménagé. Votre compétence fait de vous sur le terrain des agents de cohérence et de synthèse entre ces politiques complémentaires.
Pour ce qui concerne, je suis pleinement conscient de l’importance de votre rôle et de la responsabilité qu’implique pour moi le rattachement de vos services à mon ministère. L’objet de cette première rencontre est précisément d’examiner ensemble les implications de cette situation nouvelle, de préciser les modalités concrètes de notre action commune et d’en définir les grandes lignes de force. Je suis parmi vous aujourd’hui moins pour vous dire ce que j’attends de vous, que pour mieux vous connaître et pour écouter vos attentes et vos propositions. Vous êtes en effet quotidiennement au contact direct des « réalités de terrain », que je connais bien moi-même en tant qu’élu local.
Votre rattachement au ministère de la culture appelle d’abord une redéfinition de l’organisation administrative de vos services. Le principe et les modalités de celle-ci sont dictés par une préoccupation simple : reconnaître la responsabilité pleine et entière des chefs de services départementaux que vous êtes, sous l’autorité des préfets de département. Ainsi, par circulaire du 28 décembre 1995, ont été précisées un certain nombre de modalités d’organisation qui confirment ce choix.
Les préfets de département sont ordonnateurs secondaires des crédits de fonctionnement courant de vos services. Une convention sur l’informatisation des services départementaux de l’architecture est en voie de signature.
Elle prévoit que le ministère de l’équipement apportera son soutien au ministère de la culture pour poursuivre l’informatisation des SDA et, en particulier, mettre en place l’application de gestion des permis de construire Gestauran.
Vous avez pu observer qu’en matière de gestion du personnel, nous nous sommes efforcés d’assurer une parfaite continuité et de garantir le maintien des situations acquises. Ainsi les corps spécifiques au ministère de l’équipement continueront d’être gérés par celui-ci. Ce sera également le cas des corps interministériels, sauf à ce que, dans l’avenir, et progressivement, des agents souhaitent opter pour le ministère de la culture.
Quant au statut des architectes-urbanistes de l’État, il évoluera sensiblement. Le corps des AUE disposera d’une CAP interministérielle unique, présidée par le ministère de la fonction publique. Chacune des filières du corps sera gérée pour les actes concernant les affectations et la mobilité, par son ministère de rattachement.
L’amélioration du régime indemnitaire et la création du généralat doivent parachever la réforme du corps des AUE engagée en 1993. Les ministères compétents ont été saisis par mes soins de ce dossier auquel j’attache la plus grande importance.
Par ailleurs, le ministère de la fonction publique a d’ores et déjà donné son accord à la modification, à ma demande, du décret du 8 février 1972 relatif aux conditions d’accès à certains emplois de direction de l’administration centrale du ministère de la culture : ainsi, il sera possible de recruter des AUE pour occuper des emplois de directeur-adjoint, chef de service et sous-directeur.
L’ensemble de ces questions relève des compétences de la direction de l’administration générale. Les services de cette direction et, en particulier, le service du personnel et des affaires sociales, la sous-direction des affaires financières et générales et le département de l’organisation et des systèmes d’information sont à votre disposition permanente pour régler toutes les questions qui se posent à vous.
Une coordination sera assurée au sein de cette direction par Monsieur Yves Renaudin, conservateur général du patrimoine, qui sera votre correspondant permanent.
Voici les grands principes de la réorganisation de vos services nécessitée par leur rattachement au ministère de la culture. Je me tiens à votre disposition, avec l’aide du directeur de l’administration générale, Madame Francine Mariani-Ducray, pour répondre aux questions complémentaires que vous nous poserez sans doute.
Mais il me faut maintenant aborder un second volet, celui des politiques en matière de patrimoine et d’architecture. J’ai en effet besoin de vos services tant pour leur définition, qui doit répondre aux attentes dont vous êtes les premiers témoins, que pour leur mise en œuvre.
Deux mots d’abord sur l’organisation de l’administration centrale chargée de définir, d’impulser et d’accompagner la mise en œuvre de ces politiques par vos services. Après avoir envisagé de confier l’ensemble de ce champ de responsabilité à une seule direction, j’ai décidé, après mûre réflexion, de répartir celle-ci entre deux unités : la direction du patrimoine et une nouvelle direction, chargée de l’architecture, dont le processus de création devrait aboutir vers le 15 mars.
La répartition exacte des compétences entre ces deux directions fait l’objet d’une réflexion complémentaire. Quelles que soient les conclusions de celle-ci, il va de soi que ces deux unités sont appelées à travailler en constante et étroite collaboration.
Il est en effet essentiel, c’est le but même du regroupement de ces secteurs de compétent dans un même ministère, que se développe désormais une étroite synergie entre les politiques d’étude et de conservation du patrimoine archéologique, monumental et mobilier d’une part, celles de protection et de mise en valeur du patrimoine architectural et urbain d’autre part, et enfin les actions d recherche, de formation et de promotion à conduire pour favoriser une création architecturale contemporaine. Celle-ci doit en effet savoir, chaque fois que le contexte l’impose, tenir compte du « Genius loci » dont l’histoire a imprégné certains lieux.
Je compte donc sur mes deux directeurs pour mettre en place les modalités d’une étroite collaboration entre leurs deux unités, apte à assurer la cohérence et l’efficacité de l’action de l’État. Cela m’importe d’autant plus que conservation et création ne sont pas, pour moi, deux attitudes antinomiques mais complémentaires.
Elles doivent concourir, si leur rapport est géré avec clarté et rigueur, à assurer notre mission fondamentale : donner à nos contemporains un cadre de vie beau et harmonieux dans lequel l’homme ait vraiment sa place, où il conserve ses racines tout en y trouvant les conditions correspondant à notre mode de vie actuel.
Pour en revenir à vos propres missions, il est bien entendu que vous poursuivez celles de conservateur des monuments historiques appartenant à l’État, ainsi que de maîtrise d’œuvre de l’entretien des monuments historiques. Je rappelle à cette occasion, si besoin en était, que vous n’êtes nullement placés sous l’autorité des architectes-en-chef des monuments historiques. Je souhaite cependant que la collaboration entre les différents maîtres d’œuvre de nos services soit parfaite, comme doivent être très étroites vos relations avec les services de la direction régionale des affaires culturelles.
À ce propos, je vais donner aux directeurs régionaux des directives précises pour qu’ils vous associent systématiquement aux réunions de la conférence régionale des services du patrimoine, instance de concertation et de réflexion qui doit être très régulièrement réunie autour du directeur régional.
Je reprends en outre à mon compte les instructions des circulaires interministérielles de 1993 et 1994 qui incitaient les services régionaux et départementaux à une étroite collaboration, notamment en ce qui concerne l’élaboration des plans de sauvegarde et de mise en valeur, mais aussi des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Il est évident que ces collaborations, qui étaient encouragées alors que les services régionaux et départementaux relevaient de deux ministères différents, doivent devenir la règle dès lors qu’un seul ministère assure la responsabilité unique de ces politiques.
J’ai d’ailleurs chargé l’inspection générale de l’administration de conduire, en collaboration avec l’inspection générale du patrimoine, une réflexion sur le fonctionnement des conférences régionales du patrimoine et sur la collaboration entre les services patrimoniaux. Cette réflexion doit évidemment s’étendre à vos services départementaux. J’en attends certes un bilan des pratiques actuelles, mais aussi des propositions concrètes pour faciliter et renforcer ces collaborations.
Dans le domaine des espaces protégés, je souhaite vous indiquer aujourd’hui les orientations que j’entends donner, étant bien entendu que les services centraux en charge de ce domaine vont devoir les préciser et les concrétiser en liaison étroite avec vous.
Vous disposez, en abords de monuments historiques, d’un avis déterminant, conforme dans la plupart des cas. C’est à la fois une lourde et difficile responsabilité, et une tâche ambitieuse puisqu’elle vous permet de voir les formes urbaines évoluer progressivement, le plus harmonieusement possible, grâce à vos interventions. Pour assumer ces responsabilités, il faut à la fois du courage, de la diplomatie et de la pédagogie. Cela implique surtout, évidemment, une solide culture alliée à des qualités de sensibilité et de finesse d’analyse, pour être capable de prévoir l’impact des projets qui vous sont soumis et de concevoir des solutions acceptables.
Je tiens à réaffirmer avec force l’intérêt de ce contrôle que vous exercez sur ces espaces au nom de l’État. Mais je suis conscient que vous devez être assistés, scientifiquement, techniquement et moralement, dans ce rôle très délicat.
Vous devez bénéficier en permanence de l’assistance scientifique et technique des services de la DRAC. Vous devez pouvoir vous appuyer, comme les textes le prévoient, sur l’inspection générale – que je veux pertinente et forte – ainsi que sur les services centraux. Je n’hésiterai pas à évoquer les dossiers difficiles et à faire rendre, chaque fois que cela sera nécessaire, des avis collégiaux par la commission supérieure des monuments historiques. Les crédits d’aide au surcoût entraîné par les prescriptions architecturales seront progressivement augmentés.
Je suis pour ma part convaincu que les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager constituent des outils précieux pour l’exercice de vos missions. Elles sont en outre une excellente réponse au partage des responsabilités entre l’État et les collectivités voulu par la décentralisation.
Elles permettent enfin de passer d’une réponse au coup par coup, forcément minimaliste, à une gestion prospective des enjeux du patrimoine architectural et urbain dont nos monuments sont les points forts. Elles permettent ainsi d’évoluer, l’expérience le montre, d’une gestion défensive à une véritable mise en valeur. Je regrette donc le nombre trop restreint de zones approuvées depuis que la loi du 7 janvier 1983 a été promulguée. J’entends promouvoir la mise en œuvre de cette politique.
Pour cela, il me semble d’abord qu’il y a lieu de revoir la procédure, qui pourrait probablement se concevoir en deux temps : l’étude du périmètre, puis la mise au point du règlement. Je suggère également, mais avec prudence, de simplifier chaque fois que cela est possible les dispositions de ces règlements.
En revanche, dans le cas d’ensembles urbains à fort potentiel patrimonial, des zones dont les dispositions seraient proches par leur précision des plans de sauvegarde et de mise en valeur devraient être étudiées avec l’aide scientifique et technique des services régionaux de l’archéologie et de l’inventaire général.
Je n’oublie pas que l’élaboration de ces documents a également une dimension pédagogique essentielle, puisque c’est l’occasion de faire prendre conscience, par les élus et par l’ensemble de la population, de la spécificité et de la richesse de leur cadre de vie quotidien. C’est une véritable maïeutique. C’est pourquoi j’estime que le développement de cette politique doit être l’une de nos priorités.
Il faut que nous nous fixions comme objectif de couvrir les espaces les plus sensibles de notre territoire par ce type de document de gestion qui s’avère particulièrement bien adapté aujourd’hui. Je demande donc qu’une véritable programmation de l’avancement des ZPPAUP, volontariste et réaliste à la fois, soit élaborée dans chaque département en liaison avec les services de la direction régionale des affaires culturelles.
J’ai par ailleurs demandé à mon administration centrale d’étudier un calendrier d’étude des plans de sauvegarde et de mise en valeur, afin que leur élaboration soit conduite pendant une durée optimale. J’ai également demandé que soient dégagés les moyens d’études correspondants. Je sais que la durée de ces études est facteur de la complexité du tissu urbain et des spécificités architecturales.
Je veux vous assurer que le ministre de la culture est pleinement conscient de la complexité de cette procédure et de l’importance de ses enjeux. Un plan de sauvegarde est certes un document de prise en compte d’un patrimoine architectural et urbain que nos services de régionaux du patrimoine s’emploient eux-aussi à identifier. Mais c’est également un document d’urbanisme essentiel pour la vie des centres anciens, basé sur une stratégie opérationnelle à laquelle il faut pouvoir faire adhérer la collectivité territoriale, en même temps qu’une procédure complexe qu’il faut conduire avec une extrême rigueur.
Il est donc nécessaire que vous trouviez d’une part auprès des services régionaux l’aide scientifique indispensable, et d’autre part en administration centrale les appuis juridiques et techniques dont vous avez impérativement besoin pour mener à bien cette procédure.
La réussite de ces objectifs suppose, outre une conviction et une volonté communes, que nous disposions pour ces études de maîtres d’œuvre bien formés à cette approche pluridisciplinaire. Tant votre mission propre, essentielle pour la réussite de ces politiques, que celle des chargés d’étude devraient trouver prochainement un appui dans le cadre du centre national pour le patrimoine architectural et urbain qu’il a été décidé d’implanter au palais de Chaillot.
Y seront alors regroupés et mis en synergie, d’une part les formations professionnelles initiales et permanentes dispensées par le centre supérieur d’études et de conservation des monuments anciens, qui relève désormais totalement du ministère de la culture et dont les moyens vont enfin être mis au niveau de ses importantes responsabilités, d’autre part les outils documentaires indispensables pour se préparer à ces différentes missions et pour les mener à bien.
Cette confrontation, que je veux féconde, entre les actions de conservation et de création me conduit au dernier volet de vos missions. Vos services départementaux sont en effet chargés de promouvoir la qualité de l’architecture et de l’urbanisme. Vous y concourez quotidiennement par vos interventions dans les espaces protégés et, dans ce domaine, nous venons de voir que la mise en place des secteurs sauvegardés et des ZPPAUP vous aident à mieux remplir ce rôle.
Le système serait complet si l’on réussissait à doter systématiquement les espaces couverts par un tel document, à la fois normatif et prospectif, d’une assistance architecturale régulière placée sous votre contrôle. Des communes disposant d’un secteur sauvegardé, voire d’une ZPPAUP, commencent à mettre en place une telle assistance architecturale.
Ces tentatives, qui nous révèlent le passage très intéressant de certains élus d’une conception normative à un besoin qualitatif, doivent être systématiquement encouragées, voire suscitées. Je m’emploierai, avec détermination, à vous aider à le faire.
Reste la tâche plus ardue consistant à étendre l’action de vos services hors de ces espaces soumis à votre contrôle réglementaire. C’est plus délicat, puisque cela ne peut reposer que sur votre capacité à sensibiliser et à convaincre vos interlocuteurs, les élus et les maîtres d’ouvrage publics et privés principalement.
Avec vos seules forces vous n’y parviendrez que ponctuellement, quelle que soit votre énergie. Il nous faut donc, ensemble, mettre en place une véritable politique de « réseau » apte à démultiplier votre action.
Je m’emploie d’abord à obtenir que les architectes-conseils des DDE soient clairement rattachés à notre ministère. Il ne s’agit pas de les retirer de leur lieu d’implantation, les DDE ayant effectivement grand besoin d’avoir auprès d’eux un tel conseil architectural. Mais ces architectes-conseils jouent précisément un rôle trop stratégique pour que le ministre chargé de l’architecture ne soit pas en situation de s’assurer de la cohérence de leurs conseils avec les vôtres.
Les CAUE constituent également, par-delà leur diversité et, il faut le dire, leur inégale qualité, des partenaires précieux notamment par leur proximité d’avec les élus locaux. Leur fédération nationale m’a fait savoir qu’elle souhaite définir les modalités de leur collaboration avec le ministère de la culture. J’ai donc l’intention de lui proposer un protocole précisant le cadre de cette collaboration dont vous devrez être, évidemment, les animateurs.
Il nous faut enfin, en prenant exemple sur diverses expériences intéressantes dont celles que j’évoquais tout à l’heure à propos des espaces protégés, encourager les collectivités territoriales à s’entourer de la compétence d’architectes pour gérer les enjeux architecturaux et urbains de leurs communes.
Faut-il que ces architectes soient intégrés dans la fonction publique territoriale avec un statut adéquat ? Faut-il plutôt souhaiter qu’ils restent des professionnels libéraux, recrutés à temps partiel par des collectivités dont le territoire serait évidemment hors de leur champ d’activité libérale ? Cela reste à étudier. Quoi qu’il en soit, il me paraît indispensable de vous aider à vous mettre progressivement en situation d’animer un réseau de conseil en matière de qualité architecturale et urbaine.
Cette première piste, qui s’inspire de vos propres expériences, doit évidemment être approfondit et complétée, en étroite relation avec vous, par la nouvelle direction de l’architecture. Il lui appartiendra de définir et de lancer une politique dynamique en faveur de l’architecture, apte à renforcer la compétence de nos professionnels et à porter l’exigence de qualité architecturale à tous les niveaux de décision. Ce qui implique une action interministérielle à laquelle votre situation, stratégique à bien des égards, vous prédispose à apporter une contribution précieuse.
Voici l’essentiel de ce que je voulais vous dire en vous accueillant, avec joie et confiance, dans ce ministère de la culture que, pour la plupart d’entre vous, vous considérez comme votre maison naturelle. Je suis conscient de n’avoir fait que survoler rapidement le champ très large de vos préoccupations, aussi large que votre champ de responsabilité.
Je vous donne maintenant la parole et nous nous efforcerons, mes directeurs et moi-même, de répondre à vos questions. Si certaines restent aujourd’hui sans réponse, ce ne sera que parce que nous ouvrons ensemble un très vaste chantier et que les solutions, dans de nombreux domaines, ne peuvent jaillir que d’une étroite et constante collaboration entre nous. C’est ce processus de collaboration que j’ai voulu inaugurer aujourd’hui.
Allocution à l’occasion de la présentation des travaux de restauration et de rénovation du palais Garnier - jeudi 8 février 1996
Il me revient d’ouvrir, devant vous, cette présentation des travaux de restauration et de rénovation du palais Garnier.
Me trouver devant ce rideau peint, face à cette salle, sur la fosse d’orchestre, est bien sûr quelque peu impressionnant.
Dans ces circonstances, il m’a semblé que le retour à l’histoire, sous la protection tutélaire de Charles Garnier, l’architecte de ce théâtre, toujours présent, au moins en esprit, était mon plus sûr guide. Je me suis reporté aux dernières semaines qui précédèrent l’inauguration du 5 janvier 1875.
Dans la course effrénée qui conduisait à l’ouverture du théâtre, les événements se précipitèrent.
Le 1er novembre 1874, la scène et ses équipements étaient terminés.
Au mois de décembre avaient lieu les essais d’acoustique, avec l’orchestre et les chœurs, et les essais d’éclairage, avec la technique.
Les divers services déménageaient dans les locaux qui leur étaient affectés ; le corps de ballet prenait possession de la scène et du foyer de la danse.
Enfin, le 5 janvier 1875, retentissait pour la première fois sur cette scène l’appel rituel : « Place au théâtre », pour la première fois le rideau se levait au palais Garnier.
Évoquer ce moment ne vous demande, j’en suis sûr, aucun effort d’imagination, messieurs – ni à vous Monsieur le directeur de ce théâtre, ni à vous Messieurs les responsables des travaux, ni à vous Messieurs les techniciens – puisque vous vivez, en ce moment, une aventure comparable.
C’est la suite des événements qui devait dans sa logique profonde nous amener aujourd’hui, dans cette salle, devant ce rideau. Cette logique est la vie même du théâtre.
Immédiatement, dès cette ouverture, en quelques jours, ce théâtre-chef d’œuvre commence à vivre et, donc, à se transformer. Des changements incessants ont lieu, soit à cause d’importances modifications sociales ou techniques, soit à cause des bouleversements de la vie quotidienne.
Voyons ce qui dans ce théâtre, juste ouvert, va changer au gré des dix premières années de son existence, pour le bien de la maison et par la volonté de l’architecte, puisque Charles Garnier, veille toujours sur son enfant.
Dès les premiers mois, l’architecte et le directeur, Olivier Halanzier, vont se livrer, par duels épistolaires interposés, une lutte picrocholine, « la guerre des strapontins ». L’architecte, perdra cette première escarmouche. Dans la salle, pour des raisons économiques bien évidentes, pousseront les strapontins qui s’y trouvent toujours. Voilà pour la finance !
La fosse d’orchestre est surélevée à la demande du chef et des musiciens. L’école de danse est installée dans le bâtiment même. De nombreux locaux de service sont revus et améliorés à la demande de leurs utilisateurs. Voilà pour la vie de la maison !
Des essais d’éclairage sont entrepris, ils aboutiront en 1885 à l’électrification complète de la maison.
Un comité consultatif de la mise en scène est institué à l’Opéra et Charles Garnier en fait partie, ce comité suit notamment les progrès de la machinerie et les expériences d’application de la lumière électrique à l’éclairage de scène. Voilà pour la technique !
Pur en finir, un ascenseur est installé à la demande des abonnés, la galerie du Glacier est terminée, le chauffage de la salle est réaménagé et Garnier demande le nettoyage de ses ors et de ses peintures qu’il juge déjà ternis.
Voilà quels sont les travaux menés à bien, pendant les dix premières années du théâtre, par son architecte. Nous sommes les héritiers de ces années, les héritiers d’un architecte qui demeura, pour le reste de sa vie, amoureux de son bâtiment, mais qui savait et disait que la vie était le plus forte et que tout aménagement qui allait dans son sens et conjuguait le vivace aujourd’hui et le respect de l’œuvre architecturale était légitime et bienvenu.
Dans cet esprit, bien des travaux ont été entrepris au palais Garnier en un siècle.
Le temps, l’accélération des progrès techniques, le vieillissement des matériaux, l’effet de la pollution rendaient nécessaire, en notre fin de siècle, une campagne de grande envergure. Cette campagne a été programmée et financée par le ministère de la culture.
Nous sommes ici, aujourd’hui, pour lever le rideau sur la première étape, celle qui concernait le cœur du théâtre, la scène et la salle, et qui aura nécessité un financement de l’État de cent quarante-cinq millions de francs.
Point d’orgue de ce lever de rideau : huit cents enfants ont assisté à une sorte de répétition générale, pour laquelle l’orchestre et le ballet retrouvaient leur théâtre, après deux ans d’absence. Le premier mars aura lieu le début des représentations publiques.
L’Opéra national de Paris va désormais disposer de deux salles, dont le dispositif technique permettra d’assurer sa mission de diffusion dans les meilleures conditions possibles. Dès 1996, ce sont trois cent quatorze représentations qui sont programmées dans les deux salles et sept cent cinquante mille spectateurs attendus. La mission de diffusion élargie du spectacle lyrique, confiée à l’Opéra national de Paris, est ainsi progressivement remplie.
Le programme de travaux que nous inaugurons aujourd’hui dans la salle lyrique la plus prestigieuse de France n’est pas le seul entrepris grâce à l’aide de l’État.
L’État finance, également, la restauration et la rénovation technique de la scène et de la salle Favart de l’Opéra-comique, les travaux devant être achevés en 1998 pour célébrer le célébrer le centenaire de l’Opéra-comique, le 7 décembre de cette même année.
Les théâtres lyriques en région ne sont pas oubliés. Dans les années antérieures l’État a participé au financement du grand théâtre de Bordeaux et du nouvel Opéra de Lyon ; récemment, c’est l’Opéra de Nancy qui a été restauré ; actuellement sont en cours d’importants travaux au Capitole de Toulouse. Enfin, une salle de répétition sera aménagée, dans les prochaines années, pour l’opéra du Rhin.
Mon souhait est que la vitalité de cette maison où nous sommes aujourd’hui ne se démente jamais ; qu’elle continue, comme elle a toujours su le faire, grâce à ceux qui la dirigent et à ceux qui y travaillent, à réussir l’alliance harmonieuse du monument historique et du théâtre lyrique et chorégraphique.