Déclarations de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur le soutien à l'édition française de programmes multimédias notamment la protection des droits d'auteur, l'aide à la création et à la formation, et l'accès du public aux technologies nouvelles, et sur la reprographie à usage collectif et l'édition publique ou privée du livre, Cannes le 9 février et Paris le 26 mars 1996.

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Circonstance : 3ème Marché international du livre illustré et des nouveaux média (MILIA) à Cannes du 7 au 12 février 1996. Conférence de presse à l'occasion du Salon du Livre de Paris, le 26 mars 1996

Texte intégral

Allocution à l'occasion du MILIA, le vendredi 9 février 1996

Ce que je viens de voir, en visitant le MILIA, est éloquent : en trois éditions, ce marché a atteint la dimension des grands marchés du livre, du disque ou de l'audio-visuel. Je crois qu'il faut, d'abord, en féliciter son promoteur, Xavier Roy, le président de MIDEM organisation, et toute son équipe.

Le dynamisme et le professionnalisme dont il fait preuve au service des marchés des programmes, musicaux, audio-visuels ou maintenant multimédias, méritent d'être soulignés. C'est une chance pour la France que ces grands salons internationaux soient situés sur notre sol.

Le succès fulgurant du MILIA traduit bien l'ampleur du défi adressé à la société. L'édition multimédia, d'abord sur supports optiques et maintenant sur réseaux, n'est pas un épiphénomène, mais bien une lame de fond. Elle va bouleverser nos modes de consommation et de création ; ouvrir des champs inédits à l'édition ; changer, en profondeur, les outils de formation, d'enseignement, d'apprentissage.

Ces nouvelles techniques ouvrent des perspectives formidables. Il est de notre responsabilité, à nous qui sommes décideurs politiques ou économiques, de veiller à ce que les possibilités qu'elles nous offrent, profitent à la société toute entière.

Je voudrais prendre deux exemples qui me sont chers.

La lutte contre l'exclusion, en premier lieu. Il importe que l'apparition de ces nouveaux moyens de communication, d'information, d'initiation facilitent et ouvrent plus largement les chemins de la culture et de la connaissance à toutes et à tous. Rien ne serait pire que la confiscation, par un petit nombre, de l'usage de ces outils.

C'est pourquoi j'attache le plus grand prix à la multiplication des lieux où le public peut venir se familiariser avec le multimédia et à la formation de médiateurs – enseignants, bibliothécaires, animateurs – capables de l'orienter. J'ai pris des initiatives en ce sens. J'y reviendrai.

En second lieu, l'aménagement du territoire. Quelle extraordinaire occasion d'établir de nouveaux liens entre Paris et les régions, entre les régions elles-mêmes, entre les régions et les pays étrangers ! Nouveaux modes de communication, de valorisation des patrimoines, nouveaux partages de travail, même avec des régions lointaines comme nos régions d'outre-mer !

Ces deux exemples illustrent combien le multimédia est devenu un élément-clé de la société de l'information qui s'installe à l'échelle planétaire. Il suffit de visiter les stands, comme je viens de le faire, pour constater combien les programmes éducatifs et culturels, au sens large, sont au cœur de ces nouveaux marchés. Je m'en réjouis doublement.

D'une part, pour le développement de la culture nous avons là des outils fantastiques pour faire mieux connaître les richesses de notre patrimoine, mais aussi pour créer de nouvelles œuvres. D'autre part, cela conforte ma conviction que les contenus sont plus importants que les contenants. Dans une société de l'information sans frontières, la qualité des programmes permettra, seule, à notre culture d'exister, de se diffuser, de rayonner. C'est le défi qui est lancé à l'industrie française et européenne. Nous avons les moyens de le relever, grâce à la créativité de nos concepteurs et à la richesse de notre patrimoine.

Pour le ministre de la culture, il s'agit d'un enjeu majeur. Plus de cent millions de francs seront consacrés au multimédia, par mon ministère, en 1996. Je voudrais rapidement vous retracer les initiatives que nous avons prises ou que nous allons prendre dans ce domaine, tant au plan national qu'international. Je pense que notre responsabilité se définit et se décline en cinq axes.

Il est, d'abord, de notre responsabilité de soutenir l'édition française de programmes multimédias, et d'encourager, par là-même, le développement d'une industrie et d'un savoir-faire national. Depuis plusieurs années, nous aidons, à travers le centre national du cinéma, la réalisation de programmes sur CD-ROM et CDI. Nous avons été pionniers en la matière et avons, à ce jour, aidé plus de cent projets.

Nous venons de décider, avec le ministère de l'industrie, de doubler les sommes consacrées à ce fonds d'aide à l'édition multimédia, qui va disposer de trente millions de francs dans les deux années qui viennent, et d'ouvrir son accès également aux projets éditoriaux en ligne.

En complément de ce fonds, le centre national du livre vient de mettre en place des crédits de préparation pour les éditeurs, afin de prendre en charge, une partie des coûts d'investissement que ceux-ci doivent supporter pour la conception de projets multimédias. En 1996, près d'un million de francs va être consacré à cette nouvelle action.

Je souhaite que dans le cadre de la réforme des SOFICA, leur champ d'investissement soit étendu au multimédia. Une étude, commandée récemment par le ministère de la culture, et que je tiens à votre disposition, aidera les éditeurs à mieux situer les enjeux économiques et stratégiques du multimédia. Elle sera largement diffusée.

Enfin, un fonds d'aide aux investissements multimédia des entreprises de presse sera créé et doté de vingt millions de francs. Il permettra, à ces entreprises, d'accélérer leurs investissements dans un domaine particulièrement prometteur.

Outre ces aides, le ministère de la culture et ses établissements interviennent souvent en coédition avec les éditeurs privés. La réunion des musées nationaux, la bibliothèque nationale de France, la caisse nationale des monuments historiques ont contribué à la réalisation de programmes que vous pouvez voir dans ce salon.

Parmi les plus récents, je citerai la « visite virtuelle du musée d'Orsay » ou le « dictionnaire d'art moderne et contemporain ». Dans les régions, de nombreuses institutions culturelles souhaitent également développer des projets. Certains éditeurs ou producteurs audio-visuels, voire certains auteurs, nous proposent, eux-mêmes, projets ou collaborations. Il faut se réjouir du foisonnement de ces initiatives.

Je souhaite qu'elles puissent être mieux accueillies et mieux coordonnées au sein du ministère. C'est pourquoi j'ai décidé de créer une mission d'expertise et de conseil, dont le rôle sera d'assister sur le plan technique, économique et juridique, l'ensemble des services, entreprises et établissements culturels dans la réalisation de leurs projets multimédias.

Cette mission sera placée sous la responsabilité du centre national du cinéma, au sein de la nouvelle direction de l'audio-visuel et des industries multimédias. J'ai souhaité que les interlocuteurs du ministère puissent bénéficier d'un point d'entrée unique.

Je viens d'évoquer la nécessité d'une assistance juridique. Il est vrai que, comme toujours lors de l'apparition de nouvelles techniques et de nouveaux usages, des difficultés juridiques apparaissent. Protéger l'exercice des droits intellectuels et le droit des personnes est notre deuxième responsabilité.

La technique numérique ne modifie pas les données juridiques de la création littéraire et artistique et notre arsenal juridique actuel ne me semble pas devoir être profondément modifié. Mais elle complique les conditions de son application. À l'évidence, la gestion des droits d'auteurs et des droits voisins doit être simplifiée.

D'autre part, les réseaux dépassant les frontières, il convient d'harmoniser les niveaux de protection propre à chacun des États ; c'est, par exemple, le cas pour les risques de piratage qu'induisent ces nouveaux usages. Le ministère de la culture et ses partenaires professionnels viennent de prendre deux initiatives concrètes, que l'Union européenne devrait suivre, et qui sont présentées lors de ce MILIA.

Une initiative technique, d'abord : la création d'une méthode universelle permettant l'identification des œuvres et des interprétations numérisées, reconnue internationalement par l'établissement d'une norme ISO. Je viens d'assister à une démonstration de cette méthode sur le stand de SESAM, qui constitue la seconde initiative française. SESAM vise à regrouper, autour des principales sociétés d'auteurs, l'ensemble des titulaires de droits pour faciliter le dialogue avec les éditeurs de programmes multimédias et les opérateurs de réseaux. Cette initiative trouvera prochainement ses prolongements en Europe.

Mais il ne suffit pas de protéger les auteurs et les fonds. Encourager la création artistique et permettre aux créateurs français d'intégrer le multimédia comme outil de création est, bien entendu, la troisième responsabilité du ministère de la culture. Dès leur formation, les jeunes créateurs doivent avoir accès aux nouveaux univers technologiques.

C'est le sens de la création des mastères hypermédia ou multimédia à l'École nationale supérieure des beaux-arts, à l'école nationale supérieure des arts décoratifs ou à l'école nationale supérieure de création industrielle. Des étudiants de ces écoles ont d'ailleurs été sélectionnés dans l'opération « jeunes talents, le club des créateurs » présentée au cours de ce MILIA.

C'est, également, le sens du soutien apporté à des structures comme Art 3000 à Jouy-en-Josas, le centre international de création vidéo à Montbéliard, le Métafort d'Aubervilliers ou le centre de ressources multimédias de Sophia Antipolis, qui accueillent des artistes pour leur permettre de se former à ces nouvelles techniques.

Je souhaite que ces formations s'orientent vers une réelle pluridisciplinarité et que le multimédia soit l'occasion de faire naître des équipes de créateurs venant d'horizons aussi divers que la littérature, la musique, les arts plastiques, l'architecture, le patrimoine ou le cinéma.

Outre les aides à l'écriture multimédia attribuées à des artistes par la délégation aux arts plastiques, c'est la politique de commandes publiques que je vais orienter vers la création multimédia.

Il y a quelques mois, une première commande, le « Tunnel sous l'Atlantique » de Maurice Benayoun, accompagné d'une création musicale interactive de Martin Matalon, constituait un événement de télé virtualité en direct entre Paris et Montréal. Le mois dernier, Jean-Michel Jarre créait, sur le serveur Internet du ministère de la culture, une œuvre originale, « Un espace pour la Tolérance », utilisant toutes les ressources du multimédia en ligne. Nous n'en resterons pas là.

Le serveur du ministère doit devenir une vitrine des recherches menées par les artistes français. Un dispositif spécifique de commandes publiques sera mis en place, pour soutenir des projets de créations spécialement conçues pour Internet ; ces œuvres seront présentées sur le serveur du ministère de la culture et constitueront une « cybergalerie » permanente de la création française dans le domaine du multimédia en ligne.

J'en profite pour rappeler que le ministère de la culture français a été le premier ministère, en France, et le premier ministère de la culture, au monde, à diffuser des informations sur le « réseau des réseaux ». Aujourd'hui, notre serveur atteint plus d'un million cinq cents mille connexions par mois. Cela s'explique en grande partie par la richesse des fonds patrimoniaux dont nous disposons.

En effet, notre quatrième responsabilité consiste à mettre en valeur cet immense patrimoine. Le multimédia nous ouvre dans ce domaine d'extraordinaires possibilités. Un plan très ambitieux de numérisation des fonds iconographiques sur le patrimoine muséographique et monumental a été lancé. Il sera renforcé en 1996 afin qu'un million d'images soit numérisées en 1997, contre trois cent cinquante mille actuellement.

L'institut national de l'audio-visuel et la BNF ont engagé un important effort de numérisation de leurs collections. Je voudrais, aussi, insister sur les initiatives internationales de la France en ce domaine.

Le ministère de la culture est très impliqué dans les projets relatifs à la société de l'information du Groupe des sept pays les plus industrialisés, dit G7 : la France est chef de file du projet de « bibliothèque universelle », dont une maquette sera présentée lors de la prochaine conférence du G7 et co-pilote avec l'Italie le projet « patrimoine-musées », qui a pour but de développer un accès au patrimoine mondial en s'appuyant sur les bases de données et les banques d'images disponibles sur les réseaux.

Ce dernier projet bénéficie, largement, du travail de recherche effectué dans le cadre du projet AQUARELLE qui vise à créer un réseau de serveurs d'informations culturelles, projet initié par la France et soutenu par la commission européenne.

Je vous rappelle qu'à l'initiative de la France, le conseil des ministres de la culture de l'union européenne a adopté en juin dernier une résolution « culture et multimédia », qui propose de valoriser en commun le patrimoine européen et de faciliter les applications multimédias pour les musées et les bibliothèques. Elle devrait trouver notamment son application dans le futur programme RAPHAEL.

Nous devons veiller surtout, et c'est notre cinquième responsabilité, à rendre accessible au grand public l'ensemble de ces outils. Le ministère de la culture vient d'animer, dans le cadre de la réflexion interministérielle sur les autoroutes de l'information, un atelier de propositions extrêmement riche.

Parmi les débats soulevés figure celui de la place des usages publics, face aux usages professionnels. C'est un débat de société. Il y a un formidable engouement, notamment parmi les jeunes, pour utiliser ces nouvelles technologies. Nous nous devons d'y répondre. Je vais m'y employer en 1996, en multipliant les lieux de pratique : écoles, musées, bibliothèques ; en formant des médiateurs susceptibles d'orienter le public, qu'il s'agisse d'enseignants, d'animateurs, de bibliothécaires ; en aidant les libraires à s'équiper pour diffuser les produits multimédias.

La bibliothèque publique d'information du centre Georges Pompidou, la bibliothèque nationale de France, les bibliothèques d'Issy-les-Moulineaux ou de Lyon viennent d'ailleurs de mettre en place des espaces didactiques, des actions de sensibilisation ou de formation à l'utilisation des techniques multimédias.

Ces espaces seront multipliés. Pour mieux cerner les attentes du public et mieux y répondre, j'ai décidé de mettre en place des évaluations d'usages dans quelques-uns de ces lieux.

Favoriser l'accès de tous exige, aussi, que la langue ne soit pas un obstacle. C'est pourquoi La France a fait du plurilinguisme dans la société de l'information une des priorités de sa politique internationale.

En 1996, le ministère de la culture soutiendra plusieurs projets de terminologie multilingue ainsi que la réalisation de serveurs de recherche qui permettront aux utilisateurs francophones d'Internet de retrouver plus facilement les informations qui les intéressent. Par ailleurs, il appuiera l'action de l'AFNOR dans les instances internationales pour que les nouvelles normes internationales permettent le plurilinguisme sur les nouveaux supports.

Mesdames et messieurs, le bouleversement auquel la société de l'information va nous confronter dépasse nos catégories habituelles, mélange nos repères, nous impose de regarder plus loin.

On peut débattre, longtemps, de l'évolution des techniques et des comportements. Nous devons, surtout, être conscients que la bataille des contenus est déjà engagée.

L'Europe, et bien évidemment la France, ont de nombreux atouts pour lutter dans ces affrontements.

Je pense que nous pouvons construire une politique qui favorise le développement d'une industrie européenne du contenu forte. Nous avons les techniques, nous avons notre passé, nous avons les professionnels et les créateurs. En un mot, nous avons tout le nécessaire pour réussir.

La réussite, dans cette bataille, ne se décrète pas. La vraie ligne de défense se situe auprès des hommes qui, disait déjà THUCYDIDE, sont – je le cite... « les plus sûrs remparts de la cité » – Quelles que soient les innovations technologiques, en définitive, c'est l'homme qui doit faire son choix. C'est bien là ce qui situe de telles démarches, dans le droit fil de notre tradition humaniste, celle qui va de l'action politique à la culture.

 

Seizième édition du Salon du Livre, Paris 26 mars 1996

Mesdames,
Messieurs,

Je crois que cette seizième édition du Salon du Livre fera date. L'édition française, la librairie française, la créativité française s'y seront montrées dans toute leur diversité, dans toute leur vitalité. Et Je crois qu'avec le concours très actif du ministère, le Salon du Livre aura fait un accueil particulièrement chaleureux et amical, comme il se devait, à l'édition américaine.

Je laisserai dans quelques minutes Serge Eyrolles présenter le bilan et les perspectives du Salon du Livre 1996. Je voudrais quant à moi saisir l'occasion qui nous réunit pour faire le point sur l'état d'avancement de dossiers dont je sais qu'ils vous tiennent particulièrement à cœur.

J'aimerais aussi, d'ores et déjà, vous donner rendez-vous pour quelques-uns des moments importants qui dans les mois à venir marqueront l'année du livre.

1. Les dossiers

A. – La reprographie

Parmi les dossiers dont nous attendons tous – et moi le premier– la bonne conclusion, l'heureuse issue, il y a celui de la reprographie à usage collectif.

Permettez-moi d'abord de rappeler les faits et leur déroulement.

Depuis une trentaine d'années, auteurs et éditeurs s'alarment des méfaits de la reprographie abusive. Au-delà de l'évident manque à gagner dont ils sont les victimes, c'est aussi la dégradation du rapport à l'écrit et au texte qu'ils veulent souligner, et contre laquelle ils veulent lutter.

Le « photocopillage » n'est en effet pas seulement un désastre économique. C'est un désastre intellectuel souligné par les professeurs eux-mêmes. Il engendre une lecture atrophiée, parcellaire, des textes et dissuade les étudiants de se constituer une véritable bibliothèque. C'est la fonction de mémoire et dé référence du livre qui se trouve ainsi niée.

Jack Lang a tenu à rappeler, il y a quelques jours que lorsqu'il était ministre de l'Éducation nationale et de la culture, il avait tenté d'apporter une réponse à ce problème. Il est vrai que le 19 mars 1993, quelques jours avant les législatives, il a signé une convention avec les ayants droits, aux termes de laquelle l'éducation nationale, premier des utilisateurs de la reprographie à usage collectif, s'engageait à verser 60 millions de francs par an à l'organisme collectif chargé de représenter les intérêts des auteurs et des éditeurs, le CFC (centre français du droit de la copie).

Il faut cependant, appeler qu'aucun crédit n'existait dans le budget du ministère de l'éducation nationale pour honorer cette convention. Le gouvernement issu des élections de 1993 ne l'a donc pas annulée, il s'est trouvé dans l'impossibilité de l'appliquer.

C'est pourquoi Jacques Toubon, alors ministre de la Culture, a fait engager de nouvelles négociations avec les ayants droit. Celles-ci ont conduit à un dispositif législatif (loi du 3 janvier 1995) définissant le principe d'une ou de sociétés de gestion collective représentant les ayants droit, mais aussi garantissant les usagers (dont l'éducation nationale) qui signeraient des conventions avec cette société de gestion collective. Aux termes de la loi, cette dernière doit recevoir l'agrément du ministère de la culture.

Dès le 14 avril 1995, un décret a précisé les conditions d'application de cette loi.

Depuis, les ayants droit (auteurs, éditeurs de livres, éditeurs de presse) n'ont pu se mettre en accord pour proposer au ministre de la culture les statuts de cette société de gestion collective et je suis le premier à le regretter, comme j'avais été le premier à saluer l'accord signé entre les parties le 4 juillet 1995, accord qui reste à concrétiser.

Cet accord du 4 juillet reconnaissait comme répartition équitable une répartition à moitié pour les auteurs et à moitié pour les éditeurs, sauf dérogations. En cas de désaccord sur ces dérogations, je considère que deux solutions sont possibles :
    – répartition par moitié à titre supplétif,
    – mise en réserve des sommes correspondantes, le temps d'un réexamen.

Dans cette seconde hypothèse, je serais conduit à retirer mon agrément à la société constituée, si le délai de mise en réserve dépassait une année civile, parce que je considère qu'une société de répartition est là pour répartir.

Ce sont ces points que j'ai précisés aux éditeurs de livres et de presse, ainsi qu'aux auteurs, dans la lettre que Je leur ai adressée le 15 mars. Je suis donc prêt à agréer la société de gestion collective qu'ils doivent constituer. La balle est dans leur camp.

B. – Les rapports entre édition publique et édition privée

Vous le savez, depuis plusieurs années, se multiplient les éditions d'ouvrages par des administrations publiques. Le principe de telles éditions n'est pas anormal dès lors qu'il s'agit de publications entrant dans la vocation naturelle de l'administration concernée.

Certaines pratiques outrepassent cependant les règles d'une saine concurrence, ce qui a conduit les éditeurs privés à demander que soit défini précisément le mode d'intervention des institutions publiques en matière éditoriale. Le Président de la République s'est montré très attaché à ce que cc problème soit résolu.

J'ai donc proposé au Premier ministre, qui l'a accepté de confier à M. Jean-Claude Groshens la responsabilité d'une une mission interministérielle d'étude et de propositions sur les règles de concurrence et de partenariat entre le secteur public et le secteur privé dans l'industrie éditoriale. Jean-Claude Groshens, conseiller d'État, professeur agrégé de droit public, ancien recteur, premier directeur du livre et de la lecture, lors de la création de cette direction en 1975, fut aussi président du centre Georges Pompidou de 1980 à 1983. Il est aujourd'hui président de la commission « arts » du Centre national du livre, il est aussi membre du conseil d'administration de la Réunion des musées nationaux. Jean-Claude Groshens m'a paru réunir par excellence les titres et les compétences nécessaires au travail de fond qui lui est confié, et qui imposera une étroite collaboration avec le Secrétariat général du Gouvernement, avec les services de la direction du budget, ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que ceux de la direction du livre et de la lecture. Une première phase de la mission, réunissant ces services sous la présidence de Jean-Claude Groshens lui permettra, j'y insiste de définir son champ d'investigation ainsi que sa méthode de travail.

Au terme de cette première phase de trois mois, le Premier ministre adressera des instructions aux membres du Gouvernement pour faciliter la poursuite de ses investigations.

La deuxième phase de la mission consistera à mener une enquête approfondie auprès des administrations éditrices et à rencontrer les professionnels concernés.

À l'issue de ces travaux, M. Groshens formulera ses propositions dans un rapport qu'il remettra au Premier ministre dans les premiers mois de 1997. Sur cette base de celui-ci prendra les mesures appropriées. D'ores et déjà, en tant que ministre de la culture, je m'engage à demander à mon administration et aux établissements publics placés sous ma tutelle, notamment RMN, BNF et Caisse nationale des monuments historiques, de préciser au plus vite leurs pratiques en matière d'accès des éditeurs aux reproductions iconographiques et de coédition. Si tout ne peut être coédité, tout ce qui peut l'être doit l'être !

2. Les événements

A. – Le forum sur les valeurs de l'écrit

Ce Salon du Livre aura été un succès. Il aura drainé un public très nombreux.

Nous avons appris il y a quelques jours par une très sérieuse étude, qu'au moins un français sur deux lisait chaque jour un quotidien.

Nous ne sommes cependant pas dispensés de nous interroger sur la place de l'écrit au sein de notre culture et de notre civilisation, qui est et qui doit rester une civilisation de l'écrit.

La soif d'image qui caractérise notre temps, l'inquiétante réalité de l'illettrisme, l'essor des nouvelles techniques et des nouveaux supports de communication posent en termes aigus la question de cette place.

Pour contribuer à une réflexion collective et à une prise de conscience générale sur l'avenir de l'écrit, sur les défis qu'il doit relever et les chances qu'il doit saisir, ainsi que sur les valeurs intellectuelles et politiques qu'il enveloppe, j'ai souhaité organiser, les 31 mai et 1er juin, au théâtre de l'Odéon, un forum sur les valeurs de l'écrit.

Sur un enjeu que je tiens pour essentiel, ces deux journées devront permettre aux intellectuels, écrivains, journalistes professionnels et responsables politiques, bref à tous les acteurs de l'écrit, de confronter leurs points de vue et leurs propositions concrètes devant le plus large public.

Hector Bianciotti, Alain Bentolila, Azouz Begag, vous-même cher Serge Eyrolles, ont d'ores et déjà accepté d'y participer. Je compte également sur vous, cher Jean-Pierre Elkabbach.

B. – Le Temps des Livres 1996

Conserver au livre et à l'écrit sa place dans notre société, c'est une politique de long terme et une action de tous les jours.

Cela passe aussi par l'organisation de manifestations qui rendent visibles la présence de l'écrit et qui soient des moments de rencontres privilégiés entre le public et les acteurs de l'écrit : auteurs, traducteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, enseignants, associations.

Pour moi, c'est le sens du temps des livres et ce que j'attends de l'édition 1996 du temps des livres qui aura lieu du samedi 12 au dimanche 27 octobre 19 % sur le thème général de l'imagination.

Quel thème plus littéraire que celui de l'imagination ? Cette « reine des facultés », selon Baudelaire, est à la source de toute création. Mais le thème de l'imagination, c'est aussi une invitation pour tous les acteurs de l'écrit à faire connaître leur inventivité, leur capacité d'innovation au service du développement de la lecture.

Sur ce thème, j'ai demandé au dessinateur André Julliard, créateur de la célèbre série Les sept vies de l'épervier, grand prix 1996 de la ville d'Angoulême de réaliser le visuel du Temps des Livres et je suis heureux de vous le présenter aujourd'hui. Julliard nous invite à nous arrêter, à pénétrer dans la bibliothèque chaleureuse et un peu mystérieuse qu'il nous laisse deviner. Son dessin est déjà un appel à l'imagination, à la rêverie, comme à la lecture.

C. – Le 3615 LIVRE

La présence du livre et de l'écrit doit être la plus forte possible sur les médias qui, dans la journée de nos concitoyens, concurrencent la lecture et en particulier sur les écrans de télévision. Je n'ai pas besoin de souligner les efforts déployés en ce sens par le président Elkabbach et particulièrement à l'occasion du Salon du Livre.

Vous savez que pour moi, cette présence du livre sur l'écran de télévision devait aussi passer par la possibilité de renvoyer le plus souvent possible le téléspectateur vers le livres, à l'occasion du plus grand nombre possible d'émissions, et pas seulement d'émissions culturelles.

Aujourd'hui, je suis particulièrement heureux de vous annoncer que, grâce à l'accord passé entre France Télévision et le Cercle de la librairie, vont être mis en service 3615 FRANCE 2 LIVRE et 3615 FRANCE 3 LIVRE.

Les téléspectateurs seront renvoyés vers ces services par bandes annonces et ils pourront, en tapant directement les sujets qui les intéressent, sélectionner à partir de la base Electre les livres disponibles sur ces sujets. Ils connaîtront les références des livres : auteurs, les titre, éditeurs, prix. Ils auront pour chaque livre une présentation succincte.

Je crois que ces deux nouveaux services permettront aux téléspectateurs d'apprendre à connaître la richesse de la bibliographie française et de prendre l'habitude d'utiliser la base Electre qui est un formidable instrument. Et je crois que ces services – contribueront à établir un lien entre deux pratiques culturelles : la télévision et la lecture, la télévision et l'achat de livres.