Texte intégral
Une meilleure organisation de l'Europe peut apporter à la France davantage de prospérité et davantage de sécurité. C'est la raison essentielle pour laquelle j'approuve le Traité de Maastricht, même s'il comporte des obscurités, des insuffisances, et même s'il trace dans certains domaines une direction qu'il sera sans doute difficile de suivre, en tout cas au rythme prévu. Le Traité contient, pour tout gouvernement français qui serait décidé à s'en servir, des garanties et des sauvegardes qui lui permettraient de détendre les intérêts de notre pays.
Cependant la ratification de ce Traité suppose une modification de notre Constitution. Cette modification doit être préalable à la ratification, ce qui tend à rendre le débat confus.
À cet effet, le débat constitutionnel est engagé devant l'Assemblée nationale. Il se déroule dans de mauvaises conditions. Le gouvernement refuse de compléter le texte qu'il soumet à l'Assemblée par un certain nombre de précisions et de garanties qui sont cependant indispensables. De son côté, l'opposition a du mal à s'accorder sur une position commune, les uns étant irréductiblement hostiles au Traité, les autres inconditionnellement favorables, la plupart sans doute ne se reconnaissant dans aucune de ces deux positions… Si on laisse les choses aller ainsi, il en résultera un grand dommage pour la France, pour l'Europe et pour l'opposition.
Nous demandons une modification du projet gouvernemental sur trois points essentiels :
Tout d'abord, il faut mieux assurer le contrôle du Parlement français sur l'activité de la Communauté, notamment lorsqu'une décision communautaire modifie la législation nationale. Qu'on ne dise pas que cela briderait la liberté de négociation de notre gouvernement et constituerait donc une révolution sans précédent, une quasi-violation des institutions de la Ve République. C'est tout le contraire qui est vrai. Depuis un certain nombre d'années, nous vivons, en effet, une révolution beaucoup plus grande encore puisque les ministres se voient reconnaître, sans contrôle au Parlement, le droit de modifier les lois françaises par décision commune de tous les gouvernements de la Communauté. C'est ce contrôle parlementaire qu'il faut instituer. Il est également essentiel, toujours sur ce premier point, qu'il soit bien affirmé que le Parlement français conserve l'intégralité de ses pouvoirs budgétaires et fiscaux et que le Traité de Maastricht, dans ses dispositions monétaires, n'apporte nulle entrave à ces pouvoirs qui sont le fondement même de tout système démocratique.
En second lieu, il est essentiel que soit réaffirmée la valeur du principe institué en 1966 et baptisé "Compromis de Luxembourg", selon lequel aucun pays ne peut se voir imposer par les autres une décision contraire à ce qu'il juge être ses intérêts essentiels. Les ministres ont fait à ce sujet devant le Parlement des réponses contradictoires. Il importe que le Premier ministre nous donne des assurances sans ambigüité renouvelant ainsi celles qui furent données par deux de ses prédécesseurs, M. Mauroy en 1983, M. Chirac en 1987. Comme précédemment, cette affirmation devrait être faite par écrit, et destinée aux organes responsables de la Communauté.
En troisième lieu, le principe du vote des étrangers aux élections municipales est mal compris de l'opinion publique dont une bonne part le rejette. Y-a-t-il urgence à l'instituer ? Ne serait-il pas plus sage d'annoncer au Parlement que le gouvernement français demandera, comme le Traité de Maastricht le lui permet des dérogations justifiées par la situation particulière de la France où l'un des organes de la souveraineté nationale, le Sénat, est élu par les représentants des municipalités ? Ces dérogations pourraient être de deux ordres. D'une part, il s'agirait de mettre préalablement en œuvre une harmonisation des divers codes de la nationalité en vigueur dans les douze pays européens. D'autre part, de différer l'application du vote des étrangers aux élections municipales qui serait reportée, non pas aux prochaines élections, mais aux suivantes. Ainsi, aurait-on le temps d'expliquer à l'opinion que ce qui est en cause c'est, pour l'essentiel, le vote d'Italiens, d'Espagnols et de Portugais installés depuis longtemps dans notre pays, et non pas autre chose. Nul n'a intérêt à laisser des sentiments passionnels s'exprimer au détriment, à la fois de la concorde nationale, et de l'harmonie européenne.
J'ai le regret de le constater, sur ces trois points le Premier ministre ne m'a pas répondu. Il n'a, hier, apporté aucun élément nouveau, si bien que l'on peut augurer fort mal de la discussion parlementaire qui va se poursuivre demain à l'Assemblée nationale. Pourtant, aucune de nos propositions n'est contraire au Traité. Pourquoi donc cette obstination à les refuser si ce n'est pour faire de la politique intérieure et tendre un piège à l'opposition ? C'est le gouvernement qui portera la responsabilité de difficultés aisément prévisibles, car ces garanties qui lui sont demandées ne remettent en cause ni l'architecture du Traité, ni ses principes essentiels.
Dans une telle conjoncture, l'opposition doit se montrer plus vigilante qu'elle ne l'a été jusqu'à présent. Il y a des mois que nous savons que la ratification du Traité de Maastricht représente pour elle une épreuve, car les positions ne sont pas unanimes ; il y a des mois que nous savons qu'il s'agit donc d'un piège qui peut remettre en cause profondément et durablement l'union de l'opposition, et par conséquent l'alternance politique. Ce piège, nous n'avons jusqu'à présent pas fait grand-chose pour l'éviter. Je dirai même tout au contraire. Je ne demande à personne de renoncer à ses convictions, mais je crois essentiel pour l'avenir de l'opposition qu'elle parvienne à définir une position commune dans les plus brefs délais. Il nous faut répondre au gouvernement en lui donnant de notre côté un avertissement sérieux. Puisqu'il adopte une attitude de "tout ou rien" pour nous diviser, donnons-nous du temps. La procédure a plusieurs étapes, d'abord l'Assemblée nationale, demain soir, puis le Sénat, puis vraisemblablement, l'Assemblée nationale de nouveau. Évitons de nous séparer dès la première étape, nous pourrons ultérieurement juger, ensemble, les pas faits par le gouvernement et rapprocher les points de vue de l'opposition.
J'appelle chacun à peser ses responsabilités. En tout cas, pour ce qui me concerne, je ne prendrai pas la responsabilité de faire éclater l'union de l'opposition sur ce point capital. Comment pourrions-nous ensuite parler sans ridicule de candidatures communes aux élections législatives, ou d'une candidature commune à l'élection présidentielle ? Il n'est que le temps que chacun s'en rende compte.
24 juin 1992
Le Monde
Quel charivari ! La ratification à marche forcée du traité de Maastricht donne au débat un tour passionnel dans lequel les intérêts à long terme de notre pays ne paraissent pas toujours pris en compte.
J'ai dit à plusieurs reprises publiquement, et notamment dès le lendemain même du sommet de Maastricht le 11 décembre 1991, que, comme Jacques Chirac, j'approuvais la poursuite de la construction européenne ; je considère que, confrontée aux risques nucléaires et militaires à l'est et au sud de l'Europe, aux risques de concurrence commerciale de la zone américaine et de la zone Asie-Pacifique, l'Europe ne peut rester morcelée, qu'elle doit pousser plus loin entre nos différents pays la cohésion économique, politique et militaire.
Certes, le traité de Maastricht est un monument de complication technocratique et de prétention intellectuelle : il décide de ce qui est irréversible, apparemment tout, de ce qui est intangible, également tout. Les négociateurs ont voulu bâtir un texte destiné à laisser un souvenir impérissable dans l'Histoire ; le résultat, c'est qu'il contient trop de choses et des choses contradictoires. Il eût été bien préférable de procéder de façon plus pragmatique, de terminer tout d'abord ce qui était prévu dans l'Acte unique qui entrera en vigueur dans six mois sans que toutes les mesures nécessaires, y compris fiscales, aient été prises ; puis de définir les fondements d'une véritable politique de défense commune ; de développer l'usage d'une monnaie tout d'abord simplement commune de façon expérimentale et sans s'enfermer dans une irréversibilité de la marche vers la monnaie unique dont le calendrier est fixé au mois près et que les faits démentiront ; bref, de procéder par étapes, et sans présomption politique.
Je regrette que tel n'ait pas été le cas.
Prenons cependant une plus juste mesure des conséquences du traité de Maastricht ; après tout, il n'est pas encore applicable et ce n'est pas à cause de lui qu'on a fait une mauvaise réforme de la politique agricole commune, un mauvais accord automobile avec les Japonais, une mauvaise application des règles de la concurrence par la Commission, notamment dans l'affaire Aérospatiale ; qu'on s'est lancé dans des dépenses budgétaires excessives et incontrôlées, que la bureaucratie bruxelloise s'est renfermée sur elle-même, suscitant l'incompréhension puis l'indignation des opinions. C'est cela aussi qui explique l'état des esprits. Il a été aggravé par le gouvernement qui s'est mis à décerner les brevets de capacité d'homme d'État selon qu'on approuverait ou qu'on rejetterait ses propositions.
Ce traité, nous ne l'aurions pas négocié comme il l'a été ; tel qu'il est cependant, avec ses lacunes, ses confusions, il n'interdit pas à notre pays la possibilité de défendre ses intérêts et son indépendance dès lors qu'il serait doté d'un gouvernement décidé à le faire.
Aujourd'hui, les opinions publiques s'inquiètent, pour des raisons diverses. Ici c'est l'avortement, là le vote des étrangers, ailleurs la monnaie unique, ailleurs encore les pouvoirs des régions ou bien le risque d'être entraîné dans des conflits extérieurs par la construction militaire de l'Europe.
Ce mouvement des opinions, les gouvernements européens seraient bien inspirés de le comprendre.
Du fait du refus du Danemark, les onze autres membres de la Communauté sont dans une situation difficile à démêler : on leur propose de ratifier un traité qui existe mais qui, signé par douze pays, doit être mis en œuvre, ce qui n'est plus possible et donne donc un caractère quelque peu irréel à l'exercice. En outre, en France, le gouvernement nous demande de modifier préalablement la Constitution, afin d'appliquer un traité qui, dans son état actuel, ne peut pas entrer en vigueur tel quel.
Notre pays se trouve devant un choix : soit continuer imperturbablement la procédure de ratification, comme si de rien n'était, mais au risque de la voir sans effet concret ; soit décider qu'en raison de la défection danoise, les choses doivent être reprises et le traité de Maastricht complété afin qu'il soit dit très clairement comment il peut être appliqué à onze, alors qu'il modifie le traité de Rome signé entre douze États. Il me semble que ce sentiment est partagé par Valéry Giscard d'Estaing qui a parlé de la nécessité d'un "Maastricht-bis". Cependant, le gouvernement, soucieux sans doute de donner l'exemple au reste de l'Europe, a poussé le Parlement, et tente maintenant de pousser l'opinion, l'épée dans les reins. Comment cette précipitation ne ferait-elle pas naître tous les soupçons ?
Que faire ?
1. Fallait-il modifier la Constitution ?
Les uns pensent que cela n'était pas utile puisqu'on ignore encore le contenu définitif du traité nécessitant la réforme de la Constitution ; d'autres, au contraire, considèrent que, de toute façon, il y aura dans ce traité des dispositions nécessitant une révision constitutionnelle et qui concernent la monnaie, les visas, le vote des ressortissants de la Communauté.
Après avoir hésité, je n'ai pas voté la réforme de la Constitution pour deux raisons : il m'a semblé que rien ne justifiait la précipitation gouvernementale, avant même la conférence de Lisbonne, dont nous ignorons quelles adjonctions elle va proposer au traité. On pouvait reculer le débat parlementaire de quelques semaines, on ne l'a pas voulu ; je ne l'ai pas compris.
Un deuxième traité complémentaire
Ce que, en revanche, j'ai compris, sans grand mérite, c'est que le gouvernement est déterminé à politiser cette affaire le plus possible et à créer des difficultés à l'opposition parlementaire. Je n'avais aucune raison de prêter mon concours à cette opération. Je l'ai moins encore depuis ces quelques jours durant lesquels on a vu le gouvernement accepter les amendements du Sénat, puis les refuser devant l'Assemblée, avant de les accepter à nouveau. C'est pourquoi j'ai refusé de participer au vote de l'Assemblée et à celui du Congrès car je ne veux pas dire non à l'Union européenne et contribuer à ouvrir une crise en Europe, ni dire oui à la manœuvre de diversion du gouvernement socialiste.
Le gouvernement porte, seul, la responsabilité de n'avoir pas su provoquer autour de la construction européenne un accord totalement dénué d'arrière-pensée de politique intérieure.
2. Une fois modifiée la Constitution, faut-il ratifier le traité de Maastricht ?
Ne faisons pas de "catastrophisme". Il est vrai que la non-ratification du traité poserait à la construction européenne des problèmes sérieux, mais il n'en est pas moins vrai que le traité de Rome et l'Acte unique subsisteraient.
En ce qui concerne le traité discuté aujourd'hui, après l'avoir présenté comme intangible, ceux qui nous gouvernent reconnaissent maintenant qu'il faudra le compléter par un acte additionnel qui, de quelque façon qu'on l'appelle, constituera un deuxième traité qui, lui aussi, devra être ratifié.
Dès lors, il y a là aussi un choix : soit ratifier le premier traité de Maastricht, mais le faire en sachant qu'il n'est pas applicable en l'état et donc ratifier quelques semaines ou quelques mois après le second qui le rendrait applicable à Onze, ou bien à Douze, le Danemark étant réintégré grâce à de nouvelles dispositions ; soit surseoir à la ratification du premier traité de Maastricht, attendre la signature du second et soumettre les deux textes ensemble à l'approbation du peuple.
La première solution est-elle praticable ? Doit-on organiser un référendum pour approuver le premier traité de Maastricht et un second quelques semaines ou quelques mois après pour ratifier le second ? Ce second accord international ne devrait-il pas également être soumis au Conseil constitutionnel ? Plaise à Dieu qu'il ne nécessite pas lui aussi une nouvelle réforme de la Constitution ! Doit-on courir le risque que le peuple autorise la ratification du premier traité, et refuse celle de l'acte le modifiant ? Serait-il imaginable de recourir au référendum la première fois, et pas la seconde ? Tout cela serait incohérent.
Je crois donc que la sagesse consisterait à soumettre au peuple les deux textes à la fois et, après tout, si c'est aussi simple que le disent ceux qui nous gouvernent, tout cela peut être mis au point en quelques semaines. Il faut prendre la décision sur ce point rapidement car il est bien évident qu'il serait difficile d'organiser un référendum pendant la session d'automne du Parlement consacrée à la discussion budgétaire, et qu'il est exclu d'organiser un référendum quelques mois seulement avant les élections législatives.
Je suggère qu'au Conseil européen de Lisbonne, les 26 et 27 juin, la France propose à ses partenaires de rédiger cet acte complémentaire, de le signer rapidement afin que les deux textes puissent être soumis ensemble au peuple français. Si l'on n'y voit pas plus clair sur tous ces points, si le gouvernement ne consent pas à faire les gestes nécessaires pour bien marquer qu'il souhaite dépolitiser l'affaire, c'est cette fois dans le débat de ratification que la position du gouvernement serait entachée de suspicion. L'idée européenne en souffrirait, et je le regretterais.
3. Une fois que le traité aurait été ratifié, rien ne serait terminé.
J'ai dit que l'application du traité lui-même nécessitait un deuxième accord entre les membres de la Communauté. Donc, dire que Maastricht n'est qu'une étape est conforme à la vérité.
Il faudra ensuite mieux définir les contours des pouvoirs des différents organes de la Communauté, ce que le traité prévoit expressément. J'ai été frappé de voir que même M. Brittan a pris conscience du caractère intempestif et parfois incongru des interventions de la Commission, dont il est l'un des principaux acteurs, et qu'il a proposé qu'on revienne sur une partie de ses directives. Il faut tenir compte, sous une forme ou sous une autre, du malaise qui a gagné les opinions publiques.
Limiter les dépenses communautaires
Il faudra également reconsidérer de façon plus réaliste les conditions de la création de l'union monétaire. À une époque où les déficits budgétaires se creusent dans tous les pays de la Communauté, et malheureusement dans le nôtre, les critères de convergence définis dans le traité sont bien près de devenir caducs. Quelle prétention intellectuelle, d'ailleurs, que de définir six ans à l'avance, en fonction de quels critères l'on décidera d'adopter ou de ne pas adopter une monnaie unique !
Quant au vote des étrangers, je pense qu'il ne pourra être aménagé que de façon extrêmement prudente, afin d'éviter une incompréhension des Français dont on perçoit bien la préoccupation. Le texte du traité nous offre les souplesses nécessaires, grâce notamment à l'action heureuse du Sénat.
Il faudra également que nous annoncions notre intention de limiter la croissance des dépenses européennes. On nous a expliqué que le traité de Maastricht ne pouvait pas être mis en œuvre sans l'adoption du "paquet Delors II" qui prévoit une très forte augmentation des dépenses de 30 % en cinq ans, et cependant cette adoption vient d'être différée. Cela montre dans quelles contradictions nous nous trouvons !
Pour moi, les choses sont simples : la contribution de la France au budget européen était de 50 milliards de francs en 1987, elle est de 85 milliards de francs en 1992 ! Pareille dérive doit être impérativement stoppée. Je propose que la France pose le principe selon lequel sa contribution au budget à la Communauté doit augmenter au maximum selon le même pourcentage que l'ensemble des dépenses du budget national.
En ce qui concerne les problèmes de défense, notre paralysie dans l'affaire yougoslave montre qu'il y a encore un effort considérable à faire. C'est la raison pour laquelle j'ai approuvé, même s'il s'agit d'un acte plus politique que militaire sans doute, la création du corps franco-allemand. Mais ce n'est qu'une étape, il faut aller plus loin, préciser les pouvoirs de l'UEO, son articulation d'une part avec les forces nationales, d'autre part avec l'Alliance atlantique elle-même.
Il faut d'ores et déjà nous interroger sur l'élargissement de l'Union européenne aux pays de situation comparable à la nôtre : je pense à la Suède, à l'Autriche, à d'autres. On ne pourra pas fonctionner à quinze ou à dix-sept, comme on fonctionnait à Douze. Raison de plus pour considérer le traité de Maastricht comme une étape transitoire.
Enfin, il nous faut dès maintenant songer à accueillir les jeunes démocraties de l'Est en les associant dès que possible à l'édification politique de l'ensemble européen. Pour cette raison-là aussi, la construction de Maastricht évoluera.
Voilà comment on doit dépasser Maastricht, en ne se focalisant pas sur des débats qui irritent l'opinion publique parce qu'elle sent qu'ils sont souvent ceux d'hier.
Dépasser Maastricht, ce doit être aussi pour l'opposition surmonter une divergence qui n'est pas nouvelle et qui n'a jamais été irrémédiable. Je suis, depuis fort longtemps, partisan de l'union de l'opposition, je le reste, avec lucidité, mais avec confiance. Personne ne peut envisager sérieusement que le RPR et l'UDF changent de stratégie. Il n'y a pas d'autre solution que leur alliance pour offrir un espoir aux Français qui rejettent le socialisme. À nous tous d'en tirer les conséquences et de prendre nos responsabilités face à ceux qui nous apportent leur soutien. Nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Dépasser Maastricht, cela veut dire cesser d'occulter les vrais problèmes de la France. Le gouvernement socialiste a réussi, au-delà peut-être de ses espérances, à plonger dans le brouillard la politique française. Depuis plusieurs mois, on ne parle plus que de Maastricht alors que les déficits budgétaires s'accroissent, et l'endettement aussi, que le chômage s'aggrave, alors qu'on n'est plus sûr de pouvoir continuer à indemniser les chômeurs que les régimes sociaux sont menacés, que les difficultés économiques sont de plus en plus rudement ressenties par les entreprises, que l'injustice sociale se répand, que l'insécurité s'est aggravée, que notre système scolaire est toujours aussi inadapté aux besoins de la jeunesse.
C'est cela qui compte : proposer aux Français, et il nous faut six mois pour cela avant les élections législatives de mars 1993, nos choix pour la France et pour l'Europe, les réformes que nous voulons faire. Notre pays éprouve de plus en plus fortement le besoin du changement. Qui d'autre que nous pourrait le satisfaire ?