Projet de déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur la mise en œuvre des lois relatives aux services d'incendie et de secours et au développement du volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers, Lyon le 20 septembre 1997.

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Circonstance : Congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers français à Lyon le 20 septembre 1997

Texte intégral

Monsieur le président,
Monsieur le préfet,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du conseil général,
Monsieur le vice-président de la Courly,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les officiers, sous-officiers et sapeurs,
Messieurs les représentants des délégations étrangères,

I. – C’est avec un très grand plaisir que je me trouve aujourd’hui parmi vous, m’exprimant après le colonel Bernard Janvier auquel je veux rendre hommage. Je suis heureux de me trouver à Lyon et de féliciter les élus et les organisations. Si je suis parmi vous, c’est aussi pour répondre à un double appel : celui de la tradition républicaine, et celui de la confiance.

a) La tradition républicaine est présente tout au long de votre congrès. D’abord, parce qu’aucun ministre de l’intérieur ne saurait manquer ce rendez-vous annuel que lui donnent les 250 000 sapeurs-pompiers de France.

Je sais d’ores et déjà que par l’engagement qui est le vôtre au service de nos concitoyens, par votre mission de secours aux personnes et de protection des biens et de l’environnement, vous êtes des piliers de la République. J’ai eu l’occasion plus d’une fois, dans mes fonctions d’élu local à Belfort, de le vérifier.

Dans une société qui accorde parfois trop de place à l’individu et insuffisamment à la solidarité, les sapeurs-pompiers constituent aujourd’hui une référence de courage et de responsabilité, une réponse évidente pour ceux qui se demandent si les valeurs de civisme ont encore un sens. Je dis ceci en pensant à tous les sapeurs-pompiers de France, qu’ils soient professionnels ou volontaires, militaires à la brigade ou au bataillon. Vous êtes tous partie intégrante, mesdames et messieurs, du même service public.

b) L’appel de la confiance, c’est celui que j’ai ressenti dès mes premiers contacts avec les sapeurs-pompiers. Confiance dans votre professionnalisme, confiance dans votre sens du service public, et confiance dans la qualité des relations qui unissent mon ministère et vos représentants.

Permettez-moi de m’arrêter un instant pour rendre un hommage particulier à votre président sortant, le colonel Bernard Janvier. Monsieur le président, vous pouvez être heureux et fier à l’heure où vous quittez l’importante responsabilité qui fut la vôtre pendant huit ans. Sapeur-pompier avant toute chose, vous avez été à la hauteur du rendez-vous historique de votre profession, pour la faire entrer dans une réforme en profondeur de son organisation et de ses moyens. Mes prédécesseurs ont trouvé en vous un homme de dialogue, et la Fédération que vous avez présidée a su s’imposer comme une force de propositions écoutée par tous ses partenaires.

Je me réjouis, tout de même, de savoir que ce travail en commun ne s’arrêtera pas avec votre départ, car votre successeur le lieutenant-colonel Daniel Ory sera lui aussi un partenaire privilégié. Je vous souhaite aujourd’hui, monsieur le président, un plein succès : vous pouvez compter sur la volonté de dialogue et de coopération qui nous anime.

J’ai aussi confiance dans la capacité des sapeurs-pompiers à s’adapter dans cette période de profonde transformation : celle des structures, avec la réorganisation territoriale des services, celle du développement du volontariat, par la mise en place des nombreuses mesures qui doivent vous permettre de mieux vivre cet engagement citoyen. Celle, aussi, de notre société, qui est de plus en plus exigeante : la personne qui, aujourd’hui, compose le 18 sur un téléphone s’attend à ce que soient immédiatement disponibles, devant elle, tous les moyens publics de secours, et pourquoi pas, un hôpital de campagne ! Confiance, enfin, dans votre faculté de faire face à une mutation de votre métier, parce que les missions que vous effectuez deviennent de plus en plus complexes et de plus en plus dangereuses.

Je voudrais revenir sur ce dernier point, parce qu’il revêt, particulièrement cette année, une importance capitale.

Seize sapeurs-pompiers sont décédés à ce jour depuis le 1er janvier 1997 dans l’exercice de leur mission, d’autres ont été blessés, et je ne peux compter tous ceux qui ont été meurtris dans ces accidents. Au nom du Gouvernement, je veux leur rendre hommage aujourd’hui, et affirmer que la Nation ne doit pas oublier ce qu’elle doit à ceux qui ont sacrifié leur vie pour celle des autres, et à leurs familles.

Mais ce chiffre terrible doit aussi nous rappeler combien cette situation est intolérable. Il n’existe pas de place pour une prétendue fatalité. Je souhaite entreprendre avec vous une réflexion en profondeur qui prenne en compte toutes les données de la sécurité de l’intervention. Hygiène et sécurité ne constituent pas aujourd’hui une mode. Elles sont une obligation, qui s’impose tout particulièrement pour les sapeurs-pompiers. J’ai demandé au directeur de la sécurité civile d’examiner avec vous tous les aspects de ce problème. Ce sera là une de ses tâches principales pour l’année à venir, car si les structures nouvelles se mettent en place, je ne voudrais pas que les hommes qui les servent soient oubliés.

II. – Mais revenons d’abord sur les réformes de structures qui commencent à s’appliquer dans nos départements, certains d’entre vous m’ont fait part de leurs inquiétudes, relayés par certains élus, qui ne voient pas encore se profiler les nouveaux services d’incendie et de secours.

Ces réformes, vous le savez, sont issues de deux lois de la République du 3 mai 1996. Même si je n’en suis pas l’auteur, j’applique les lois votées par le Parlement et la République. C’est la base d’un grand projet de modernisation des services de secours et d’incendie.

Plusieurs décrets d’application ont été publiés depuis lors. Il s’agit de ceux qui permettent l’installation des premiers conseils d’administration. Je me réjouis d’ailleurs aujourd’hui de savoir qu’une vingtaine de conseils d’administration sont effectivement installés à ce jour.

D’ici six semaines environ, tous les services seront dotés de leur conseil d’administration : c’est une bonne chose.

À ce stade, un mot sur l’un des enjeux les plus importants de la vie du nouvel établissement public. Je veux parler du « SDACR », connu sous cet « affreux » nom par la majorité des partenaires locaux, c’est-à-dire le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques.

Ce schéma constitue la pierre angulaire du dispositif des secours de demain. C’est pourquoi son processus d’élaboration, en concertation avec tous les partenaires concernés, me paraît significatif. Il ne s’agit pas d’un simple document interne de réflexion, élaboré par des sapeurs-pompiers pour des sapeurs-pompiers. Il s’agit d’un véritable référentiel départemental, permettant de réfléchir en commun sur l’ensemble des risques existants et ceux qui peuvent survenir – et de construire les solutions les plus adaptées au contexte local pour y parer. Établi sous l’autorité du préfet, ce schéma est un document vivant qui devra être en permanence adapté aux nouvelles réalités et aux priorités définies par l’établissement public.

Nous sommes au tout début de la mise en place de la réforme sur le terrain. Pour vous, c’est maintenant qu’elle va devenir une réalité concrète. Il est essentiel de réussir ensemble cette étape.

III. – Venons-en aux textes en cours d’élaboration. Dès mon entrée en fonction, j’ai eu la volonté de réexaminer les conditions dans lesquelles ces textes devaient être mis en œuvre. Il ne fallait pas en effet que nous fassions appliquer des textes dans lesquels une majorité de sapeurs-pompiers ne se retrouveraient pas.

1. Le futur décret relatif à l’organisation des services d’incendie termine ainsi son parcours d’élaboration : j’ai voulu qu’il soit discuté de façon approfondie et sereine avec tous les représentants des sapeurs-pompiers, afin de permettre la mise en place rapide d’un nouvel établissement public efficace, parce que maître de son destin. La démarche engagée est faite de pragmatisme et de volonté de décentralisation : ne fixons pas tous les détails d’intervention au niveau parisien. Le niveau local est souvent plus sage et plus réaliste !

Je ne voudrais pas oublier dans ce texte le progrès que constitue la définition du service de santé et de secours médical. Tant dans l’identification de ses missions que des moyens dont il pourra disposer, le service voit ainsi son rôle fondamental reconnu. Sur ces bases nouvelles, je compte tout spécialement sur le dévouement des membres du service de santé pour s’investir encore davantage au profit de la sécurité des sapeurs-pompiers. J’ajoute que nous devrions, dans le futur, mieux prendre en compte la dimension psychologique des interventions, notamment la gestion du stress post-opérationnel chez les sapeurs-pompiers, mais aussi à l’assistance psychologique ou psychiatrique des personnes concernées.

2. Le nouveau cadre de référence permettant la fixation des régimes indemnitaire et de travail constitue le deuxième groupe de textes en cours d’examen. Applicable à ceux d’entre vous qui sont professionnels, il constitue un progrès difficilement contestable pour les sapeurs-pompiers. Il permettra, en effet, d’harmoniser dans les départements des situations extrêmement disparates, source potentielle des dysfonctionnements dans les nouveaux corps unifiés. Après des négociations parfois difficiles, parce que les positions, parfois tranchées, des uns ne sont pas celles des autres, je crois que nous sommes parvenus à définir pour la première fois un cadre clair et cohérent qui permettra à chacun de travailler au mieux, là où il se trouve, en tenant compte des besoins du service public, notion qui a quelque chose à voir avec l’égalité.

Maintenant, des négociations locales vont pouvoir s’ouvrir pour définir, avec vos employeurs, les régimes indemnitaires et de travail propres à chaque établissement public. Ne manquez pas cette occasion historique pour vous rapprocher de vos élus, et créer ou approfondir les fondements d’une confiance et d’une estime réciproques.

3. Mais la réforme en cours ne serait pas complète sans le projet qui concerne l’encadrement. Il est devenu indispensable de définir un véritable profil de carrière pour les cadres. Le projet sera mené à son terme avant l’été prochain. De toute façon, la concertation ne s’arrêtera pas avec l’adoption de ces textes. Je souhaite l’élargir à l’ensemble des acteurs.

IV. – Permettez-moi maintenant d’aborder l’ensemble des mesures, et elles sont nombreuses, qui concernent le volontariat. Je veux rendre hommage à vous tous, volontaires, qui donnez sans compter votre temps, votre énergie et vos compétences. Grâce à vous, le volontariat symbolise les idéaux de fraternité qui sont au cœur de la devise républicaine.

Il n’est pas question de revenir sur le choix fondamental fait par notre pays d’assurer ses missions de secours sur la base d’un système mixte composé de professionnels et de volontaires.

Cette mixité est garante du bon fonctionnement des secours sur l’ensemble du territoire national. C’est pourquoi vous me trouverez toujours très attentif au devenir du volontariat, comme à sa réalité quotidienne : le Gouvernement ne serait pas dans son rôle s’il ignorait les difficultés que vous vivez tous les jours dans votre engagement citoyen de sapeur-pompier volontaire. C’est pourquoi la deuxième loi du 3 mai 1996 sera appliquée avec ténacité.

J’ai ainsi tenu à installer dès le 8 septembre dernier l’Observatoire national du volontariat, comme le coup d’envoi d’une période féconde en innovations et en imagination. Cet Observatoire national, relayé par les observatoires départementaux, sera le lieu privilégié d’un dialogue approfondi et concerté sur la situation du volontariat en chaque point du territoire national.

Comme vous le savez, une grande enquête nationale sur la vie quotidienne du sapeur-pompier volontaire est actuellement en cours de réalisation : ses résultats nous permettront de travailler ensemble sur les mesures attendues depuis longtemps par les volontaires, au premier rang desquelles, sans aucun doute, la réforme de la formation.

Il faut construire sur le terrain un nouveau partenariat entre les sapeurs-pompiers volontaires, leurs employeurs et les services départementaux d’incendie et de secours. Les conventions déjà signées sont les premières pierres de cet édifice. La loi vous ouvre des droits, puisqu’elle garantit l’exercice du volontariat : sachez reconnaître à leur valeur les efforts consentis par les employeurs des sapeurs-pompiers volontaires, en les aidant à intégrer la présence de ces employés « pas comme les autres » comme un atout pour leur activité.

V. – Prenons donc un moment, en conclusion de cette partie sur les structures, pour constater l’évolution du « dossier sapeurs-pompiers » dans les quinze dernières années.

À l’occasion de nombreux congrès, au début des années quatre-vingt-dix, vous réclamiez la parution de lois sur la question.

En 1995, vous craigniez qu’elles n’aboutissent pas !

En 1996, à Mâcon, vous vous félicitiez de leur promulgation, mais exprimiez vos craintes sur les textes d’application.

Un an après, comme je l’indiquais au début de ce propos, près d’une vingtaine de conseils d’administration sont installés, la quasi-totalité des mesures à prendre pour les volontaires sont effectives, et tous les textes nécessaires à l’exercice moderne de votre profession ou de votre vocation sont aujourd’hui parus ou doivent l’être prochainement. Ainsi, seront « sortis », en pratiquement dix-huit mois, sept décrets et quatre arrêtés d’application des deux lois. Ce n’est finalement pas si fréquent, et c’est pourquoi je crois utile de le signaler.

Je le dis également parce que dans le rapport traditionnel qu’entretiennent les sapeurs-pompiers avec leur tutelle, ils mettent volontiers en avant le retard apporté à faire aboutir telle ou telle revendication. Jeu légitime des pouvoirs, travers bien connu des Français qui aiment à brocarder leur administration. Mais aujourd’hui, monsieur le président, mesdames, messieurs, les enjeux ne sont plus là. Les outils sont disponibles sur le terrain, dans chaque département. Ne nous y trompons pas : ce n’est pas « au ministère » que l’on fera vivre et réussir la réforme en cours ; c’est à chacun des partenaires locaux. Le succès de cette réforme sera celui que vous construirez, localement.

Mais il faudra aussi, pour cela, que le cercle des sapeurs-pompiers s’ouvre encore davantage à ses partenaires. La tentation peut exister de s’enfermer dans une réflexion sur le devenir des sapeurs-pompiers eux-mêmes. Rien ne serait pire, alors que notre société doit vivre de ses échanges. Il faut, à l’inverse, s’ouvrir aux autres : au tissu associatif, et à tous ceux qui participent à la citoyenneté active.

VI. – Les structures sont donc en place. À nous maintenant, ensemble, de nous occuper des hommes.

Des relations entre eux, d’abord, je viens de l’évoquer : il faut que les cultures se croisent. J’ai demandé au directeur de la sécurité civile d’entamer une réflexion sur le rôle et la place des associations qui interviennent dans la défense et la sécurité civiles de l’an 2000. Elles doivent contribuer à l’émergence d’une société plus solidaire, notamment par l’exemple de dévouement qu’elles donnent, à vos côtés, aux jeunes générations.

Mais nous devons aussi penser à la sécurité des hommes et des femmes que vous êtes : j’ai déjà évoqué le dossier hygiène et sécurité, qui sera un temps fort de l’année à venir. Je cite également le dossier des violences urbaines, sur lequel un gros travail a déjà été fait, mais qui doit continuer à être suivi de manière attentive.

Et enfin, je ne peux oublier la question de l’emploi, car c’est là notre priorité collective. Emploi par l’embauche de sapeurs-pompiers : enfin a eu lieu cette année un concours de sapeurs-pompiers 2e classe. J’engage les collectivités locales et surtout les nouveaux établissements publics à embaucher des jeunes issus de ce concours. J’ai bon espoir que nous arrivions à près de 1 000 embauches avant la fin de cette année. Et je souhaite qu’un nouveau concours puisse être organisé début 1988.

Mais emploi aussi à travers nos entreprises du secteur de la sécurité : fabricants de matériels et d’équipements pour les sapeurs-pompiers, industriels des transmissions, de la détection incendie, etc.

Il faut que nous renforcions notre partenariat avec eux, à charge pour nous de leur permettre d’accéder à davantage de marchés, à charge pour eux de maintenir et surtout de créer de nouveaux emplois.

Ceci m’amène tout naturellement à évoquer un autre aspect de votre congrès. Il suffit de parcourir le programme de travail de vos journées pour comprendre que l’approche internationale donnée à votre manifestation n’est pas un leurre. Pour réussir, il faut s’ouvrir à l’extérieur : votre savoir-faire doit s’accompagner d’un faire savoir.

Mon ministère sera particulièrement attentif à toutes les initiatives qui permettront à la sécurité civile, à ses acteurs, à ses partenaires économiques de rayonner en Europe et dans le monde. Nous n’hésitons pas à porter secours lorsque nous sommes appelés : n’hésitons pas non plus à exporter nos techniques, nos méthodes et nos produits, car la France, là aussi, dispose d’un atout né de la synergie des industriels et des utilisateurs que sont les sapeurs-pompiers.

En conclusion, vous l’avez compris, je souhaite que nos travaux pour l’année en cours s’intéressent davantage aux hommes et aux femmes qui, à un titre quelconque, participent à notre sécurité civile. C’est eux, c’est vous, qui êtes les porteurs de notre sécurité.

C’est pourquoi, je me réjouis de penser qu’à compter de cette année, les Français auront l’occasion, une fois l’an, de vous rencontrer, de mieux vous connaître et de vous dire tout le respect qu’ils portent à leurs sapeurs-pompiers civils et militaires. C’est ainsi que je vois la journée nationale des sapeurs-pompiers et des acteurs de la sécurité civile, qui aura lieu le 4 octobre prochain.

Cette journée symbolise aussi la fraternité qui doit unir tous ceux qui participent, de près ou de loin, à la protection de nos concitoyens. Soyez ouverts à vos partenaires, qu’ils soient agents des collectivités locales, agents de l’État, associatifs ou simples particuliers : ils apprécient l’élan de votre courage, et ne demandent qu’à participer à la noblesse de votre mission.

Je vous remercie.