Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
À l’occasion du salon « Networld-Interop 97 », j’ai tenu à m’exprimer ici devant vous pour marquer la priorité forte du gouvernement qui est celle de l’entrée de la France dans la société de l’information.
Je n’insisterai pas devant vous, qui êtes en quelque sorte les pionniers de cette aventure humaine qui bouleverse notre société, sur l’importance des technologies de l’information et de la communication. Ce secteur sera en effet le principal vecteur de la croissance du XXIe siècle.
Beaucoup de nos entreprises l’ont bien compris et ont mis en place un système d’information performant, véritable système nerveux, qui est devenu une de leurs principales armes de compétitivité.
Pour l’État et les citoyens, c’est également une opportunité car c’est une voie fondamentale pour l’emploi, priorité du gouvernement, pour créer ces emplois hautement qualifiés dont notre pays a tant besoin. Aussi, l’ambition du gouvernement est de développer à la fois l’usage des nouvelles technologies mais aussi l’offre des entreprises présentes en France dans ce domaine – je rappelle simplement qu’aux États-Unis, les jeunes entreprises de haute technologie ont représenté entre 30 et 40 % de la création d’emplois depuis cinq à dix ans.
Devant vous, je voudrais faire passer quatre messages-clés.
Premier message-clé : les technologies de l’information constituent un facteur de compétitivité fondamentale dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui et plus encore de demain. La convergence de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel est devenue une réalité à travers les réseaux et services multimédia interactifs. Internet, vecteur de communication universel, est l’enfant le plus médiatique de cet essor des réseaux. Dans les entreprises, les intranets sont déjà incontournables et les extranets sont en train de le devenir. Comme vous le savez, les réseaux multimédia sont déjà une réalité : les techniques à large bande (ATM et SDH) se développent dans le domaine professionnel afin de répondre véritablement aux besoins des applications de plus en plus complexes, qui demandent de plus en plus de bande passante. Plusieurs opérateurs développent des supports en fibre optique qui permettent de fournir à leurs clients des débits élevés et d’asseoir l’essor des services professionnels à base d’images animées. Bientôt, ce sera au tout du grand public que d’avoir accès à de tels services. C’est toute l’attraction de la société de l’information.
D’une manière générale, je suis convaincu que le meilleur moyen de faire entrer les Français de plain-pied dans la société de l’information est de le faire d’abord par le monde professionnel.
Or – et ce sera mon second message-clé – le véritable problème qui se pose à nous est que les entreprises françaises ont connu une véritable panne dans le développement de leur usage de l’informatique. En effet, l’investissement en technologies de l’information des entreprises aux États-Unis représente actuellement 3,1 % du PIB contre 1,7 % pour les entreprises européennes en général et françaises en particulier. Trop souvent, le poste « informatique-télécommunications » a été en effet considéré par les patrons des entreprises comme une dépense, une contrainte dont on ne perçoit pas bien la productivité et non comme un outil efficient de gestion, d’aide à la décision, à la prospection commerciale au service de la compétitivité.
Nos entreprises, notamment les PMI, ont encore beaucoup à faire de ce point de vue. Elles n’ont pas pris acte suffisamment tôt de ce changement majeur qui s’opère à travers le monde et n’ont remis en cause qu’incomplètement leur organisation traditionnelle. Concrètement, cela passe par la remise en cause des organisations en terme de méthodes de travail et de processus décisionnels, la formation de réseaux solides mêlant recherche, fournisseurs, vendeurs et clients, bref de façon générale, tous les acteurs de la chaîne de valeur. Le concept « d’entreprise étendue », assis sur les notions de flexibilité et de réactivité et qui repose sur l’architecture des réseaux multimédia interactifs, est en train de s’affirmer comme un modèle qui sera la clé de voûte de l’économie de demain.
Concrètement, avec Dominique Strauss-Kahn, nous allons prendre les mesures suivantes pour impulser une véritable dynamique en matière d’investissement en technologies de l’information pour le pays.
Nous souhaitons prendre quelques mesures efficaces pour accroître l’utilisation des technologies internet dans les PMI, et dès 1998, un budget de 50 MF leur sera consacré notamment pour permettre la réalisation de serveurs Web innovants et pour favoriser les actions de dématérialisation des relations administrations-entreprises, ainsi que des donneurs d’ordre avec leurs sous-traitants.
Enfin, le projet de loi de finances pour 1998 comporte une série de mesures destinées à favoriser l’éclosion de jeunes entreprises de haute technologie dont notre économie a impérativement besoin. Pour ce faire, nous allons dynamiser l’offre en matière de capital-risque : un milliard de francs pris sur les recettes de l’ouverture du capital de France Télécom, qui a connu le succès formidable que vous connaissez, a été réservé à cet effet, afin de créer un élan dans la création d’entreprises évoluant dans la haute technologie. De cette façon, nous souhaitons encourager nos jeunes talents si nombreux, mais qui, faute souvent d’appuis et de relais suffisants pour créer leur entreprise, partent à l’étranger, afin qu’ils réalisent leur projet mais aussi leur rêve. Cette hémorragie doit cesser !
Au-delà de ces mesures que je qualifierai « d’urgence », nous avons également souhaité engager une réflexion de fond sur la dynamique induite par le secteur des nouvelles technologies en confiant à M. Henri Guillaume, ancien président de l’ANVAR, le soin de réfléchir aux possibilités d’adaptation des politiques, qu’il s’agisse de fiscalité, d’action administrative ou d’orientation des fonds publics de soutien à la R&D.
Mais sans les télécommunications, l’informatique serait paralysée : les services de télécommunications sont en effet le carburant de cette nouvelle économie de l’information. Tel est mon troisième message-clé. Les deux principaux facteurs de compétitivité des services de télécommunications sont la disponibilité, associée à la qualité, et les prix. De ce point de vue, je le répète avec force encore une fois, la France est habituée à un niveau d’excellence quant à la disponibilité et à la qualité des services de télécommunications, et ce, en tout point de son territoire. Sachez que le Gouvernement, pleinement conscient des enjeux de la libéralisation du secteur des télécommunications à partir de 1998, veillera à ce que cela perdure et soit renforcé.
Chacune de nos entreprises, chacun de nos concitoyens se doit de tirer parti de toutes les potentialités qu’offre le développement des télécommunications, le service public et la concurrence en terme de baisse des prix et d’innovation des services.
D’ores et déjà, la concurrence a permis dans le téléphone mobile une baisse importante des prix qui a généré une croissance exponentielle du marché. Dans la téléphonie fixe, l’ouverture de la concurrence depuis plusieurs années dans les liaisons internationales s’est traduite par une réduction des tarifs qui a profité notamment aux grandes entreprises. La prochaine libéralisation du marché en 1998 a incité France Télécom à adopter une grille tarifaire compétitive afin de se préparer à la concurrence : rappelons qu’une communication Paris-New-York ne coûte plus que 2,25 F la minute contre plus du double il y a trois ans. Dès 1998, les communications longue distance et locales entreront pleinement dans le champ concurrentiel et de nouvelles baisses de tarifs arriveront progressivement.
France Télécom, opérateur public, doit continuer à se situer à la tête de cette dynamique d’efficience : des baisses de tarifs dans les communications téléphoniques et les liaisons spécialisées sont attendues dans les prochaines années et sont couplées à la mise à disposition prochaine d’offres de solutions innovantes à base de technologies ATM ou SDH –en se mobilisant encore davantage dans la dynamique de projets à dimension internationale, qui est celle désormais de vos entreprises.
Dernier message-clé : le commerce électronique, qui représente l’application la plus prometteuse d’internet, constitue un formidable levier économique pour nos entreprises. Il nous faut nous préparer, et surtout nos entreprises pour qui ce sera un vecteur d’échanges incontournable, à cette nouvelle donne qui représente déjà plusieurs milliards de dollars. Dans un premier temps, c’est le marché des échanges commerciaux entre entreprises qui pourrait bénéficier le plus de l’avènement du commerce électronique via internet, en raison notamment de l’importance de leur équipement informatique. Dans un second temps, ce sera au tour du grand public. Mais, pour ce faire, deux conditions doivent être réunies :
- d’une part, le marché doit offrir aux utilisateurs des terminaux d’accès à internet peu coûteux, beaucoup moins onéreux que les PC – des projets en la matière vont se concrétiser prochainement, je pense aux terminaux « Minitel-Internet » que développent Alcatel et Matra Communication et qui seront commercialisés par France Télécom au second semestre 1998 ;
- d’autre part, la sécurisation des transactions, notamment pour le paiement en ligne, doit être totalement assurée.
Le Gouvernement a pleinement conscience de l’enjeu que représente le commerce électronique. Le groupe de travail sur le commerce électronique mis en place par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, sous la présidence de M. Francis Lorentz, travaille pour ce faire et rendra ses conclusions avant la fin de l’année.
Sans attendre les résultats de cette mission, la libéralisation décidée par le Premier ministre des moyens de cryptologie faible (clé d’au plus quarante bits) sera mise en œuvre rapidement de sorte que la commercialisation de ces algorithmes sera prochainement soumise à une procédure simplifiée. En ce qui concerne le chiffrement de plus haut niveau, les décrets définissent le régime d’autorisation et les responsabilités des tierces parties de confiance sont actuellement soumis à la Commission européenne et devraient être promulgués avant la fin de l’année. Cette libéralisation doit permettre aux entreprises européennes d’entrer pleinement sur ce marché, encore trop largement dominé par l’industrie américaine et devrait mieux satisfaire vos besoins en matière de signature, d’authentification et de certification.
Conclusion :
Au terme de ce bref panorama, je puis vous assurer que la France a des atouts incontestables pour réussir le pari de la compétitivité et de l’intelligence, induit par l’avènement de la société de l’information : des technologies maîtrisées et reconnues au plan mondial, des entreprises performantes disposant de compétences fortes en matière de technologies de l’information, une capacité de recherche enviée et surtout, un capital intellectuel de grande valeur.
C’est, Mesdames, Messieurs, à une véritable renaissance industrielle de la France que j’appelle, au sein de l’Union européenne. Pour réussir ce pari, il revient à l’État de se mobiliser autour de quatre axes prioritaires efficaces :
# un État créant les conditions durables d’émergence de nouveaux acteurs, de contribuer à lancer des coopérations interentreprises et de veiller à une meilleure diffusion du bénéfice de la recherche industrielle – de ce point de vue, la création d’un Réseau national de recherche en télécommunications afin d’accompagner et d’anticiper les évolutions en cours dans ce domaine est un signal fort du gouvernement :
- une régulation féconde : l’État a mis en place une régulation dans le domaine des télécommunications et de l’audiovisuel qui favorise la création de valeur. Il doit veiller à ce que le droit soit le plus synchrone possible avec ces technologies qui évoluent très vite, afin que cette bonne régulation puisse être consolidée et adaptée, si nécessaire au cours des années à venir ;
- une formation tournée vers l’avenir : l’investissement intellectuel est le premier investissement économique de notre civilisation et cet investissement passe d’abord par l’éducation de nos enfants au multimédia. J’attache un prix particulier à ce que l’accès au savoir, indispensable à la structuration de la citoyenneté, résulte d’une action incitative et forte de l’État. À cet égard, j’ai souhaité que France Télécom fasse un effort particulier pour l’accès des écoles à internet et ainsi l’opérateur proposera prochainement aux établissements scolaires une offre tarifaire très attractive qui permettra une forfaitisation de l’accès à internet ;
- un État efficient ; il s’agit de permettre que les citoyens accèdent plus facilement à des services publics de qualité encore meilleure grâce en particulier aux technologies de l’information et cela au meilleur coût possible.
L’État ne réussira pas seul le pari de l’entrée de la France dans la société de l’information, il entend capitaliser aussi sur vos expériences.