Texte intégral
M. le Président, Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux, M. le Président, de pouvoir conclure les quatrièmes assises de votre association consacrées cette année au développement local et à la dynamique économique des petites villes.
La place et le rôle que les petites villes peuvent assurer dans le développement de notre territoire, les ressources qu’elles peuvent mobiliser, l’apport qu’elles sont en mesure de fournir à leur environnement, les relations qu’elles peuvent développer avec les acteurs économiques locaux, la coopération qu’elles sont en mesure de promouvoir, constituent autant de questions qui ont guidé vos travaux.
Vos tables rondes vous ont conduits à examiner ces questions, vos difficultés mais aussi votre engagement et vos réussites.
Je ne saurais naturellement ignorer les contraintes quotidiennes auxquelles vous êtes confrontés. La fonction de maire est probablement l’une des plus difficiles à assumer, et cela indépendamment de la taille de la commune.
Les petites villes de France sont à la « charnière » du rural et de l’urbain. Elles recouvrent une diversité de situations telle – puisqu’elles rassemblent des communes rurales, des villes-centres, des communes suburbaines – qu’il est difficile et très réducteur de vouloir en donner un « portrait type ».
Cette diversité fait de votre association un lieu privilégié de confrontation d’expériences et d’échanges, tant il est vrai qu’à la question « comment promouvoir le développement local ? », il n’existe pas de réponse unique.
Vos réflexions fournissent ainsi un éclairage précieux au gouvernement à un moment où la poursuite de la décentralisation apparaît nécessaire et où la recherche de nouvelles formes de solidarité locale, notamment en matière d’emploi, est indispensable au développement de notre territoire.
I. – Une place importante et un rôle particulier dans l’organisation du territoire.
Les petites villes de France regroupent 2500 communes qui abritent de l’ordre de 18 millions d’habitants, soit près d’un tiers de la population de notre pays.
Le poids de vos communes est considérable et les dépenses d’équipement que vous réalisez sont de l’ordre de 25 à 30 milliards de francs.
Vos dépenses de fonctionnement s’élèvent à 80 milliards de francs.
Enfin, les petites villes emploient 300000 agents.
Ces chiffres recouvrent évidemment des situations individuelles très différentes mais ils montrent, s’il en était besoin, les poids des petites villes dans notre pays.
Dans leur sécheresse, ils ne témoignent que très imparfaitement du rôle de ces villes, qui est celui d’une ville-centre au regard de son environnement.
Ce rôle comporte des charges, nul ne saurait le nier. M. le Président, vous n’avez pas manqué de la souligner lors de notre entretien de juillet dernier.
Vous êtes d’abord confrontés – et c’est vrai de toutes les collectivités locales – à de véritables défis dans plusieurs domaines. Je pense, en particulier, à l’assainissement ou au traitement des ordures ménagères qui mobiliseront des sommes importantes, quel que soit le mode de couverture des coûts, fiscalité ou redevance.
Ces coûts sont ressentis par chacun comme un prélèvement et nos concitoyens y sont de plus en plus sensibles.
J’ai demandé à l’Inspection générale de l’administration de réaliser une étude sur les coûts découlant des normes auxquelles nos communes devront satisfaire dans les quatre ou cinq prochaines années.
Les petites villes sont également l’objet de sollicitations fortes de la part de leurs habitants. Là où, dans une petite commune, on n’exigeait pas tel ou tel équipement, il n’est pas rare aujourd’hui qu’il soit réclamé dans une ville de 3000 habitants et, a fortiori, dans une ville de plus grande importance.
Enfin, et c’est probablement le trait commun des petites villes, elles desservent et irriguent, dans beaucoup de cas, une large zone, jouant le rôle de ville ou bourg-centre, contribuant ainsi à l’aménagement du territoire.
À ce titre, il est indiscutable qu’elles doivent garder un niveau de services élevé à l’usage d’une population non résidente.
On rejoint là vos travaux consacrés à la mobilisation des ressources, au rôle des petites villes en matière d’interventions et à l’intercommunalité.
II. – Les moyens
Lorsque l’on parle de moyens, on pense bien entendu à la fiscalité mais aussi aux dotations de l’État et, lorsque vous évoquez les dotations de l’État, vous pensez à la péréquation, mécanisme destiné à corriger en fonction de la richesse et des charges, les différences de situations entre collectivités.
Vous avez eu l’occasion, M. le Président, d’évoquer cette question à plusieurs reprises, en insistant sur les charges de centralité supportées par les petites villes.
Jusqu’en 1993, la dotation globale de fonctionnement (DGF) était, comme vous le savez, calculée en combinant la taille des communes, la richesse de celles-ci et les charges mesurées en fonction de la voirie, du logement et du nombre d’élèves dans les établissements scolaires. Des concours particuliers étaient, en outre, versés à certaines catégories de communes (villes-centres, villes touristiques, villes connaissant des difficultés particulières).
Tant que les indices de croissance étaient satisfaisants, ces mécanismes ont parfaitement joué leur rôle, en assurant effectivement à la fois péréquation et la progression minimale des dotations.
Ces mécanismes ont commencé à se « gripper » lorsque les indices d’évolution se sont contractés.
C’est ce qui a conduit à réformer cette dotation en fixant trois priorités :
1. la stabilité des budgets,
2. la solidarité,
3. l’intercommunalité.
La stabilité s’est traduite par la forfaitisation des dotations reçues et la solidarité s’est exprimée au travers de deux mécanismes :
– la dotation de solidarité urbaine (DSU),
– la dotation de solidarité rurale (DSR).
449 petites villes ont perçu la DSU en 1997 dont 101 de moins de 10000 habitants, pour un montant moyen par habitant de 103,283 F (garantie incluse).
4002 communes de moins de 10000 habitants ont perçu la DSR au titre de la fraction de bourgs-centres et 33627 au titre de la fraction péréquation, 3969 ayant cumulé les deux.
Mais, bien entendu, les relations entre l’État et les collectivités locales ont surtout été déterminées, ces dernières années, par ce que l’on appelle, improprement, le pacte de stabilité qui aligné la progression des dotations dites « actives » sur celles des prix.
Je n’ignore pas que ce pacte – qui n’a pas été signé, à proprement parler, par les élus – a pu peser sur les ressources de certaines de vos collectivités, notamment au travers des conditions d’attribution de la DGE ou de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
Le Gouvernement, installé en juin dernier, a décidé de prolonger ce dispositif jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’à la fin 1998 car le calendrier budgétaire – et je parle sous le contrôle d’un ancien ministre du Budget – ne permettait au demeurant pas d’envisager une modification profonde des relations financières entre l’État et les collectivités locales.
Ce choix a été fait pour respecter les engagements de l’État vis-à-vis des collectivités locales, et notamment pour garantir l’évolution des dotations. Mais il y a plus important.
La stabilité des finances publiques, pour l’État comme pour les collectivités locales, n’est pas une fin en soi. État et collectivités sont ensemble en charge de l’intérêt général et doivent dégager les moyens permettant de poursuivre des objectifs que la nation à jugés prioritaires.
Il en est ainsi de la mise en œuvre du plan pour l’emploi des jeunes, où l’État sollicite l’engagement des collectivités locales selon une démarche décentralisée qui correspond aux souhaits que vous avez souvent exprimés.
Le Gouvernement s’est également attaché à réunir les conditions pour faciliter la réflexion sur des sujets difficiles : le chantier de la fiscalité locale, la conception de « l’après acte », l’équilibre de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
C’est ainsi notamment que :
– la régularisation négative de la dotation globale de fonctionnement s’opérera dans des conditions qui seront neutres au regard des dotations de l’État aux collectivités locales pour 1998,
– aucune mesure de réduction des compensations versées aux collectivités locales ne figure en loi de finances pour 1998,
– enfin, les cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales demeureront stables.
Bien entendu, ces décisions ne nous dispensent pas d’une réflexion qu’il nous faudra engager au plus vite, dès les premiers mois de 1998, sur les modalités de sortie du pacte et sur la consolidation de la situation de la Caisse. Je sais compter sur votre association pour contribuer à cette réflexion et participer étroitement à la concertation que j’entreprendrai dans quelques mois.
Pour l’heure, nous devons rapidement définir un nouveau cadre juridique pour sécuriser les interventions des collectivités locales en matière économique et pour faire émerger de nouvelles solidarités locales. C’est le programme que je me suis fixé, en liaison avec M. Zuccarelli, pour ces prochains mois et sur lequel nous aurons à travailler rapidement avec votre association puisqu’il rejoint directement vos préoccupations et les travaux de vos quatrièmes assises.
III. – Les interventions des collectivités en faveur du développement économique et de l’emploi.
Les petites villes jouent un rôle essentiel en matière d’emploi. Je l’ai indiqué tout à l’heure, elles s’assurent le concours de 300000 collaborateurs. Les maires sont de plus en plus sollicités en matière de recherche d’emploi, notamment de la part des jeunes.
Le programme défini par le Gouvernement et que Mme Aubry a présenté au Parlement devrait permettre à vos collectivités de répondre à cette priorité, tout en favorisant la satisfaction de besoins qui émergent et auxquels nous n’avons encore pu ou su répondre.
Les petites villes, qui disposent d’une grande capacité de réponse et d’adaptation, joueront, à n’en pas douter, un rôle déterminant dans la réussite d’une action dont l’enjeu est national, puisqu’il s’agit de l’avenir de la jeunesse de notre pays.
Les collectivités sont par ailleurs de plus en plus sollicitées pour intervenir en matière d’implantation, de création ou de développement des entreprises locales.
À l’évidence, le cadre juridique de ces interventions, qui date de 1982 pour l’essentiel, n’est plus adapté aux besoins.
Au demeurant, il n’est pas respecté parce qu’il est, dans bien des cas, totalement inadapté aux demandes qui sont adressées aux villes.
Le Gouvernement a donc entrepris une réflexion en vue de moderniser ce cadre juridique.
M. Zuccarelli vous a présenté les grandes lignes de la réforme sur laquelle il travaille avec moi et que nous soumettrons aux grandes associations d’élus dans quelques mois. Je sais là encore compter sur l’Association des petites villes de France pour apporter, à la lumière de votre expérience, sa contribution à ce projet qui devra à la fois introduire plus de souplesse dans les modalités d’intervention et contenir les risques pris par les collectivités.
Je souhaite que ce projet soit aussi l’occasion de clarifier les relations financières et institutionnelles entre les collectivités et les sociétés d’économie mixte locales qui constituent des outils efficaces de développement. Les collectivités actionnaires doivent en effet maîtriser parfaitement leurs engagements.
Sur ce dossier également, je sollicite le concours de votre association, M. le Président.
Le développement local, la place des petites villes dans l’aménagement du territoire dépendent aussi de leurs capacités à nouer entre elles et avec leur environnement de nouvelles solidarités. C’est toute la question du développement de l’intercommunalité à laquelle je vous sais très attachés.
IV. – Le développement de l’intercommunalité : un cadre approprié pour tisser de nouvelles solidarités au service du développement.
Vous êtes déjà très engagés dans ce mouvement, puisque près de 1400 de vos communes, plus de la moitié des petites villes de France, participent à un établissement public de coopération intercommunale, principalement au sein des communautés de communes et des districts.
Cette coopération a connu une évolution très rapide depuis la loi de 1992 et les moyens financiers qui y sont consacrés ont considérablement augmenté (4000 à 500 MF par an).
C’est ainsi que la DGF consacrée à l’intercommunalité s’élève en 1997 à plus de 5 milliards de francs.
C’est beaucoup, mais en dépit des arbitrages difficiles qu’il faut faire au moment de la répartition de la DGF, il n’y a pas lieu de regretter l’affectation de ces moyens.
L’intercommunalité permet, en effet, d’atteindre une taille critique pour réaliser des projets, de mutualiser les charges de centralité et de maintenir ainsi un niveau d’équipement et de services de qualité dans des endroits où, sans cette solidarité, les besoins seraient moins bien satisfaits. Enfin, l’intercommunalité peut être un moyen privilégié de rationner l’aménagement et de promouvoir le développement économique.
Ces résultats, qui se sont traduits par de réelles réussites sur le terrain ne doivent cependant pas nous dispenser d’une réflexion, trois ou quatre ans après la relance de l’intercommunalité, sur le paysage de la coopération tel qu’il se dessine. Ainsi faut-il aborder franchement les problèmes liés au chevauchement des périmètres, à l’effectivité et à la signification de l’intégration, au contenu des compétences, au mode de financement et à la fiscalité de ces établissements publics.
L’intercommunalité (1446 groupements, 16214 communes, près de 30 millions d’habitants) mobilise désormais des moyens importants : près de 60 milliards de francs de budget, 25 milliards de fiscalité. Elle est donc devenue très significative.
Dans le même temps, l’intercommunalité s’est complexifiée : enchevêtrement de périmètres, incertitude sur le contenu des compétences, plus ou moins bien surmonté par des mécanismes juridiques sophistiqués comme la représentation-substitution.
On peut avoir le sentiment que la complexité freine l’initiative. On peut aussi nourrir la crainte que le citoyen qui connaît la commune, le département ou la région, connaisse moins bien le groupement ou qu’il ne le perçoive que comme un échelon d’administration ou de gestion supplémentaire sans en discerner immédiatement l’apport – pourtant essentiel – en matière de développement local.
De la même manière, les élus peuvent se heurter à des difficultés de cohérence dans l’intervention de la coopération, la ville-centre, la petite ville constituant parfois un enjeu majeur dans la fixation des périmètres.
Pourtant, l’intercommunalité n’a de sens que si elle organise une solidarité autour d’un projet commun à la ville-centre et aux communes environnantes.
Nous devons, je le crois, réfléchir aux moyens propres à organiser cette solidarité. Cette réflexion a déjà été engagée et a abouti au projet de loi dit « Perben » qui, sur bien des points, allait dans le bon sens. Mais je souhaite cependant l’orienter selon trois priorités :
1. une simplification qui, à mon sens, doit plus porter sur l’harmonisation des règles de fonctionnement des Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre que sur la réduction à tout prix du nombre de catégories,
2. la recherche d’une coopération intégrée à taxe professionnelle unique, adaptée à la notion d’agglomération,
3. le confortement et la maîtrise des moyens de l’intercommunalité.
Le projet de texte déjà élaboré par le précédent gouvernement s’attachait à opérer une harmonisation des règles de fonctionnement des EPCI. Ces propositions peuvent, pour l’essentiel, être reprises, en ce qui concerne la représentation des communes, les modalités de désignation des délégués qui doivent, à mon sens, être choisis au sein des conseils municipaux, des délégations au bureau et au président.
La multiplication des groupements de communes, leur importance de plus en plus grande, le volume de leurs budgets, la réorganisation des conditions d’exercice de leurs compétences, conduiront à s’interroger sur la nature du mandat des délégués et la question du suffrage universel sera inévitablement, à un moment ou à un autre, posée. Je pense néanmoins qu’il faut traiter chaque chose en son temps et bien mesurer les incidences d’un tel choix, car l’élection au suffrage universel porterait en germe l’érection des EPCI en collectivités territoriales. Une telle évolution me paraît prématurée même si, à moyen terme, la question devra être tranchée.
À mon sens, l’essentiel, l’urgent même, est de permettre à l’intercommunalité de se développer vers une meilleure intégration des compétences, préservant l’identité communale à laquelle nous sommes tous très attachés.
C’est pourquoi je souhaite encourager une intercommunalité dynamique, autour d’un projet commun et mutualisant les ressources au profit de ce projet.
La mise en commun de la ressource de la taxe professionnelle, qui constitue, comme chacun le sait, la principale ressource fiscale des communes mais aussi la moins bien répartie, représente à cet égard un objectif essentiel et elle mérite d’être encouragée. Des mesures fiscales, comme la déliaison à la baisse du taux de taxe professionnelle du groupement à taxe professionnelle d’agglomération ou la fiscalité mixte pour les établissements qui réalisent une intégration poussée des compétences, me paraissent de nature à concourir à cet objectif.
Mais l’intercommunalité ne se développera que si les moyens qui y sont consacrés sont à la fois suffisants et ne pèsent pas trop lourdement sur les dotations des communes. C’est évidemment toute la question de l’arbitrage entre la DGF des communes et celle des groupements qui est posée.
Seule une autonomie des enveloppes permettrait de restaurer une péréquation plus puissante au sein de la DGF des communes, tout en assurant le développement sans heurt de l’intercommunalité. Mais cette démarche à laquelle je travaille et qui devra être adaptée aux conditions créées par la sortie du pacte financier n’est pas des plus aisées à conduire. C’est dire qu’elle devra être en bon rang dans la liste des sujets que nous devrons examiner ensemble, M. le Président, avec votre association.
Tels sont, M. le Président, Mesdames et Messieurs, les principaux axes de réflexion et d’action que je me suis fixés pour les prochains mois et que je souhaite voir aboutir au printemps prochain. Ils rejoignent vos préoccupations et s’inscrivent parfaitement dans le droit fil des travaux que vous avez menés au cours de ces quatrièmes assises.
Ces sujets sont complexes et leur examen doit être des plus attentifs car ils sont au cœur de l’action des collectivités territoriales.
Je me réjouis, M. le Président, que vous les ayez d’ores et déjà inscrits parmi vos toutes premières priorités.
Les mois qui viennent seront l’occasion de prolonger la concertation sur ces sujets qui nécessitent une approche très concrète et un échange nourri d’observations.
Connaissant l’attachement de votre association à ces questions, je ne doute pas que vous serez vigilants sur le contenu des propositions que je compte vous présenter à la fin de l’année, que nous serons conduits à affiner et à préciser jusqu’au dépôt des textes que j’envisage pour le printemps prochain.
Je me réjouis à l’avance du travail que nous pourrons accomplir ensemble et vous en remercie.