Texte intégral
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les maires,
L’ampleur et la qualité de votre rendez-vous annuel marque bien l’esprit républicain qui anime votre association des maires de France et nos communes.
L’association des maires de France est la première des associations d’élus. Première par le nombre puisqu’elle rassemble 500 000 maires, maires-adjoints et conseillers municipaux. Première également par l’image qu’elle donne de la démocratie puisqu’elle parvient à unir les intérêts de toutes les communes, pourtant très dissemblables, tout en respectant les diverses opinions républicaines. Première enfin devant l’histoire puisque la commune est avec l’État la plus ancienne institution de notre République.
Car la commune n’est pas une collectivité territoriale parmi d’autres. Elle est d’abord le lieu où s’exprime le mieux notre identité nationale, où s’exerce la citoyenneté, où s’organise la solidarité.
Comme ancien maire – mais je l’étais encore très récemment – je sais ce que le citoyen attend de vous : le meilleur service public au moindre coût bien sûr, mais aussi le règlement des difficultés quotidiennes, le respect des engagements pris et plus encore le goût de la vie en commun. C’est sans aucun doute à l’échelon de la commune, premier lieu d’un « vouloir vivre » collectif que la délégation du pouvoir confiée par l’élection est à la fois la plus entière, la plus exigeante et la plus vigilante.
La fonction de maire est l’une des plus valorisantes et l’une des plus difficiles à assumer.
Comme ministre de l’intérieur, je mesure mes responsabilités.
Le ministère de l’intérieur doit être le ministère de l’intégration républicaine, c’est-à-dire de la citoyenneté. Ce n’est pas un hasard si mes attributions associent à la sécurité des citoyens et à l’administration du territoire, les collectivités locales. Ce sont les compétences qu’exerçait il y a quinze ans Gaston Defferre quand il a lancé la décentralisation et que ses successeurs, à quelques exceptions récentes près, ont également assumées.
Je veux aujourd’hui exprimer les deux principes qui guident mon action sous l’autorité du Premier ministre.
I. - La décentralisation est un atout majeur pour la République
Sur la décentralisation, j’entends et je lis beaucoup de choses : à en croire certains, elle serait en panne. Mon sentiment serait plutôt de chercher ailleurs. Quand le citoyen se détourne de la chose publique, c’est que la République elle-même ne réponde pas à ses attentes. Ce n’est pas la commune qui est malade.
Inversement, quand le Gouvernement propose à la Nation un pacte républicain, ce sont toutes les institutions de la République qui sont concernées et appelées à se relever.
Les communes cellules de base de la démocratie doivent concourir, dans le respect de leurs prérogatives, aux objectifs que la Nation d’est fixés.
Je suis, tout comme vous, bien persuadé que la politique de l’État ne peut être efficace sans une articulation étroite avec celle des collectivités décentralisées. Leurs interventions touchent aujourd’hui à tous les aspects du fonctionnement de notre société. Elles concernent la vie quotidienne de nos concitoyens. Elles sont devenues en tous domaines des foyers incomparables d’initiative et de responsabilité.
Il faut donc, par-delà des options politiques qui parfois nous séparent, savoir nous mettre d’accord sur des objectifs communs. Je suis persuadé qu’il y a entre l’État et les collectivités locales, une communauté forte d’intérêts qui est avant tout celle de l’intérêt général.
Et, s’il appartient à l’État de conduire la politique de la Nation, il vous revient, dans le cadre de vos compétences, de répondre avec originalité et souplesse aux nouveaux besoins de nos concitoyens.
La mise en œuvre du pacte républicain commence par celle des deux priorités nationales que sont l’emploi des jeunes et la sécurité de proximité.
Dans les deux cas, c’est une démarche décentralisée qui a été définie, conformément d’ailleurs aux vœux de l’Association des maires de France.
C’est la même méthode qui inspire la politique de sécurité de proximité. D’une part, ont été dégagés des moyens, 20 000 adjoints de sécurité pourront être embauchés par le police nationale et 15 000 adjoints locaux de médiation pourront l’être dans le cadre du plan-emplois jeunes et notamment par les collectivités locales.
Mais, d’autre part, c’est dans le cadre des contrats locaux de sécurité que seront utilisés les moyens nouveaux et les moyens existants, au plus près des besoins. Ces contrats seront l’outil d’une politique de sécurité privilégiant la citoyenneté comme axe de la prévention, la proximité comme mode d’intervention et l’efficacité de la coopération entre les services de l’État, au service de l’application de la loi.
Vous serez partie prenante à ces contrats car si la sécurité est d’abord l’affaire de l’État, c’est aussi celle des élus locaux, des associations, des bailleurs sociaux, des sociétés de transports en commun.
Il est de la responsabilité de l’État d’assurer également à chacun la sûreté de sa personne et de ses biens. Mais sa responsabilité est aussi d’associer à un objectif crucial pour la République tous ceux qui concourent à la sécurité : la commune et les associations. Celles-ci sont, avec l’école, des structures d’apprentissage de la citoyenneté, elle-même base de la sûreté.
Pour autant, chacun doit bien rester dans son rôle. C’est pourquoi seront bientôt présentés deux projets de loi sur les polices municipales et sur les sociétés privées de gardiennage et de protection, afin que soient clarifiées les compétences des uns et des autres.
Enfin, je veux évoquer la place que pourraient tenir les collectivités décentralisées dans la politique de codéveloppement pour laquelle Monsieur le Premier ministre vient de créer une mission interministérielle.
Je ne doute pas que les communes pourront apporter leur contribution et leur expérience à notre volonté de renouveler à partir du terrain et des initiatives décentralisées notre politique de coopération.
II. – Donner à la décentralisation les moyens de fonctionner et de progresser
Pour permettre aux communes – si j’ose dire – de respirer et, mieux, tirer le meilleur partir de leur dynamique républicaine, il leur faut davantage de démocratie, davantage de solidarité institutionnelle et davantage de justice financière.
Il nous faut, premier objectif, fonder une nouvelle pratique de la démocratie locale.
Au-delà de la réforme du cumul des mandats, je veux évoquer la sécurité juridique des actes pris par les élus locaux.
La démocratie locale est mieux défendue quand le respect de l’État de droit permet d’assurer toute la sécurité juridique nécessaire aux élus locaux.
Je souhaite que les missions d’expertise juridique de l’ensemble des services déconcentrés de l’État puissent aides les collectivités. La réflexion engagée dans le cadre de la réforme de l’État dont mon collègue Émile Zuccarelli a la charge devrait y contribuer.
Mon deuxième objectif est de moderniser le cadre territorial de la décentralisation.
Le projet de loi sur l’intercommunalité que je compte déposer au printemps doit contribuer à un nouvel équilibre de nos territoires.
Ma réflexion actuelle me conduit à procéder de façon évolutive plutôt qu’à des ruptures. Non pas seulement parce qu’un projet de loi préparé par le précédent gouvernement contient certains éléments que je reprendrai à mon compte, mais aussi parce que le rôle des communes restant irremplaçable, l’intercommunalité doit rester volontaire.
Je suivrai pour cela trois orientations.
La première est d’assurer le financement de l’intercommunalité dans le cadre d’une redéfinition des relations financières de l’État et des collectivités. Les dotations de l’État ne peuvent pas être fixées sans que le financement de l’intercommunalité ne soit pris en compte dans sa globalité.
La dotation globale de fonctionnement réservée aux groupements est passée de 2,7 milliards de francs en 1992 à 5 milliards de francs aujourd’hui. Un tel montant a souvent rendu difficile la répartition interne à cette dotation entre la dotation forfaitaire des communes, les dotations de solidarité urbaine et rurale et le financement de l’intercommunalité. Je suis donc favorable à une enveloppe autonome de DGF des groupements qui soit suffisamment délimitée pour ne pas peser sur les dotations réservées aux communes.
La seconde orientation est de favoriser à travers la taxe professionnelle d’agglomération et la dotation globale de fonctionnement des groupements, le développement local et l’intercommunalité bâtie sur un projet.
La taxe professionnelle unique n’a pas connu tout le succès qu’on attendait d’elle en 1992. Elle constitue pourtant la forme la plus élaborée de mutualisation de la ressource fiscale la plus importante et la moins bien répartie sur notre territoire. Elle permet d’harmoniser les taux de TP, elle est le meilleur vecteur de la solidarité dans les politiques locales d’aménagement.
La troisième orientation est d’encourager la constitution de groupements d’agglomérations afin que nos structures institutionnelles s’adaptent à l’évolution des réalités urbaines, alors que beaucoup de difficultés tendent à se concentrer dans les agglomérations.
Jusqu’à présent, le mouvement intercommunal a fortement progressé en meilleur rural et autour des petites villes, ce qui est en soi d’ailleurs une bonne chose.
C’est pourquoi, à côté de la communauté de communes, forme de base pour laquelle les districts et les communautés de villes existants pourraient opter, j’envisage la création d’une structure à taxe professionnelle unique, avec des compétences larges permettant de partager efficacement les charges d’agglomération.
J’en viens pour finir aux moyens financiers et à l’objectif d’une plus grande justice dans leur répartition.
Vous savez que le Gouvernement a tenu à ce que les engagements pris dans le cadre du pacte de stabilité soient tenus. Au demeurant, il n’a pas souhaité ouvrir dans la précipitation un débat qui porte sur 250 milliards de francs.
Mieux, le projet de loi de finances pour 1998 ne comporte aucune mauvaise surprise, aucune des mesures d’économie habituellement prises sur les compensations d’exonération et dégrèvements de fiscalité. Vos budgets n’auront pas à supporter d’augmentation de la cotisation à la Caisse nationale de retraite des collectivités locales. Mais le respect de la dernière année de ce qu’il est convenu d’appeler le pacte de stabilité ne borne pas bien sûr mon horizon.
Le respect des engagements pris permet d’assurer aux collectivités les moyens de s’engager dans le programme pour l’emploi des jeunes. J’initierai dès le printemps de 1998 une large concertation sur les règles d’évolution des dotations et sur la fiscalité locale, en clair sur ce que nous appelons la « sortie du pacte ».
Le Gouvernement sera également très attentif à l’évolution des charges nouvelles, qu’elles proviennent de politiques nationales ou de l’application des normes. Dans ce dernier cas, les échéances approchent très vite, trop vite sans doute. Nécessaires à la protection des usagers du service public comme de l’environnement, elles ne sont pas contestées dans leur principe. Mais leur coût s’avère considérable. Il nous faudra y être très attentifs et définir ensemble une règle du jeu fondée sur l’évaluation et la prise en charge progressive.
Comme vous le voyez, je souhaite aborder de façon globale les relations entre l’État et les collectivités locales, sur la base des objectifs que la Nation s’est donnés.
Mesdames et Messieurs les maires, j’émets le souhait que d’ici votre 81e congrès, nous ayons fait franchir une étape supplémentaire à la décentralisation. Vous avez besoin de l’aide de l’État. Il ne se dérobera pas, car il sait que vos communes sont une pièce maîtresse de notre édifice républicain.