Déclarations de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur la maîtrise d'ouvrage publique et le rôle de la mission interministérielle pour la qualité des ouvrages publics, et sur les mesures favorisant la production et la création audiovisuelles, Paris et Cannes le 26 septembre 1997.

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Circonstance : Commémoration des 20 ans de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques à Paris, et inauguration du Mipcom (marché international des programmes de télévision) à Cannes le 26 septembre 1997

Texte intégral

Commémoration des 20 ans de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques - 26 septembre 1997

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de vous dire combien je suis heureuse de me trouver ici parmi vous.

C’est en effet la première fois qu’il m’est donné de rencontrer, en un même lieu, les représentants de l’ensemble des professions de la construction publique, professions, vous le savez dont je suis très proche.

Je me permets pour cette commémoration des 20 ans de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP) de saluer Bernard Tricot qui fut, le fondateur de la MIQCP ; Jean-Paul Alduy, qui préside aujourd’hui la MIQCP. Je connais ses positions courageuses à Perpignan et le travail qu’il mène pour la qualité de vie dans les quartiers de sa ville et aussi le dynamisme avec lequel il a pris très récemment ses fonctions de Président. Enfin, je tiens à saluer aussi toute l’équipe de la MIQCP qui, sous la houlette sérieuse de Jacques Cabanieu, se dévoue sans compter pour cette mission de service public.

La qualité des constructions est au cœur de vos préoccupations, elle l’est aussi, je vous l’assure, pour moi depuis longtemps.

En tant que citoyenne et habitante, je suis personnellement touchée par l’expression formelle de tel ou tel ensemble ou construction, par les solutions fonctionnelles mises en œuvre, par l’ambiance qui s’en dégage, par sa relation à l’espace construit et aux vides urbains.

En tant que maire, j’ai immédiatement été sensibilisée à la place que prend l’architecture dans la cité et hors de la ville, à son influence prépondérante sur les personnes dans leur vie quotidienne. Elle conduit à des modes de vie, à des règles implicites, elle induit une façon de se comporter, elle déshumanise ou elle rend plus conviviaux les rapports des gens.

En tant que ministre, je suis consciente des enjeux véritables de l’architecture. L’architecture, et par déclinaison celle des constructions publiques, nous conduisent sur des vrais débats de société : celui de la ville et de l’environnement de demain. Ce sont des préoccupations qui me passionnent et laissez-moi vous dire combien je suis heureuse d’être en charge de l’architecture.

Je voudrais d’abord lieu m’adresser aux maîtres d’ouvrage qui sont ici nombreux à cette célébration, pour leur rappeler leur mission d’intérêt général et qu’ils sont garants de la qualité du cadre de vie de nos concitoyens.

Cette responsabilité a été, clairement et vigoureusement réaffirmée dans ce texte fondateur qu’est la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique et de ses décrets d’application.

Chaque projet de construction, chaque projet d’aménagement urbain, chaque projet d’ouvrage d’infrastructure, doit être impérativement l’objet d’une recherche de qualité, portée par une volonté politique forte, soutenue par des professionnels de la programmation, de la conception et de la construction, que vous avez la grande responsabilité de choisir.

La qualité, faisceau de plus en plus exigeant de spécificités, est un objectif ambitieux.

Elle implique de maîtriser globalement le projet dans toutes ses dimensions : techniques et économiques certes, mais également humaines et sociales, urbaines et culturelles. Cette quête de qualité nécessite, je le sais, un investissement personnel des responsables politiques et une disponibilité constante. Elle exige en particulier d’y consacrer du temps : le temps de la réflexion et de la maturation avant de décider, le temps nécessaire à la qualité des études, qu’elles soient de programmation ou de maîtrise d’œuvre, enfin le temps de la réalisation.

J’insiste sur ce point car, trop souvent, le fonctionnement de nos collectivités publiques est ainsi, qu’une fois prise la décision de faire, les équipes chargées de la conception et de la conduite du chantier ne peuvent assurer leur tâche que dans un empressement préjudiciable. Rechercher la qualité, c’est aussi passer commandes aux équipes de maîtrise d’œuvre en de bonnes conditions : commander de l’architecture ou un projet urbain nécessite un savoir-faire tout à fait particulier qui mêle, certes des compétences financières, juridiques et administratives, mais surtout exige une véritable culture du projet architectural ou urbain. C’est celle-ci qui vous permettra, à partir de références personnelles, d’appuyer vos choix, techniques, d’usage, ou esthétiques. Cette culture, qui en particulier touche au « qualitatif et au sensible », sera en outre de nature à faciliter le dialogue qui doit s’instaurer avec la maîtrise d’œuvre mais j’y reviendrai.

Cette discipline spécifique de la maîtrise d’ouvrage, notamment par la curiosité intellectuelle et les doigtés méthodologiques exigés, rend donc incontournable un effort toujours à renouveler de formation et d’information.

Je sais que la Mission interministérielle consacre beaucoup de temps et d’énergie à cette demande permanente des maîtres d’ouvrages publics et je souhaite qu’elle continue à répondre à votre attente, et plus spécifiquement celle des élus locaux.

Je suis par ailleurs convaincue que la qualité de notre cadre de vie dépend pour une part majeure de la valeur des études, du temps qui pourra être effectivement consacré à la création et à la recherche technique.

La valeur de ces prestations intellectuelles, que sont la programmation et la maîtrise d’œuvre, n’est pas assez reconnue.

Soyez persuadés que la qualité du service rendu ne s’établira – in fine –- qu’à hauteur de la rémunération prévue par le contrat.

Je voudrais réaffirmer qu’une rémunération équitable des prestations de programmation et de maîtrise d’œuvre est le point de départ d’une coopération fructueuse dans une attitude de disponibilité, de dialogue et de respect mutuel, conditions incontournables pour la réussite de l’ouvrage.

J’ajoute enfin que le ministère de la culture est lui aussi un maître d’ouvrage relativement important. L’agence d’ingénierie cultuelle va être bientôt créer pour rassembler la Mission des grands travaux et l’établissement public du Louvre. Je m’engage aussi à respecter qualité et rigueur dans les opérations que cette agence conduira.

Des représentants de la maîtrise d’œuvre et plus spécialement des architectes sont aussi nombreux parmi nous.

À vous, je voudrais dire combien vous êtes indispensables à cette quête de qualité que la Mission interministérielle a la charge de susciter.

Mais vous le savez, la France est déjà très équipée et les besoins sont moins quantitatifs que dans la période qui s’est achevée avec les grands travaux. En outre, nos concitoyens aspirent moins à l’exceptionnel qu’à la qualité des lieux de leur vie de tous les jours.

Le débat est donc beaucoup moins celui de la construction de nouveaux grands édifices publics ou la création, de toutes pièces, de nouveaux lieux d’habitat, que celui de la reconstruction ou de la réhabilitation de la ville sur elle-même, de la valorisation de son patrimoine bâti et de son adaptation pour de nouveaux usages.

L’essentiel de vos interventions porte donc désormais sur de petites opérations, concerne la réhabilitation et l’extension de bâtiments qu’il faudra reprendre pour des besoins d’aujourd’hui, la maintenance et l’entretien, autant de démarches pour lesquelles de nouveaux savoir-faire sont à développer, inventer parfois.

Il s’agit donc de vous préparer encore mieux à travailler dans ces directions.

Ces missions, moins spectaculaires et symboliques, peut-être moins ambitieuses en apparence, sont pourtant des champs d’exercice professionnels dignes d’intérêt, des sujets de recherches personnelles et en tout cas, méritent le respect car elles sont l‘expression d’une demande sociale.

Il n’est pas d’échelle pour l’exercice de l‘imagination, la création d’une œuvre personnelle, l’offre de techniques innovantes, la réponse attentive aux besoins quotidiens des Français.

Le paradoxe est que la diminution de la taille des opérations exige toujours plus de vous plus d’attention aux utilisateurs et à leurs modes de vie, souci du détail, architectures modestes et respectueuses du contexte existant.

En conséquence, il me paraît que les composantes de la maîtrise d’œuvre devront, au regard de la nature du marché des constructions publiques à venir, être toujours plus souples dans leur exercice, très disponibles et avoir la capacité de crier des alliances de forte technicité en fonction de la spécificité du problème à traiter.

Je ne peux pas, lors de cette manifestation de la Mission interministérielle, ne pas évoquer les concours d’architecture pour souligner tout l’intérêt que je porte à cette forme de dévolution des marchés publics de maîtrise d’œuvre. Je sais que certains concours au nombre de quelques unités, que j’ai bien en tête, suscitent quelquefois des polémiques dont les effets médiatiques sont négatifs pour l’image de I’ architecture et des architectes, c’est certain.

Je voudrais réaffirmer ma confiance dans cette méthode de choix, même si ce n’est pas la seule, bien sûr.

Je sais le travail militant de la Mission interministérielle pour que les maîtres d’ouvrage publics confient les missions de maîtrise d’œuvre à partir de cette mise en concurrence particulière reposant sur le projet d’architecture. En particulier, je constate que le concours est une des rares occasions de pouvoir parler d’architecture avec les responsables et les acteurs de notre vie publique. Expliciter et argumenter des options architecturales, provoquer le débat est la mission des maîtres d’œuvre présents au sein des jurys de concours. Je suis donc très partisane de cette présence active, pourvu que la maîtrise d’œuvre se sente investie d’une mission initiatique destinée à faire apprécier et aimer l’architecture.

Je rends à cet égard un hommage particulier aux architectes consultants de la Mission interministérielle qui inlassablement se font des porte-paroles de la qualité architecturale.

Mais cet effort doit être démultiplié, et je m’adresse à l’ensemble des architectes pour qu’ils soient attentifs à ce que cette présence soit l’occasion de faire reconnaître aux non-spécialistes, ce en quoi rapport de cette profession est irremplaçable pour la culture de notre pays. En conséquence, je serai très attachée à ce que les organisations professionnelles ferment effectivement des jurés pour mieux conseiller les maîtres d’ouvrage et susciter, à l’occasion des concours, de réelles discussions sur l’essence même de l’architecture.

Je vous proposerai toutefois un certain nombre de modifications à la marge du système de concours, que j’ai demandé à François Barré et à Jean-Paul Alduy de bâtir après une réflexion conjointe avec nos partenaires ministériels et bien sûr les représentants des professionnels et des élus.

II apparaît, au vu de divers incidents, que les concours ont besoin d’une instance de conciliation, la MIQCP ne pouvant jouer un rôle d’arbitre dans les concours alors même qu’elle en est le conseil. J’ai demandé à Thierry Le Roy, conseiller d’État, de concevoir une instance de médiation et d’arbitrage devant laquelle pourraient être portés, à titre gracieux, les conflits relatifs aux concours. Ce serait a priori une instance facultative à la demande conjointe des parties.

J’ai par ailleurs demande à Jean-Paul Alduy de repenser les règles des concours en concertation avec nos partenaires :
    - je souhaite ainsi l’allégement des dossiers exigés des candidats pour leurs inscriptions aux concours. ;
    - je pense ensuite qu’il faut rendre les concours plus transparents par quelques mesures simples :
        - communication à chaque candidat avant son audition par le jury, des observations de la commission technique sur son projet ;
        - motivation précise écrite et communiquée par le jury des choix et de la décision finale ;
        - exposition publique des résultats des concours par le maître d’ouvrage.

Je terminerai sur le sujet délicat des concours en validant quelques orientations de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques et de la direction de l’architecture. Toute peine mérite salaire et c’est la raison pour laquelle les prestations dans les concours doivent être rémunérées. Mais nous avons tous quelque nostalgie des grands concours « ouverts » (donc anonymes et non rémunérés) qui permettaient l’émergence d’architectes talentueux, mais encore pas ou peu connus. Souvenons-nous de Piano et Rogers au centre Pompidou, de Von Spreckelsen à la Défense, de Tschumi au Parc de la Villette ... La MIQCP a préparé, après une longue concertation avec tous les acteurs concernés – et notamment la Commission centrale des marchés de l’État – deux modèles de concours ouverts à un ou deux tours qui garderont un caractère exceptionnel et expérimental mais permettront sur des questions essentielles d’ouvrir la commande à tous.

Si je continue de croire aux concours, ils ne m’apparaissent pas toujours nécessaires. Une part importante des concours organisés en France, ne se justifie pas. Je ne parle pas de ceux qui sont obligatoires ou de ceux qui représentent un enjeu majeur (même s’ils sont en-dessous du seuil) pour le maître d’ouvrage, mais de ceux qui ne sont organisés que comme « signe de distinction », parce que certains élus pensent que le concours est un signe extérieur de richesse. Ces concours-là sont souvent inutiles.

Enfin, je propose d’actualiser le seuil actuel des concours, qui date de 1986, au niveau de la directive européenne service (200 000 écus, soit 1 350 000 F).

Je voudrais m’adresser aussi à la fois à la maîtrise d’ouvrage et à la maîtrise d’œuvre pour revenir un instant sur le partenariat et la confiance réciproque qui doivent s’instaurer entre les acteurs pour mener à bien, et dans les meilleures conditions, une opération de construction ou d’aménagement dans l’intérêt de la qualité finale.

Comprendre les objectifs légitimes de chacun, prendre la mesure des difficultés et des contraintes qui s’imposent aux partenaires, mieux se connaître pour mieux s’apprécier, en un mot avoir confiance en l’autre.

Je voudrais donc que les professionnels organisent, des rencontres dont l’objectif majeur serait de susciter et développer la reconnaissance mutuelle. Celles-ci pourraient aboutir à la signature de chartes destinées à améliorer, et au-delà de la stricte application des textes, les processus de choix des équipes de maîtrise d’œuvre, ainsi que les relations contractuelles.

Vous me permettrez à cet instant, Monsieur le Président, de vous faire part, ainsi qu’à toute votre équipe, d’un certain nombre de réflexions qui concernent plus particulièrement la Mission interministérielle et qui me paraissent être le point de départ d’orientations futures de votre action.

Je sais que sur un certain nombre de thèmes, des concertations fructueuses ont eu lieu entre la Mission interministérielle et la direction de l’architecture. En particulier François Barré m’a dit combien à ses yeux, la spécificité de la MIQCP lui faisait prendre une place privilégiée dans la politique de l’architecture qu’il mène, et combien il tenait à ce que cette spécificité soit sauvegardée.

Vingt ans d’action en faveur de la qualité architecturale c’est à la fois peu et beaucoup.

Beaucoup, si l’on considère que les objectifs initiaux qui lui étaient assignés sont globalement atteints si l’on considère que le travail sur les méthodes, l’organisation générale de la maîtrise d’ouvrage, les études préalables et la programmation, la palette de processus possibles en vue de la désignation des équipes de maîtrise d’œuvre est aujourd’hui inscrit dans la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique.

Et je sais, Monsieur le Président, que la Mission interministérielle a œuvré avec opiniâtreté en vue de cet aboutissement.

Mais vingt ans ne peuvent être qu’une étape au regard de la multiplicité des maîtres d’ouvrage qu’il faudra convaincre et former, en particulier les élus locaux et leurs services, en raison de leur perpétuel renouvellement.

Ceci veut dire que la Mission est en quelque sorte contrainte à poursuivre inlassablement son action de sensibilisation et de mobilisation des partenaires pour une commande de qualité.

Parallèlement à cette permanence obstinée, je serais très attachée à ce que votre action particulière contribue étroitement à l‘effort du ministère de la culture en matière de promotion de l’architecture.

Faire naître un désir d’architecture à nos élus, nos maîtres d’ouvrages, nos concitoyens, c’est tout d’abord montrer de l‘architecture et montrer des projets d’architecture. II serait ainsi très intéressant que la Mission public les résultats des concours d’architecture qu’elle suit et, parmi eux, expose les plus exemplaires. De telles expositions construites dans un souci d’accessibilité au plus grand nombre, pourraient être relayées par les CAUE et les Maisons de l’architecture dans des formules itinérantes couvrant l’ensemble du territoire national.

La Mission elle-même pourrait s’associer à l’Institut français d’architecture lequel trouvera place dans le centre de l’architecture qui est étudié à Chaillot aux fins d’exposition nationale, de publications, avec le souci serait de montrer, au-delà de la stricte image, en quoi la mise en compétition de projets, outre qu’elle élargit l’univers de choix des maîtres d’ouvrage, favorise indéniablement le renouvellement de la création architecturale.

Une des actions de la Mission interministérielle pourrait être de créer des champs d’expérimentation de la maîtrise d’ouvrage publique sur les questions d’actualité, avec les acteurs, pour s’interroger sur les mutations du cadre de vie et mieux répondre aux aspirations des citoyens. Je pense plus particulièrement aux thèmes de la qualité urbaine, des lieux d’habitat, de l’espace public ou l’insertion des infrastructures. La confortation de réseaux de maîtres d’ouvrages volontaires, la connaissance des usages et des usagers, et l’association des architectes aux réflexions plus générales concernant la vie en ville et de sa qualité, notamment dans une vision de développement durable, sont des orientations qui méritent d’être encouragées.

Enfin, je voudrais aborder cette notion essentielle d’interministérialité qui qualifie la MIQCP. Ce statut a été indispensable dans les premières années d’existence de la Mission, époque où seul l’État faisait face à d’énormes besoins, ne consacrait pas assez de temps et d’imagination à une recherche de qualité. Ce caractère interministériel s’est sans doute quelque peu estompé, quoique celui-ci, par cette sorte de neutralité qu’il confère, a été acteur de l’heureuse conclusion des décrets MOP voici quelques années.

Je souhaite que ce caractère d’interministérialité soit fortement réaffirmée afin de montrer que chaque composante de l’État ne se désintéressera en aucune façon de l’évolution des besoins d’architecture des Français.

Je pense en particulier, et pour prendre un exemple concret, à l’institution d’une obligation, pour les services de l’État, sous l’égide de la MIQCP et à l’occasion de commandes importantes, d’ouvrir plus largement la mise en compétition de projets, et donc, par la même, instaurer le débat d’idées.

Certes, la MIQCP tire une grande partie de sa légitimité de la connaissance des problèmes qui se posent sur le terrain et de sa capacité à répondre rapidement aux multiples interrogations des maîtres d’ouvrage. Mais il me paraît qu’une autre forme de légitimité est à faire retrouver, en s’adressant aux plus hauts niveaux de l’État.

L’outil de gestion pourrait être la mise en place d’un Comité interministériel d’orientation – lequel serait avant tout une plate-forme d’échange entre tous les ministères qui ont vocation à bâtir, aménager, ou sont en relation a des titres divers avec les maîtres d’ouvrages locaux.

Il convient de réfléchir à la forme la plus souple et la plus efficace permettant de redéfinir la place de la Mission dans l’interministérialité, voire peut-être, si c’est possible, créer un lien avec les collectivités territoriales.

Ce renouveau du caractère interministériel de la MIQCP contribuerait à donner du sens à son action quotidienne de conseil et de médiation dont l’utilité n’est plus à démontrer. Pouvoir s’appuyer sur un organisme reconnu, pouvant jouer un rôle de médiation dans ces domaines si délicats de la commande publique, se révèle chaque jour de plus en plus indispensable à notre vie collective – que ce soit entre différents intérêts publics, par exemple dans l’interprétation pratique de certains textes, ou dans les rapports entre le public et le privé.

La MIQCP, organisme indépendant de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre, qui n’a pas de responsabilité opérationnelle, mais qui assure un travail de réflexion et de conseil devrait pouvoir remplir ce rôle très attendu. À la lumière de ses observations et de son expérience, de sa réflexion sur les enjeux de fond, de son recul vis-à-vis des obligations quotidiennes, la MIQCP est particulièrement en mesure d’éclairer des points de vue qui se réfèrent trop souvent à la forme.

 

MIPCOM, à Cannes 26 septembre 1997

 

La venue du ministre de la culture et de la communication au MIPCOM est une tradition, et je suis heureuse de la perpétuer avec vous aujourd’hui. Mais ce n’est pas seulement pour me conformer à la tradition que j’ai fait le déplacement de Cannes. C’est aussi et surtout parce que le secteur des programmes dont le MIP est un des hauts lieux est au cœur de la révolution que vit aujourd’hui l’audiovisuel.

J’ai déjà eu l’occasion il y a un mois de présenter ma vision globale des bouleversements économiques et technologiques du secteur, et d’expliquer les raisons pour lesquelles il fallait donner à tous les acteurs des règles stables, simples et transparentes de concurrence.

Hier, la présentation du budget du secteur de la communication pour 1998 m’a donné l’occasion de rappeler les missions essentielles qui sont celles du service public.

Aujourd’hui, le lieu est particulièrement approprié pour vous exposer les objectifs de la politique que j’entends mener en matière de production, et vous faire part de quelques décisions que je viens de prendre. L’industrie des programmes audiovisuels est au croisement d’enjeux culturels et d’enjeux économiques ; c’est à la fois parce qu’elle est source de création culturelle et parce qu’elle est industrie créatrice de richesse et d’emplois qu’il faut l’encourager.

Je partirai d’un constat : la vitalité du secteur de la production, mais aussi les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui. Pour tenter de répondre à cette question centrale : comment accompagner l’essor du numérique pour qu’il entraîne un enrichissement et un accroissement des contenus, et pas seulement une dilution de l’existant ? La réponse peut s’organiser autour de deux thèmes : les aménagements nécessaires de notre système d’aides, et la meilleure organisation des rapports entre les acteurs. En guise de conclusion, je reviendrai sur les missions que doit remplir, à mon sens, le service public en matière de programmes.

Le constat d’abord

Le secteur de la production et des industries de programmes a subi depuis deux ans de profonds bouleversements dus à plusieurs phénomènes concomitants : la multiplication des canaux de diffusion, notamment avec l’arrivée du numérique ; l’internationalisation des marchés et des acteurs ; la concurrence accrue entre les grands groupes de communication. Et plus que jamais, le potentiel économique qui réside dans ces nouveaux marchés dépend de l’offre de programmes disponibles. II s’agit donc d’accroître cette offre, et de poursuivre le mouvement qui s’est engagé sous des auspices favorables.

La production française de programmes audiovisuels a en effet connu une forte hausse en 1996, répondant aux attentes des diffuseurs. Les chiffres du CNC en témoignent : 2 650 heures de programmes audiovisuels ont été aidées en 1996, suit 20 % de plus qu’en 1995. Tous les genres ont été concernés par cette évolution très favorable : fictions, documentaires et surtout dessins animés, dont le volume de production a été multiplié par 2,5.

En outre, et ce point est particulièrement important comme signe de la vitalité du secteur, le renouvellement semble assuré : même si l’activité reste assez concentrée, puisque la moitié du volume produit est le fait de 4 entreprises seulement en fiction, et de 6 en animation, 49 nouvelles entreprises de production sur le marché de la fiction, et 60 pour la production de documentaires sont apparues.

Enfin, l’ouverture vers des partenaires étrangers a sensiblement progressé en 1996, puisque le montant total des apports étrangers venus alimenter la production audiovisuelle française s’est élevé à près de 1.4 milliard de francs, soit à peu près le quart des investissements dans les œuvres aidées par le CNC.

Un contexte très favorable donc, dont il s’agit de tirer le meilleur parti, et je voudrais maintenant vous exposer la manière dont j’entends aider les acteurs à le faire.

Les aménagements de notre système d’aides d’une part.

Les évolutions positives que je viens de signaler ont en effet des limites, et d’abord une limite financière car la croissance du volume d’œuvres aidées est plus rapide que la croissance des ressources du compte de soutien.

Cela engendre des tensions, qu’il convient de diminuer. Même si, là encore la conjoncture est assez bonne puisque les ressources du compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels augmenteront de 72 millions en 1998, soit de 6,7 % par rapport à 1997. Elles s’élèveront ainsi à 1,136 milliard de francs.

Cette croissance ne rend cependant pas inutile des aménagements techniques. Ainsi, pour répondre aux demandes des producteurs qui ont aujourd’hui des difficultés à anticiper précisément les subventions à attendre du compte de soutien, le directeur général du CNC a mis au point une procédure permettant aux producteurs de calculer beaucoup plus tôt le montant du soutien dont ils pourront disposer dans l’année pour le financement de leurs projets, puisque le point-minute leur sera notifiée dès le mois de janvier, Cette procédure actuellement à l’étude avec les professionnels devrait pouvoir être mise en œuvre des 1998.

Mais je pense aussi qu’au-delà de ces ajustements techniques importants, c’est toute la logique financière qu’il faut réviser pour renforcer l’industrie des programmes, en quantité et en qualité, et améliorer sa compétitivité.

Les aides directes ou indirectes à la production et à la circulation ne doivent pas, en effet, faire négliger les recettes et les débouchés que les mutations technologiques laissent espérer. Les nouveaux services sont pour l’ensemble du secteur audiovisuel l’espoir de capacités de production accrues et de débouchés inédits. II s’agit aujourd’hui d’accompagner ce mouvement.

Je pense notamment aux chaînes thématiques. Elles sont l’avenir de l’industrie de programmes.

À nous maintenant d’adapter nos mécanismes de soutien à l’aventure du numérique. À nous de faciliter l’accès aux programmes pour les chaînes thématiques, préserver leur indépendance et favoriser leurs investissements.

C’est dans cet esprit qu’est en cours une modification du compte de soutien, visant à majorer le soutien apporte aux œuvres commandées par les chaînes thématiques et à inciter les diffuseurs à coproduire ensemble. Cette réforme a pour corollaire la modification de la taxation des chaînes reçues en France : à partir de 1998, toutes les chaînes, généralistes ou thématiques, hertziennes, par câble ou par satellite, françaises ou étrangères, seront être assujetties à la taxe qui alimente le compte de soutien.

C’est également dans cet esprit qu’ont commencé et doivent être poursuivis des travaux sur notre dispositif d’aides à l’échelle internationale et sur les aides européennes visant à renforcer la compétitivité et la fluidité du marché. De même que je suis très attachée aux modifications indispensables concernant le compte de soutien, je suis de très près la création d’un fonds de garantie européen, qui devrait voir le jour si les réticences de nos partenaires sont levées, et qui devrait permettre à l’industrie des programmes européens de trouver de nouvelles sources de financement, en allégeant les risques pris par les investisseurs.

Je me battrai en effet pour que continue à exister la politique audiovisuelle européenne que nous avons initiée il y a plus de dix ans, pour que les chaînes de télévision puissent être alimentées par des films, des dessins animés, des fictions, des émissions de plateau européennes de qualité. Cela signifie aussi que ces œuvres doivent circuler au sein de l’Union européenne. Enfin, une meilleure coordination des actions menées du développement, à la distribution puis à l’exportation, me paraît indispensable si l’on veut augmenter la diffusion internationale de nos programmes, trop souvent handicapés par la faiblesse structurelle des entreprises et des réseaux existants.

Parlant de circulation des œuvres, j’en arrive au deuxième thème que je souhaite aborder devant vous : la bonne santé de notre industrie de programmes suppose une plus grande fluidité marché.

Une meilleure organisation des rapports entre les acteurs est en effet nécessaire.

Une politique déterminée en faveur de la production et de la création doit s’accompagner d’une réflexion plus profonde sur l’organisation industrielle et commerciale du secteur, sur la structuration des réseaux de distribution et sur les dispositifs aptes à favoriser la circulation des œuvres. Car la situation concurrentielle dans laquelle se trouvent les diffuseurs a des répercussions, bien souvent néfastes sur les rapports entre les producteurs et les diffuseurs.

Je voudrais à ce propos dire que j’ai entendu le message des producteurs d’animation, qui, par la voix de leur syndicat, ont expliqué qu’il était très difficile de produire une série d’animation, dont le coût par épisode est de 1,7 million de francs, sans rapport de plusieurs diffuseurs. Or, les tensions concurrentielles rendent les diffuseurs, acheteurs ou coproducteurs de programmes audiovisuels, très réticents à s’en partager de façon hiérarchisée la diffusion. Paradoxalement donc, au moment où se multiplient les chaînes susceptibles de contribuer au financement de leurs œuvres, les producteurs d’animation ne trouvent pas de financeurs. Leur cas est en quelque sorte emblématique de la situation nouvelle, et des réponses que nous pouvons y apporter.

La préparation de la nouvelle loi sur l’audiovisuel nous donne l’occasion d’y travailler. Identifier et séparer les droits acquis selon les moyens de diffusion, limiter la durée maximale des droits hertziens pour toute utilisation sur le câble, le satellite, ou tout autre support multimédia, ceci mérite d’être étudié si cela peut contribuer à améliorer la circulation des œuvres. C’est l’ensemble des rapports qui lient les opérateurs et les groupes d’un bout à l’autre de la chaîne des droits qu’il faudra prendre en compte lorsque nous réexaminerons les règles en la matière.

Producteurs et diffuseurs peuvent parvenir à un consensus sur ce point, comme en témoignent les accords professionnels signés récemment sur un autre sujet. Je veux parler ici des accords signés en mai et en juillet dernier entre les professionnels du cinéma et les chaînes de télévision. Ils me semblent très importants car j’attache un très grand prix à la production indépendante, garante de notre force créatrice, et de notre diversité culturelle et artistique. C’est pourquoi j’ai souhaité renforcer les obligations en faveur de la production indépendante cinématographique par un décret imposant aux diffuseurs un seuil d’obligations d’investissements dans la production indépendante, à l’instar de ce qui existe pour la production audiovisuelle.

J’attends maintenant des diffuseurs et des producteurs qu’ils me fassent des propositions pour améliorer la fluidité du marché des droits. Je suis persuadée que c’est en concevant, dès l’origine, très en amont, des œuvres et des déclinaisons de ces œuvres adaptées aux nouveaux supports que nous pourrons maintenir la qualité des programmes tout en renforçant leurs financements.

Enfin, quelques mots sur le service public.

J’ai eu déjà l’occasion de dire mon attachement au service public de l’audiovisuel, et ma conviction que le secteur public de l’audiovisuel devait être une référence, référence en matière de déontologie, référence en matière de gestion, et référence en matière de programmes.

Comme je l’ai exposé hier, au cours de la conférence de présentation du budget de la communication, j’ai souhaité qu’un effort tout particulier s’applique sur le service public.

Les ressources de l’audiovisuel public augmentent en 1998 de 3,3 % soit 571 millions de francs. Cette croissance permettra aux sociétés publiques de mieux remplir leurs missions et je leur ai demandé qu’elles privilégient deux domaines : l’amélioration des programmes et l’innovation.

Quelques chiffres montrent ce souci des programmes : la Sept-Arte et la Cinquième qui avaient été lourdement pénalisées en 1997, et n’avaient plus les moyens de remplir celle de produire ou d’acquérir des programmes culturels et éducatifs sont dotées respectivement de 44,9 et de 17 millions de francs supplémentaires pour améliorer leur grille.

France 2 et France 3 obtiennent également de nouveaux moyens (respectivement 41,4 et 59,6 millions) pour améliorer leurs programmes, au service de tous les publics. Mais je ne veux pas m’arrêter s’agissant des programmes, à des considérations purement financières. Pour le service public, remplir ses missions en matière de programmes, qu’est-ce que cela signifie, en termes de contenus ? La réponse est loin d’être simple, et c’est la raison pour laquelle j’ai chargé Jean-Louis MISSLKA d’une mission de réflexion et de propositions sur ce sujet. Je crois que les réponses qu’il sera amené à nous fournir seront tout autant utiles au secteur public qu’à l’ensemble des producteurs.

Le secteur de la production est au cœur de bouleversements technologiques ; il est aussi au cœur des préoccupations de la ministre de la culture et de la communication parce qu’il participe, en quelque sorte, à la fois de la culture et de la communication. Il sera donc au centre de la réflexion sur l’avenir de l’audiovisuel que nous menons et qui se traduira notamment par le projet de loi que je déposerai à la fin de l’année.