Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'État chargé de l'outre mer, sur les priorités du budget 1998 pour les DOM TOM, notamment les actions en faveur de l'emploi, le développement économique, le logement et l'urbanisme, les infrastructures publiques et les questions d'ordre institutionnel, Paris le 31 octobre 1997.

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Circonstance : Présentation du budget 1998 pour les DOM TOM à l'Assemblée nationale le 31 octobre 1997

Texte intégral

Monsieur le président,

Messieurs les rapporteurs,

Mesdames et Messieurs les députés,

En écoutant les interventions de Mesdames et Messieurs les députés des départements et territoires d'outre-mer, toutes origines géographiques et politiques confondues, est revenue à mon esprit la philosophie de l'action politique exposée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 19 juin dernier.

Notre République est fondée sur un pacte de développement et de solidarité, impliquant respect, exigence, courage et responsabilité. Pleinement conscient de l'attente de plus de justice et de solidarité outre-mer, attente que vous venez, Mesdames et Messieurs les députés, d'exprimer à nouveau de façon pressante, le Premier ministre fixait au gouvernement les priorités de son action : la formation et l'emploi des jeunes, l'approfondissement de la décentralisation et le respect des identités, la préservation des intérêts de l'outre-mer dans l'Union européenne et l'encouragement à la coopération régionale.

Le budget est un moyen majeur au service d'une politique.

Pour l'outre-mer, ce budget est un budget de combat. De combat contre le chômage, contre la précarité, pour la justice, pour le développement.

En forte progression, comme l'ont souligné Messieurs les rapporteurs, le budget de l'outre-mer s'inscrit totalement dans cet objectif de développement économique et social.

L'outre-mer ne doit ni ne peut faire exception. C'est pourquoi j'ai souhaité, dans chacun des arbitrages, faire en sorte que s'équilibrent les moyens au service d'une politique de développement fondée sur l'incitation publique et privée. Ceci, dans le projet de loi de finances tel qu'il a été initialement arbitré par le Premier ministre, plusieurs orateurs l'ont mentionné et je le confirme, concerne autant les recettes que les dépenses.

Dans l'élaboration de ce budget, je me suis efforcé de déterminer les moyens d'une action tenant compte de la diversité géographique et statutaire de l'outre-mer, tout en renforçant la complémentarité des différents instruments dont dispose l'État.

Diversité géographique : elle s'exprime au travers des réalités propres des Caraïbes, de l'océan Indien, de l'océan Pacifique, de l'Atlantique Nord et des Terres australes. Me référant à cette diversité, et sans sous-estimer les difficultés rencontrées par les autres départements ou territoires d'outre-mer, je mentionnerai dans mon intervention l'approche particulière réservée aux questions posées en Guyane et en Nouvelle-Calédonie.

Diversité statutaire aussi : elle tient aux spécificités des DOM, des TOM et des collectivités dotées de statuts particuliers. Je veux à cet égard saluer la sagacité de Messieurs les rapporteurs spéciaux de la commission des finances qui sont parvenus à mettre en valeur avec talent ce qui concerne respectivement les DOM et les TOM à partir de l'analyse d'un budget qui, pour l'essentiel, n'est pas construit selon cette distinction.

À cette diversité géographique et statutaire répond la recherche d'une meilleure convergence des instruments gérés par le ministère de l'outre-mer : il y a les deux instruments très importants que sont le Fonds pour l'emploi dans les DOM et la ligne budgétaire unique, qui représentent avec la créance de proratisation du RMI, 70 % de mon budget ; il y a aussi dans ce projet le maintien de la capacité de l'État, non seulement dans le domaine des investissements publics, mais surtout, selon l'arbitrage personnel du Premier ministre, de l'incitation fiscale aux investissements productifs. Il appartient évidemment à la représentation nationale, sans bouleverser l'équilibre d'ensemble, conformément à la Constitution, d'apprécier les données essentielles du projet de budget et, le cas échéant, de l'amender, en pleine connaissance, j'espère, des conséquences de ses choix.

C’est en ayant à l'esprit la succession des politiques pratiquées depuis des décennies que j'ai insisté, lors de ces arbitrages, sur la nécessaire cohérence à observer entre les divers instruments dont dispose l'État pour mener à bien sa politique outre-mer. Je ne me livrerai pas ici à des polémiques stériles. Gérer l'outre-mer n'est pas facile, tant est kaléidoscopique la problématique qu'il renvoie à Paris.

Force est toutefois de constater qu'une politique longtemps constituée de transferts publics massifs a contribué au développement d'économies et de sociétés duales, dans lesquelles prospérait ce qui était rattaché à l'État, et périclitait ce qui en était éloigné. En disant cela, je ne critique pas l'utilité des infrastructures ainsi créées. Je constate simplement le déséquilibre économique résultant d'une telle situation.

De même, et bien que là aussi l'objectif fût aussi incontestable, une politique de transferts sociaux massifs a pu accentuer, par son exclusivité, ce phénomène de désarticulation économique, résultat d'un gonflement artificiel de la demande, cependant que reculait une production locale grevée de coûts croissants. C'est ainsi que, pendant longtemps, le taux de couverture des importations par les exportations n'a cessé de se détériorer, pour atteindre des niveaux catastrophiques, rendant toujours plus profond le chômage et donc la justification de transferts croissants.

C'est le mérite de plusieurs de mes prédécesseurs et de nombreux parlementaires que d'avoir pu attacher leur nom à des lois ou à des mécanismes dont l'inspiration correspondait à la recherche de plus de cohérence dans les instruments de la politique économique et sociale de l'outre-mer.

Je souhaite enfin mentionner que l'intervention de l'État ne se limite pas aux moyens propres du ministère de l'outre-mer, même si celui-ci coordonne l'ensemble et en assume la responsabilité politique : les 5,2 Md de mon budget ne sont qu'une partie modeste de l'effort consenti par le budget de l'État qui excédera au total 47,6 Md en 1998, contre 46,7 Md en 1997. Ces chiffres permettent de mesurer l'importance de la progression de l'implication de l'État.

Je voudrais, sans omettre évidemment de mentionner les spécificités de chacun de nos départements ou territoires, auxquelles se sont référés avec talent tous les orateurs qui se sont succédé depuis ce matin à cette tribune, expliciter, une par une, les politiques que permettra de mettre en œuvre le budget qui est soumis aujourd'hui à votre suffrage.

I. – J'évoquerai d'abord les actions en faveur de l'emploi, de la formation et de la santé.

L'emploi constitue le premier défi : le chômage frappe durement nos sociétés d'outre-mer. Le chiffre le plus élevé est atteint par le département de La Réunion où il touche plus de 40 % de la population. Partout ailleurs, même avec des niveaux inférieurs, il est au moins du double de celui de la métropole. C'est dire l'ampleur du défi auquel nous sommes confrontés. La jeunesse, plus particulièrement, faute de percevoir un avenir, se voit contrainte au désœuvrement, à la désespérance et parfois à la révolte.

Le développement de l'industrie et des services ne peut évidemment suffire à affronter la pression démographique. Chaque année, à La Réunion, 10 000 jeunes arrivent sur le marché du travail et seulement 3 000 peuvent trouver un emploi. Aucun raisonnement macro-économique ne peut régler le sort des 7 000 autres. Et que dire de Mayotte où 60 % des jeunes ont moins de 20 ans ? Ou de la Guyane confrontée plus que tout autre à la pression de l'immigration ?

L'emploi des jeunes est, vous le savez, la priorité du gouvernement. Il faut refuser la fatalité du chômage et ouvrir de nouvelles perspectives.

Nous disposons d'un instrument, le Fonds pour l'emploi dans les DOM, dont la création revient à M. Perben. Il donne au ministère de l'outre-mer le moyen de développer des politiques alternatives.

Ce fonds est en forte croissance. Il passe de 1,4 Md à 1,7 Md en 1998. Je veux rappeler qu'à mon arrivée au secrétariat d'État, je me suis trouvé confronté à un gel des crédits du FEDOM s'élevant à 223 MF. Malgré le contexte d'économies budgétaires auquel le gouvernement se trouvait contraint, 123 MF ont été rétablis sur intervention auprès du Premier ministre.

Pour 1998, une première tranche de 300 MF est incluse dans le FEDOM pour lancer la politique des emplois-jeunes. Bien que le principe du rattachement de ce crédit au FEDOM ait été d'emblée arrêté par le gouvernement, c'est à l'Assemblée nationale que revient le mérite de l'avoir fait figurer explicitement dans la loi, afin de tenir compte des réalités de l'outre-mer.

Cette perspective a déjà déclenché de nombreuses initiatives des milieux associatifs, des collectivités territoriales, des organismes du logement social. Le principe de la création outre-mer de 2 500 emplois relevant du secteur de l'éducation est d'ores et déjà arrêté : ils permettront de renforcer la prise en charge des enfants à l'école. Les objectifs poursuivis sont variés : ils vont de l'animation des cantines à l'appui à la lutte contre l'échec scolaire. J'aurai l'occasion dans mon prochain déplacement à La Réunion de signer les premiers contrats pour les emplois-jeunes.

Les crédits consacrés au financement des contrats d'insertion par l'activité, des contrats d'accès à l'emploi, des contrats emplois-solidarité et des primes destinées aux entreprises, sont maintenus à un montant de 1,4 Md.

Mais, j'ai décidé le principe d'une évaluation. Il semble bien en effet que plusieurs de ces formules, soit ne créent qu'un effet d'aubaine au profit des entreprises, soit ne rencontrent pas le succès escompté en raison de la réalité sociale des populations concernées. Dans tous les cas, il faut que le revenu procuré par un CIA, un CES, ou un CAE soit la contrepartie d'une activité professionnelle réelle. C'est une démarche d'insertion par le travail que nous devons favoriser plutôt que de procurer une simple ressource d'assistance.

M. Hoarau a présenté un amendement tendant à modifier la sous-répartition des crédits du FEDOM afin de renforcer les moyens dont disposera l'État en 1998 au titre des CES.

Cette proposition va dans le bon sens, bien que je me dois d'observer que le comité du FEDOM, qui comprend une représentation parlementaire, dispose de la faculté d'ajuster cette répartition.

S'agissant des agences d'insertion qui font l'objet de nombreuses critiques des conseils généraux, le gouvernement a décidé le principe d'une mission de réflexion sur leur statut, leur financement et la nature de leurs interventions.

Il conviendra aussi de réfléchir à l'idée d'un contrat d'insertion par l'activité destiné aux jeunes de moins de 25 ans et à celle d'un « passeport pour l'emploi » pour les « djobers ». Sur tous ces points, des dispositions spécifiques pourraient être introduites dans le projet de loi concernant la lutte contre l'exclusion et la pauvreté qui devrait être présenté au Parlement au début 1998.

Les règles du jeu sont différentes s'agissant des TOM car la politique de l'emploi est de compétence territoriale. Il n'empêche que souvent la problématique est analogue et les réponses comparables. Il en résulte une grande variété de dispositifs et l'État y contribue fréquemment. Mais l'État n'intervient pas directement. Des conventions prévoyant le financement de mesures spécifiques ont été passées avec la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis et Futuna et Mayotte. Je rappelle que le FEDOM exerce aussi sa compétence sur Saint-Pierre-et-Miquelon.

La Polynésie française a mis en place une mesure en faveur de l'emploi des jeunes financée par l'État à raison de 40 MF par an. De même, l'État finance la construction d'un centre de formation professionnelle à Mayotte. Des chantiers de développement sont pris en charge, notamment à Wallis et Futuna. Enfin, en Nouvelle-Calédonie, plusieurs types d'interventions ont été mis en place en accord avec les provinces : le programme de formation de 400 cadres, les jeunes stagiaires pour le développement et enfin, limité à la province des îles, un mécanisme de revenu de croissance. Bref, compte tenu des spécificités locales, géographiques, économiques et culturelles, partout on s'efforce de coller au terrain et de mettre en pratique des solutions réalistes et réellement tournées vers le développement.

L'emploi constitue bel et bien la préoccupation primordiale du ministère : la dotation correspondante représente le tiers de mon budget. Pour ce qui est des missions d'éducation et de formation initiale, elles sont principalement assumées sur des crédits du ministère de l'éducation et de la recherche. Celui-ci mobilise à cet effet des montants de 11,5 Md pour les DOM et de 4,1 Md pour les TOM. Cela représente principalement les crédits de constructions scolaires et de rétribution des personnels enseignants. Lors de cette rentrée, le ministère de l'éducation a notamment dû faire face aux problèmes posés par la création de rectorats de la Guadeloupe et de la Guyane insuffisamment dotés en personnel.

S'agissant des interventions de mon ministère, le crédit est maintenu à un niveau, certes modeste, de 1,75 MF dont une part importante est destinée aux bourses d'enseignement supérieur attribuées aux étudiants mahorais.

S'agissant de la formation professionnelle, l'Agence nationale pour l'intégration et la promotion des travailleurs originaires d'outre-mer (ANT) s'est orientée depuis 1993 dans l'accompagnement des originaires des départements d'outre-mer qui viennent acquérir une formation, en métropole. Grâce au concours des collectivités locales, de l'Europe et d'une dotation du secrétariat d'État à l'outre-mer, elle a permis de soutenir 3 500 jeunes. Je connais les critiques dont elle fait l'objet, notamment celles tenant à son désengagement presque total de l'action sociale en faveur des plus défavorisés de nos compatriotes originaires d'outre-mer installés en métropole. L'ANT complétera la gamme de ses interventions par un dispositif de formation en mobilité pour laquelle un crédit supplémentaire de 27,94 MF lui sera attribué en 1998.

Dans le cadre de la réforme du service national, il a été décidé de maintenir le système des volontaires de l'aide technique ainsi que le service militaire adapté. Celui-ci rencontre un incontestable succès tant auprès des jeunes de l'outre-mer, qui y trouvent une formation de terrain reconnue, qu'auprès des collectivités auxquelles ils rendent service. Le service militaire adapté représente actuellement une dépense de 440 MF, soit 8 % du budget de mon ministère, auxquels s'ajoutent 60 MF du Fonds social européen. Je pense qu'il conservera son attractivité, en dépit de l'abandon de la conscription.

D'une façon générale, le niveau de formation atteint par les jeunes de l'outre-mer constitue pour la France un atout incontestable et donne aux départements et territoires un avantage par rapport à la plupart des États indépendants voisins. Investir dans la formation reste la meilleure condition pour favoriser le développement.

Il en va de même de l'état sanitaire. Dans ce secteur, l'essentiel de la compétence et des crédits appartiennent au ministère de l'emploi et de la solidarité et aux organismes sociaux dont il a la charge. Dans les DOM, il convient de procéder à la mise en place définitive des agences régionales de l'hospitalisation. Dans les TOM et les collectivités territoriales, le système de santé et de prévoyance sociale doit encore progresser à Mayotte, à Wallis-et-Futuna et, dans une moindre mesure, à Saint-Pierre-et-Miquelon, où il sera nécessaire de parvenir localement à un accord sur la reconstruction de l'hôpital.

Enfin, il faut souligner que la lutte contre l’alcoolisme, la toxicomanie et le SIDA doit demeurer au premier rang des préoccupations de santé publique.

Dans ces domaines comme dans les autres, je souhaite que la prévention devienne la clé de voûte de l'action de l'État.

II. – Le développement économique de l'outre-mer demeure une ardente obligation. Il faut rappeler qu'il se trouve confronté à des handicaps mais qu'il dispose aussi d'atouts pour faire face à la concurrence.

L'éloignement de la métropole, malgré les mécanismes qui tendent à améliorer la continuité territoriale, l'insularité, la petite taille des marchés, constituent des handicaps évidents. De la même manière, le climat, soit tropical, soit quasiment polaire, ne constitue pas un facteur favorable au développement d'économies diversifiées. Ces données expliquent que les économies d'outre-mer soient souvent excessivement dépendantes de monoproductions et, dans tous les cas, de leurs importations, d'où leur très grande fragilité.

Mais il faut aussi regarder les aspects positifs. Un niveau de formation élevé, une culture riche, la présence d'une administration solide, l'existence d'infrastructures ainsi que d'une politique active du logement confèrent à notre outre-mer des avantages dont ne disposent pas toujours les économies des pays voisins. De la même manière, des mécanismes permettent le maintien d'un système bancaire, largement adossé à l'État, même si l'on peut encore déplorer un différentiel de taux d'intérêt en comparaison des pratiques métropolitaines, et si des progrès substantiels peuvent encore en être attendus. Enfin, sur le plan fiscal, on peut mentionner l'existence de nombreuses dispositions concernant l'impôt sur le revenu, la TVA, l'octroi de mer et la défiscalisation des investissements productifs. Ces deux derniers demandent à être confortés. Je fais évidemment référence à l'arrêt qui doit être prochainement rendu par la Cour de justice des communautés européennes sur l'octroi de mer et au débat sur la première partie de la loi de finances sur la défiscalisation.

Des progrès sont aussi possibles s'agissant des régimes douaniers ou de l'immatriculation des navires.

Si l'on passe maintenant en revue les productions de l'outre-mer, force est de constater la place de l'agriculture. Deux productions traditionnelles, la banane et la canne à sucre, apportent l'essentiel des revenus agricoles. Elles bénéficient des effets de la politique agricole commune et elles ne sauraient être sacrifiées au nom de légitimités totalement étrangères aux réalités locales.

S'agissant de la banane, dans le contentieux intenté devant l'OMC, je conditionne toute mise en conformité au double objectif du maintien du revenu des planteurs et de la préservation des positions commerciales de la banane antillaise. Dans cet esprit, je privilégie des contacts étroits et réguliers avec les professionnels, l'ASPROBAN constituant un relais tout à fait essentiel. De la même manière, il faut agir conjointement avec les autres États ACP concernés et, au sein de l'Union européenne, plus particulièrement avec l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni. J'ai eu l'occasion en me rendant cette semaine à Bruxelles de plaider notre dossier auprès de la Commission qui doit prochainement arrêter sa position.

La canne à sucre concerne principalement la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion. En Guadeloupe, il est important de poursuivre la restructuration industrielle qui a commencé à porter ses fruits depuis juin 1997. La recapitalisation de l'usine de Gardel doit aboutir dans de brefs délais pour préparer la campagne 1998 et le couplage avec la centrale Bagasse/Charbon. Je saisis cette circonstance pour démentir ici ce qu'un récent article de presse a prétendu pouvoir affirmer : cette entreprise, qui a bénéficié de la défiscalisation, peut parvenir à l'équilibre économique, et, du point de vue de l'environnement, devrait conduire à de substantielles économies d'énergie.

À La Réunion, il faut se fixer l'objectif du retour à une production de 2 millions de tonnes de canne. La baisse tendancielle de la production a de quoi inquiéter les acteurs de la filière. J'espère, en me fondant notamment sur le livre vert élaboré par le conseil général ainsi que sur les travaux du comité de pilotage, être en mesure, au cours de ma visite à La Réunion la semaine prochaine, de mieux mesurer les voies et moyens de la relance de cette production.

Le maintien des positions commerciales du rhum nécessite un intense travail de partenariat avec les professionnels. Un premier résultat a été obtenu avec la mise en place de l'AOC Martinique au terme de 15 ans de travail en commun. Aujourd'hui, les professionnels se préoccupent des échéances relatives au décontingentement du rhum ACP, à la fin du régime fiscal spécifique et à l'ouverture du marché communautaire des alcools blancs.

Le tourisme représente le deuxième secteur de l'économie de l'outre-mer. Celui-ci subit les aléas de la conjoncture économique nationale et internationale.

En Polynésie française, il tend à redémarrer depuis la fin des essais nucléaires, tant est forte l'attraction des îles sur le public international.

Le développement du tourisme résulte de la conjonction favorable de la baisse des tarifs aériens qui a favorisé la demande, et de la défiscalisation des investissements qui a renforcé l'offre. Il reste à engager maintenant un minimum de planification des investissements en concertation entre les professionnels et les élus, afin d'assurer un développement durable, respectueux du patrimoine historique et de l'environnement naturel.

La pêche est un secteur qui sort d'une situation souvent difficile. Saint-Pierre-et-Miquelon, après avoir subi de plein fouet la fin de la pêche à la morue, est à la recherche d'une diversification qui commence à porter ses fruits. Dans les eaux territoriales des Terres australes, la surveillance des zones et des quotas de pêche constitue un exercice difficile, mais indispensable. La Réunion, Mayotte, la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie offrent des bases de développement de la pêche hauturière au thon. Le développement de la pêche artisanale doit être poursuivi et encouragé : nous devons préserver ces formes d'emploi qui, comme j'ai pu le constater en Martinique, procurent un revenu aux familles et assurent l'approvisionnement des marchés locaux. Enfin, je mentionnerai la restructuration de la flotte de pêche de Guyane.

La diversification de l'économie doit être un objectif constant. La reprise très nette de l'investissement observé ces dernières années résulte clairement de la défiscalisation. C'est la raison pour laquelle le projet de budget reposait sur le maintien du système, tout en l'amendant afin d'en accroître l'efficacité, principalement en termes de maintien et de création d'emplois.

Il faut développer une logique de substitution à l'importation. Ceci passe évidemment par un renforcement de la politique du crédit et des mécanismes de garantie et de caution mutuelle qu'il faut développer.

Ceci passe aussi par le développement des organismes et procédures d'intervention sur les hauts de bilan. Ce qui fait défaut le plus souvent, ce sont les fonds propres. J'ai bien reçu les suggestions que vous venez de faire à cette tribune concernant les conclusions qu'il faudrait retirer du maintien de la tunnelisation dans le dispositif de défiscalisation. Mais, je sais aussi que des ressources financières existent outre-mer : rien ne s'oppose à ce que ces ressources se mobilisent, et que des entreprises soient créées.

Chacun doit rester dans son rôle : aux entrepreneurs d'évaluer les marchés et de mettre en place la production et la commercialisation, bref, de prendre les risques sans lesquels il ne peut y avoir d'entreprise ni de profit.

À l'État de fixer les règles générales de concurrence, de moralité des affaires. L'État de droit peut et doit progresser outre-mer, dans le domaine des affaires et dans celui de la fiscalité.

Aux collectivités locales de fixer, avec le concours de l'État, le cadre dans lequel doit s'organiser, dans la concertation et le dialogue social, le développement de l'industrie, de l'artisanat, des services et du commerce.

III. – Le logement et, plus globalement, l'urbanisme contribuent au développement économique. Ils sont aussi source d'amélioration de la qualité de la vie et de développement social pour les populations.

Le secteur du bâtiment et des travaux publics est le premier employeur de l'outre-mer après l'État. C'est déjà dire l'importance de cette politique. Au plan financier, on peut noter que la ligne budgétaire unique, avec une dotation supérieure à 1 Md, est la seconde en volume du budget de mon ministère.

Ceci se justifie pleinement par l'ampleur des besoins compte tenu, tant de l'état du parc, que de la croissance démographique. Le rythme observé dans la consommation des crédits trouve des explications de natures diverses : complexité des règles, difficile maîtrise du foncier, administration insuffisante, écart entre les prix de revient et le niveau de vie effectif. Ces retards sont irritants. Je compte bien y remédier afin de parvenir à une meilleure utilisation des fonds publics.

En 1998, le crédit inscrit dans le budget, de 1 096 MF, résulte, d'une part, d'une baisse de 150 MF et, d'autre part, d'une augmentation de 96 MF. La baisse est corrélative de la réduction du taux de la TVA, qui est passé en 1997 de 9,5 % à 2,1 %, mais n'aura pas d'effet sur le volume des opérations.

Quant aux 96 MF, ils seront consacrés à la résorption de l'habitat insalubre, ce qui constitue pour le ministère une compétence nouvelle complétant la gamme de ses interventions. Il semble, en effet, intolérable que puissent encore exister sur le territoire français des bidonvilles tels que celui de Boissard, à la Guadeloupe.

En ce qui concerne la sous-consommation des crédits, il est nécessaire de détecter les dysfonctionnements administratifs et de développer un partenariat plus fort entre les différents acteurs que sont l'État, les collectivités locales, les organismes de financement du logement social, la profession du BTP et surtout les populations concernées. Il ne peut plus être question aujourd'hui de construire des logements qui ne répondent ni aux normes de confort moderne, ni aux besoins spécifiques de régions tropicales. Il faut relier les normes architecturales et urbanistiques aux modes de vie, d'organisation et de construction traditionnels et, à cette fin, éviter les ruptures spatiales et historiques.

Cette politique suppose également la mise en place de mesures en faveur de la maîtrise foncière et de l'aménagement, par le développement d'outils financiers, tels que les Fonds régionaux d'aménagements foncier et urbain (FRAFU). Quant aux aides de toutes natures telles que les aménagements fiscaux, le prêt à taux zéro, les aides à la pierre, les aides à la personne, ou la modulation des loyers, il convient de s'assurer de leur mise en œuvre effective et, le cas échéant, les remettre en perspective. S'agissant des aides à la personne, j'envisage leur évaluation à l'occasion d'une inspection.

La politique du logement devra être intégrée dans une vision globale de l'urbanisme incluant le respect du patrimoine, de l'identité des quartiers et la mise en place de schémas d'aménagements régionaux.

Le lien sera fait entre cette politique et les dispositions relatives à la protection de l'environnement dont j'attends un concours accru : politique de l'eau ; politique des déchets ; politique des paysages et de la protection de la nature. Cela répond au besoin élémentaire des habitants de l'outre-mer d'un cadre de vie de qualité, comme à l'intérêt bien compris de ces régions de renforcer leur attractivité touristique.

Le lien devra également être fait entre cette politique du logement et une réelle organisation des transports. La desserte intérieure dans les DOM-TOM impose d'établir une politique des transports et des infrastructures cohérentes. Les choix que suppose cette politique devront être concertés entre l'État et les collectivités locales dans le cadre de schémas directeurs des transports, notamment en Guyane et aux Antilles.

L'enjeu est important pour l'aménagement du territoire, tant les transports sont un outil essentiel de développement économique pour le tourisme, les échanges, l'intégration dans l'environnement régional, bref, sont un outil vital de désenclavement.

L'organisation des transports intérieurs nécessite une plus grande attention de la part de tous. La réglementation métropolitaine a parfois été étendue sans être adaptée, et elle est alors inopérante : c'est le cas notamment dans le secteur du transport urbain et interurbain, comme le prouvent les situations de blocage survenues récemment à Fort-de-France. Sur ce point, mon collègue Jean-Claude Gayssot a eu l'occasion d'indiquer à M. le député Marie-Jeanne que nos services respectifs s'attachent, avec les collectivités locales, à trouver une solution à l'impasse dans laquelle se trouvent aujourd'hui les deux départements antillais. Il arrive aussi que cette réglementation métropolitaine n'a pas été étendue, et laisse la place à l'inorganisation voire aux incohérences : le transport fluvial en Guyane en est un exemple.

Enfin, chaque mode de transport est abordé souvent de manière séparée, alors que leur organisation et leur viabilité ne sont pas indépendantes. Il faut mettre à profit les possibilités d'intermodalité pour optimiser les investissements et éviter la saturation d'un mode de transport.

IV. – Le développement des infrastructures publiques repose pour l'essentiel sur une base contractuelle. Il s'agit principalement des contrats de plan et des contrats de développement, mais aussi de plusieurs autres conventions, notamment dans les moins favorisés des TOM ainsi qu'en Polynésie, suite à la fin des essais nucléaires.

Compte tenu des contraintes budgétaires, le précédent gouvernement avait décidé d'étaler sur une période de trois ans, de 1997 à 1999, les interventions prévues au cours des deux dernières années des contrats. Les enveloppes n'ont donc pas été modifiées. J'ai hérité de cette situation. Les inscriptions budgétaires ont donc été prévues en conséquence.

Dans le respect des accords de Matignon, la Nouvelle-Calédonie échappe à cette règle : pour 1998, et je reviendrai sur l'enjeu institutionnel, il a été décidé que l'effort de l'État serait reconduit. Une dotation de 390 MF en autorisations de programmes et crédits de paiement est donc inscrite à ce titre au budget de mon département.

S'agissant de la Polynésie, les engagements pris dans la loi d'orientation et dans la convention après- CEP sont tenus. Je connais la préoccupation de M. Auberger, comme des responsables polynésiens, relative aux crédits de l'après CEP. J'ai interrogé Alain Richard, ministre de la défense, sur ce point et les réponses qu'il m'a fait tenir sont de nature à vous rassurer.

Quant au détail, il va sans dire qu'il relève de l'exécution du budget de la défense nationale, qui sera examiné dans quelques jours par votre Assemblée.

Je précise que, hormis la Nouvelle-Calédonie, pour laquelle existe un chapitre spécifique de répartition, les crédits correspondant aux dépenses en capital prévues par les contrats de plan et contrats de développement figurent au FIDOM et au FIDES, dont les dotations ont été calculées en conséquence.

S'agissant du FIDES, sont inscrits également les crédits nécessaires, à Wallis et Futuna, à la relance du logement social.

Autant sur le FIDOM que sur le FIDES, je n'ai pu que prendre acte des décisions entérinées par mes prédécesseurs qui ont conduit à la suppression des sections décentralisées correspondantes. J'ai tenu toutefois à faire en sorte que les engagements antérieurs de l'État soient honorés, ce qui n'avait pas toujours été fait, en obtenant l'inscription de crédits de paiement supplémentaires.

Je veux insister sur le cas particulier constitué par la Guyane, où la situation qui m'a été décrite lors de ma prise de fonction était révélatrice d'une crise profonde de société.

Des moyens spécifiques vous sont proposés dans ce projet de budget. Il s'agit de réponses partielles et urgentes à une situation qu'il faudra du temps à rétablir.

Certaines mesures concerneront l'investissement public :
    - sur le FIDOM, une dotation substantielle pourra être dégagée pour mettre en place la garantie de l'État à la SOFIDEG dans le cadre des suites du plan vert. On tente de réparer ici les erreurs du passé. L'État honore sa signature, quand bien même celle-ci ait été engagée sans qu'ait été mesurée l'étendue de sa responsabilité ;
    - sur le FIDOM également, est inscrit un crédit de 15 MF, dont la Guyane sera le principal bénéficiaire, destiné à une aide exceptionnelle de l'État aux constructions scolaires ;
    - s'agissant enfin des infrastructures, j'ai considérablement augmenté, + 37 %, la dotation destinée à la réalisation du deuxième tronçon de la route Régina-Saint-Georges. Ici aussi, l'État honore ses engagements. En l'espèce, ceux du précédent Premier ministre.

D'autres mesures sont plus ponctuelles, sans pour autant être négligeables. Je mentionnerai la dotation de 10 MF pour contribuer au redressement des finances de la ville de Cayenne, et le renforcement de l'encadrement des services de la préfecture.

S'agissant de la Guyane, je suis bien conscient que ce ne sont pas ces mesures – bien que significatives - qui résoudront les nombreux problèmes économiques, politiques, sociaux qui sont posés. Ces questions, m'a-t-il semblé, devaient faire l'objet d'un examen d'ensemble. C'est l'objet de la mission qui a été confiée à Jean-François Merle, inspecteur général de l'agriculture, et dont la compétence et la sensibilité sont généralement reconnues outre-mer. Son rapport m'a été remis hier, et les orientations concrètes suggérées feront l'objet d'un examen interministériel dès le mois prochain, et d'une discussion avec les responsables politiques, économiques et sociaux de la Guyane.

V. – Mentionnant la situation existant en Guyane, j'ai quelque peu anticipé les réflexions dont je voudrais vous faire part, concernant les moyens de l'État et des collectivités décentralisées.

L'administration centrale du ministère de l'outre-mer participera à l'effort entrepris par l'État dans son ensemble, en perdant plusieurs emplois budgétaires et en acceptant une légère réduction de ses moyens de fonctionnement et d'investissement.

Des emplois seront en revanche créés dans les services déconcentrés, notamment, mais pas uniquement, en Guyane. Globalement, le solde des emplois s'avère positif avec une progression de 44 emplois s'ajoutant aux 6 035 actuels. Cette progression résulte principalement de régularisations d'emplois dans les TOM.

L'effort de rigueur dans la gestion se traduit par une amélioration de la couverture en crédits de paiements des autorisations de programme, notamment, nous l'avons vu, sur le FIDOM.

S'agissant de la fonction publique, je ne mentionnerai que deux questions :
    - d'une part, la prise en compte de l'emploi local et surtout celle, liée ou non, des rémunérations outre-mer. Je connais la sensibilité vis-à-vis de ce problème et en mesure l'enjeu, tant pour les intéressés qu'au plan économique. Le système, qui repose sur des bases très anciennes, doit être analysé en détail, en ayant notamment à l'esprit le coût réel de la vie outre-mer. Il faut éviter toute décision autoritaire qui ne peut conduire qu'à des troubles comme à La Réunion à la fin de cet hiver, où l'information et la consultation des intéressés n'ont pas été véritablement menées.
      Il faut privilégier la concertation avant toute décision. C'est sur cette base réaliste que je compte proposer aux élus, aux intéressés et aux socioprofessionnels concernés de reprendre la réflexion. Ce sujet n'est pas purement technique. Rien ne doit être fait contre les intéressés ni sans les élus ;
    - la seconde grande question concerne la fonction publique territoriale. À cet égard, je mentionnerai le cas de la Polynésie, pour laquelle un statut devrait être prochainement présenté.

S'agissant des questions d'ordre institutionnel, il faut veiller à ne pas interférer avec les échéances électorales proches : je veux parler des élections régionales et cantonales. C'est une question de principe républicain. Je serai bien sûr à l'écoute des propositions qui seront soumises aux citoyens et nous pourrons reprendre le débat après le renouvellement des conseils généraux et régionaux.

S'agissant des communes, je ne vois que des avantages à ce que les pouvoirs, les responsabilités et les moyens qui ont été reconnus par la décentralisation s'appliquent partout, notamment dans les territoires.

Il en va ainsi des communes de Polynésie, qui feront prochainement l'objet d'un projet de loi. Celui-ci semble vivement souhaité par les nombreux maires que j'ai rencontrés lors de ma visite sur place au début du mois d'août.

J'ai entendu également, mais à une autre échelle, lors de ma récente visite à Saint-Pierre-et-Miquelon, une revendication concernant la répartition des compétences.

Le statut de Mayotte appelle des évolutions. Je visiterai ce territoire la semaine prochaine, justement à l'occasion des 20 ans du conseil général. Ce déplacement me permettra de recueillir les avis sur place, parallèlement aux propositions des groupes de travail qui ont réfléchi à cette question.

J'entendrai dans le même esprit les réflexions éventuelles des élus de La Réunion, comme je me suis efforcé de mesurer celles des élus des Antilles. La situation de la Guyane est également spécifique : compte tenu de sa situation géographique et démographique, des particularités de son économie, l'enjeu n'est pas uniquement institutionnel. Il devra donc faire l'objet d'une approche très attentive.

En Nouvelle-Calédonie, une année essentielle pour le devenir du territoire va s'ouvrir. J'ai évoqué les moyens budgétaires qui permettront de reconduire en 1998 l'effort de l'État pour le développement du territoire et le rééquilibrage qui a été entrepris depuis 9 ans. Un bilan en sera dressé dans les prochaines semaines avec les partenaires des accords de Matignon : le RPCR et le FLNKS.

Les accords de Matignon prévoient qu'entre le 1er mars et le 31 décembre 1998 un scrutin d'autodétermination doit être organisé sur le territoire. Depuis 1991, la recherche d'une solution consensuelle est évoquée par les deux partenaires calédoniens.

Le référendum d'autodétermination pourrait alors devenir le référendum de ratification d'un projet commun. C'est une perspective que le gouvernement soutient.

Le FLNKS a assorti la poursuite de ces discussions d'un préalable sur l'accès à la ressource minière pour la réalisation d'un projet d'usine métallurgique dans le Nord. Pour résoudre cette question délicate, le Premier ministre a chargé M. Philippe Essig d'une mission d'évaluation et de proposition. Après un rapport d'étape rendu public à la mi-septembre, il devrait remettre ses conclusions dans les tous prochains jours. Le gouvernement fera connaître ensuite les décisions qu'il aura arrêtées.

Dès lors, je souhaite que les pourparlers politiques, dont il est clair qu'ils sont attendus par chacune des parties, reprennent rapidement. Le gouvernement entend jouer un rôle actif et proposera une méthode et un calendrier de travail. En respectant les échéances fixées par la loi référendaire, il s'engagera pleinement dans la recherche d'un nouveau « vivre ensemble » grâce à un accord partagé par toutes les communautés.

Monsieur le président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,

Je me suis efforcé de fonder, sur une analyse sans concession des réalités, l'esquisse d'une politique renouvelée de développement de l'outre-mer. Je n'ai toutefois pas mentionné jusqu'ici l'Europe qui constitue pourtant à la fois une contrainte et une chance pour l'outre-mer.

Une contrainte, car il est évident que ce grand espace peut se sentir peu concerné par l'outre-mer. Cela est vrai de l'ensemble formé par les règles de concurrence, de libre circulation, de liberté d'établissement qui ne souffrent que difficilement les multiples dérogations ou adaptations rendues nécessaires par la spécificité de nos îles.

Mais aussi une chance, parce que, pour l'outre-mer, l'appartenance au plus grand marché industrialisé du monde apporte une opportunité de développement sans équivalent. De plus, en raison de son intégration dans les échanges mondiaux et des nombreux liens tissés notamment avec les pays ACP, l'Europe peut contribuer efficacement à l'établissement de coopérations régionales.

C'est pourquoi, concernant les DOM, le gouvernement s'est battu avec succès pour obtenir à Amsterdam la rédaction d'un article nouveau consacré aux région ultra-périphériques sur la base duquel il convient maintenant de développer une nouvelle vision de l'outre-mer. C'est pourquoi également, pour les TOM, on s'est efforcé de mieux distinguer le statut des PTOM de celui des ACP.

Élément de diversité humaine et d'enrichissement culturel, les départements et territoires d’outre-mer représentent également pour la France, dans la région Caraïbe, l'océan Indien et la zone Pacifique, des atouts pour la coopération régionale, placée au rang de priorité gouvernementale par le Premier ministre dans son discours de politique générale du 19 juin.

La relance de cette coopération, que je souhaite encourager, doit contribuer non plus seulement à une bonne insertion des départements et territoires d'outre-mer dans leur environnement régional, mais aussi à une intégration active et harmonieuse dans des ensembles géopolitiques larges dépassant le cadre des relations traditionnellement pratiquées avec leurs voisins les plus proches appartenant pour la plupart aux pays les moins avancés. La coopération régionale leur offre aussi l'opportunité de déployer avec des États beaucoup plus développés et des pays émergents des partenariats économiques, scientifiques et culturels qui ne peuvent que leur être bénéfiques.

Il en est ainsi, par exemple, dans le Pacifique, comme j'ai pu le constater à l'occasion du voyage que j'ai fait ce mois-ci à Canberra pour le 50e anniversaire de la Commission du Pacifique Sud, devenue désormais Communauté du Pacifique. Après une période de tensions, consécutive à la reprise des essais nucléaires, la présence de la France dans la région y est aujourd'hui perçue comme un facteur d'équilibre.

Je voudrais conclure mon propos sur la dimension culturelle. L'outre-mer, ce n'est pas seulement le transfert de 50 Md, ce n'est pas seulement une charge, ni a fortiori une niche fiscale. C'est surtout un atout, à condition d'accepter d'entrouvrir la modernité quotidienne du monde occidental, quelque peu aseptisée, aux cultures de notre outre-mer. À condition aussi de reconnaître leurs lettres de noblesse à la création littéraire et artistique de l'outre-mer. À condition encore d'admettre la richesse des coutumes de la Caraïbe, du Pacifique, de l'océan Indien. À condition enfin de donner toute leur place aux nombreuses recherches scientifiques menées autant dans les zones polaires que dans les zones tropicales, autant en océanographie qu'en zoologie, autant en climatologie qu'en agronomie.

La créativité de l'outre-mer est nourrie des métissages culturels imposés ou choisis venant des cinq continents. Elle est le signe, bien au-delà des images stéréotypées ou folklorisées qui en sont parfois données, d'une coopération régionale en mouvement. Élément de la symbiose culturelle et sociale qui se réalise sous nos yeux à l'échelle de la planète, elle apporte son éclairage sur les questions importantes que sont pour nous, Français métropolitains et Français d'outre-mer, celles de la citoyenneté et de l'identité culturelle.

Tel est le sens profond de la politique culturelle que je souhaite développer. C'est pourquoi j'ai décidé que l'inauguration du centre culturel Jean-Marie Tjibaou, à Nouméa, au-delà de la circonstance politique immédiate, devra constituer une étape lumineuse dans l'histoire tumultueuse des relations entre la France et la Nouvelle-Calédonie.

Tel est le sens profond que je veux donner à la commémoration du cent cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage, événement par nature parmi les plus symboliques de la libération de l'homme, dans une période où celui-ci, au-delà de tant de drames humains, individuels ou collectifs, ne parvient qu'avec difficulté à s'affranchir de son passé comme de sa modernité.