Texte intégral
Olivier MAZEROLLE :
Bonjour Monsieur FABIUS. A quel type de socialisme croyez vous, jusqu'où peut aller la régulation, jusqu'où doit-on s'attaquer à la réduction des inégalités, jusqu'où peut-on réduire les impôts, à travers les sujets d'actualité comme la Corse, la réforme de la justice, le statut de l'élu ou les 35 heures, nous chercherons à vous faire définir le socialisme tel que vous l'envisagez à l'aube du 21e siècle, Anita HAUSSER et Patrick JARREAU participent à ce Grand Jury, retransmis sur RTL et LCI, Le Monde publiera l'essentiel de vos déclarations dans son édition de demain.
Alors tout d'abord, une question d'actualité, Monsieur FABIUS, les rapports parlementaires sur la Corse ont provoqué une grosse tempête en mettant en cause le numéro 2 de la police judiciaire et aussi les juges anti-terroristes trop égocentriques nous dit-on. Ces propos ont provoqué la colère de plusieurs ministres, notamment Monsieur CHEVENEMENT, qui a vu une attaque en règle contre le dispositif anti-terroriste qu'il dirige et se faisant il reproche aux députés de ne pas tenir compte de l'intérêt de l'Etat.
Laurent FABIUS :
Il y a deux aspects dans cette polémique naissante, il y a d'abord la question, est-ce que le Parlement, singulièrement l'Assemblée nationale, est dans son rôle en enquêtant sur ce qui se passe en Corse. La réponse est oui, le Parlement est parfaitement dans son rôle et ce qui serait étonnant c'est que l'Assemblée nationale ne puisse pas créer une commission d'enquête où elle fait le bilan de ce qui se passe de bien ou de mal, en l'occurrence c'est plutôt de mal à propos de la Corse. Donc je suis clair et net là dessus.
Olivier MAZEROLLE :
Et dans ces déclarations, dans son rapport le Parlement ne doit connaître aucune entrave, il y a pas de règle de respect de l'intérêt de l'Etat comme dit Monsieur CHEVENEMENT, qui devrait l'entraver ?
Laurent FABIUS :
Il y a des règles qui sont fixées par des textes, mais nous sommes là pour examiner quelle est la vérité et la faire connaître, donc là dessus c'est clair et net et en tant que président de l'Assemblée nationale il est évident que je tiens à ce que l'Assemblée plus généralement le Parlement puisse faire son travail, ça c'est le premier aspect. Alors maintenant si on regarde le fond qui est probablement et même certainement l'essentiel c'est vrai que quand on lit ces deux rapports l'un rédigé par une commission à majorité de droite et l'autre rédigé par une commission à majorité de gauche, ils sont très convergents. Et ils sont convergents pour dire que c'est un western de série B, et ça ne marche pas, qu'il y a des dysfonctionnements, vous l'avez dit vous-mêmes dans la justice, dans l'administration, dans la police.
Alors ce n'est pas nouveau mais ça n'est est que plus embarrassant, moi je veux pas mettre en cause telle ou telle personne, je ne le ferai pas, j'estime au demeurant que Jean-Pierre CHEVENEMENT, qui a été mon ministre de l'Education nationale, il y a quelques années, est un bon ministre et donc il n'est pas question non plus de le mettre en cause, lui. D'autres part, je ne partage pas les conclusions des commissions d'enquête en ce qui concerne les propositions qui sont faites parce que je les trouve probablement pas à la hauteur du problème.
En revanche, pour ce qui est du diagnostic, je pense qu'il est avéré sur les mauvais fonctionnements au sein de l'administration, au sein de la justice, au sein de la police, et que donc il y aura des conséquences générales à en tirer, même si il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître que la commission de l'Assemblée nationale précise que dans la toute dernière période, le gouvernement a pris des décisions pertinentes pour améliorer les choses.
Patrick JARREAU :
La commission du Sénat, elle, à l'inverse et pour la raison sans doute que vous rappeliez tout à l'heure c'est-à-dire la différence de majorité, met en cause le gouvernement et même spécifiquement le Premier ministre dans les dérives de la période où Bernard BONNET a été Préfet de Corse.
Laurent FABIUS :
Je pense qu'il n'y a pas lieu de mettre en cause le Premier ministre. Il faut aller si vous voulez à la fois moins loin et plus loin. Moins loin parce que ce n'est pas une question de personne et le Premier ministre n'est pas intervenu sur tel ou tel point, plus loin en ce que c'est ça le plus intéressant, me semble-t-il dans ces deux rapports, il montre que ces dysfonctionnements remontent très en amont, et on existé qu'il y ait un gouvernement de droite ou qu'il y ait un gouvernement de gauche, donc il y a vraiment un problème de fond. Comment l'identifier en deux mots : d'abord, ce que les deux commissions montrent, et je pense qu'elles ont raison, c'est qu'on a alterné trop souvent entre une politique laxiste et une politique vraiment de respect du droit. Je pense qu'il faut se fixer comme objectif très net la politique de respect du droit ce qui a été le cas lorsque Monsieur JUPPE était premier ministre après l'attentat qui a eu lieu je crois à BORDEAUX et ce qui existe sous le gouvernement de Lionel JOSPIN.
Donc là, c'est clair, il faut vraiment aboutir à un respect strict du droit. Et puis il y a un autre aspect qui moi m'a beaucoup frappé en lisant ces deux textes, c'est qu'il y a une espèce de sur fonctionnarisation, de surnombre de tous ceux qui s'occupent de ces problèmes et du coup, chacun protège ou a l'impression de protéger son propre pouvoir, en cachant l'information, en ne coopérant pas et ça évidemment c'est ça qu'il faut remettre en cause.
Anita HAUSSER :
Maintenant que le diagnostic est posé, le diagnostic est commun finalement aux deux commissions.
Laurent FABIUS :
Oui, assez commun.
Anita HAUSSER :
Il faudrait réagir…
Laurent FABIUS :
Maintenant c'est au gouvernement s'il le juge utile et je pense qu'il le jugera utile.
Anita HAUSSER :
Est-ce qu'il peut ne pas le juger utile ?
Laurent FABIUS :
Le gouvernement, il est comme nous tous, il lit les diagnostics, il peut les estimer fondés ou infondés sur tel ou tel point, mais dans l'ensemble, je pense que le bilan global, l'analyse globale, qui je le répète est une analyse assez attristante, n'est pas contestable.
Olivier MAZEROLLE :
Jugeriez-vous utile que le premier ministre s'exprime sur ce sujet à l'Assemblée nationale ?
Laurent FABIUS :
Ecoutez le Premier ministre est un homme de grande qualité, qui a le sens élevé de l'Etat, il fera ce qu'il jugera.
Anita HAUSSER :
Monsieur FABIUS, en tant que président de l'Assemblée nationale, je vous trouve très, très modéré en terme de jugement à l'égard de ces deux rapports, parce que vous tenez un rôle du parlement, il pose un diagnostic très sévère sur la situation en Corse, donc il devrait y avoir des conséquences.
Laurent FABIUS :
Je dis trois choses : premièrement, le Parlement est dans son rôle en établissant ses commissions d'enquêtes, deuxièmement ses commissions d'enquêtes sont très sévères, troisièmement c'est au gouvernement à en tirer les conséquences, sous le contrôle du Parlement.
Olivier MAZEROLLE :
Mais il est légitime alors que les députés continuent à poser les questions au gouvernement sur ces rapports ?
Laurent FABIUS :
Bien sûr. Mais bien sûr, il faut avoir à l'esprit que le Parlement, singulièrement l'Assemblée nationale ont un double rôle : faire la loi, même si de plus en plus la loi est faite, votée par les parlementaires mais proposée par le gouvernement et puis l'autre aspect qui a avoir de plus en plus d'importance dans les temps qui viennent, c'est notre rôle de contrôler l'action gouvernementale, c'est à nous, nous sommes élus pour ça, de dire « et bien en matière Corse, en matière de Rwanda, il y a quelques temps, en matière d'éducation, en matière de tribunaux de commerce, est-ce que ça fonctionne, est-ce que ça fonctionne pas ? » En France, il y a une espèce de maladie, on prend beaucoup de temps pour préparer les décisions, ça c'est bien, on prend un petit temps pour prendre les décisions et on ne prend aucun temps pour contrôler l'application de ces décisions.
Oui mais les problèmes commencent avec l'application des décisions et c'est notre rôle de contrôler l'application et d'évaluer et on va continuer à le faire.
Olivier MAZEROLLE :
Donc après la publication de rapport comme cela, on ne peut pas s'arrêter là, alors à quel type de niveau, d'abord, quel type de réponse attendez vous du gouvernement et à quel type de niveau doit-il répondre ?
Laurent FABIUS :
Je pense que le gouvernement, soit par le Premier ministre, soit par tel ou tel ministre, dira « écoutez, j'ai analysé objectivement les choses, sur tel point je suis d'accord, sur tel point, je suis pas d'accord et voilà les conséquences que j'en tire ».
Olivier MAZEROLLE :
Et au sein de l'Assemblée, enfin dans l'hémicycle, il faut qu'il réponde dans l'hémicycle ?
Laurent FABIUS :
Probablement, mais de toutes les manières, je ne pousse pas à telle ou telle question mais vous savez qu'il y a toutes les semaines, indépendamment d'autres débats des séances où le gouvernement est interrogé sur tous les sujets, donc ça m'étonnerait que ces sujets ne soient pas abordés.
Patrick JARREAU :
Mais vous mêmes, quelle vision avez vous du problème Corse ? Est-ce que vous avez une idée de, vous rappeliez à l'instant que l'alternance de politique laxiste ou de politique plus rigoureuse, finalement, n'ont guère fait avancer les problèmes, alors quels sont les deux ou trois principes selon vous sur lesquels il faudrait se fonder.
Laurent FABIUS :
Vous savez je n'ai pas de remède miracle, je crois, pour ma part je m'en tiendrais à deux trois principes simples, d'abord s'il y a eu deux attitudes, selon les moments, soit faire respecter le droit, soit avoir des compromis voire des compromissions avec le droit, moi mon choix il est fait « il faut faire respecter le droit », premier point. Deuxième point, il y a une question de modèle de développement de la Corse dans tout ça et il est évident qu'il faut que la Corse trouve les moyens de son développement économique et sociale, il s'agit pas d'aller faire de la sidérurgie en Corse mais il faut que l'on puisse, à la fois développer la spécificité de la Corse, aménager un tourisme de qualité, faire en sorte qu'une certaine agriculture puisse exister, développer aussi la spécificité culturelle de la Corse, ça c'est le projet de développement de la Corse.
Et puis il y a un troisième aspect, mais pour lequel, pour ma part je suis peut-être moins sensibilisé, qui est la question du fonctionnement institutionnel.
Patrick JARREAU :
Faut-il d'avantage d'autonomie ?
Laurent FABIUS :
A terme c'est possible parce qu'après tout il n'est pas inscrit dans le marbre qu'on ne puisse fonctionner que sur la base d'un régime qui a été établi il y a déjà pas mal d'années. Mais je crois que ce serait une erreur de dire on va déjà changer les institutions et ça va tout bouger.
Anita HAUSSER :
Est-ce qu'il faut lier le changement de statut à l'arrêt de la violence ?
Laurent FABIUS :
Certainement.
Olivier MAZEROLLE :
L'affaire de la MNEF, on va en parler plus précisément dans un instant, mais à l'occasion de l'étalage de cette affaire on a assisté à des échanges entre le Premier ministre et puis aussi l'Elysée. Alors votre poste de président à l'Assemblée nationale est un poste important et aussi un poste d'observation idéal, avez-vous le sentiment que, depuis une quinzaine de jours, le climat a vraiment, durablement changé, et que la cohabitation n'est plus la même ?
Laurent FABIUS :
Il y a eu une tension qui était manifeste, lorsque je préside les séances à l'assemblée, il y a eu des échanges où d'ailleurs on faisait référence au présent, c'était le Premier ministre, et au absent, on a bien compris que c'était le Président de la République qui était mis en cause par d'autres, donc il y a eu une tension, je ne sais pas du tout si elle durera. Maintenant si votre question va un peu plus loin et je la prends comme telle, comment se passe la cohabitation, qu'est-ce qu'on peut en dire, bon les français ont l'air d'aimer ça et je crois que ce qu'ils aiment surtout c'est qu'il y a un climat en général d'apaisement entre les responsables des deux côtés. Moi je suis pour ce climat d'apaisement, mais je suis assez réservé, vous le savez, sur ce modèle de cohabitation, je crois que il serait préférable d'avoir la cohérence d'abord parce que dans la cohabitation, on ne sait plus très bien qui fait quoi, et du coup au moment où il faudra sanctionner positivement ou négativement les uns et les autres il risque d'y avoir un peu de confusion, moi je crois qu'il et plus clair d'avoir une majorité cohérente, bon, deuxièmement, pour reprendre une expression que j'ai bien aimé dans un livre que je viens de recevoir, « la cohabitation risque d'aboutir au plus petit réformateur commun » et ce n'est pas faux puisque chacun des deux protagonistes regarde en disant « mais s'il est candidat à l'élection présidentielle, et si j'engage telle ou telle réforme est-ce que ça va pas avoir des conséquences », et puis le troisième aspect c'est le durcissement du climat et là on aboutit à un climat s'il devait durer où on entrerait dans la République des crocs-en-jambe et je ne pense pas que ce soit le régime souhaitable pour le pays.
Olivier MAZEROLLE :
Quand vous dites une cohérence, ça veut dire quoi exactement ?
Laurent FABIUS :
Ça veut dire, une certaine modification institutionnelle, j'espère que à l'occasion de la prochaine élection présidentielle dès le futur président de la République élu, on y procédera. Je n'ai pas toujours pensé comme cela, mais en réfléchissant, en voyant l'expérience je me suis forgé une certaine idée.
Je crois que sept ans c'est trop long pour le mandat du Président de la République et je pense qu'il faudrait passer au quinquennat et que les français devraient se voir proposer l'élection présidentielle, ils élisent un président, et ensuite quand on connaît le président, un mois après, on vote pour les élections législatives.
Je pense que c'est un bon système et que dans 99 % des cas on aurait une cohérence, c'est là où j'emploie le mot cohérence, entre d'un côté la majorité présidentielle et la majorité législative.
Patrick JARREAU :
Qu'est-ce qui vous fait dire ça parce que (...) c'est ça qui est contesté, le président CHIRAC disait le 14 juillet que rien ne garantissait dans ce système là que les deux majorités seraient, que la majorité présidentielle et la majorité parlementaire seraient identiques ?
Laurent FABIUS :
Si on vote le même jour pour le Président de la République et pour la majorité législative, effectivement il est très possible que les français votent dans un sens pour telle personne et dans un autre sens pour la majorité parlementaire.
Mais si on attend de connaître le résultat de l'élection présidentielle pour voter pour une majorité, je crois, et c'est l'expérience historique qui nous l'indique, que les français donneront une majorité à ce nouveau président, donc on aura une cohérence et au bout de cinq ans où le président et la majorité auront gouverné sous le contrôle du Parlement et notamment de l'opposition et bien on sera à même de juger si le fonctionnement, les résultats, les réformes ont été bonnes, à ce moment là on continue avec les mêmes, si on est pas satisfait, on prend l'opposition.
Ça s'appelle l'alternance démocratique, je pense que ce serait un système qui serait probablement plus efficace que le système actuel même si je le répète les français aiment bien le système actuel parce qu'ils ont l'impression, au fond c'est un climat apaisé, mois moi je crois qu'on peut avoir, qu'on doit avoir un climat apaisé mais avec une plus grande lisibilité politique. Aujourd'hui tout est dans tout et réciproquement.
Anita HAUSSER :
Monsieur FABIUS , vous êtes quand même favorable au maintien du droit de dissolution ?
Laurent FABIUS :
Oui tout à fait parce qu'il peut se passer et au poste de Premier ministre parce qu'il peut se passer des circonstances, maladie ou autre, où il faut remettre les compteurs à zéro.
Je veux pas entrer dans le détail technique mais je rejoins d'ailleurs sur ce point l'analyse qui a été faite à l'époque d'après les travaux qui ont été redécouverts par le Général de Gaulle, c'est paradoxal mais c'est comme ça, qui disait « bon, peut-être qu'on modifiera la constitution mais faut garder le droit de dissolution », je pense qu'effectivement c'est ce qu'il faudrait faire.
Patrick JARREAU :
Alors ça c'est pour l'avenir mais vous dites dans l'immédiat, on a l'impression d'apaisement qui si je vous comprends bien est un peu fallacieuse, ou qui pourrait le devenir en tout cas si on passait à ce que vous appelez la cohabitation des « crocs-en-jambe », la République des « crocs-en-jambe », si cette situation se dégradait en effet est-ce qu'il y a moyen selon vous et comment, d'en sortir avant le terme constitutionnel de 2002 ?
Laurent FABIUS :
Oh il y a toujours des possibilités mais je crois qu'on est pas dans cette situation, si vous voulez, ce qui complique un peu la donne c'est que les deux protagonistes principaux, on peut envisager, sans révéler de scoop, qu'ils seront probablement, ils voudront être candidats à l'élection présidentielle suivante, et du même coup, ça rend toutes leurs décisions, leurs réflexions, et je le comprends parfaitement, un petit peu difficiles et ce climat là eh bien de temps en temps il est positif, mais de temps en temps il est beaucoup plus lourd et il est vraisemblable qu'à mesure qu'on s'approchera de l'échéance, si c'est l'hypothèse qui effectivement est retenue, ce climat deviendra assez lourd, oui.
J'avais employé une expression, bon elle est un peu excessive peut-être, mais enfin elle dit bien ce qu'elle veut dire « en général la cohabitation commence entre gentlemen et finit entre pitbulls ».
Olivier MAZEROLLE :
Sur l'affaire de la MNEF, est-il légitime de poser des questions au Premier ministre, lui-même ?
Laurent FABIUS :
Ecoutez, le Premier ministre a été interrogé, il a dit plusieurs fois avec beaucoup de forces qu'il n'avait rien à y voir, évidemment on peut poser toujours les mêmes questions et probablement à s'exposera aux mêmes réponses.
Olivier MAZEROLLE :
Mais c'est une affaire inquiétante pour le parti socialiste ?
Laurent FABIUS :
Il y a pour le moment, on ne sait pas parce qu'il y a eu un début d'enquête judiciaire, mais on ne sait pas ce que ça va donner, donc que les juges fassent leur travail, il est possible d'après les indications qu'on a eues, qu'il y ait des socialistes, individuellement, qui soient concernés par cette affaire, mais le parti socialiste, en tant que tel, François HOLLANDE qui est le premier secrétaire l'a plusieurs fois affirmé, je pense qu'il a raison, n'est pas impliqué dans tout cela. Mais enfin que la justice fasse son travail.
Anita HAUSSER :
Est-ce que vous approuvez les règles de bonne conduite qui ont été adoptées par le bureau national ?
C'est quand même un peu flou, on ne sait pas très bien où commence la mise en réserve, le souhait de mise en réserve ?
Laurent FABIUS :
C'est difficile, ce sont des choses difficiles, si vous voulez parce que lorsque le parti socialiste, mais cela pourrait se passer poser pour un autre parti, a eu à examiner la question, il a à choisir entre deux écueils extrêmes, au fond il y a deux positions extrêmes, ou bien on dit, dès qu'un juge s'intéresse à telle ou telle personnalité publique, et bien il faut que cette personnalité politique quitte ses fonctions. Ça peut se concevoir, mais à partir du moment où on a maintenant des mécanismes juridiques où, dès qu'une plainte est déposée, le juge est obligé de mettre en examen la personne contre laquelle la plainte est déposée, si cette plainte est nominale, ça veut dire donc que c'est l'action du juge qui déclenche la vie politique française. Alors ça a ses mérites mais ça a aussi ses limites, ou bien l'inverse, à l'autre extrême, on dit la justice elle fait ce qu'elle veut mais politiquement on a pas du tout à en tenir compte. Du point de vue théorique, ça peut se défendre, mais il y a des situations où ça devient humainement et politiquement intenables. Et donc, le parti socialiste, après avoir discuté de tout cela, a pris une position, on m'avait consulté sur ce point, que je crois parfaitement légitime qui est de dire, et bien nous nous allons, si vous voulez, examiner chaque cas avec à l'esprit les règles morales mais en même temps en faisant en sorte que ce ne soit pas non plus la justice qui décide à la place du politique mais en étant le plus, le plus transparent possible. Bon, alors c'est difficile de fixer une règle absolue mais je pense que les principes qui ont été posés par ces délibérations, on verra à l'application de ce que ça donne mais ce sont des principes justes.
Olivier MAZEROLLE :
On a beaucoup parlé de la responsabilité du juge à l'occasion de différentes mises en examen survenues dernièrement et notamment celle de Monsieur STRAUSS-KAHN, Madame GUIGOU dit « mais on peut pas faire grand chose sur la responsabilité des juges, dans le domaine judiciaire, il y a les procédures d'appel, il a un certain nombre de dispositions qui sont prises alors on peut éventuellement mettre en cause un juge si celui-ci a été un peu paresseux », on peut faire beaucoup plus sur la responsabilité des juges ?
Laurent FABIUS :
C'est pas facile comme problème celui que vous soulevez et c'est un problème qui est soulevé en particulier à propos de la révision constitutionnelle du congrès qui normalement doit avoir lieu à la fin du mois de janvier, peut-être puis-je dire un mot sur cet élément là. On va nous soumettre, c'est ce qui a été annoncé, un texte qui porte sur la réforme du conseil supérieur de la magistrature. Ce texte a déjà été voté d'ailleurs par les deux assemblées à une très grande majorité, donc si on regarde uniquement le texte bon on dit puisque les sénateurs et les députés ont déjà voté le texte à une très grande majorité il n'y a pas de raison qu'il ne soit pas voté par le congrès de chambre unique que je préside. Le problème et la difficulté c'est que beaucoup de parlementaires se préoccupent, pas seulement du texte mais du contexte. Alors le contexte c'est celui que vous indiquez, c'est-à-dire le contexte judiciaire, les autres textes, le problème de la responsabilité, etc… et puis la justice, comment ça fonctionne en France, est-ce que ça fonctionne bien, est-ce que ça fonctionne mal, et puis la politique au sens large, bon, et de ce point de vue là en ce moment, faut bien dire que le contexte est pas très favorable. Donc est-ce que d'ici le mois de janvier on arrivera à revenir pour se concentrer sur le texte et sur lui seulement et je trouve que ce texte est un bon texte qui permet de faire des progrès, est-ce qu'on arrivera à améliorer suffisamment ce contexte ou bien est-ce que ce contexte sera tellement prégnant qu'un certain nombre de parlementaires de droite diront « ben oui on avait voté le texte mais on ne peut pas voter pour le congrès ».
Patrick JARREAU :
Au fond vous êtes d'accord avec le Président de la République quand il dit qu'il appartient au gouvernement de faire en sorte que les inquiétudes, les craintes, les préventions des parlementaires soient satisfaites ?
Laurent FABIUS :
Moi je pense qu'il faudrait voter sur le texte. Mais en même temps, je vois bien, je discute avec les collègues et je vois bien ce qu'ils disent d'ailleurs, beaucoup sont invités à votre micro et c'est ce qu'ils disent.
Olivier MAZEROLLE :
Quand vous les voyez vous leur dites, moi Laurent FABIUS, président de l'Assemblée nationale, je vous conseille de voter ce texte ? Ou bien vous leur dites « ah je comprends effectivement il y a des problèmes ».
Laurent FABIUS :
Il y a l'analyse que vous me demandez de faire et puis ce que je leur dit en temps que conseil. Moi je dis quand on a un texte qui vous est proposé, ben faut voter sur ce texte sinon ça devient la confusion.
Patrick JARREAU :
Alors qu'est-ce que le gouvernement doit faire pour améliorer le contexte pour reprendre votre distinction ?
Laurent FABIUS :
Ça il y a beaucoup de choses, moi je crois qu'il faut déjà revenir au texte parce que sinon si on veut d'ici à la fin du mois de janvier avoir rendu le fonctionnement de la justice parfait en France on a du boulot, on a du boulot, parce que quand vous interrogez, alors là non plus les parlementaires mais les citoyens quand on discute avec eux, ils disent « la justice, elle est trop longue, elle est trop chère », ils s'intéressent pas tellement au conseil supérieur de la magistrature, il faut dire, ils s'intéressent au fonctionnement concret de la justice de tous les jours, il y a le problème des prisons et il y a peu de temps j'ai pris parti dans cette discussion parce que je pense que au début du 21e siècle il est honteux d'avoir une situation pénitentiaire qui est comme elle existe aujourd'hui, ça ne date pas d'aujourd'hui, ça fait une dizaine d'années, mais vraiment la France donne des leçons en matière des droits de l'homme au monde entier mais quand les droits ne sont pas respectés dans nos prisons, donc il y a beaucoup de choses à faire.
Patrick JARREAU :
Donc ceux qui renâclent à voter le texte en question ne mette en cause ni la situation des prisons, ni les lenteurs de la justice, ce qu'ils mettent en cause c'est l'autonomie plus large qui serait accordée au Parquet, non pas par ce texte là mais par un des autres textes de la réforme ?
Laurent FABIUS :
Madame GUIGOU qui est la ministre de la justice, nous a dit qu'elle allait rendre public un texte justement sur la responsabilité qui doit être un corollaire de l'indépendance, on va voir si le texte qu'elle rend public est suffisamment fort pour permettre une inflexion de jugement.
Olivier MAZEROLLE:
Elle a dit qu'il reprendrait ce qu'elle avait déjà proposé antérieurement. Enfin c'est ce qu'elle a dit.
Laurent FABIUS :
On va voir. Mais moi je pense que tout de même les chances de vote du texte du conseil supérieur de la magistrature, sont d'autant plus fortes qu'on se concentre sur ce texte là.
Olivier MAZEROLLE :
Vous préconisez également, sur le plan judiciaire, un statut spécial pour les élus locaux, enfin un régime pour les élus locaux, alors que les français veulent une justice identique pour tous.
Laurent FABIUS :
Si la question était celle là la réponse serait dans la question mais c'est pas du tout ça. Je, et en l'occurrence comme dirait Rimbaud je est un autre, tout le monde, enfin beaucoup d'entre nous, proposent que les élus ne soient pas au dessus des lois mais qu'ils soient pas non plus au-dessous des lois. Or, aujourd'hui il y a beaucoup de confusion qui sont opérées, non seulement pour les élus mais aussi pour les décideurs publics, par exemple les proviseurs, les enseignants, les préfets.
Par exemple, quand il y a, sans que l'élu ou le proviseur y soit pour rien du tout, une balançoire que se décroche ou un panier de basket etc., vous avez beaucoup de décideurs publics qui sont mis en examen, même s'ils n'y sont absolument pour rien, bon, et deux ans après, trois ans après, en général les juridictions disent « ben vous n'y étiez pour rien ».
Mais entre temps bon vous savez comment ça fonctionne, il y a pas de fumée sans feu, donc il y a souvent des vies qui sont brisées de la part de décideurs publics et pour ce qui concerne les élus, une étude d'opinion récente montrait que, je ne sais pas combien 50 % même plus considéraient que cette difficulté juridique, pour eux, les empêcheraient de se présenter ou de se représenter, donc moi je ne demande absolument pas qu'il y ait un régime de privilège, il n'en est pas question, mais il faut simplement qu'on évite des confusions. De temps en temps, c'est la responsabilité administrative de la commune ou du département ou du lycée qui est en cause, dans ce cas là qu'on mette en cause, la commune, le lycée ou le département mais qu'on ne mette pas en cause pénalement, c'est-à-dire en le menaçant de prison, le directeur de cet établissement parce que là on passe de l'administratif ou pénal et de même je crois qu'il faut établir une distinction entre une situation dans laquelle un élu ou un décideur public n'a rien personnellement à y voir et une décision dans laquelle il a commis une faute et une faute intentionnelle.
Bon, prenez l'exemple des gens qui, par exemple, prennent dans la caisse, bon ils le font pas par hasard, ils le font parce qu'ils l'ont décidé, là il faut être absolument sans pitié.
Donc je crois que il faut dissiper un peu ces confusions et je pense que si vont veut qu'on ait une démocratie locale vraiment forte et et vivante, il faut revenir à des principes qui sont pas du tout des principes spéciaux pour les décideurs publics mais qui correspondent simplement à la réalité des faits alors quand je parle d'un statut moderne des élus c'est quelque chose de plus général.
Moi je veux rendre hommage aux élus locaux, nous avons en France 500 000 élus locaux, qui font en général un travail formidable, ce sont des gens extraordinairement dévoués et je pense que si on évite des difficultés économiques, des difficultés sociales, dans beaucoup de cas, c'est grâce à ces élus locaux qui sont des hommes et des femmes vraiment admirables et donc au lieu de leur taper dessus c'est trop facile, c'est parfois démagogique, en disant « attention ils font pas ce qu'il faut », il faut rendre hommage à leur travail et ne même temps les mettre dans une situation correcte.
Anita HAUSSER :
C'est-à-dire mieux les payer ?
Laurent FABIUS :
C'est peut-être pas seulement de ça qu'il s'agit, mais je ne sais pas si vous savez par exemple que, un élus même s'il a été élu pendant vingt ans ou vingt cinq ans, il n'a aucune couverture sociale, un prisonnier a une couverture sociale, un élu n'a pas de couverture sociale, que vous savez aussi qu'un des problèmes qu'on a aujourd'hui c'est que c'est très difficile à diversifier l'origine sociologique des élus, or moi je pense en tant que démocrate, qu'il faudrait qu'on puisse avoir des élus locaux qui viennent de tous les horizons professionnels. Aujourd'hui vous avez essentiellement des fonctionnaires ou des retraités, bon. Il faudrait qu'on prenne des dispositions pratiques pour qu'il y ait une formation, pour que si on quitte son poste on puisse le retrouver ou tout au moins qu'on retrouve des solutions, bon, c'est ça un statut moderne de l'élu local et je pense que si on veut vraiment une démocratie vivante et une diversification d'origine des élus et une diversification de fonctionnement de la vie locale il faut aller vers ce statut moderne des élus.
Olivier MAZEROLLE :
Ah dites donc Monsieur JOSPIN n'était pas du tout de votre avis, il y a encore quinze jours il disait « ah c'est par une priorité ».
Laurent FABIUS :
J'ai discuté avec Lionel de la question, non pas du statut, mais de la responsabilité qu'on abordait il y quelques minutes et il a demandé à une commission qui est présidé par un conseil d'état, qui s'appelle Monsieur MASSOT, de travailler sur ce sujet et je pense que peut-être a-t-il été mal compris, enfin il dira ce qu'il veut dire, et au moment où il souhaitera le dire, sur le statut, disons que peut-être y a-t-il encore des marges, en tout cas moi qui était premier adjoint pendant 18 ans, et donc qui connaît ce dont je parle et qui suit maire depuis maintenant quelques années, je mesure à quel point c'est un élément fondamental de la république et donc je souhaite qu'on aille dans ce sens-là.
Olivier MAZEROLLE :
Et la réforme du statut est une condition pour le vote sur le cumul des mandats ?
Laurent FABIUS :
Alors sur le statut général si vous voulez c'est différent, mais précisez peut-être ce qu'est la responsabilité pénale des décideurs publics, pour moi ce n'est pas une condition au sens juridique mais peut-être ça créerait un climat qui serait un peu différent.
Olivier MAZEROLLE :
Une question sur les 35 heures de Patrick JARREAU.
Patrick JARREAU :
Oui Monsieur FABIUS on connaissait l'opposition d'une partie du patronat en tout cas du MEDEF aux 35 heures, ce qu'on a un peu découvert la semaine dernière c'est que la loi sur les 35 heures, là où elle commence à s'appliquer, pose des problèmes aux salariés, on l'a vu dans les transports en commun, dans d'autres services publics. Au fond, on a l'impression que ces salariés ont le sentiment de se faire un peu avoir à l'occasion de ces 35 heures et de concéder au patronat d'avantage de flexibilité qu'ils gagnent, eux, de temps libre. Alors vous même, vous étiez partisan d'aller plus loin puisque vous plaidiez pour la semaine de 4 jours, est ce que ces premières réactions vous font réfléchir ?
Laurent FABIUS :
Moi j'ai pris des positions depuis longtemps sur la base d'une certaine souplesse, je pense que là où on le peut ou là ou on le pouvait, passer à 4 jours de travail par semaine permet vraiment un changement de vie, donc appelle aussi des compensations, ce n'est pas possible partout mais d'ailleurs il y a plusieurs accords qui aboutissent à cette conclusion là, enfin ce n'est pas possible partout. Alors maintenant la loi a été votée et donc on entre dans la discussion, il y a déjà pas mal d'entreprises qui sont passées aux 35 heures, certaines l'ont fait parce que, disons, elles étaient plus allantes ou peut être c'était moins difficile, d'autres l'ont fait alors que c'était difficile. Maintenant dans les semaines et les mois qui viennent, tout est dans la discussion et il faut donc trouver le point d'équilibre en respectant la loi pour que, à la fois, cela permette évidemment aux entreprises de s'en sortir parce que si ça a comme conséquences que l'entreprise ferme ou doit licencier, cela n'a aucun intérêt et en même temps les salariés y doivent trouver leur compte. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut décider là à 4 autour de notre table mais ça doit induire un dialogue, un dialogue social très profond dans chaque entreprise. Il n'est pas question évidemment, parce que sinon alors ce serait complètement à conte sens, que cette loi qui est faite dans un esprit progressiste se traduise par un recul social sinon on n'y comprendrait plus rien. Il va y avoir bien sûr un autre thème qui est que, comme vous le savez, il y a aussi l'application de cela dans le secteur public enfin dans les fonctions publiques, les fonctions publiques communales, les fonctions publiques d'état et fonctions publiques hospitalières et là aussi il va falloir discuter avec précision parce que les conditions ne sont pas exactement les mêmes que dans le privé, on le comprend bien, ce n'est pas la même compétitivité et en plus il ne s'agit pas d'alourdir les charges des contribuables mais en même temps les salariés de ces secteurs disent « si vous l'avez fait dans le privé, pourquoi vous ne le faites pas dans le public ? ». Donc bon, c'est une orientation générale, la réduction de la durée du travail donc je pense qu'elle est un mouvement historique, d'ailleurs de plus en plus de gens en conviennent mais en même temps j'ai toujours soutenu et je continue à soutenir qu'il faut faire preuve de beaucoup de souplesse dans l'application.
Olivier MAZEROLLE :
Cette loi crée des emplois en nombre important ?
Laurent FABIUS :
D'après les indications que nous a donné Martine AUBRY, elle a commencé à créer un certain nombre d'emplois. Je pense que les créations d'emplois dans les années qui viennent ne viendront pas d'abord de la réduction de la durée du travail mais que cette réduction peut y contribuer.
Je pense que ça viendra d'abord de la croissance, ça c'est clair et c'est ce qu'on voit déjà depuis 2 ans et demi et c'est une des grandes réussites de la période, à la fois liée à la politique gouvernementale et liée à la conjoncture générale.
Les créations d'emplois viendront aussi d'allègement de charges, les créations d'emplois viennent et viendront de l'action nouvelle qu'on va susciter en matière de création d'entreprise parce que là on a encore beaucoup à faire et puis il y a ce mouvement en direction de la réduction de la durée de travail. C'est l'ensemble de tout cela…
Olivier MAZEROLLE :
Il n'est pas prioritaire pour vous ce mouvement !
Laurent FABIUS :
Si, non mais…
Olivier MAZEROLLE :
Vous le mettez en quatrième position !
Laurent FABIUS :
Non mais je ne fais pas de hiérarchie, je crois que, si vous voulez il y a déjà eu une conséquence de cette réduction, c'est que dans des entreprises où on ne se parlait pas, c'est un des problèmes de la société française ou de l'économie française, c'est que le dialogue a du mal à passer.
Et là à travers la discussion sur les 35 heures, on se parle et en se parlant on réorganise un certain nombre de choses, donc de ce point de vue là c'est positif.
Alors deuxième aspect, il faut que ça aboutisse à des créations d'emplois, il y a des entreprises où c'est plus facile, des entreprises où c'est difficile notamment les toutes petites entreprises mais il faut trouver des schémas d'application et ça ne peut se faire que par la discussion.
Olivier MAZEROLLE :
Vous dites création d'emplois par l'allègement des charges, or l'allègement des charges est désormais conditionné par la loi à l'application d'un accord qui intervient dans les entreprises sur les 35 heures. Alors est-ce légitime de lier les deux choses ?
Laurent FABIUS :
Il y a deux catégories d'allègement des charges, le gouvernement a commencé à procéder, il a eu raison, à des allègements de charges, notamment vous l'avez vu lorsqu'il a changé l'assiette des cotisations sociales, ça c'est un allégement qui a valu pour tout le monde. Et puis il y a un deuxième allègement, celui auquel vous faites allusion, qui est lié la réduction de la durée du travail, ça c'est un allègement supplémentaire, je comprends très bien la logique qui a été retenue, je pense que ça doit s'inscrire dans un mouvement général. J'ai plaidé déjà depuis pas mal d'années pour un allègement des impôts et des charges qui pèsent aussi bien sur les ménages que sur les entreprises. On a commencé d'agir dans cette direction, c'est très bien il faut continuer, il faut aller plus loin.
Patrick JARREAU :
Mais d'un autre côté le passage aux 35 heures s'accompagne aussi de la modération salariale, et on voit bien que chez un certain nombre de salariés ce qui est contesté c'est la flexibilité, on vient d'en parler, mais c'est aussi la modération salariale, en période de croissance, ils sont pas contres les 35 heures mais ils voudraient bien que leurs salaires augmentent…
Laurent FABIUS :
C'est vrai et c'est une des raisons pour lesquelles alors même que la situation macroéconomique, comme disent les techniciens, est bien meilleure qu'elle était avant et alors même qu'elle va devenir de meilleur en meilleur et c'est quand même une des grandes réussite de la période dont il faut créditer le gouvernement, vous allez avoir vraisemblablement des tensions sociales, pourquoi ? Parce que historiquement on sait que quand la conjoncture générale s'améliore et bien très légitimement, les français, les salariés ou les non salariés disent « qu'est ce qu'il y a pour moi ? », donc on va assister à cet élément là et peut être en particulier dans le public mais plus généralement. Et puis il y a un autre problème qu'on est en train de connaître enfin auquel on est en train de se confronter, c'est que la situation s'améliore énormément pour les gens qui ont une bonne formation puisque dans certains secteurs déjà nous sommes… nous n'arrivons pas à satisfaire la demande de travail, il y a des secteurs qui ne trouvent plus de gens pour travailler mais en revanche pour les personnes peu formées ou mal formées, là vous avez des taux de chômage qui restent importants. Et donc l'une des directions dans lesquelles il va falloir travailler et le gouvernement s'en préoccupe et il a raison, c'est comment cibler en particulier l'action maintenant économique et sociale sur les catégories peu formées ou sur les régions ou les secteurs économiques en difficulté. Si vous voulez, l'un des principaux objectifs de la période c'est que la bonne situation économique globale de la France doit désormais profiter à tous et doit s'accompagner de l'engagement de la réforme de fond que chacun s'accorde à trouver nécessaire.
Anita HAUSSER :
Monsieur FABIUS, vous avez fait grand bruit à la rentrée lorsque vous avez demandé une réduction des impôts et vous avez immédiatement entendu puisque le gouvernement a annoncé une réduction de 38 milliards pour le budget 2000, 38 milliards, le chiffre est d'ailleurs contesté.
Vous dites aussi que la gauche peut perdre les élections au cause des impôts.
Alors quelles réformes précises préconisez-vous et est-ce que vous iriez jusqu'à accepter une réduction des effectifs de Bercy ?
Laurent FABIUS :
Alors ce n'est pas une question simple, est-ce que vous me donnez 2, 3 minutes pour essayer de répondre ?
Anita HAUSSER :
Oui, oui vous les avez !
Laurent FABIUS :
Bon. Ça fait déjà plusieurs années que je m'exprime en ce sens parce que tout simplement, autant je crois qu'il faut être doux avec les gens autant il faut être dur avec les faits, et les faits c'est nous avons des impôts t des charges qui sont plus lourds en France que dans beaucoup de pays voisins.
Et puisque maintenant nous avons fait le choix et nous avons raison de faire le choix de l'Europe, si on ne veut pas que les entreprises se délocalisent et qu'un certain nombre de responsables surtout qui ont des patrimoines ou des ressources importantes s'en aillent et bien il faut que nous ayons pas des charges ou des imports trop lourds donc ça fait déjà plusieurs années que je le dis et si, quand je me suis exprimé, d'ailleurs c'était dans Le Monde à la rentrée, cela a fait un certain bruit, c'est parce que c'était moi qui m'exprimait, il ne faut pas non plus avoir les chevilles qui enflent, c'est parce que ça correspond à une réalité et à un sentiment de beaucoup de gens.
J'ajoute un point qui n'est jamais soulevé c'est que, pourquoi est-ce que je suis très hostile au fait que, disons il y ait des délocalisations si nombreuses et des gens qui s'en aillent ?
Bon, certains disent mais après tout ils s'en vont, ils s'en vont ! Mais non, c'est que, comme les dépenses, elles doivent être de toutes les manières, payées par des recettes correspondantes, si des entreprises en grand nombre s'en vont et des contribuables aussi, c'est ce qui reste, Madame HAUSSER et vous 2, nous 3, nous 4, enfin c'est tout le monde qui reste qui les payent.
Donc je crois qu'il y a une ligne simple qui est il faut essayer d'alléger ces impôts et ces charges. Mais c'est la question à laquelle nous m'invitez à répondre, ce serait de la démagogie de dire ça si on regarde pas du côté de la dépense parce que si on veut à la fois réduire les impôts, réduire les déficits, si on ne regarde pas du côté de la dépense, on ne va pas y arriver.
Alors c'est la raison pour laquelle il faut engager des réformes très importantes sur, je dirais, une meilleure efficacité de la dépense.
Je ne demande pas dans un premier temps qu'on diminue massivement ceci ou cela mais déjà que l'on soit plus efficace avec les mêmes sommes et là on a un travail à faire qui ne coûte rien mais qui, en revanche peut rapporter gros, par exemple, c'est quand même extraordinaire que, en France on ne connaisse pas le patrimoine des administrations, on ne connaisse pas les dettes des administrations, on ne connaisse pas ce qu'elles vont pouvoir récupérer dans les années qui viennent. Si RTL, par exemple, ne connaissait pas quel est son patrimoine, ne connaissait pas quelles sont ses dettes pour le futur ou sur quoi elle peut compter, vraisemblablement ça ne marcherait pas, or en France il n'y a pas de comptabilité patrimoniale, c'est quand même une histoire de fou, ce qui fait que vous avez des débats qui, dans d'autres pays seraient surréalistes. En ce moment, il y a un débat, vous l'avez vu, combien est-ce qu'on va avoir de recettes en plus, vous l'avez vu ce débat là, bon je préfère que ce soit le débat dans ce sens là plutôt que quel va être l'augmentation du déficit, mais c'est quand même le degré zéro du débat politique, bon un vrai débat devrait être, voilà la situation connue de tous…
Olivier MAZEROLLE :
Vous ne la connaissez pas ?
Laurent FABIUS :
A 15 milliards près non !
Olivier MAZEROLLE :
Non mais parce que le gouvernement est affirmatif d'un côté, l'opposition l'est de son côté mais…
Laurent FABIUS :
Oui mais il devrait y avoir un juge de paix, la Cour des comptes ou un autre. Je suis allé récemment faire une mission en Australie, là-bas il y a un rapport publié peut-être toutes les années par un auditeur général qui dit voilà la situation, voilà la situation du pays, voilà ce qu'on a, voilà ce qu'on doit etc. Et à partir de là le débat politique peut porter sur la question suivante : voilà la situation qu'est-ce qu'on fait, est-ce qu'on va dans ce sens là ou est-ce qu'on va dans un autre sens mais en France, ça porte sur, non pas qu'est-ce qu'on va faire de la situation mais quelle est la situation, donc voyez, il y a quelques améliorations de ce type à opérer et je pense en plus que, on l'a commencé avec la commission des finances et Dominique STRAUSS-KAHN comme Christian SAUTER aujourd'hui devenu ministre de l'économie, sont très favorables à cette orientation. Il faut qu'on soit efficace, plus moderne dans la gestion de l'état.
Olivier MAZEROLLE :
Oui, alors ça, ça devrait, c'est une réforme de méthode qui…
Laurent FABIUS :
Oui, mais qui touche au fond.
Olivier MAZEROLLE :
Qui touche au fond, mais qui en elle-même pose probablement moins de problèmes que celle à laquelle faisait allusion Anita HAUSSER, c'est-à-dire les réductions d'effectifs dans certaines administrations.
Laurent FABIUS :
Prenons un exemple : euh, actuellement on est en train de discuter du budget. Le budget, et ça fait trente ans que c'est comme ça, donc c'est pas imputable à tel ou tel gouvernement, au lieu de se fixer des objectifs en terme de résultats, pour la politique de sécurité, pour la politique d'équipement, pour la politique d'éducation, on se fixe exclusivement des objectifs en terme de dépenses, c'est-à-dire qu'un ministre arrive et dit moi j'ai obtenu une augmentation de 5 % du budget, tout le monde applaudit. Un autre ministre arrive un petit peu plus, plus penaud, et dit moi je suis désolé, j'ai eu 3 % en moins. On dit oh il est pas fort celui-là.
Mais ça peut pas fonctionner comme ça, ce qui compte, c'est pas de se fixer des objectifs en terme de dépenses, mais en terme de résultats, ce qui intéressent les français, bon donc il faut qu'on soit capable d'aligner à côté des objectifs en terme de dépenses des objectifs en terme de résultats, et à partir de ce moment là on pourra dire on va attribuer au ministère de l'Equipement vous dépensez un peu moins que les sommes qui vous sont attribuées et bien on vous donnera collectivement, il ne s'agit pas d'individualiser pour les fonctionnaires une partie des économies que vous aurez fait. C'est comme ça qu'on arrive à quelque chose.
Olivier MAZEROLLE :
D'accord. Prenons un exemple : il y a deux administrations en France qui s'occupe des impôts, l'administration des impôts qui les calcule et l'administration du trésor qui les encaisse. Est-ce que ce système là est moderne, efficace et correspond à votre vision de la dépense publique ?
Laurent FABIUS :
Il est pas très moderne et j'étais moi-même mis en charge de ces administrations et je sais qu'on peut progresser, ce sont des fonctionnaires de grande qualité, mais si on arrive à rapprocher les administrations et si on ne menace pas individuellement les fonctionnaires, il ne s'agit pas de dire aux fonctionnaires qui sont actuellement mis en place, vous allez perdre votre poste, ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais on peut sur plusieurs…
Anita HAUSSER :
Il s'agit quand même de réorganiser, éventuellement de réduire les effectifs, pardonnez-moi, mais c'est comme ça.
Laurent FABIUS :
Réorganiser et on peut sur plusieurs années arriver, parce qu'il y a d'autres administrations, peut-être qui ont besoin d'un certain nombre de choses, on parlait des hôpitaux ou d'autres administrations et on peut donc faire évoluer les administrations en fonction du changement, des changements dans la société. Donc il ne s'agit pas de dire on était à un niveau 100, on passe à un niveau 50, ça c'est de la démagogie, mais on peut en tout cas être plus efficace en ne dépensant pas davantage.
Olivier MAZEROLLE :
Monsieur FABIUS, tout à l'heure vous parliez des délocalisations, et de ceux qui s'en vont les plus dynamiques, les plus innovateurs, les cerveaux, enfin bon, que sais-je, très bien, simplement on entend souvent à gauche, au sein même du gouvernement ou au sein du parti socialiste, des gens qui disent, mais ça ce sont des problèmes mineurs, ça ne concerne qu'une minorité de la population, de toute façon ce qui est important c'est la répartition à travers l'impôt…
Laurent FABIUS :
La redistribution…
Olivier MAZEROLLE :
La redistribution, pardon, à travers l'impôt et arrêtons de nous parler de ces problèmes. Ces problèmes-là c'est bon pour Monsieur JAFFRE qui s'en va avec des tonnes de stocks options !
Laurent FABIUS :
L'exemple de JAFFRE est caricatural bon mais il ne faut pas que la caricature dissimule la forêt si je puis dire.
Tout est important et on ne peut pas dire, vive la création de richesse par l'entreprise et à bas les entrepreneurs, il y a quand même une certaine cohérence, donc il faut opérer des réformes, certainement commencées d'être faites, qui soient à la fois plus efficace et plus justes.
Bon dans le cas que vous m'avez cité, c'est ou bien le problème des stock options ou bien le problème de l'actionnariat salarié et là il va falloir que nous évoluons d'ailleurs je voyais une déclaration de François HOLLANDE récemment qui montre qu'il a parfaitement compris le problème.
Le problème se pose comment ? Pendant des années et des années, nous avons dit voilà on s'intéresse exclusivement à ce que perçoivent les salariés, est-ce qu'il y a une augmentation et si les augmentations ne sont pas assez fortes, et bien il va y avoir la redistribution c'est-à-dire que on demande des impôts et on les redistribue aux mêmes ou à d'autres. Bien, c'est très bien ce système mais on s'aperçoit que une grande partie de la création de richesse en France va aux actionnaires parce que les entreprises ont créé de la richesse et donc la question devient qui sont les actionnaires ?
Et quand on regarde ce qui s'est passé depuis 5 ans, le nombre des actionnaires français n'a absolument pas augmenté, le nombre des actionnaires privés et donc on peut garder évidemment toute une série de théorie mais si on conserve les théories précédentes c'est-à-dire on ne s'intéresse pas à l'actionnariat salarié, la seule chose qui nous intéresse c'est le salaire, et bien on va voir petit à petit la création de richesse aller au profit de ce qu'on appelle les fonds de pensions essentiellement américains, au profit des veuves écossaises, des retraités californiens et du coup les salariés français et bien vont se trouver bernés et si on veut leur redistribuer quelque chose il va falloir augmenter les impôts avec les effets pervers que je disais tout à l'heure donc notre réflexion a évolué et je pense que des projets de loi, des propositions de loi, des projets de loi seront déposés l'année prochaine dessus pour dire comment est-ce qu'on va associer les salariés à la création de richesse dans une entreprise c'est-à-dire qu'il y aura bien sûr redistribution mais il y aura aussi répartition directe un petit peu plus juste.
Patrick JARREAU :
Alors est-ce qu'il faut associer ce problème là et celui du financement des retraites à l'horizon 2015, 2020, 2040, autrement dit créer des fonds de pension à la française ?
Laurent FABIUS :
C'est pas exactement le même problème, il y a la question de l'actionnariat salarié qui existe et moi je suis favorable à ce qu'on prenne des mesures pour que ceux qui créent la richesse, soit les salariés, soit…
Patrick JARREAU :
Soient actionnaires de leur propre entreprise !
Laurent FABIUS :
Oui de leur propre entreprise ou d'entreprises voisines. Et puis alors il y a un autre problème qui est celui des retraites qui est un sujet que doit aborder le gouvernement au début de l'an prochain et qui sans faire de catastrophisme, il ne s'agit pas de faire de catastrophisme mais à terme pose quand même le sujet.
Il y a d'ailleurs pas besoin d'avoir fait polytechnique pour comprendre cela, une petite fille sur deux ou un petit garçon sur deux qui né aujourd'hui vivra plus de 100 ans, bravo, surtout si ça permet de rester en bonne santé et on peut comprendre qui si tous ces petits enfants vivent plus de 100 ans et que on maintient par ailleurs les régimes actuels, ça va quand même peut être poser un certain problème de financement donc il faut s'y prendre à l'avance, plus on s'y prendra à l'avance, mieux ce sera et parmi les dispositions moi je suis pour maintenir le système actuel de répartition qui fonctionne bien et qui a assuré la garantie de nos retraites mais peut être faut-il envisager des compléments, parmi les compléments il y a ce qu'on appelle les fonds, moi ce que j'appelle les fonds partenariats de retraite c'est-à-dire des fonds qui, à la différence des fonds américains, seraient gérés par des… en tout cas surveillés par des représentants, à la fois des patrons et des salariés qui permettraient aussi d'éviter un certain nombre d'OPA hostiles comme on en a vu dans le passé et qui associeraient les retraités français à la création de richesses en France.
Il n'y a pas de raison que quand telle ou telle grande société française progresse, à cause du travail des salariés français, ce soit exclusivement au bénéfice des américains, des japonais ou des coréens.
Olivier MAZEROLLE :
A propos de régulation Monsieur FABIUS, finalement à gauche on dit mais on accepte la société de marché, mais il faut réguler tout ça. Bien. La question est de savoir où on place le curseur de la régulation. Monsieur JOSPIN dit moi je suis social-démocrate et je ne veux pas être un démocrate de gauche. Etre socialiste, c'est s'efforcer de réduire les inégalités.
Presque en écho Monsieur SCHOEDER, dans Le Monde, il y a quelques jours, répondait : mais moi je ne pense pas qu'il soit souhaitable d'avoir une société sans inégalités, ça se termine par l'écrasement de l'individu, donc il faut penser à l'égalité des chances, mais pas à l'égalité de résultats. De qui vous sentez-vous le plus proche ?
Laurent FABIUS :
De moi même.
Olivier MAZEROLLE :
Mais encore ?
Laurent FABIUS :
Bon la question des inégalités, elle est vieille comme le monde. Evidemment qu'il faut arriver à plus d'égalités des chances, c'est le début de la justice dans une société et on en est loin en France.
Quand vous regardez par exemple le système scolaire, il n'est pas exact qu'il y ait une égalité des chances. Il y a des enfants qui au départ ont de grandes chances de réussir et c'est très bien, mais d'autres qui ont très peu de chances de réussir. Et je trouve que l'une des choses les plus importantes, pour un gouvernement comme le nôtre, c'est de faire en sorte que vraiment on arrive vers cette plus grande égalité des chances.
Alors, inversement, si ça veut dire qu'il faut que tout le monde soit nivelé, non personne ne veut de cette société là. Donc, le débat, je pense qu'il faut essayer de, vous ne l'avez pas fait bien sûr, le caricaturer. Il faut une plus, une vraie égalité des chances, mais en même temps une diversité de talents, et il faut essayer d'éviter que le mouvement de développement économique se traduise par une égalité extraordinaire, parce qu'après c'est la société qui explose.
Patrick JARREAU :
Monsieur FABIUS, est-ce que vous avez été choqué vous, quand vous avez entendu le Premier ministre début septembre au moment où MICHELIN annonçait la suppression de 10 % de ses emplois, alors qu'elle faisait, annonçait dans le même temps des résultats extrêmement positifs, est-ce que vous avez été choqué d'entendre le Premier ministre dire au fond l'Etat ne peut pas administrer l'économie et ne peut pas intervenir sur les décisions d'une entreprise privée.
Laurent FABIUS :
Non. Moi, je pense qu'on a fait un mauvais procès à Lionel JOSPIN dans cette affaire. Bon, peut-être que son expression n'était pas exactement celle qu'il aurait voulu, parce que vous savez, quand on fait une émission, et on vient d'en montrer l'exemple, c'est pas au quart de millimètre.
Patrick JARREAU :
D'accord, mais sur le fond, vous êtes d'accord avec ce qu'il a dit ?
Laurent FABIUS :
Sur le fond, sur le fond, je crois que l'état peut faire pas mal de choses mais qu'il ne peut pas tout faire et en revanche il y a des domaines dans lesquels il doit intervenir alors Olivier MAZEROLLE disait la régulation bon et maintenant je suis aussi pour la régulation mais il ne faut pas que ce soit comme chez Molière le poumon, le poumon, le poumon puis que l'on ne voit pas ce qu'il y a dedans.
Bon, la régulation ça signifie que dans toute une série de domaines, l'audiovisuel, certains aspects économiques, bancaires ou autres, ce n'est pas l'autorité politique elle-même qui prend la décision mais on s'en remet à certaines autorités qui ont été instituées pour prendre les décisions et c'est bien mais ça ne vide pas la question parce que le politique, il doit dans ce système de régulation conserver deux rôles qui sont essentiels, d'abord c'est à lui de fixer les règles au nom desquelles la régulation va s'opérer alors sinon autant, comme on dit, plier les gaules, si le politique n'a rien à dire sur ces fameuses règles par exemple pour l'OMC quand on va discuter dans les jours qui viennent ou en matière audiovisuelle, le politique à ce moment là on dira mais à quoi servez-vous et deuxièmement le politique doit quand même contrôler si l'autorité de régulation a bien respecter les règles qu'il a fixées donc la régulation d'accord mais ça ne dessaisit pas le politique complètement de son intervention.
Même si, l'idée qui me traverse l'esprit dont je vous dis un mot, même si les nouvelles conditions de fonctionnement de la société changent beaucoup les choses, la façon de voir les choses.
Par exemple, j'ai l'air de sauter du coq à l'âne mais c'est un futur débat très important, en matière audiovisuelle, la France est attachée à la diversité culturelle, elle a raison, on n'appelle plus ça exception culturelle, on appelle ça diversité culturelle et je trouve ça très bien, et on dit en particulier il faut favoriser peut-être les systèmes de quotas, peut-être permettre qu'il y ait des interventions publiques, je suis absolument d'accord, je crois que c'est central et qu'il faut s'intéresser non seulement à l'économie mais à la culture, à l'environnement, etc.
Mais qu'est-ce qui va se passer lorsque Monsieur X, producteur américain, va, depuis San Francisco ou Los Angeles, mettre dans une machine Internet un film qui aura été produits aux Etats-Unis et qu'on va le voir apparaître sur notre écran français, qui aujourd'hui est un écran Internet, peut-être pas exactement de même qualité qu'un écran de film mais qui dans deux ans ou trois ans sera exactement de la même qualité, si on intervient pas, si on a pas quelque chose à dire sur la régulation Internet, à ce moment là, tous nos beaux discours sur l'exception culturelle ou la diversité culturelle, ils seront dépassés donc ce que je veux dire c'est que la régulation je suis pour, trois fois pour mais il faut comprendre maintenant qu'il faut l'appliquer au niveau français, européen et même mondial sinon ce sera la ligne Maginot et en général ça ne se termine pas bien.
Olivier MAZEROLLE :
Merci Monsieur FABIUS, c'était votre Grand Jury, la semaine prochaine nous recevrons Jean-Louis DEBRE, Président du groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale, bonne soirée à tous.